La crise des partis politiques
Jusque dans les années 1970 le système des partis – qui est né, comme l’a fait remarquer la philosophe Simone Weili (1909-1943), durant la période de la Terreur ayant opposée les Jacobins et les Girondins – était structuré par une droite plus ou moins enracinée dans le Catholicisme et une gauche dans le socialisme et sa variante communiste tenant lieu de contre-Eglise. En quelque sorte une thèse et son antithèse qui maintenaient l’échiquier politique français dans une stabilité exercée par ce que j’appellerais une « pesanteur idéologique ».
La mise en apesanteur idéologique du système politique français débute dans les années 1970 avec la décatholicisation sociologique de la droite ; droite privée de son garde-fou, l’Église, et qui sera absorbée idéologiquement par la gauche libérale, c’est-à-dire par la Révolution et les Lumières. Tandis que le parti communiste, qui n’existait qu’en opposition au Catholicisme et qui avait une influence sur le Parti Socialiste, disparut avec le Catholicisme de l’échiquier politique.
Logiquement, ce processus a amené la gauche et la droite à fusionner, étant privées de leurs « garde-fous » idéologico-politiques, respectivement le Parti Communiste et l’Église. C’est ce qui explique pourquoi, en 2007, le candidat de la droite libérale, Nicolas Sarkozy, à peine élu, recrute des membres du Parti Socialiste. C’est cette fusion, de ce qu’il convient d’appeler « la droite et la gauche de l’oligarchie », qui permet aujourd’hui à Emmanuel Macron de débaucher tous azimut, à droite comme à gauche.
L’élection du banquier n’a fait qu’acter la phase finale de cette fusion idéologico-politique de la gauche et de la droite.
La mort des idéologies modernes a privé les partis politiques traditionnels de leur charpente. Ceci a conduit à leur fragmentation en sous-partis ne défendant plus donc des idéologies ou idéaux mais de simples idées séparées les unes des autres dans une incohérence et un désordre complet et que se partagent ces partis.
Le vide religieux a produit à la fois une société atomisée et, avec un temps de retard, son reflet à l’échelle politique : un système des partis éclaté.
Contrairement à ce qu’affirme les commentateurs et les hommes politiques, nous n’assistons pas à une recomposition mais à la décomposition irrémédiable du système politique. L’absence d’idéologie ou de religion rend, pour le moment, l’unification politique et sociale impossible.
L’étape suivante de cette décomposition idéologico-politique sera l’effondrement du régime et l’anarchie. Car, comme l’expliquait Gustave Le Bon :
« Alors même qu’une croyance est fortement ébranlée, les institutions qui en dérivent conservent leur puissance et ne s’effacent que lentement. Quand elle a enfin perdu complètement son pouvoir, tout ce qu’elle soutenait s’écroule. Il n’a pas encore été donné à un peuple de changer ses croyances sans être aussitôt condamné à transformer les éléments de sa civilisation. Il les transforme jusqu’à ce qu’il ait adopté une nouvelle croyance générale ; et vit jusque là forcément dans l’anarchie. Les croyances générales sont les supports nécessaires des civilisations ; elles impriment une orientation aux idées et seules peuvent inspirer la foi et créer le devoir.
Les peuples ont toujours senti l’utilité d’acquérir des croyances générales, et compris d’instinct que leur disparition devait marquer pour eux l’heure de la décadence. Le culte fanatique de Rome fut la croyance qui rendit les Romains maître du monde. Cette croyance morte, Rome dut périr. C’est seulement lorsqu’ils eurent acquis quelques croyances communes que les barbares, destructeurs de la civilisation romaine, atteignirent à une certaine cohésion et purent sortir de l’anarchie.
Ce n’est donc pas sans cause que les peuples ont toujours défendu leurs convictions avec intolérance. Très critiquable au point de vue philosophique, elle représente dans la vie des nations une vertu. » [3]
Suivant ce modèle, l’on peut anticiper, comme je l’ai écrit à plusieurs reprises [4], un effondrement du régime suivi d’une période d’anarchie qui ne prendra fin que lorsque les Français, sous l’impulsion d’un homme ou d’un groupes d’hommes, retrouveront une croyance collective capable de les unifier à nouveau. Cette désunion des Français ne date pas d’hier, elle a pour origine la Révolution de 1789 qui a opposé durant plus de deux siècles catholiques et révolutionnaires, républicains et monarchistes, dreyfusards et anti-dreyfusards, gaullistes et anti-gaullistes, gauchistes et droitards…
L’implosion du Front national et l’avenir de la droite souverainiste
Le Front national ne fait pas exception. Lui aussi subit les conséquences de la mort des idéologies modernes. La défaite de Marine Le Pen n’a fait que mettre en exergue la ligne de fracture à l’intérieur du parti.
Le Front national se dirige vraisemblablement vers une implosion qui donnera naissance à deux partis distincts : un parti néoconservateur identitaire et libéral sur le plan économique (purgé des ses éléments antisionistes et judéo-critiques) comme le souhaite Robert Ménard. Et un parti gaullo-chevènementiste que pourrait fonder Florian Philippot – un indésirable qu’Alain Finkielkraut soupçonne d’être trop proche idéologiquement d’Alain Soral [5] – que ses petits camarades poussent vers la sortie à cause de sa ligne (centrée sur les questions socio-économiques et la sortie de l’euro) qui aurait causé, d’après eux, la défaite du Front.
Robert Ménard – dont l’avocat n’est autre que l’ultra-sioniste membre du CRIF Gilles-William Goldnadel, aussi conseiller en dédiabolisation de Marine Le Pen et qui a travaillé à son rapprochement avec Israël [6] – déclarait sur France Inter le 4 mai 2017 (entre les deux tours de l’élection présidentielle) :
« Je suis contre la sortie de l’euro, c’est un de mes désaccords avec le Front national, comme je suis contre la sortie de l’Union européenne. Je trouve que ce n’est pas la bonne solution, qu’on a bien d’autres problèmes qu’on peut régler sans sortir de l’euro. »
Le « souverainiste » Eric Zemmour se dévoilera totalement en prenant la même position que Ménard sur la question de l’euro. Le 12 mai 2017, il écrit dans le Figaro :
« Un économiste brillant, Jacques Sapir, homme de gauche et pourfendeur talentueux de l’euro, a convaincu ses nouveaux amis, Marine et Florian, que tout était possible. Que le rapprochement des deux rives, comme disait Chevènement, pourrait s’opérer autour d’un ennemi commun : l’euro… Jacques Sapir gère le cerveau de Florian Philippot, qui gère le cerveau de Marine Le Pen. Trio infernal. Trio de l’échec. »
Eric Zemmour, comme Robert Ménard et Finkielkraut (qui le fait sous un autre angle), attaque Philippot et son projet de sortie de l’euro.
Ce qu’appelle Zemmour de ses vœux, c’est la création d’un parti néoconservateur et libéral faisant jonction avec les pseudos identitaires des Républicains comme Laurent Wauquiez et Nadine Morano. Le but étant d’empêcher toute émancipation véritable de la France qui est privée de ses organes de souveraineté par l’oligarchie judéo-protestante, israélo-anglo-américaine via l’Union européenne et l’OTAN.
Ce à quoi œuvre Eric Zemmour, comme je l’expliquais lors d’un entretien du 12 mai 2017 [7] - trois jours plus tard, Jacques Sapir fit (ou reprit) exactement la même analyse dans un texte où il répond à Zemmour [8] -, c’est à la neutralisation de toute la France de droite, identitaire et catholique, par un parti politique identitaire. C’est précisément le rôle que joue à gauche Jean-Luc Mélenchon.
L’on voit ici toute la contradiction de la position de ce néo-FN en devenir : défendre l’identité française tout en se réclamant du libéralisme économique ; celui-là même qui, par le libre-échange mondialisé, réduit à peau de chagrin toutes les identités traditionnelles, notamment par l’immigration massive dont l’effet est double : la destruction de la culture du pays « d’accueil » et le déracinement des populations migrantes conduites justement à émigrer à cause du système libéral, notamment financier, qui appauvrit ce qu’on appelait le Tiers-monde.
Lorsque ce parti identitaire, libéral et néoconservateur sera créé, Marion Maréchal Le Pen, qui est encadrée par Gilbert Collard et Robert Ménard, pourra alors faire son « grand retour » en politique et jouer le rôle (au sens théâtral du terme) d’une Jeanne d’Arc des temps modernes, l’égérie de cette formation politique.
Mais pour ceux qui croiraient que cette droite inclut le catholicisme dans l’identité française, qu’ils se détrompent, il s’agit d’une identité républicaine comme le dit très clairement Marion Maréchal Le Pen :
« La question identitaire permet de transcender les clivages. Elle comporte une dimension abstraite, c’est vrai avec des symboles, la Marseillaise, la devise (républicaine : Liberté Égalité Fraternité), notre patrimoine républicain, et une dimension charnelle, notre terroir, notre gastronomie, la pierre locale avec laquelle on construit sa maison. » [9]
Vincent Peillon et Jean-Luc Mélenchon n’aurait pas dit mieux…
Si Ménard, Collard et Zemmour (qui est un ami de la famille) ne suffisent pas pour gérer le cerveau de Marion Maréchal Le Pen et la maintenir sur le droit chemin républicain, l’on pourra toujours faire appel à l’ami et conseiller occulte de Jean-Luc Mélenchoni : Patrick Buisson.
Comme je l’écrivais plus haut, le rôle de la droite identitaire est précisément le même que celui de l’extrême gauche. Continuer à neutraliser les Français en les maintenant dans la division républicaine gauche/droite. Et à la manœuvre, nous retrouvons les mêmes individus à la solde des mêmes réseaux, à gauche comme à droite ; car la division politique ce n’est bon que pour le bas peuple…
En effet, comme le rapporte le journal Marianne (le 18 mars 2015) :
« Patrick Buisson, l’homme au dictaphone, était donc non seulement le conseiller occulte de Nicolas Sarkozy mais aussi celui de Jean-Luc Mélenchon. Vous lisez bien. De Jean-Luc Mélenchon ! C’est ce qu’affirment en tous cas deux journalistes du Monde, Ariane Chemin et Vanessa Schneider, dans leur livre « Le Mauvais Génie ». »
Les deux journalistes en question expliquèrent que :
« Mélenchon a pris l’habitude de consulter son nouvel ami avant chaque décision stratégique. Buisson met avec plaisir sa science des sondages à son service… Lorsque l’ami Jean-Luc Mélenchon se décide à concourir à la présidentielle (de 2012), son conseiller occulte le convainc chiffres à l’appui, qu’il a un espace à conquérir à gauche du PS. » [10]
Patrick Buisson dira d’ailleurs tout le bien qu’il pense de la campagne présidentielle menée par Jean-Luc Mélenchon en 2017 :
« En 2012, Mélenchon s’est en effet posé comme le chantre d’une France multiculturelle. Or, aujourd’hui, il se positionne davantage comme le candidat d’une France multiethnique, évacuant ainsi la dimension multiculturelle. Cette évolution est le résultat d’une vieille interrogation de sa part… Mélenchon est, avec Marine Le Pen, le seul à véritablement parler de religion dans cette campagne. Il adopte un discours qui emprunte des symboles à la spiritualité… Si le christianisme est le refus de la domination absolue de la marchandise, c’est-à-dire ce que la Bible condamne comme le culte des idoles, Mélenchon est plus chrétien que Fillon lorsque celui-ci se rend à Las Vegas ou entend faire de la France une smart nation. » [11]
C’est au terme de ce cirque démocratique animé par les partis politiques que débutera la politique réelle et conséquente. A défaut d’avoir supprimé les partis comme le suggérait Simone Weil, attendons que l’Histoire, qui s’accélère, les enterre.