.
Benjamin Griveaux, Vincent Desportes… : Circle présente ses VIP
C’est sous les arcades du café Lapérouse, fraîchement inauguré au sein de l’Hôtel de la Marine, situé place de la Concorde, que Circle devait présenter mercredi 24 novembre les personnalités (toutes masculines) qui constitueront dorénavant l’advisory board du cabinet.
Font leur entrée : Cyril Abiteboul, l’ancien patron de la F1 chez Renault, l’ex-général des armées Vincent Desportes et Benjamin Griveaux, l’ancien membre du gouvernement d’Emmanuel Macron et candidat malheureux à la mairie de Paris. Plusieurs objectifs : être les garde-fous d’un consulting hors-sol dont Circle se veut le pourfendeur et, plus concrètement, élargir la surface commerciale du cabinet, apporter de potentiels clients et identifier des cibles d’acquisitions. Et ce alors que Circle veut s’ériger en alternative franco-européenne aux géants anglo-saxons du conseil en stratégie.
Circle, la boîte de conseil en stratégie lancée entre Paris et Bruxelles en 2019, qui veut se faire un trou dans le marché de la strat’ en y cassant les codes, continue à avancer ses pions. Son très charismatique CEO, Augustin van Rijckevorsel, a mis ces derniers mois sur les rails un groupe de personnalités éclectiques censées différencier le cabinet et booster sa croissance.
Ses missions seront plurielles. D’abord, il s’agira de relever, comme le dit Augustin van Rijckevorsel, « le challenge de la souveraineté dans le conseil ». Le trio Abiteboul-Desportes-Griveaux est lié contractuellement à Circle et aura notamment pour objectif de contribuer à identifier des cibles de croissance externe, en clair, des rachats.
Créer une société de conseil en stratégie souveraine
Vincent Desportes, ex-général des armées, ancien patron de l’École supérieure de guerre, ex-conseiller du président du constructeur de blindés légers Panhard, et enseignant à HEC et Sciences Po, le confirme à Consultor : « Ce qui m’intéresse, c’est la volonté d’essayer de promouvoir un conseil plus naturellement français, moins marqué par l’esprit anglo-saxon. »
Au point de remettre en cause la suprématie des cabinets comme McKinsey et le Boston Consulting Group, qui multiplient les missions pour l’État français à tous les niveaux et sur tous les sujets ?
« Votre question confirme le bien-fondé de ma démarche ! Le soft power américain fonctionne si bien, ils ont si bien débauché les meilleurs cerveaux, qu’il est vital que nous parvenions à faire décoller des cabinets qui n’ont pas de racines anglo-saxonnes », appuie le diplômé de l’United States Army War College et ancien attaché de l’ambassade de France aux États-Unis, qui redoute l’emprise du soft power américain dans l’Hexagone et au-delà.
Il s’agirait donc de construire un acteur de conseil en stratégie souverain. « Nous ne sommes pas des petits coqs qui voulons régner sur notre petit tas de fumier dans notre coin. Aujourd’hui, tout est possible », indique sur ce point Augustin van Rijckevorsel. Une démarche très similaire au plan de développement de Kea & Partner – via notamment la récente acquisition d’Ylios (relire notre article).
Autre objectif : identifier des secteurs et des clients auprès desquels la méthode Circle pourrait faire des adeptes. En cela, l’idée sera de bénéficier du cumul des réseaux et des contacts. D’ailleurs, pas plus tard que mardi 23 novembre, Benjamin Griveaux devait introduire Circle auprès d’un client potentiel.
Puis viendront également des publications sectorielles ou thématiques annuelles qui se voudront les plus iconoclastes possibles, ainsi que des échanges informels entre les membres, et quatre sessions formelles par an.
Benjamin Griveaux décrit « un lieu où on s’autorisera ce qu’on ne s’autorise pas normalement avec les clients : chatouiller les codes établis et mettre en avant des idées un peu plus tranchantes que la moyenne des publications qui enfoncent parfois des portes ouvertes sur les nouvelles pratiques des entreprises ».
Le board aura aussi pour tâche d’insuffler du pragmatisme : « Je suis un obsédé du couplage entre la stratégie et l’opérationnel, et la majorité des grandes défaites viennent d’un découplage », défend Vincent Desportes.
Et concrètement ?
En un mot, cet advisory board a devant lui un copieux programme. Mais en quoi réunir ces personnalités peut-il faire réellement la différence ? S’agirait-il d’un coup de com’ plus que d’autre chose ?
Augustin van Rijckevorsel est convaincu du contraire : « Les noms connus sont le miroir de ce que ces personnes incarnent : la légitimité. Je n’ai pas été cherché Shakira ! Ce sont des profils très éclectiques. Des gens qui ont mis les mains dans le cambouis tout en ayant une grande légitimité à parler de stratégie : un général d’armée qui a envoyé des gens au front ; un capitaine d’écurie F1 qui a bossé avec des mécaniciens ; le co-fondateur d’un parti politique victorieux des élections présidentielles qui a aussi coordonné le collage des affiches de campagne. »
Cyril Abiteboul, l’ancien patron de la F1 chez Renault, déjà senior advisor chez Circle depuis septembre 2021 (relire notre article à son sujet), défend lui aussi la pertinence de lier le fond et la forme : « Nous sommes dans un univers de communication, nous le reconnaissons pleinement. Nous mettons la communication au cœur de nos recommandations stratégiques en se posant très en amont la question de l’applicabilité de ce que nous préconisons de ce point de vue-là aussi. La création de l’advisory board n’échappe pas à cette règle : faire de la stratégie c’est aussi faire de la communication et vice versa ».
Pourquoi et comment ces personnalités-là ont-elles choisi de monter à bord de l’OVNI du conseil Circle ? En cela, le bagou d’Augustin van Rijckevorsel joue à plein. C’était déjà par un message LinkedIn qu’il avait approché Cyril Abiteboul après son départ en janvier 2021 des activités sportives de Renault. Il a fait de même avec Benjamin Griveaux.
« On ne se connaissait pas. Il m’a envoyé un message sur LinkedIn. On s’est parlé au téléphone, on a déjeuné, je l’ai trouvé original dans l’approche et ça a tout de suite fonctionné. Lorsque l’on dit que les Français sont irrévérencieux, Augustin est assez français pour un Belge. Je fonctionne beaucoup à l’affect, j’ai été séduit », témoigne l’ancien secrétaire d’État à Bercy et porte-parole du gouvernement.
Celui qui avait retiré sa candidature à la mairie de Paris et qui annonçait le 12 mai 2021 renoncer à son mandat de député (il avait élu à Paris en 2017) n’a ensuite pas voulu s’enfermer dans une des autres grosses maisons de conseil avec lesquelles il a pu avoir des contacts. « Pas sûr que j’aurais trouvé ce que je recherche dans un gros cabinet anglo-saxon », indique-t-il.
Il vient de l’annoncer sur les réseaux sociaux. Benjamin Griveaux, député de Paris, ancien porte-parole d’En Marche auprès d’Emmanuel Macron, ex-secrétaire d’État, décide de s’engager dans le conseil en stratégie. Il a annoncé, hier 11 mai, sa démission en tant que député au président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, abandonnant par là-même la vie publique. Il est loin d’être le premier à se recycler de la sorte dans le secteur privé.
Benjamin Griveaux creuse le sillon du consulting
Circle est donc l’une des activités de conseil que le diplômé de Sciences Po et d’HEC, qui avait déjà fondé en 2003 un cabinet de conseil en recrutement, Médiane, ajoute à son arc. Sauter de la politique au conseil, ce n’est ni le premier, ni le dernier.
Selon lui, cela peut s’expliquer par une certaine similitude d’approche entre politique et conseil : « Entre la politique et les métiers d’avocats, de banquiers ou de consultants, passé les premières années de junior, il existe une même transversalité et un même recours aux soft skills. Cela fait 15 ans que je touche à 10 sujets différents tous les jours, je ne voulais pas être mono secteur. Pour moi, le conseil en stratégie est une gymnastique intellectuelle entre différents secteurs qui ont beaucoup à apprendre les uns des autres. C’est cette cross-fertilisation qui nous permet d’être utile à nos clients. »
C’est aussi pour ces raisons qu’après sa sortie de la vie politique qui l’avait amené à participer à la campagne de Dominique Strauss-Kahn à la primaire socialiste de 2006, à occuper le poste de conseiller général en Saône-et-Loire de 2008 à 2015, et à co-fonder En Marche ! en 2015, il a créé son propre cabinet de conseil en stratégie. BG Strategic Advisory sert quelques patrons et quelques fonds d’investissement, et pourrait éventuellement intervenir dans quelques missions de Circle.
Stratforce Conseil, la structure de conseil créée en 2016 par Vincent Desportes, fonctionne sur le même modèle. Entreprise unipersonnelle et dans laquelle il s’entoure régulièrement de connaissances et amis selon les besoins de ses missions, elle est tout particulièrement intervenue auprès d’Orange pour l’élaboration de plusieurs plans stratégiques ainsi qu’auprès de multiples PME et ETI.
Dans le cas du général, rejoindre Circle est aussi l’expression d’un certain amour de la stratégie : « J’ai été soldat 40 ans durant, des soldats sont morts du fait de décisions auxquelles j’avais pu concourir, ce qui m’a amené à avoir une passion pour la stratégie et à être obsédé de stratégie. Sans stratégie, on arrive à des défaites ignominieuses telle que celle des Américains en Afghanistan qui avec un budget de 800 milliards de dollars par an et les meilleures technologies disponibles finissent par se faire laminer par une poignée de Talibans armés de kalachnikovs. »
Tous quatre n’auront ceci dit qu’une participation ponctuelle aux destinées de Circle, et très circonscrite pour éviter toute forme de conflits d’intérêts.
Benjamin Griveaux est, lui, dans les radars de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique jusqu’en mars 2022, date jusqu’à laquelle il a interdiction de nouer des contacts acquis du fait de ses anciennes responsabilités gouvernementales.
Il enfonce le clou : « Il n’y a rien de plus éphémère et périssable qu’un carnet d’adresses politique. Ce n’est ni un poids ni un atout. Ma vie politique passée me donne une visibilité qui explique pourquoi Augustin m’a sollicité. Pour le reste, les réseaux des anciens d’HEC ou de Sciences Po fonctionnent beaucoup mieux. »
L’advisory board se laisse quelques années pour mesurer son impact sur le développement de Circle. Même si ses membres nous assurent que les prochaines étapes sont déjà sur les rails.