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Mutualisation des risques bancaires, le retour
CHRONIQUE. Des banques ont trouvé un moyen de transférer une partie de leur risque au contribuable. Avec opacité et discrétion
En assurant leurs portefeuilles de crédit, les banques peuvent apparaître plus solides qu’elles ne le sont en réalité.
Comme parfois en finance, l’idée partait d’une bonne intention. Depuis la crise financière, les gouvernements et banques centrales ont cherché à tout prix à faire en sorte que les banques accordent davantage de crédits aux entreprises, afin de faire repartir la croissance. Les milliers de milliards déversés sur les marchés financiers n’ont pas vraiment eu l’effet escompté. Puis le Fonds européen d’investissement a eu une idée. Ce partenariat public-privé qui veut soutenir les PME s’est de plus en plus impliqué dans une niche du marché financier dans laquelle des banques paient des investisseurs pour qu’ils prennent en charge d’éventuelles pertes sur des crédits.
En pratique, une banque package un ensemble de crédits, le plus souvent accordés à des entreprises. Elle calcule la quantité de fonds propres qu’elle doit détenir pour se protéger d’éventuels défauts sur ces crédits. Puis la banque s’assure contre ces éventuelles pertes en payant un investisseur. Il peut s’agir d’un hedge fund, d’un fonds de pension ou… du Fonds européen d’investissement.
Rattrapée par l’ingénierie financière
Tant que le portefeuille de crédits ne subit pas de défaut, l’investisseur-assureur reçoit un rendement attrayant, sur un actif auquel il n’aurait normalement pas accès. Lorsque des pertes se produisent, l’investisseur-assureur dédommage la banque, qui essuie aussi une partie des pertes (pour éviter qu’elle ne soit tentée de bourrer son pack de crédits avec des produits pourris). Mais la beauté de cette forme de titrisation synthétique est qu’elle permet à la banque de mobiliser moins de capital pour couvrir ces crédits. Ce qui devrait en théorie lui permettre de distribuer davantage de financements à la vraie économie.
Comme souvent en finance, cette belle intention a été récupérée par l’ingénierie financière, et un peu tordue. La banque en question donne l’illusion de s’être débarrassée d’une partie de ses risques. Elle paraît donc plus sûre qu’elle ne l’est en réalité. Puis, si les choses tournent mal – par exemple si une récession venait massivement empêcher les entreprises endettées auprès de la banque de rembourser leurs emprunts –, les pertes qu’aurait dû subir la banque seront transférées à l’investisseur-assureur. C’est-à-dire au hedge fund, au fonds de pension ou au Fonds européen d’investissement – soit, dans ce cas, au contribuable. Justement ce que les réglementations post-crise financière ont voulu éviter. C’était une autre bonne intention de départ.