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Une start-up luxembourgeoise injecte de l’ADN de porc dans du soja pour le rendre meilleur

mardi 30 janvier 2024

Qui en veut ?

Et si l’heure de la grande réconciliation avait sonné ? Et si nous avions enfin la technologie pour que les vegans et les amoureux de la viande partagent enfin un même plat ? La génétique nous permet désormais d’envisager du soja délicatement rosé au goût subtil de cochonnaille, comme nous l’explique un article savoureux de The Byte, la branche consacrée aux innovations du média en ligne Futurism.

Moolec Science, une start-up de biotechnologie basée au Luxembourg, a mis au point un soja génétiquement modifié intégrant des gènes de porc. Le résultat, baptisé « Piggy Sooy », est la première plante génétiquement modifiée à produire des protéines au goût de viande.

La recette de Moolec Science est simple : inclure les codes d’ADN des gènes des protéines animales dans le génome des principales plantes utilisées dans l’alimentation. « Chaque protéine est sélectionnée pour apporter une valeur ajoutée en termes de fonctionnalités ciblées, telles que le goût, la texture et les valeurs nutritionnelles », nous explique le site de l’entreprise. Piggy Sooy offre donc à vos papilles curieuses une saveur de viande, mais aussi une intrigante couleur rose qui ravira les amateurs de chair saignante.

À long terme, ce soja aux notes carnées pourrait donc permettre de réduire drastiquement les besoins en viande sur la planète et le coût environnemental de l’élevage. L’alimentation humaine représente à elle seule environ 25% des émissions de gaz à effet de serre et la production de viande et autres produits issus des animaux vampirise à elle seule 14,5% des rejets globaux (d’après les dernières données de référence de 2013). L’urgence à réduire la part d’aliments issus de l’élevage dans nos assiettes est réelle.

Vous reprendrez bien des OGM ?

Si l’offre d’alternatives se développe, la demande ne suit pas encore complètement : la viande produite en laboratoire n’atteint pas les économies d’échelle lui permettant d’être compétitive dans les rayons. Et les tentatives pour reproduire la texture et le goût de la viande avec des produits végétaux ne séduit pas massivement. Moolec entend donc proposer son produit comme un complément végétal aux produits à base de viande.

Il va désormais falloir convaincre le public, mais également les autorités. Pour l’heure, parce qu’elles croisent l’ADN de deux espèces différentes, les méthodes de Moolec ne sont pas dans les clous des régulations européennes et britanniques concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM). Mais la start-up luxembourgeoise « espère que cela posera moins de problèmes en Argentine et aux États-Unis, où elle possède des bureaux et où les régulateurs sont plus flexibles à l’égard des aliments issus d’OGM », indique de son côté Wired.

Si cette solution répond au problème environnemental posé par l’élevage de porcs (et à terme par l’élevage tout court), elle amènera les végétariens à s’interroger sur l’alignement de cette pratique avec leurs convictions. Un végétal avec des gènes de cochon est-il, quelque part, animal ? Grossissons le trait : pourrions-nous manger du tofu avec des gènes humains, s’il avait meilleur goût (et une jolie couleur rosée) ?

Plus largement, et au-delà des considérations éthiques, se pose un problème quasi philosophique. Quelle direction a pris l’humanité pour qu’un bon nombre de recherches soient mises en œuvre pour donner une apparence de viande à ce que l’on mange ? Doit-on vraiment donner une saveur de côtelette porcine à nos légumes pour sauver notre planète ? Peut-être devrait-on donner aux chercheurs de Moolec Science une bonne recette de poêlée de pousses de soja aux échalotes, ça règlerait le problème.

André Masson janvier 2024

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