Variole du singe : l’infectiologue Karine Lacombe alerte contre « une pleine poussée épidémique »
Alors qu’une cinquantaine de cas ont été officiellement déclarés en France, le nombre pourrait être beaucoup plus important même si les patients « n’arrivent pas à l’hôpital ».
Le nombre de cas de variole du singe ne cesse d’augmenter en France, 51 étaient recensés dans l’Hexagone vendredi 3 juin au soir, dont « 22 ont voyagé à l’étranger avant le début de leurs symptômes » et « certains dans plusieurs pays différents », indiquait Santé publique France. Mais la situation pourrait être plus compliquée que cela à en croire l’infectiologue Karine Lacombe qui estime, dans Le Parisien, que les chiffres « actuels sont probablement sous-estimés ». D’une part, les spécialistes sont confrontés à des « suspicions cliniques » et seuls quelques cas sont confirmés. « Le problème aujourd’hui, c’est que comme ’monkeypox’ est classé agent pathogène par l’OMS, le diagnostic virologique doit être fait par des centres spécialisés », détaille la cheffe du service d’infectiologie de l’hôpital Saint-Antoine (Paris). Or, ces centres sont peu nombreux en France (deux à Paris par exemple).
Dans cette interview accordée au Parisien, Karine Lacombe parle de « poussée épidémique » bien que les hôpitaux ne voient pas « arriver les patients ». En outre, l’épidémie de varicelle peut « créer des confusions et des sous-diagnostics », raison pour laquelle l’infectiologue et ses collègues militent pour « ouvrir des tests à plus de laboratoires ». Si la maladie de la variole du singe est plutôt bénigne en dehors des zones endémiques, la multiplication du nombre de cas « inquiète » Karine Lacombe. « Pour l’instant, il n’existe pas de traitement. Il y a un antiviral, en phase terminale de développement, mais il n’est disponible qu’en quantité limitée », explique l’infectiologue.
Vers une vaccination élargie ?
Le problème aussi, explique-t-elle dans Le Parisien, c’est qu’avec une augmentation du nombre de cas, les formes sévères vont apparaître rapidement. Or, « l’industrie pharmaceutique n’investit que lorsque cela est rentable pour elle. Économiquement, ça tient, mais en termes de santé publique, le calcul est mauvais », déplore-t-elle. Son autre inquiétude tient à la vaccination de « prévention » de cette variole. Ouverte pour l’instant seulement aux « contacts des patients dont on a confirmé le diagnostic », elle ne sait pas si cela sera suffisant. La question d’une vaccination « élargie pourrait rapidement se poser ».
Karine Lacombe en dit aussi un peu plus sur le profil des personnes touchées, essentiellement des jeunes pour le moment. Pour elle, les personnes âgées « ont une protection par le vaccin de la variole ». Il y a aussi beaucoup d’hommes ; or « les premiers cas ont émergé chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes », rappelle l’infectiologue. Mais elle prévient : « Personne n’est épargné, les femmes, les hétéros, les enfants. » Une épidémie qui ne tombe pas au bon moment alors que l’hôpital est en pleine crise, notamment en vue de l’été. D’autant que beaucoup de questions sont encore en suspens : « Je trouve extrêmement étonnant que le virus ait déjà pu infecter autant de personnes qui ne revenaient pas d’Afrique, là où il est habituellement transmis », pointe d’ailleurs du doigt Karine Lacombe.