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« Dans la nature, le forçage génétique peut devenir incontrôlable »

lundi 7 juin 2021

Les risques engendrés par le forçage génétique, qui permet de transmettre des gènes modifiés à l’ensemble d’une espèce, font surtout l’objet de modélisations théoriques. Pour la biologiste Virginie Courtier-Orgogozo, ce manque de connaissances en fait un outil potentiellement dangereux, dont les effets sur les écosystèmes demeurent incalculables.

Les apprentis sorciers qui ont vaccinés plus d’un milliard d’êtres humains ont finalisé la première étape du plan de transhumanisme. La modification de l’homme pour réduire la population est bel et bien là.
Qui se soucie de l’inexpérience des « vaccins » et du nouveau laboratoire Moderna qui n’a jamais crée quoi que ce soit, sinon de bénéficier de l’aide de l’agence fédérale de l’armée américaine la Darpa ?
La crise du Covid-19 cacherait le vrai problème qui consiste pour des acteurs politiques à participer de manière civile, sous prétexte de recherches de nouveaux traitements ou vaccins, à des programmes militaires de guerre bactériologique en enfreignant les traités signés sans avoir à redouter la réglementation internationale.
Au début des années 2000, ces recherches de manipulation génétique militaires furent une des stratégies du Pentagone sous le mandat du président Bush et de son secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. A la même époque, en 2003, Didier Raoult participait à la rédaction d’un mémo commandé par l’Etat français sur le bioterrorisme et sur la militarisation des microbes.

Virginie Courtier-Orgogozo est biologiste, directrice de recherche au CNRS et responsable de l’équipe « Génétique et évolution » à l’Institut Jacques-Monod, à Paris. Elle a reçu de nombreuses récompenses scientifiques, telles que le prix Lacassagne en 2018, la médaille de bronze du CNRS en 2014, ou encore le prix Irène Joliot-Curie de la « jeune femme scientifique » de l’année 2014.

Pour POLLINIS, elle revient sur les risques du forçage génétique, encore trop peu connus et documentés pour que cette technologie soit mise en pratique de manière sûre. Virginie Courtier-Orgogozo s’attache à envisager les potentielles conséquences de la modification du génome de populations d’animaux, voire d’espèces entières. Pour elle, cette technologie pourrait affecter le vivant à de nombreuses échelles de matière néfaste. Elle réclame la mise en place d’un cadre régulateur au niveau mondial afin que l’utilisation du forçage génétique soit rigoureusement contrôlée.

Biologiste, directrice de recherche au CNRS, Virginie Courtier-Orgogozo étudie les risques liés à l’application du forçage génétique sur le vivant. ©V. Courtier-Orgogozo

Pouvez-vous nous expliquer en quoi le forçage génétique est une technique différente des OGM que l’on connaît déjà ?

Virginie Courtier-Orgogozo : Les animaux issus du forçage génétique sont des animaux OGM. Ils ont un morceau d’ADN exogène qui a été intégré dans leur génome par l’homme. Mais la première différence c’est que ce fragment d’ADN va pouvoir se transmettre presque systématiquement à la descendance des populations modifiées et donc se répandre plus facilement qu’un gène normal. Normalement, il y a une chance sur deux que le chromosome de notre mère ou de notre père soit transmis à notre descendance. Avec le forçage génétique, ce fragment d’ADN aura environ 98 % de chances de se transmettre, ce qui n’est pas le cas pour les OGM « classiques » qui se transmettent à 50 %. Ainsi si l’ADN inséré dans un organisme OGM est néfaste pour les individus, il sera éliminé petit à petit au cours des générations. Par contre, un ADN de forçage génétique ne sera pas éliminé et continuera de se répandre. Des modèles mathématiques montrent qu’il faut en général une douzaine de générations pour qu’un fragment d’ADN de forçage génétique se transmette à toute une population.

La seconde différence, c’est que les OGM classiques sont des espèces domestiquées : des plantes ou des animaux qu’on va manger. Avec le forçage génétique, on modifie des espèces sauvages, dans le but de les éradiquer, principalement. Pour l’instant, les principales applications du forçage génétique portent sur des moustiques vecteurs du paludisme et des insectes ravageurs de cultures comme les mouches Drosophila suzukii.

L’ensemble du vivant peut-il être soumis au forçage génétique ? Des expériences ont-elles été menées ou bien en est-on toujours au stade de la simple théorie ?

V.C-O. : Le forçage génétique est une vieille idée qui a été mise en pratique en 2015 grâce aux ciseaux moléculaires CRISPR-CAS9 mis au point en 20121. En théorie, la coupure de l’ADN par ces ciseaux moléculaires peut se faire dans tout le vivant, plantes et animaux confondus. Donc, a priori, il n’y a pas de limites. Mais il y a d’autres paramètres qui entrent en jeu pouvant limiter les applications du forçage génétique. Par exemple, une fois que l’ADN est coupé, il faut que le fragment d’ADN qu’on appelle « cassette de forçage génétique » s’insère au site de coupure. Ce phénomène de réparation de l’ADN, qui s’appelle recombinaison homologue, semble moins présent chez les plantes, ce qui entrave le forçage génétique sur elles. De plus, les plantes se reproduisent souvent par autofécondation, alors que le forçage génétique ne peut fonctionner que s’il y a reproduction sexuée. Il y a aussi le paramètre du temps de renouvellement des générations qui importe. Pour une plante, il y a souvent une génération par an. Dans ce cas, la modification génétique gagne l’ensemble d’une population au bout d’une douzaine d’années, c’est un temps trop long. Par contre, cette échelle de temps est très bien adaptée aux insectes, que ce soit les moustiques ou les mouches drosophiles2, car leur temps de renouvellement des générations est de quelques semaines. Le forçage génétique est applicable à des espèces qui ont un temps de génération court et qui ont une reproduction sexuée.

Aujourd’hui, la technique est en train d’être développée dans des laboratoires de recherche, il n’y a pas encore eu d’application grandeur nature. Il y a deux types d’expérience en cours sur les moustiques : soit les rendre résistants au parasite vecteur de la malaria, soit les rendre stériles.

Dans vos publications3, vous évoquez le risque de transmission du gène « forcé » d’une espèce à une autre. Comment cela est-il possible ?

V.C-O. : Avec d’autres chercheurs, nous avons réfléchi au risque qu’un fragment d’ADN introduit dans un organisme se transfère par erreur à une autre espèce et commence à se propager au sein de cette espèce non-ciblée. On s’est aperçu que le risque est faible, mais pas nul.

Il y a deux cas possibles. Le premier, c’est quand une espèce génétiquement très proche se croise avec l’espèce ciblée dans laquelle on a introduit la cassette de forçage génétique. Par exemple, la mouche Drosophila suzukii est présente en Europe et en Amérique du Nord et du Sud. C’est une espèce invasive qui est originaire d’Asie où elle a des espèces sœurs qui peuvent s’hybrider avec elle. Donc si des mouches Drosophila suzukii forcées génétiquement en Europe et en Amérique s’échappent et se retrouvent en Asie, on peut imaginer qu’elles vont se croiser avec d’autres espèces locales et que le gène forcé va se transmettre à d’autres espèces asiatiques.

Le deuxième cas, c’est ce que l’on appelle le transfert horizontal de gènes, quand le morceau d’ADN se transfère à une espèce qui n’est pas proche génétiquement. On ne sait pas encore bien par quels mécanismes des fragments d’ADN passent d’une espèce à une autre, mais on pense que ça peut passer par des vecteurs comme les virus. Parfois, les virus intègrent dans leur ADN des fragments de l’hôte et si le virus infecte une autre espèce, il peut lui transmettre ce fragment qui s’intégrera à son génome. Les chercheurs ont observé des traces de ces transferts horizontaux en comparant les génomes de nombreuses espèces. Ce sont des phénomènes rares mais qu’on peut détecter. En nous intéressant à ce risque, nous nous sommes aperçus que lorsqu’il y a des séquences répétées dans un génome, cela peut aussi faciliter le transfert horizontal à une autre espèce. Pour limiter ce risque, il est donc préférable de placer l’ADN de forçage génétique dans un endroit du génome qui ne contient pas de séquences répétées.

Dans vos travaux4, vous parlez de « cassettes garde-fou » qui permettent théoriquement de contrôler la transmission de gènes forcés. Ces garde-fous sont-ils réellement efficaces face aux risques de dissémination ?

V.C-O. : Le forçage génétique n’est pas comme l’épandage d’un insecticide : si on arrête les lâchers d’individus, la transmission ne s’arrête pas. Il faut donc un système pour arrêter la dissémination de gènes forcés dans la nature. Ces garde-fous modélisés par des chercheurs sont eux aussi basés sur le principe du forçage génétique : ce sont de nouveaux fragments d’ADN qui vont cibler l’ADN du premier forçage génétique et inactiver ce premier forçage génétique. On insère le garde-fou dans des animaux et ensuite on les relâche pour qu’ils aillent transmettre ce garde-fou à leur descendance et que petit à petit l’espèce élimine de son génome le forçage génétique initial.

Aujourd’hui, il n’y a pas d’expériences en laboratoire pour savoir si ces ADN garde-fous vont être efficaces, mais uniquement des modèles mathématiques. Avec d’autres chercheurs, nous avons essayé de modéliser ces ADN garde-fous5, mais leur effet est très difficile à prévoir. Le garde-fou élimine le forçage génétique, mais le forçage génétique élimine les gènes naturels de l’espèce, et les gènes naturels ont tendance à éliminer le garde-fou, créant ainsi un système oscillant instable. Il est donc très difficile de savoir quel va être l’état final de la population une fois qu’on aura rajouté des garde-fous. Combien de garde fous faut-il mettre ? Quand faut-il les mettre ? Ce sont des questions difficiles. Même si, sur le papier, ces garde-fous existent, on n’est pas sûr qu’ils fonctionnent réellement.

La dissémination dans la nature d’organismes issus du forçage génétique affecterait l’ensemble du vivant : à l’échelle du génome bien sûr, mais aussi des organismes, des populations, des écosystèmes, et pourrait avoir des implications socio-économiques… Quels seraient les risques à tous ces niveaux ?

V.C-O. : Même si l’on fait des expériences en laboratoire et que l’on vérifie que le fragment inséré fonctionne comme prévu, les choses peuvent se passer différemment une fois l’espèce dans la nature. Outre le risque de transfert horizontal de gènes, il y a d’autres risques si le forçage génétique parvient à éliminer une population, notamment sur les espèces qui vivaient en interaction avec celle qui a été génétiquement forcée. Ces effets à l’échelle d’un écosystème ne sont pas faciles à imaginer et à anticiper à plus long terme.

Chaque pays doit s’interroger sur les risques associés à cette nouvelle technologie. Il faut garder en tête que ce n’est pas parce qu’un jour on autorise le forçage génétique pour un cas et que cela se passe bien qu’il va falloir ouvrir la porte à d’autres applications de forçage génétique. Plus on modifie d’espèces par le forçage génétique, plus les risques augmentent. Si, dans le cadre du paludisme, on accepte le forçage génétique et que cela fonctionne, ce n’est pas une raison suffisante pour en accepter d’autres, car ils n’auront peut-être pas les mêmes spécificités et les mêmes risques associés. Il faut les analyser au cas par cas.

Des officiels des services renseignements américains classent l’outil CRISPR-9 comme arme de destruction massive, c’est un terme qui vous semble approprié ?

V.C-O. : Du point de vue théorique, d’après les modèles que l’on a, on peut éliminer toute une population de plusieurs dizaines de milliers d’individus en quelques générations. Donc oui, c’est une technique qui, sur le papier, est potentiellement très puissante. Dans la nature, on ne sait pas car on ne l’a jamais utilisée. Si on imagine qu’on peut ainsi éliminer un pollinisateur très important pour telle culture dans tel pays, cela pourrait causer des dégâts énormes. Oui, c’est une technologie qui peut potentiellement être très dangereuse.

Existe-t-il un risque de dissémination au sein même des laboratoires de recherche ?

V.C-O. : Dans les laboratoires manipulant des animaux de forçage génétique, il faut des règles de sécurité très fortes pour qu’il n’y ait pas d’accident. Je suis favorable à la mise en place d’une commission nationale, ou internationale, en charge des expériences sur le forçage génétique en laboratoire. Cette commission aurait la liste de toutes les séquences d’ADN utilisées et ainsi, en cas d’accident, pourrait réagir très vite pour essayer d’éviter que ce nouvel ADN se propage. Si on connaît bien sa séquence génétique, on pourra agir plus vite.

Cette commission permettrait aussi de sensibiliser les chercheurs, de les informer sur tous les risques qu’ils ne connaissent pas forcément. Ce sont des ADN auto-amplificateurs, c’est ce qui les rend puissants, mais aussi potentiellement dangereux. Un moyen d’éviter les accidents est de travailler sur les moustiques vecteurs de la malaria dans des laboratoires situés dans des zones froides où le moustique ne survivrait pas, au Royaume-Uni ou à Strasbourg par exemple. Mais les moustiques élevés en laboratoire en Europe doivent ensuite être envoyés en Afrique et transiter par plusieurs pays, ce qui pose problème. Aujourd’hui, il faut informer le grand public et se poser la question de la réglementation. Il faut limiter les risques au maximum.

L’un des arguments en faveur du forçage génétique est qu’il constituerait un moyen d’enrayer le déclin des espèces. Qu’en pensez-vous ?

V.C-O. : Ce sont surtout en Australie et en Nouvelle-Zélande que des mouvements de conservation aimeraient utiliser le forçage génétique. Là-bas, par exemple, plusieurs espèces d’oiseaux endémiques sont en train de disparaître, leurs œufs sont mangés par des rats, donc l’idée est d’éliminer les rats en les rendant stériles pour éviter l’extinction de ces espèces endémiques. Mais comment être sûr que ces rats génétiquement forcés ne vont pas aller dans d’autres pays et que ces cassettes de forçage génétique ne vont pas se répandre à d’autres populations de rats ? Pour moi, les risques sont importants car on a beaucoup de mal à contrôler les déplacements de rats.

Cela fait plusieurs années que vous réclamez un débat sur le sujet du forçage génétique : pourquoi pensez-vous qu’un tel débat est important et comment pensez-vous qu’il pourrait prendre forme ?

V.C-O. : Il y a déjà eu plusieurs demandes de moratoire6 sur l’utilisation du forçage génétique, mais cela n’a pas l’air d’être accepté par les politiques. Ce qui été validé en revanche, c’est la nécessité d’obtenir l’accord des peuples autochtones là où un lâcher est envisagé. Mais cela ne suffit pas : les moustiques et les mouches peuvent traverser les frontières. Le forçage génétique a été développé par des chercheurs spécialistes en biologie moléculaire, très qualifiés pour tout ce qui se passe à l’échelle moléculaire. Mais cette technique peut affecter des populations entières et pourrait donc avoir des effets à l’échelle des écosystèmes. Il est donc très important, selon moi, d’impliquer d’autres profils dans le débat. Pas seulement d’autres chercheurs, mais aussi le grand public. Comme la technique est nouvelle, on a du mal à envisager tous les risques. Donc, plus il y aura de personnes qui réfléchissent à ces risques, plus on aura de chance d’envisager toutes les éventualités possibles et de les éviter au maximum.

Pollinis

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