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Conflit d’intérêts : le député Olivier Marleix saisit la HATVP sur la réforme des retraites
Le député LR souhaite faire la lumière sur la nature des liens entre le fonds de pension américain BlackRock et la réforme des retraites.
La transparence en question. Alors que le haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye est confronté à une polémique concernant des oublis lors de sa déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), le député Les Républicains Olivier Marleix souhaite que l’instance se penche sur une autre affaire. Au-delà du cas Delevoye, il entend vérifier la nature des liens entre le fonds de pension américain BlackRock et la réforme des retraites. Olivier Marleix a donc décidé de saisir le président de la HATVP, Jean-Louis Nadal. Ce courrier, qui doit être envoyé dès lundi et dont le parlementaire confirme l’existence, s’appuie sur la loi Sapin II (2016), relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
L’article 25 de ce texte, porte sur la « transparence des rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics » mais aussi sur l’activité d’influence pesant sur « la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi… en communication notamment avec un « membre du gouvernement », un « membre de cabinet ministériel » et un « collaborateur du président de la République ». L’initiative du député Marleix s’inscrit dans le prolongement de sa prise de parole, la semaine dernière, à l’Assemblée. Craignant une disparition des « plus hauts cotisants » qu’il évalue à trois milliards d’euros par an en moins pour le nouveau système universel, l’élu avait interpellé Jean-Paul Delevoye en ces termes : « Une partie de la réforme des retraites a déjà été votée dans la loi Pacte et depuis un peu plus d’un mois, votre gouvernement a en effet autorisé le géant des fonds de pension américain BlackRock, qui pèse plus de 6000 milliards d’euros, à collecter directement la retraite privée des Français ».
Contacté par Le Figaro dimanche, Olivier Marleix précise le sens de sa démarche : « La HATVP doit vérifier les actions d’influence qui ont été exercées dans la préparation de la loi Pacte. Il est surprenant que BlackRock, dont les contacts avec M. Macron sont connus, et qui publie sur son site des recommandations au gouvernement - ne déclare aucune action d’entrée en communication avec les pouvoirs publics sur ces sujets ».
Retraites : où est donc passée la « révolution » macroniste ?
EDITO. C’est avec la droite d’Eric Ciotti qu’Emmanuel Macron va donc pactiser pour faire passer sa réforme des retraites. Une alliance qui révèle un virage dans l’ambition réformatrice du premier quinquennat où le big bang des retraites devait illustrer la « révolution » macroniste. Aujourd’hui, en s’alliant avec LR, il prône une réforme très classique, « paramétrique », qui agit comme un repoussoir pour les syndicats et l’opinion.
Une réforme contestée
Ainsi Éric Ciotti, le nouveau et ultra droitier président de LR (Les Républicains), va-t-il très probablement demander à « ses » députés et sénateurs de voter en faveur de la réforme des retraites telle qu’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et le gouvernement s’apprêtent à la proposer, avec cette mesure phare, cette fameuse mesure d’âge légal du départ- 64 ans, et non pas 65- qui provoque tant de rage et de contestation. L’opposant numéro 1 à cette réforme, le leader de la CFDT Laurent Berger, a une fois encore exprimé ce refus syndical unanime- un chœur pourtant rarissime : « La mesure d’âge proposée est la plus dure de ces trente dernières années. Nous sommes opposés depuis toujours à cette vision uniquement comptable, dogmatique. Le paramètre de l’âge est le plus injuste, le plus anti-redistributif ».
Bref, selon Berger et tant d’autres, une réforme in fine de « droite » puisque les « 64 ans » effacent et annulent par principe les quelques mesures de progrès social qui pourraient figurer dans le texte définitif (à propos de la pénibilité, des carrières longues et du montant minimal des petites retraites). Commentaire de Berger, toujours lui, qui décidément ne lâche rien : « la concertation a permis d’avancer sur ces sujets. Même avec des mesures positives sur les carrières longues ou la pénibilité, on reste opposé à la réforme avec une mesure d’âge. Il n’y aura pas de deal avec la CFDT ».
La réforme systémique des retraites devait être fondatrice du macronisme
Ce refus de tout compromis pose problème à Emmanuel Macron. Non pas seulement parce que le syndicat commandé par Laurent Berger est désormais le plus important ; non pas seulement parce qu’il est rarissime, sinon unique, que la si réformiste CFDT s’entête à ce point ; mais parce qu’en réalité, cet affrontement chaque jour plus intense, chaque jour plus violent, ne peut qu’interroger le Président sur son propre destin politique ô combien éclairé, et pas forcément pour le meilleur, par cette fameuse réforme des retraites qui le poursuit depuis le premier jour du… premier quinquennat. Car, souvenons-nous, ce devait être l’un des actes fondateurs du « modernisateur-révolutionnaire » Macron, l’envers d’une énième réforme de comptable [les technocrates disent « paramétriques » pour que nous n’y comprenions goutte], mais une réforme d’abord « systémique » s’attaquant sans détour aux trop fameux régimes spéciaux, une réforme contribuant à re-bâtir le système social français. Une ambition véritable que Laurent Berger, parmi bien d’autres, observait avec intérêt même si ses relations avec Emmanuel Macron s’étaient révélées dès l’origine complexes, sinon mauvaises.
Par-dessus bord, la réforme « systémique ». Le contexte, il faut le reconnaître, ne s’y prêtera guère- les Gilets jaunes, le Covid bien sûr. Et l’opposition déterminée du… premier ministre. Édouard Philippe, il ne faut jamais l’oublier et le négliger, défendait avec acharnement- et quelques forts arguments- une réforme paramétrique et seulement paramétrique, celle dont Berger précisément n’a jamais voulu. Et voilà qu’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et le ministre du travail, l’ex-socialiste Olivier Dussopt, s’apprêtent à proposer une réforme quasi jumelle à celle défendue par le maire du Havre. Une réforme qui semble fort bien convenir au très libéral Éric Ciotti.
Réduit à frayer avec Eric Ciotti sur les retraites
Mais où est donc passé Macron, celui qui prétendait hier encore réduire en miettes les forteresses conservatrices pour construire une « nouvelle société » avec des accents empruntés à Michel Rocard ou, pour les plus vieux d’entre nous, à Jacques Chaban-Delmas ? Désormais, il en est réduit à frayer avec… Éric Ciotti pour peut-être gagner ce qu’il appelle lui-même « la reine des batailles ». Mais où est donc passée la révolution « macroniste » ? Laurent Berger feint de la chercher pour mieux accabler le chef de l’État : « les Français n’ont pas donné de quitus sur les retraites au moment de l’élection présidentielle. Il faut arrêter de raconter des histoires ! C’est ubuesque de dire : »j’ai été élu, j’ai un blanc-seing pour faire cette réforme. Tout le monde connaît les conditions de l’élection, quand même." Et Marine Le Pen de ressurgir...
Que dit d’ailleurs Emmanuel Macron de cette Marine Le Pen qui, elle aussi, s’oppose radicalement à cette réforme des retraites ? Ceci : « n’ayez pas peur du Rassemblement national. C’est quand on a peur que ça arrive ». Très juste, mais qu’est-ce qui arrive ? Avec la reforme des retraites, les macronistes, y compris ceux du premier cercle, se posent la même question. En discuteront-ils avec leur nouvel allié…Éric Ciotti ?