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Macron : Nous sommes en guerre

jeudi 23 mars 2023

Daniel Conh Bendit, figure du mouvement de mai 68, brille par son absence des plateaux télé, par sa soumission au pouvoir capitaliste qu’il dénonçait et par le manque de soutien au peuple qui gronde dans toute la France. Celui qui tua le père de la 5e république se retrouve maintenant aux côtés du Monarque Macron responsable de la libéralisation et de la privatisation de la société française. Les promesses de mai 68 ont tenu 50 ans. Un demi siècle de jouissance par ordonnance de crédit et par la division mercatique de l’héritage sociologique de la France.

Macron l’intelligence « du con »

Au final, l’élection de Macron nous aura été bénéfique, il vient de foutre en l’air 50 ans de paix sociale. Cela aura eu le mérite de redonner une unité au pays, celle des français des territoires rassemblés sous la bannière du peuple laborieux. A lui tout seul, il vient de réveiller le « gaulois réfractaire » qui sommeillait depuis la première révolution colorée moderne. A lui tout seul, il a dépouillé le légendaire révolutionnaire de ses oripaux Daniel Cohn bendit et l’on pourra alors ressortir le cadavre de Mai 68.

La révolte des « non-essentiels » aura-t-elle lieu ?

Par Victor Rouart

FIGAROVOX/ENTRETIEN -

À la suite de la parution de son essai « La France en colère » aux éditions Buchet Chastel, l’écrivain Luc Mary évoque les soulèvements qui ont jalonné l’histoire de France. Pour lui, le mouvement des gilets jaunes représente une renaissance du peuple français, qui montre que l’esprit de révolte n’a pas disparu avec la chute du mur de Berlin.

Luc Mary est écrivain et Historien de formation. Il a notamment publié Ces héros méconnus de l’histoire (Éditions Larousse, 2018) et La France en colère (Éditions Bruchet Chastel, 2021).

FIGAROVOX.-Vous abordez dans votre livre de nombreuses révoltes qui ont marqué l’histoire Française. Pourquoi La France est-elle autant confrontée à ce phénomène ?

Luc MARY.-Si la France n’est pas le seul pays à avoir été secoué par des révoltes d’envergure, comme en témoigne le coup d’état bolchevique en Russie en 1917 ou la révolution islamique en Iran en 1979, elle peut se targuer d’être le théâtre du plus grand nombre d’émeutes ou d’insurrections. Pas moins de 10 000 révoltes ont ainsi été enregistrées depuis le règne d’Henri II. On peut parler de constance de notre histoire. Les républiques n’ont pas été plus épargnées que les monarchies. En l’espace de cinq siècles, il ne s’est pas écoulé une seule décennie de paix civile.

Entre 1789 et 1848, la France s’est même payée le luxe d’être l’initiatrice de trois révolutions historiques. Trois rois en ont fait les frais comme l’expriment la décapitation de louis XVI ou le double exil de Charles X et de Louis Philippe. Des insurrections à portée universelle. La révolution de 1789 est même devenue le symbole de l’esprit français, indissociable de l’esprit d’insoumission. Il serait ancré dans notre ADN.

L’histoire sociale de notre pays est en effet un hymne à l’insoumission et à la Révolution. Un comble pour une nation qui s’érige en leader de la démocratie. Dans les faits, démocratie et insurrection ne sont pas vraiment antinomiques. Elles seraient même intrinsèquement liées comme les deux faces d’une même monnaie. Il n’y a que dans les dictatures les plus implacables que les peuples ne bougent pas. Mieux encore, le nombre de révoltes enregistrées dans notre pays ne serait que l’expression d’une démocratie inachevée, une manifestation de l’esprit de liberté quand l’état faillit à ses devoirs.

« Le droit à l’insurrection » est même considéré comme une valeur fondamentale des droits de l’Homme par les Jacobins de 1793. Face à l’immobilisme du pouvoir et à l’injustice de la société, « l’insurrection est le plus sacré des devoirs » proclame La Fayette en février 1790 à l’Assemblée nationale.
J’établis une différence fondamentale entre les révoltes paysannes de l’Ancien régime et les émeutes ouvrières de la période moderne.

Quelles sont les causes principales de ces soulèvements ?

D’une certaine façon, la misère est la mère de toutes les révoltes. « La France en colère » nous invite ainsi à une grande autopsie de la pauvreté dans notre pays à travers ses soubresauts les plus violents. Des paysans accablés d’impôts sous la Renaissance aux ouvriers accablés de travail pendant la Révolution industrielle, leurs soulèvements successifs constituent autant de grands virages de l’histoire où le peuple en armes revendique son identité, son droit de vivre et parfois sa volonté farouche d’en découdre avec les autorités et de transformer la société.

Quoi qu’il en soit, j’établis une différence fondamentale entre les révoltes paysannes de l’Ancien régime et les émeutes ouvrières de la période moderne. Là où les Pitauds, les Croquants ou les Bonnets rouges se soulèvent pour conserver leurs privilèges fiscaux, les Canuts de Lyon, les mineurs de 1948 ou les employés de Renault en 1968 réclament de meilleures conditions de vie quand ils n’entendent pas renverser carrément l’ordre social et pourfendre le capitalisme.

Dans la seconde partie du XIXe siècle, les villes deviennent en effet l’épicentre des révoltes ; la révolution industrielle a ainsi drainé des millions de paysans vers les centres urbains, lesquels se sont amassés dans des taudis sordides et humides. À compter de la répression de juin 1848, la République s’est définitivement coupée de sa base populaire, à savoir le prolétariat. Toutes les émeutes qui suivent cette période traduisent l’échec de la République démocratique et sociale. Sous l’influence des idées marxistes et après le triomphe des Bolcheviks en Russie en 1917, les mouvements révolutionnaires en France se radicalisent et se politisent.

À n’en pas douter, la misère est ici le ferment de la colère populaire. Là où les paysans de Louis XIV n’étaient que des révoltés adulant encore la personne du roi, les ouvriers de notre monde moderne sont de véritables révolutionnaires. Ils exècrent la bourgeoisie et les élites et entendent changer la société en profondeur. Qui plus est, en raison du triomphe du communisme en Russie, la révolte en France à partir de 1945 entre dans le cadre d’un mouvement aussi idéologique que mondial.

La violence engendrée par les révoltes que vous décrivez, est-elle le seul moyen pour le peuple de manifester sa volonté de changements dans la société ?

« Les Français aiment la Révolution mais détestent le changement ». Cette phrase de l’ancien chroniqueur du Figaro André Froissard illustre on ne peut mieux le caractère conservateur des seules révoltes paysannes de l’Ancien régime. De 1548 à 1715, les Croquants et autres Bonnets rouges et Lustucrus se soulèvent ainsi pour conserver leurs privilèges et non pour contester le bien-fondé de la Monarchie.

Mieux encore, ils se révoltent au nom de leur « bon roi », indignement servi par des commis du fisc aussi cupides qu’immoraux et corrompus. Loin de se dresser contre le roi, ces paysans armés entendent surtout se soulever contre ses disciples qu’ils jugent indignes de la royauté…

La révolte est par définition violente. La violence est même inséparable de son développement. Sa dimension tragique est ce qui en fait un événement capital et marquant pour la mémoire collective. Violence, car elle surgit quand les acteurs de cette tragédie ne trouvent pas d’autres moyens d’expression. La violence est la manifestation paroxysmique d’un désespoir sans pareil. Par ailleurs, les auteurs de massacres entendent le plus souvent d’impressionner l’adversaire pour mieux montrer leur détermination. Ainsi périssent lynchés par la foule les gabeleurs de la monarchie.

La révolte dans sa dimension la plus violente apparaît pour ses protagonistes comme le seul langage que « la France d’en Haut » puisse comprendre. Paradoxalement, le geste révolutionnaire des Pitauds, des Canuts ou des Communards est à la fois l’expression de leur désarroi le plus profond et l’ultime message d’espoir d’une amélioration de leurs conditions de vie. « Du travail ou la mort ! » proclament les Canuts dans les rues de Lyon en novembre 1831. « Nous aimons mieux périr d’une balle que de faim ».

Vous évoquez mai 68. En quoi considérez-vous cet évènement comme important dans l’histoire de France ?

Le mouvement de Mai 1968 me semble unique et inédit dans l’histoire sociale de la France. Plus qu’une crise de régime, il s’agit là d’une véritable remise en question de notre civilisation, celle de la consommation et du profit. Au contraire des épisodes révolutionnaires précédents, il se caractérise par une absence de morts.

Mais là ne réside pas le caractère singulier de cette flambée révolutionnaire aussi brève qu’inédite. Au plus fort du mouvement, on compte 10 millions de grévistes. Du jamais vu en France, même en novembre 1947 au moment des grèves insurrectionnelles, en particulier dans les bassins miniers.
Réclamant une société plus juste et une démocratie plus directe et plus sociale, les contemporains de Louise Michel n’ont rien à envier aux camarades d’Éric Drouet.

Si le gouvernement a réussi « miraculeusement » à déjouer le processus révolutionnaire, il n’a pu enrayer le bouleversement culturel amorcé par ce mouvement. L’esprit de mai 68 a survécu aux barricades. Les débats de l’Odéon ont ainsi longuement résonné dans nos oreilles. Comme le souligne l’historien Gérard Courtois, les gauchistes ont « irrigué tous les courants qui ont germé dans la décennie suivante, de l’université nouvelle de Vincennes au plateau du Larzac, de la cause des femmes et d’homosexuels, de l’aspiration autogestionnaire aux premières mobilisations écologiques ».

Mai 68 a aussi joué un puissant rôle d’accélérateur des réformes, notamment dans le milieu scolaire et universitaire. L’heure est à la décentralisation, à la fin de la hiérarchie scolaire et de l’élitisme. Les professeurs ne constituent plus un corps à part et inaccessible. Des délégués choisis parmi les élèves participent désormais aux conseils de classe.

En octobre 1968, la loi Faure entérine ainsi la représentation des étudiants et des différents corps enseignants dans les conseils universitaires. Sans compter la libéralisation des mœurs dans les écoles comme l’attestent l’extension de la mixité et la possibilité pour les filles de porter des pantalons ou de se maquiller.

Aussi le mouvement de mai 68 a-t-il marqué durablement les esprits, plus que tout autre révolte en France au cours de ce long XXe siècle. Échec politique avéré, puisque la révolution populaire n’a pas eu lieu, il n’en représente pas moins un succès culturel à long terme. Si les étudiants ont perdu la bataille de la rue, ils ont gagné celle des idées…

Le mouvement des gilets jaunes a émergé il y a environ deux ans. Peut-on voir des similitudes entre ce mouvement et la révolution de 1789 ou la révolte de la commune en 1871 ?

Nullement, le mouvement des Gilets jaunes n’a aucune comparaison avec toutes les insurrections précédentes, encore moins avec la révolution bourgeoise de 1789, voire la révolte prolétarienne de 1871, laquelle est intervenue dans un contexte de guerre contre la Prusse et après la terrible épreuve du siège de Paris où les gens, morts de faim, en sont venus à dévorer les chiens et à traquer les rats.

Un mouvement révolutionnaire exclusivement parisien, comme l’atteste son nom passé à la postérité : la Commune de Paris Par ailleurs, cet épisode tragique, a duré 72 jours, est éphémère et particulièrement meurtrier. Pour les seuls insurgés, plus de 15 000 morts sont dénombrés.

Au contraire des Gilets jaunes, les Communards sont morts pour leurs idées sur les barricades. A priori, les Communards apparaissent comme des Gilets jaunes avant la lettre. Réclamant une société plus juste et plus égalitaire et une démocratie plus directe et plus sociale, les contemporains de Louise Michel n’ont rien à envier aux camarades d’Éric Drouet.

Mais là s’arrête la comparaison, le contexte historique et les moyens de communication sont radicalement différents. Les Communards n’ont par ailleurs jamais exprimé des idées anti-élitistes. Leurs principaux chevaux de bataille sont l’antimilitarisme, l’antimonarchisme et l’anticléricalisme. On en veut pour preuve l’assassinat de l’archevêque de Paris, Mgr Darboy, et le retour au calendrier républicain de 1793. Des idées nullement anti-élitistes.

Malgré l’influence manifeste des Blanquistes, ils ne sont même pas imprégnés d’anticapitalisme, comme en témoigne le fonctionnement à plein régime de la Banque de France. Pour finir, je dirais que chaque grande révolte en France est unique.
À la grande surprise des bien-pensants, l’esprit de révolte n’a pas disparu avec la chute du Mur de Berlin.

Cette révolte des Gilets jaunes représente-elle, selon vous, le retour de la lutte des classes à travers le clivage peuple/élites ?

D’une certaine façon. Pas plus tard que le 1er décembre 2018, des centaines de manifestants remontent l’avenue Foch aux cris de « Mort aux riches ». Si le communisme soviétique est mort, les idées qui ont fait le succès du communisme sont toujours d’actualité. Dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, nous assistons à une renaissance du peuple français ; à la grande surprise des bien-pensants, l’esprit de révolte n’a pas disparu avec la chute du Mur de Berlin.

Le mouvement des Gilets jaunes est la première révolte populaire en France dans le monde post-soviétique. C’est le retour du poids de la fiscalité et du principe de la lutte des classes. En l’espace de quelques mois, un mouvement polymorphe, décentralisé et déstructuré aux revendications purement fiscales se transforme en un mouvement politique et social radical.

Pour la première fois depuis mai 1968, des émeutes éclatent dans les rues de Paris mais aussi de plusieurs agglomérations en Province. Mais à la différence de mai 1968, le mouvement est plus provincial que parisien, plus prolétaire que bourgeois et plus rural qu’urbain. Il ne touche pas non plus le monde universitaire. Il s’agit vraiment d’une révolte des oubliés de la mondialisation, de ceux qui n’arrivent pas à boucler leur fin de mois.

Les Gilets jaunes ne disposent d’aucun leader, d’aucune structure politique et ne sont affiliés à aucun syndicat. Ce qui leur importe, c’est moins la fin du Monde prophétisée par les écologistes que leur fin du mois qu’ils n’arrivent pas à boucler.

Avec la crise sanitaire et probablement sociale et économique ensuite, la France peut-elle être de nouveau confrontée à une révolte historique de grande ampleur ?

Churchill disait : « Ceux qui oublient l’histoire seront amenés à la revivre ». Toutes les révoltes qui ont émaillé notre histoire insistent sur ce point : ne pas oublier la souffrance du peuple. Aujourd’hui, le peuple français est confronté à une épreuve d’envergure : la crise sanitaire de la Covid. Les libertés individuelles sont bafouées et la civilisation du plaisir est sacrifiée sur l’autel de l’intérêt collectif. Pourtant, les Français ne bougent pas. Sans doute que la crise sanitaire les tétanise. On peut aussi avancer d’autres arguments.

À commencer par le caractère mondial de l’épidémie. C’est la planète et non notre seule France qui lutte contre ce virus encore inconnu il y a deux ans. Qui plus est, la pandémie touche indépendamment toutes les couches sociales. Le sentiment d’inégalité, catalyseur de nombreuses révoltes dans le passé, n’existe pas dans le cadre de la crise sanitaire. Quoiqu’il, on ne peut jamais augurer de l’avenir.

L’Histoire n’est pas une science exacte et les mêmes causes ne donnent jamais naissance aux mêmes effets. Face à l’imprévu, je n’exprime qu’une seule certitude : d’autres révoltes agiteront notre pays, mais nous n’en connaissons ni la nature ni la date.

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