Geopolintel

Macron ou le « new public management » de l’école

vendredi 18 février 2022

Après les cheminots, c’est le statut des professeurs qui dans la ligne de mire et le chef d’établissement qui risque d’être transmuté en manager.

Comme pour la santé et les autres services publics, Macron veut tout réduire pour mieux le privatiser.

Conférence de presse de rentrée du ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, le 29 août. (Albert Facelly pour Libération)
par Francis Daspe, président de la Commission nationale Education du Parti de Gauche et secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée

Il existe un repère quasi infaillible pour connaître au mieux l’état d’une société : c’est la manière avec laquelle on considère le service public en général, et le sort qui est réservé à l’école en particulier. Ce qui se prépare ne doit hélas guère inciter à l’optimisme.

Dans le cadre de CAP 2022 (« Comité action publique 2022 »), le rapport Service Public est désormais dévoilé. Son contenu est totalement déséquilibré : il s’agit d’un parfait bréviaire libéral appliqué aux services publics. Il est dominé par un seul et unique mot d’ordre : réduire par tous les moyens ! Il faut réduire le coût financier, réduire le nombre de fonctionnaires, réduire le service rendu, réduire le déploiement territorial au risque de réduire la continuité et l’égalité républicaines. A l’image de Diafoirus dans le Malade imaginaire de Molière ne cessant de préconiser des saignées qui finissaient par tuer le patient, CAP 2022 scande à longueur de page « Réduisons ! Réduisons ! » Les propositions étant d’ailleurs si peu avouables, le gouvernement a préféré mettre de côté le rapport. Stratagème éculé : le contenu du texte irriguera puissamment les prochaines orientations de notre système éducatif.

L’école ne se situe nullement en dehors de la société ; elle n’est en aucune manière sanctuarisée. Elle subit frontalement l’offensive libérale par le biais d’attaques transversales. Trois d’entre elles sont aisément identifiables.

Ligne de mire

L’austérité reste à l’ordre du jour, à l’égal d’une contrainte indépassable. L’obsession de réaliser des économies par le passage à un « pilotage par la masse salariale » imprègne le rapport. La signification est claire : le gisement d’économies par moins de profs et moins de recrutements ayant tendance à se tarir (on est souvent arrivé à l’os), le prochain filon consistera à agir à la baisse sur les salaires.

L’opération passera par une remise en cause des règles de l’avancement des personnels afin de les faire davantage stagner dans des échelons inférieurs. Comme pour la SNCF, le statut des professeurs est dans la ligne de mire. Un procédé identique est convié à la rescousse pour accomplir la besogne : la création d’un nouveau corps composé d’enseignants intégrés sur la base du volontariat ou recrutés sur la base de contrats de droit privé. Ceci pour mettre en concurrence le corps des enseignants sous statuts, afin de leur imposer une intensification des tâches et des missions, une augmentation de la durée du temps de travail, afin de satisfaire les besoins inassouvis de l’austérité.

Dans la logique de la réforme territoriale, le démantèlement des cadres nationaux républicains est visé pour favoriser la régionalisation du système éducatif. L’autonomie de gestion est alors parée de toutes les vertus.

A ces trois objectifs purement idéologiques, un point commun fait office de ciment : l’introduction d’une gestion managériale. Le chef d’établissement transmuté en manager, jouerait sa crédibilité sur sa capacité à réaliser des économies, son habileté à mettre à bas dans la pratique quotidienne les statuts, sa faculté à promouvoir l’école des territoires.

Il n’y a cependant pas grand-chose de nouveau dans ce projet. La continuité est plutôt de mise, entre la révision générale des politiques publiques (RGPP) de Nicolas Sarkozy, la modernisation de l’action publique (MAP) de François Hollande et aujourd’hui CAP 2022. En somme, à chaque fraction de l’oligarchie son arme de destruction massive des services publics et de l’école de la République…

Dérégulation

L’avenir promis à l’école ne fait pas de doute. Elle est invitée à devenir plus que jamais une entreprise, un marché et une marchandise. Une entreprise modulée par l’application d’un « new management public » débridé ne jurant que par une déréglementation tous azimuts ; un marché réglé par la loi d’airain de la concurrence favorisant la dérégulation ; une marchandise mue par la seule recherche du profit ouvrant la voie à des privatisations décomplexées.

Plus que jamais, avec CAP 2022, on s’éloigne des missions de l’école de la République pour s’aventurer sur des terres inconnues.

Francis Daspe est co-auteur du livre Manifeste pour l’école de la VIe République, éditions du Croquant, 2016.

Libération

—  0 commentaires  —

© Geopolintel 2009-2023 - site réalisé avec SPIP - l'actualité Geopolintel avec RSS Suivre la vie du site