A la demande de la Darpa, DNA Script s’associe à Moderna pour prévenir les futures pandémies
Dans le cadre d’un programme de la Darpa, DNA Script et Moderna s’associent pour développer un laboratoire mobile destiné à la fabrication rapide de vaccins et de produits thérapeutiques à base d’ARN messager. La pépite française, à l’origine d’une technologie de synthèse enzymatique, va recevoir 5 millions de dollars.
La biotech française DNA Script a annoncé le 27 avril la signature d’un partenariat avec Moderna, laboratoire à l’origine d’un vaccin contre le Covid-19. A travers ce rapprochement, les deux sociétés souhaitent concevoir un prototype d’unité mobile de fabrication rapide de vaccins et de produits thérapeutiques. Dans le cadre de ce partenariat, DNA Script va recevoir une enveloppe de 5 millions de dollars.
Créer des vaccins dans un temps record
L’objectif est de prévenir et d’organiser la réaction face aux futures pandémies virales grâce à la fabrication d’un laboratoire mobile, installé dans un conteneur de 1,8 m x 1,8 m x 1,8 m. Il doit permettre de fabriquer très rapidement des traitements préventifs sur les terrains d’opérations, même dans les régions les plus reculées.
Ce partenariat s’inscrit dans le cadre du programme Nucleic Acids On-Demand World-Wide (Now) de la Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa), la célèbre agence du département de la Défense des Etats-Unis chargée des projets de recherche avec des technologies de pointe. GE Research, la division de R&D de General Electric, participe également à ce projet.
Une technologie de synthèse enzymatique
DNA Script, implanté en Ile-de-France et en Californie, est à l’origine d’une technologie de synthèse enzymatique qui a été intégrée dans une sorte d’imprimante moléculaire, baptisée « Synthax ». Elle est capable d’élaborer une séquence ADN personnalisée grâce à des cartouches contenant des enzymes naturelles en seulement quelques heures, soit plus rapidement que les méthodes classiques.
Cette technologie va être intégrée dans le processus existant de fabrication rapide de vaccins et produits thérapeutiques à base d’ARN messager développé par la pépite américaine Moderna, dirigée par le Français Stéphane Bancel.
DNA Script a également été mandaté en janvier 2021 par l’Agence de l’innovation de défense du ministère des Armées pour développer « un prototype de laboratoire » pour la détection et le diagnostic rapides d’agents pathogènes, en lien avec la pandémie de Covid-19.
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Pourquoi la biotech DNA Script a levé 200 millions de dollars
Thomas Ybert, polytechnicien, a créé en 2014, avec
Sylvain Gariel et Xavier Godron, une technologie d’imprimante à ADN. Ils ont levé 200 millions de dollars en début d’année. Il est l’invité du Club entrepreneurs Challenges - Grant Thornton.
Challenges - DNA Script est présentée comme l’une des plus belles biotechs françaises. En quoi avez-vous révolutionné la science ?
Thomas Ybert - Nous sommes la première société à avoir développé avec succès une technologie de synthèse enzymatique de l’ADN et à l’avoir transformée en un produit commercial, aujourd’hui dans les mains de plusieurs clients et partenaires : Moderna, la Direction générale de l’armement… Jusqu’ici, la synthèse de l’ADN s’effectuait selon des approches de chimie organique très compliquées à gérer. De nombreux acteurs s’étaient intéressés à la possibilité d’une synthèse enzymatique, mais nous, nous l’avons fait : ce n’est pas resté dans un article de recherche.
Vous avez créé une imprimante à ADN. A quoi sert-elle ?
Elle sert à produire de l’ADN, le vecteur pour programmer ou reprogrammer des systèmes biologiques, comme on programme un ordinateur grâce à des lignes de code.
Qui sont vos clients ?
Ce sont des équipes de recherche. Notre système Syntax leur permet d’avoir accès à de l’ADN directement dans leur labo, quand elles le veulent, en seulement quelques heures. Elles ne passent plus plusieurs jours, semaines, voire mois à en récupérer. Plus d’une dizaine d’équipes ont participé à nos programmes d’évaluation. La commercialisation a démarré à l’été 2021. Notre imprimante coûte plusieurs centaines de milliers d’euros.
En huit ans, quels ont été les moments charnières ?
Après avoir levé de l’argent auprès des proches, la première décision clé a été d’aller voir des fonds spécialisés et internationaux. Nous voulions lever beaucoup pour tenir une forte croissance. La deuxième a été de s’implanter aux Etats-Unis dès 2019. Mais toute la R&D est en France. Nous réalisons 3.000 synthèses par semaine dans nos locaux à Paris. Nous avons environ 200 salariés dans les deux pays.
Qu’a changé la pandémie ?
Elle a accéléré la visibilité de notre segment, celui des outils de biotechnologie. Elle a mis la technique PCR sur le devant de la scène et permis de valider que la synthèse de l’ADN avait une réalité thérapeutique. Cela a montré que pouvoir accéder à de l’ADN de synthèse de façon simple, totalement contrôlée et rapide, est crucial. C’est pour cela que nous avons réussi à attirer de très gros investisseurs, comme Fidelity.
Vous avez en effet levé 200 millions de dollars en début d’année…
Le premier objectif est de continuer à commercialiser Syntax et de le faire évoluer. Nous allons sortir de nouveaux kits de réactifs (les cartouches de l’imprimante) qui permettront d’obtenir davantage de performances et de capacités. Les premiers kits servent à fabriquer de l’ADN standard, les prochains permettront de faire de l’ADN avec des modifications. Le deuxième objectif est d’élargir notre gamme de produits.
Votre rêve de croissance ?
Devenir l’Illumina de la synthèse d’ADN. C’est l’entreprise qui, vingt ans avant nous, a complètement révolutionné la lecture de l’ADN. Nous, nous sommes spécialisés dans l’écriture de l’ADN.