JO 2024 : l’absence annoncée des nageurs sauveteurs CRS sur les plages inquiète les élus
Les nageurs sauveteurs CRS ne seront pas présents sur les plages pour l’été 2024 mais seront affectés à la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques. Un scénario qui préoccupe fortement les élus des communes littorales.
C’est en novembre dernier que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annonçait la mise en place d’une mesure exceptionnelle qui a surpris les élus : « ll n’y aura plus de CRS des plages cette année-là » , avait-il déclaré lors d’une audition devant les commissions de la culture et des lois du Sénat.
Pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 – du 26 juillet au 11 août et du 28 août au 8 septembre – aucune compagnie républicaine de sécurité - maîtres-nageurs-sauveteurs (CRS-MNS) ne sera affectée sur les plages.
L’AMF estime que « cette annonce menace le maintien de l’ordre public, le dispositif de surveillance et de sauvetage des baigneurs et la protection de l’environnement sur les plages, pourtant très fréquentées en période estivale. La sécurité est une compétence régalienne et les maires n’ont pas les moyens de pallier l’absence de CRS et autres forces mobiles » (lire Maire info du 2 novembre).
Les élus sont de plus en plus inquiets et le gouvernement ne semble pas vouloir bouger sur cette question.
Un danger pour le tourisme littoral
« Alors que toutes les forces de sécurité seront mobilisées à la protection des sites olympiques, c’est donc le tourisme évènementiel et littoral qui sera le « laissé pour compte » de l’État, a déclaré mardi la députée Alexandra Martin pendant la séance de questions au gouvernement. Si l’organisation des jeux Olympiques nécessite en effet des mesures exceptionnelles de sécurité, celles-ci ne doivent pas se faire au détriment des milliers de communes françaises qui accueillent, chaque année, d’importants évènements culturels et sportifs. »
Car si le ministre de l’Intérieur assurait que la France allait « continuer à vivre » pendant cette période, une menace d’annulation pesait sur les festivals. Début janvier, la ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, a assuré que les festivals auront bien lieu « dans les conditions habituelles. »
En revanche, si le gouvernement se veut rassurant sur l’avenir des festivals, il reste beaucoup plus évasif sur la question de la sécurisation du littoral. Une chose est sûre : les CRS ne seront pas sur les plages cette année. « Les polices municipales ne pourront, à elles seules, assurer le bon déroulement de ces manifestations locales, à portée souvent internationale » , explique Alexandra Martin qui souhaite attirer l’attention du gouvernement sur la sécurité des communes littorales en période estivale.
La députée prend l’exemple de sa circonscription dans les Alpes-Maritimes en expliquant que « plus de vingt kilomètres de plages seraient dépourvus des renforts habituels en CRS » sur les communes de Théoule-sur-Mer, Mandelieu-la-Napoule, Cannes et Vallauris Golfe-Juan.
Sur le littoral girondin aussi, on s’inquiète. La sénatrice de la Gironde Florence Lassarade a interpellé le ministre de l’Intérieur à l’occasion d’une question écrite. Elle explique que « sur la ville de Lacanau, les CRS-MNS représente environ 10 % de la sécurité globale. Les douze kilomètres de côtes de la commune sont sécurisés par une cinquantaine de sauveteurs civils. La surveillance de la plage centrale, zone la plus densément peuplée durant l’été, avec 6 000 vacanciers, demande l’appui supplémentaire de cinq CRS-MNS. Ce soutien complémentaire reste d’une nécessité absolue. »
Alexandra Martin a soulevé aussi le fait que l’organisation des JOP en France allait certainement amener un « afflux de touristes sur [les] plages » et que les municipalités risquaient de se retrouver dépourvues de moyens.
Manque de maîtres-nageurs sauveteurs
Les CRS nageurs sauveteurs ont des missions qui leur sont propres. Ils ont une double casquette et sont à la fois sauveteurs en mer et policiers. Ils jouent donc un rôle indispensable dans la lutte contre les incivilités ou dans la surveillance anti-terroriste par exemple. Ces missions, les maîtres-nageurs civils ne peuvent pas les remplir.
Mais ils sont aussi – et surtout – chargés de surveiller les espaces de baignade autorisés et de faire du sauvetage en mer. C’est la mission qui est commune à ces CRS et aux maîtres-nageurs sauveteurs (MNS). Alors pourquoi ne pas simplement recruter davantage de MNS pour pallier ce retrait temporaire des CRS pendant l’été 2024 ?
La réponse est simple et rend d’autant plus inquiétantes les perspectives pour la surveillance des plages : les collectivités ont de plus en plus de mal à recruter des maîtres-nageurs sauveteurs. Cette carence prend de l’ampleur au fil des années et les professionnels appellent à repenser le métier de MNS pour le rendre plus attractif (lire Maire info du 20 mai).
D’ailleurs l’AMF participe ce jour aux État généraux de l’encadrement et de la surveillance dans la filière aquatique (EGESFA). Ces États généraux visent à poser les bases d’une résolution des fortes difficultés de recrutement pour les surveillants de piscines et baignades (MNS et Brevet national de sécurité et de surveillance aquatique). Maire info reviendra sur le sujet dans une prochaine édition.
Une démobilisation de l’État
Même si le gouvernement insiste sur le caractère exceptionnel de ce désengagement des CRS dans les territoires littoraux, la décision est perçue par les élus comme un abandon de la part de l’État. « Le retrait de cette force régalienne pourrait donner le sentiment aux communes littorales, d’un désinvestissement de l’État et l’envoi d’un mauvais signal quant à la prévention d’actes délictueux » , pointe justement Florence Lassarade.
« La sécurité est une compétence régalienne de l’État » , a rappelé mardi Alexandra Martin. Mais la réponse du gouvernement va en décevoir plus d’un. Le ministre délégué chargé des Outre-mer Jean-François Carenco a tenu à rappeler que la présence de ces CRS sur les plages est avant tout une « tradition historique, et un dispositif auquel nous savons les maires attachés » mais qu’elle n’est pas « une obligation légale de l’État ».
Le ministre a poursuivi en expliquant que « la surveillance des plages et le secours aux personnes en difficulté dans le cadre des activités de baignade incombent aux collectivités. » Le ministre a aussi cité au passage le fameux rapport de la Cour des comptes qui estime que ces CRS envoyés sur les plages coûtent trop cher à l’État (lire Maire info 6 septembre 2018).
Il a cependant assuré que « l’État continuera d’exercer pleinement ses missions régaliennes : policiers et gendarmes continueront de lutter contre la délinquance et la criminalité partout sur le territoire, y compris – et en particulier – dans les villes touristiques. Je tiens à vous rassurer : le principe de renforts saisonniers n’est pas remis en cause et sera de nouveau opérationnel en 2025. »
Concertation
En ce qui concerne le projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques, le texte a été adopté par le Sénat le 31 janvier dernier. Depuis le 1er février, le texte est en première lecture à l’Assemblée nationale.
Un amendement a été voté au Sénat en faveur d’un retour de ces effectifs sur les plages dès 2025. Nathalie Delattre, sénatrice de la Gironde et vice-présidente du Sénat, a annoncé sur Twitter avoir obtenu le 25 janvier dernier que le ministre de l’Intérieur « reçoive en septembre 2023 les maires du littoral pour préparer la saison estivale 2024 et sa sécurisation. »
L’AMF a aussi saisi en novembre dernier la Première ministre pour proposer une concertation associant « l’ensemble des parties prenantes pour trouver des solutions qui ne pénalisent pas les autres communes de France et une certaine idée de notre pays (…). »