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Obama : les Noirs ne lui disent pas merci

vendredi 19 juin 2020

Le premier président afro-américain des États-Unis a moins fait pour apaiser les tensions raciales que la plupart de ses prédécesseurs blancs.
« Guerre civile aux États-Unis. » Le titre du New York Post au lendemain de la tuerie de Dallas était évidemment excessif. Mais lorsqu’un tireur appartenant à une organisation extrémiste noire tue froidement cinq policiers blancs et en blesse plusieurs autres, lors d’une manifestation destinée à protester contre le fait que deux jeunes Noirs avaient été abattus, pour des motifs bénins, par des policiers, la même semaine, à Saint Paul, Minnesota, et à Bâton-Rouge, en Louisiane ; et lorsqu’à la suite de ces drames, les marches de protestation des Noirs se multiplient partout dans le pays, que les marchands d’armes sont dévalisés par des Blancs qui disent vouloir se protéger, et que ni les mots d’apaisement des pasteurs, ni les appels au calme des responsables politiques, ni les condamnations des excès policiers par le président lui-même ne parviennent à calmer le mouvement, on peut en effet parler d’un climat qui pourrait vite déraper en un affrontement entre communautés.

Un président « normal »

Et dire que lors de son discours d’inauguration en janvier 2008, le premier président noir des États-Unis avait promis une nation apaisée entre ses différentes composantes (« Yes we can ») et adjuré ses frères de race de « mettre leurs frustrations sur le même plan que celles de tous les Américains à la recherche d’une vie meilleure ». Seulement pour rendre réalisable une incitation aussi utopique, encore fallait-il que le président ne se contente pas de mots.

Or, parce qu’il voulait calmer les inquiétudes de la communauté blanche à l’idée que c’était un homme de couleur qui venait de s’installer à la Maison-Blanche, Barack Obama a tout fait pour ressembler à un président « normal ». Premier signe : il y avait moins de ministres noirs dans son premier cabinet que dans celui de George W. Bush. Et surtout, aussi étrange que cela puisse être, le problème de l’égalité des chances entre les Noirs et les autres n’a jamais été au centre des préoccupations de ce gouvernement.

Aujourd’hui, 46 % des enfants noirs de moins de six ans sont élevés dans des familles pauvres, contre 14,5 % des Blancs. Ces pourcentages n’ont pas changé depuis 2008. Tout comme la concentration de la pauvreté, autrement dit le système des ghettos (celui-là même contre lequel dans certains pays comme la France on essaie de lutter – avec des fortunes diverses – en recréant de la mixité.) Aux États-Unis, ce système est tellement ancré dans la société que même les Noirs qui réussissent, selon le sociologue Robert Sampson, parce qu’ils restent proches de leur communauté, voient leurs familles plus exposées à des conditions de vie déplorables dans les ghettos – mauvaise éducation, service de santé défaillant, transports insuffisants – que des familles blanches ayant un revenu nettement inférieur.

Obama a échoué à apaiser les tensions

Le taux de criminalité va de pair avec cette situation de pauvreté et de frustration. Un jeune Noir sans diplôme a 37 % de risque d’aller en prison et seulement 26 % d’avoir un emploi rémunéré. La moitié des Noirs âgés de moins de 23 ans sont passés par la case prison. Lorsqu’ils ont, si l’on peut l’écrire, la chance d’y parvenir et ne tombent pas sous les coups d’une police qui est devenue la plus brutale de tous les pays démocratiques. D’où cette folie de vengeance comme à Dallas.

Et si Obama a échoué à apaiser les tensions entre communautés, il n’est pas sûr que l’élection présidentielle de novembre puisse y changer quoi que ce soit. Les sondages démontrent que l’électorat n’a jamais été aussi clivé en fonction des races. Quatre-vingt-onze pour cent des Afro-Américains déclarent qu’ils choisiront Hillary Clinton, contre seulement 42 % des Blancs. Alors que 52 % de ceux-ci voteront pour Donald Trump. Autrement dit, celui qui sera élu sera majoritairement désigné par les Blancs, dans le cas de Trump, ou par les Noirs dans celui d’Hillary. Pour cette dernière, c’est un peu dans l’ordre des choses. Bill Clinton n’avait-il pas eu, au contraire d’Obama, une politique tellement volontariste en faveur des Afro-Américains que ceux-ci ont coutume de dire qu’il a été le premier président noir des États-Unis.

Le Point

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