La bronca judiciaire polonaise
La crise actuelle qui oppose Bruxelles à Varsovie en est une bonne illustration. Le plus remarquable dans cette affaire tient en la volonté de la Commission européenne d’imposer aux Polonais la prééminence du judiciaire sur l’exécutif au motif (controuvé) de la séparation des pouvoirs [2]. Ceci n’est pas anodin et permet d’identifier – à partir du cas polonais - une tendance réellement lourde devant aboutir à l’effacement du politique au profit du gouvernement des juges appelés à régler seuls les différends entre acteurs économiques et sociaux. On le voit désormais avec le recours de plus en plus fréquent aux instances arbitrales (internationales ou non) et particulièrement aux tribunaux américains appelés à trancher les contentieux entre groupes transnationaux… « Après s’être attaqué aux banques européennes et à la firme Volkswagen à laquelle le Département américain de la Justice vient d’infliger 4,3 milliards de $ d’amende. C’est au tour de Fiat Chrysler d’être accusé… Transactions et amendes visant des groupes étrangers se multiplient et se chiffrent en dizaines de milliards. La France se convertit à la justice transactionnelle qui pourrait être testée avec UBS… la loi dite Sapin II du 9 septembre 2016 permettant désormais de procéder à des marchandages pénaux » [3]. Des transactions judiciaires courcircuitant la Loi (ou l’annulant de fait) et conduites par des magistrats dont il faut souligner le grand degré général de politisation (d’imprégnation idéologique), dont beaucoup appartiennent à des fraternités opératives et qui appliquent couramment les textes suivant une lecture très anachronique, c’est-à-dire dans un esprit fort éloigné de celui de leurs rédacteurs.
Autrement dit, à titre d’exemple, des gens de justice qui interprètent les textes selon l’air du temps et suivant une sensibilité (supposée compassionnelle) érigée aux noms des Valeurs (flottant dans le ciel étoilé de la dive Union européenne) en normes jurisprudentielles contraignantes, la plupart du temps au mépris d’un intérêt général bien compris. À telle enseigne qu’ « en matière d’immigration, ceux qui décident ne sont ni les ministres, ni les préfets, mais les juges » [4]. Lesquels se font les complices des passeurs en ne voulant voir qu’un acte d’humanité là où se trouve une infraction manifeste associée à un geste politique subversif. Conclusion : « les ministres parlent en matière d’immigration, mais ils ne gouvernent pas, ce sont les juges qui décident aujourd’hui ». Or, au-delà de la seule question migratoire, si nous devons tirer un enseignement de ce constat sans appel, ce serait qu’à présent le politique s’efface tendanciellement devant le juridique. La nature du pouvoir est donc de ce point de vue, en train de changer dans sa substance même. Il serait par conséquent opportun de voir et de savoir où cela nous mène. Non ?
Vers la fin du Politique
De nombreux faits semblent signaler dans un monde en mutation un effacement du politique. Ainsi un déséquilibre significatif se fait jour, de plus en plus visible, entre l’exécutif et le juridique au profit du second. C’est sous cet angle – avons-nous dit - qu’il convient d’interpréter le contentieux opposant la Commission européenne à la Pologne. À l’époque où tout se contractualise (même les rapports amoureux au sein du mariage qui peuvent faire l’objet aux États-Unis d’une nomenclature contraignante), il est dans la logique des choses que l’instance judiciaire arbitrale prenne peu à peu le pas sur un exécutif réduit le plus souvent à la gestion des affaires courantes par des chambres dont le coût budgétaire est exorbitant au regard de leur utilité et plus encore de leur représentativité démocratique. Au reste les Exécutifs court-termistes en raison de leur médiocrité intrinsèque ont-ils réellement les capacités (notamment cognitives), les moyens, la volonté ou l’envie de voir par-delà la ligne d’horizon ? Mais ceci est un autre débat.
Nous devons en effet voir dans le contractualisme une sorte de corrélat du libéralisme ultra, lequel, depuis la vague déréglementaire des années 70 sous la présidence de Gerald Ford a affranchi les marchés financiers des dernières entraves de nature étatique. Dès 1984 la France socialiste s’est alignée sur les fameux reaganomics si bien qu’en 1986 la loi Bérégovoy permettait d’appliquer servilement l’Art. 16-4 de l’Acte unique européen [5]
. Concrètement la Gauche - européiste à tout crin - aura de 1981 à 2005 participé à hauteur de 66% à la libéralisation totale du secteur bancaire tandis que la droite molle n’y aura contribué que pour 34%. La tendance lourde est ici de toute évidence au retrait, voire à l’éviction, de l’État (et simultanément celle du politique) en tant qu’arbitre et régulateur. L’État garant des grands équilibres entre les acteurs et les intérêts économiques individuels ou collectifs, publics et privés, s’efface alors au profit d’accords de gré à gré ou d’adhésion, de personnes physiques à personnes morales, les accords bi ou multilatéraux entre États n’étant au fond que des super contrats.
Triomphe annoncé du contractualisme libéral
Les sociétés modernes sont d’ailleurs à ce point imbibées de contractualisme libéral que « tout individu considère désormais que sa liberté d’agir n’est limitée que par l’assentiment de l’autre » [6]. Contractualisme qui a – soulignons-le - vidé le chimérique Contrat social de Rousseau de tout contenu pour faire du lien social une question fondamentalement privée échappant à la médiation et au contrôle de l’État. Les lois vivant par elles-mêmes finiront par réduire logiquement le pouvoir législatif à n’être plus que résiduel. Le pouvoir réel reviendra alors aux individus et non aux institutions, telle est au final la philosophie de l’anarcho-capitalisme qui par capillarité tend à se diffuser dans l’ensemble du corps social.
Selon cette dynamique, l’État est appelé à se comporter de plus en plus en banal acteur socio-économique, gestionnaire de la chose publique à coup des contrats. Une évolution déjà sensible dans l’Administration qui tendrait à déstatufier ses fonctionnaires (dont le statut est fixé par la loi n° 83-634 du 13 juil. 1983) au profit d’une contractualisation générale, certes dite de fonction publique. Mais ne différant sur le fond du contrat de droit privé qu’à la marge et par le choix des mots. En matière de migration la tendance est tout autant marquée. En témoigne la loi du 7 mars 2016 créant un contrat d’intégration républicaine (CIR) en remplacement du contrat d’accueil et d’intégration (CAI) entré en vigueur en janvier 2007 et dont l’objectif était de contractualiser les engagements réciproques d’un étranger et des autorités françaises… la nationalité hexagonale n’étant plus à partir de là une question d’adhésion mais la conclusion d’un simili engagement sans obligation ni sanction pour le particulier devenu derechef un ayant-droits multicartes.
Dérive institutionnelle et sociétale que nous serions coupables d’ignorer en ce qu’elle balaye ce qui pouvait encore subsister d’une justice distributive (à chacun selon ses mérites) pour faire place à une justice sinistrement commutative. Celle des contrats qui supposerait des contractants à armes et parts égales et sans préjuger du fait que si « tous les animaux sont égaux, certains le sont plus que d’autres » [7]. Un cas de figure où le pot de terre se retrouve placé sur le même pied que le pot de fer !
Une évolution déjà curieusement et paradoxalement annoncée par le théoricien du socialisme Joseph Proudhon « La justice commutative, le règne des contrats, en autres termes, le régime économique ou industriel, telles sont les différentes synonymies de l’idée qui, par son avènement, doit abolir les vieux systèmes de justice distributive, de règne des lois, en termes plus concrets, de régime féodal, gouvernemental ou militaire. L’avenir de l’humanité est dans cette substitution »… Comme quoi, pour ceux qui en douteraient encore, socialisme et libéralisme convergent depuis toujours !
La dislocation des partis
Parmi les mutations en cours, nous venons d’établir que le politique tend à s’effacer au profit d’un juridisme contractualiste conquérant… Autrement dit, faisant la part belle aux accords entre personnes (physiques ou morales) et réduisant ipso facto le contrôle de l’État (et ses immixtions autoritaires) sur les transactions privées. En fait c’est tout l’esprit du droit anglo-saxon moderne qui contamine notre système juridique et par voie de conséquence bouleverse nos institutions et l’esprit de nos lois… ainsi que des structures mentales héritées du monde romain, et presque inchangées depuis vingt siècles. Comprenons que cette configuration inédite modifie notre rapport au monde et la perception que nous en avons (notre filtre idiosyncrasique). Le gouvernement des juges (ceux d’instances arbitrales séparées du domaine régalien) annonce sans conteste un changement de nature du pouvoir.
Transformation qui se manifeste de façon beaucoup plus immédiate et appréhensibles pour qui voulait la voir bien avant l’élection fracassante de M. Macron… Mais que celle-ci a mise à nu. À commencer par la dislocation des partis traditionnels de gauche et de droite et celle du Front national qui - normalement - ne devrait pas survivre à son effondrement d’entre les deux tours. Maintenant reste à savoir si les morceaux peuvent être encore recollés et si les partis décomposés sont susceptibles de resurgir de leurs cendres ? Ceci pourrait être effectivement envisageable si ces éclatements n’étaient en réalité les révélateurs d’un vide de longtemps préexistant. En témoigne déjà la disparition des anciennes lignes de démarcation entre gauche et droite, piteuse confusion des genres qu’a épinglé des formules comme l’UMPS ou la Drauche [8] .
Notons en outre que les factions politiques dominantes sont paradoxalement minoritaires (la République en marche écrase l’Assemblée de tout son poids avec seulement 14,5% des inscrits !). Le condominium (alternatif) sur les affaires publiques socialistes et républicains n’est en fait parvenu à se maintenir pendant un demi siècle que grâce à de tortueuses politiques d’alliance, de redistribution de la manne des postes et des prébendes et de découpages électoraux ad hoc. En un mot la dichotomie droite-gauche non seulement a vécue mais elle était devenue depuis belle lurette une fiction que seule masquait l’inertie du système. Les arbres vermoulus et creux peuvent rester debout indéfiniment en dépit des bourrasques jusqu’à ce qu’un souffle indu les mette à bas ! Or il ne s’agit pas d’une simple reconfiguration du paysage politique mais bien d’un phénomène dont il n’est pas certain que les observateurs aient mesuré toute la portée. Alors qu’elles leçons tirer de la débâcle structurelle des partis ?
La première est que la démocratie n’est de toute évidence plus qu’une coquille vide. On en est à stigmatiser ceux qui (par exemple La Manif pour tous) s’insurgent contre des lois jugées scélérates, au motif qu’il serait antirépublicain (illégal) de critiquer des textes adoptés par les deux assemblées. Mais qui composent le Parlement ? Les votes y sont-ils à ce point légitime qu’il devienne interdit de les contester ? Car par quels mécanismes d’exclusion des partis politiques - plus ou moins fantoches - sont-ils parvenus à tel degré de monopole légal ? Peut-on prendre au sérieux une représentation du peuple interdisant à un quart de l’électorat toute voix au chapitre ? Cela commence à se voir et certains d’ailleurs font mine de s’en émouvoir. Le plus surprenant dans l’affaire n’étant pas que la démocratie soit confisquée mais que se fût tissé un tel consensus du silence autour de ce formidable déni de démocratie, une forfaiture avérée. Que les bénéficiaires se taisent, soit, mais les autorités morales, les intellocrates, les juristes ? Personne ne s’indigne et tous cohabitent jusqu’à présent dans le meilleur des mondes politiciens en négation du principe de souveraineté populaire… Souveraineté dont l’expression parlementaire se trouve à présent réduite à n’être plus qu’une machine à cribler les impuretés idéologiques pouvant gripper le système producteur d’un oppressif goulag consensuel.
Obsolescence du politique
Parmi les leçons immédiates que l’on peut tirer de l’élection du sieur Macron quant à l’effondrement des formations traditionnelles de gouvernement (ou leur servant de repoussoir alias le Front National), nous avons benoîtement feint de découvrir que l’arbre était creux et que les partis politiques n’étaient en vérité que des coquilles pathétiquement vides depuis des lustres. Encore fallait-il le voir pour l’admettre… ou vice versa. La classe politique incapable d’exercer véritablement le pouvoir - s’étant déchargée de toutes ses responsabilités sur la technocratie bruxelloise et finançant les déficit structuraux de l’État au moyen d’un endettement ad libitum - excellait néanmoins dans l’art d’accéder aux Affaires et de s’y maintenir contre vents et marées depuis quarante ans en alternance… pour ne pas dire depuis juin 1944 et l’instauration d’un Gouvernement provisoire où se retrouvaient pêle-mêle gaullistes, communistes et socialistes.
Une bande des quatre (avec les radicaux et les caméléons) qui accrochés à la façon des tænias aux ors des palais de la république, conservera le monopole de l’État pour une durée de vie égale à celle des démocraties populaires soviétiques. Or, avec la dislocation des partis issus de la Révolution de 1945- [9], c’est - si l’on y réfléchit bien - une page de l’histoire qui se tourne, équivalente, en mode mineur et avec moins de fracas, à la chute du Mur de Berlin. Nous sortons du théâtre de l’alliance gaullo-communiste [10] (l’origine et le point d’arrivée du marxisme-léninisme étant la social-démocratie allemande fondée en 1863) pour entrer dans un Nouveau monde comme le dit si bien M. Macron, relevant d’un nouveau champ épistémique libéral-libertaire (anoméen), soit un libéralisme ultra mâtiné de freudo-marxisme. Mais cela les historiens ne s’en apercevront qu’après coup, comme de bien entendu.
Le Système désormais se dispense du « politique »
Exit donc la classe politique dont M. Macron et ses commanditaires nous fournissent maintenant (en remplacement) une sorte fac-similé avec le Mouvement (!) « En marche [11] ». Un hologramme sous deux espèces : un palais Bourbon ultra croupion pour ne pas dire fantoche, occupé par une écrasante majorité d’ilotes de la politique (et choisi essentiellement pour cette éminente qualité sous couvert d’ouverture à la société civile), et un élyséen aux dents blanches (et aux appétits carnassiers) soigneusement drivé par ses mentors et cornacs, idéologues et magnats des affaires, de la finance et de la presse. Déité trinitaire et monolithique constitutive des modernes oligopoles et des nouvelles féodalités planétaires.
Avec M. Macron, prête-nom ou fidéicommis d’une syndication de grands intérêts (ceux qui l’ont propulsé sans coup férir aux commandes du paquebot en perdition « France ») nous voyons clairement que l’homme a été évidemment parachuté à son poste… Qu’il ne s’est pas hissé à la force du poignet par le laborieux truchement des partis. Ces paniers de crabes écumant avec leurs tripatouillages, leurs magouilles, les copinages, les parrainages et les affiliations plus ou moins discrètes. Tout cela est révolu, vieux jeu, ringard. Aux orties les partis qui ne servent plus à rien, pas même à servir de caisse de résonance ou d’exutoire à la France populaire et moribonde, celle des usines délocalisées, des friches industrielles et des zones rurales livrées à l’agro-industrie mondialisée… Toutes choses et secteurs dont la nouvelle aristocratie cosmopolitiste n’a que faire et ne rêve que de placer en sédation profonde à coup d’allocs et de drogues dites douces en libre accès (du ballon rond à la marie-jeanne) !
Bref, ce coup d’État institutionnel (grâce aux mécanismes électoraux garantissant jusqu’à ce jour funeste des rentes de situation à perpétuité), n’a été possible que parce que les partis politiques et leurs caciques (ainsi que leurs vindicatives rombières et leurs jeunes bas-bleu), ne pouvaient plus y faire obstacle ayant déjà sombré en silence corps et biens. En un mot, devenu inutile et matière inépuisable à scandales, le personnel politique ayant administré une fois pour toutes la preuve de son incapacité à donner le change et tenir sa place de façon crédible (en répondant avec zèle aux attentes des maîtres de l’ombre), devait une fois pour toutes quitter les tréteaux. Ici pas de conspirationnisme à la petite semaine, ceux qui dirigent de derrière le rideau, ceux qui distribuent les rôles et délèguent les fonctions, sont connus de tout un chacun. Ils se pavanent régulièrement sur les écrans familiaux des services publics d’hypnose collective (financés par une juteuse redevance) et ont finalement décidé de court-circuiter (ou de faire l’économie) de politiciens à la ramasse dont la médiocrité commençait d’ailleurs à faire tache.
Démocratie aussi directe que surplombante
Autrement dit, gouverner en direct sans plus d’appareils partisans, lourds, peu maniables et fauteurs permanents d’embarras. Le processus n’est pas achevé mais il est engagé et devrait voir bientôt - pour commencer - la disparition du sénat, la réduction du nombre de députés et ainsi de suite. Tel sera l’un des inéluctables aboutissements à venir du coup d’éclat macroniste. La partitocratie ayant fait long feu, le moment était certes venu de lui substituer un dispositif plus efficace et plus adapté aux nécessités de l’heure (européanisation à marche forcée et unification euratlantiste). Un appareil d’État par conséquent relooké et rajeuni, progressant masqué sous le visage lisse du jeune premier Macron… en réalité un acteur sans véritable étoffe en dépit des dithyrambes qui pleuvent et l’accablent tant ils sont excessifs. Reste qu’il suffit de louer médiatiquement assez fort son génie, pour que beaucoup y croient. En fait Macron était le personnage idoine pour endosser les habits neufs d’un pouvoir anamorphique (en profonde mutation).
Maintenant pour ne pas conclure, récapitulons : le changement de nature du pouvoir est aujourd’hui marqué par la fin du politique au sens classique. Les corps intermédiaires que constituait le bicaméralisme (la chambre haute étant le Sénat et l’Assemblée nationale, la chambre basse), sont devenus obsolètes et pire, inutiles. Les puissances économiques (commerce et industrie) et surtout financières qui dirigent le monde veulent gouverner les peuples (l’on ne parle plus de nation) en direct, sans intermédiaires institutionnels. À ce titre M. Macron est essentiellement une sorte de régent de la banque de France (n’ayant « de France » que le nom car strictement inféodée à des intérêts privés), doublé d’un syndic de faillite (il devra faire la part du feu entre le rentable et le non rentable : en sacrifiant par exemple les classes moyennes et les déserts ruraux au profit des secteurs les plus dynamiques concentrés dans les grands centres urbains à vocation cosmopolitiste), et enfin (au moins de depuis Jacques Chirac ) un super VRP (représentant de commerce) dont les objectifs détermineront la vision géopolitique et conditionneront la diplomatie. Ce que n’ont pas vu les imbéciles thuriféraires du génie et de l’audace du sieur Macron en matière de relations internationales. Car sa politique n’est évidemment pas celle de l’intérêt à long terme de la nation (un mot inexistant dans le vocabulaire présidentiel), mais la réalisation de gains court-termistes, soit une politique de « coups » ! Un peu à l’image de celui qui traverse un gué en sautillant et pierre en pierre… en espérant qu’à chaque rebond, les points d’appui salvateurs soient bien au rendez-vous !
Le Quatrième pouvoir a évincé le Premier
Ce à quoi s’ajoute - n’oublions pas - le dépérissement de la fonction judiciaire régalienne que vient peu à peu détrôner un contractualisme libéral invasif sous la poussée du droit anglo-saxon. C’est la tripartition fonctionnelle du pouvoir politique en France depuis Montesquieu (exécutif/législatif/judiciaire) qui est ici remise en cause. Mais cela ne s’arrête pas là ! L’élection de M. Macron nous montre en définitive que l’obsolescence du politique est parvenue – quasiment – à son terme. À savoir que ce sont les médias et leur capacité à manipuler l’opinion publique qui ont fait d’un presque inconnu un chef d’État en brûlant toutes étapes d’un ordinaire cursus honorum. Ceci étant tout sauf accidentel. Ainsi donc, à partir de maintenant, le Quatrième et récent pouvoir (la presse) devient effectivement le Premier : dorénavant politiciens et médiacrates faiseurs de rois, entrés en relation osmotique sont appelés à se fondre et à se confondre. Rappelons que puissances d’argent et machineries médiatiques sont actuellement une seule et même entité. Or la science et l’art de la guerre contre l’esprit humain (sous le vocable entre autres d’ingénierie sociale) faisant de réels et constants progrès… notamment grâce à la psychanalyse, charlatanerie thérapeutique mais féroce outil de manipulation mentale. Là encore, le politique, ses rhétoriciens, ses sophistes, ses blablas et sa jactance, doivent céder le pas aux experts de la psychologie des foules et de leur viol permanent par une propagande offensive œuvrant au service exclusif de la révolution mondiale et sociétale qui, lentement mais sûrement, nous dévore… presque à notre insu. La redoutable apathie des peuples européens en témoigne.
Pour ne pas conclure…
Exit le politique
L’élection de M. Macron nous a révélé que les partis politiques n’étaient plus que des coquilles vides depuis des lustres. La classe politique compradore s’étant déchargée depuis longtemps de toutes ses responsabilités sur la technocratie bruxelloise (et au moyen d’un endettement ad libitum), excellait néanmoins dans l’art d’accéder aux Affaires et de s’y maintenir, ceci depuis le Gouvernement provisoire de juin 1944 associant gaullistes, communistes et socialistes. Or, avec la dislocation des partis nés à la libération de Paris, c’est une page d’histoire qui se tourne, peut-être équivalente, mais en mode mineur, à la chute du Mur de Berlin. Nous sortons en effet du théâtre de l’alliance gaullo-communiste* pour entrer dans un Nouveau monde macronien, relevant d’un nouveau paradigme, celui d’un libéralisme ultra mâtiné de freudo-marxisme.
Exit la classe politique que M. Macron et ses commanditaires ont remplacée par une sorte de fac-similé… En marche. Un hologramme à deux visages : un palais Bourbon ultra croupion, occupé par une écrasante majorité d’ilotes de la politique (et choisi pour cette éminente qualité sous couvert d’ouverture à la société civile), et un élyséen aux dents blanches et aux appétits carnassiers, soigneusement drivé par ses mentors et cornacs, idéologues et magnats des affaires, de la finance et de la presse.
M. Macron, prête-nom ou fidéicommis d’une syndication de grands intérêts, ne s’est évidemment pas hissé à la seule force du poignet via le laborieux circuit partisan. Tout cela est d’ailleurs révolu, vieux jeu, ringard. Aux orties les partis qui ne servent plus à rien, pas même à servir de caisse de résonance ou d’exutoire à la France populaire et moribonde, celle des usines délocalisées, des friches industrielles et des zones rurales livrées à l’agro-industrie mondialisée.
Bref, un coup d’État institutionnel n’ayant été possible que parce que les partis et leurs caciques avaient déjà sombré en silence corps et biens. Devenu inutile et matière inépuisable à scandales, le personnel politique devait quitter les tréteaux pour nous avoir tant de fois administré la preuve de son incapacité à tenir sa place de façon simplement crédible. Bref, ceux qui dirigent derrière le rideau, distribuent les fonctions et les rôles ont finalement décidé de court-circuiter de politiciens dont la médiocrité commençait à faire tache.
La partitocratie ayant fait long feu, le temps est donc venu de lui substituer un dispositif plus adapté aux nécessités de l’heure (européanisation à marche forcée et unification euratlantiste). Un appareil d’État par conséquent relooké et rajeuni, progressant masqué sous le visage lisse du jeune premier Macron… en réalité piètre acteur en dépit des dithyrambes qui pleuvent et l’accablent tant ils sont excessifs.
Récapitulons : les corps intermédiaires que formait le bicaméralisme (Sénat et Assemblée nationale), sont désormais devenus inutiles. Les puissances économiques et financières qui dirigent le monde veulent gouverner les peuples en direct, sans intermédiaires institutionnels. À ce titre M. Macron peut être considéré comme une sorte de régisseur de l’entreprise France et un syndic de faillite devant faire la part du feu entre le durable et le consommable, en sacrifiant les classes moyennes et la province au profit des grands centres urbains à vocation cosmopolitiste. Enfin un super VRP dont les objectifs commerciaux détermineront la vision géopolitique et conditionneront la diplomatie.
Mais si l’élection de M. Macron nous montre l’obsolescence du politique, elle révèle également que se sont les médias qui sont aujourd’hui les vrais maîtres du jeu. Que leur capacité à manipuler l’opinion publique est telle qu’ils sont parvenus à faire d’un quasi inconnu, un chef d’État. Concluons que le Quatrième pouvoir (la presse) est en réalité devenu le Premier : dorénavant politiciens et médiacrates faiseurs de rois, sont appelés à se fondre et à se confondre.