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La réforme bancaire de Bâle 3

lundi 9 octobre 2017

En 2010, en réponse à la crise financière, le Comité de Bâle présente la réforme dite de » Bâle III ». Cette fois, l’objectif est d’accroître la capacité de résilience (c’est à dire la capacité à s’adapter à la conjoncture) des grandes banques internationales. Ces nouveaux accords prévoient notamment un renforcement du niveau et de la qualité des fonds propres et une gestion accrue de leur risque de liquidité. Ces règles ont été transposées en droit communautaire européen par l’intermédiaire d’une directive dite CRD 4 (Capital Requirements Directive 4)

Les régulateurs ont trouvé dimanche un accord sur un vaste plan de réforme du secteur bancaire, prévoyant un relèvement des fonds propres des établissements financiers. Les nouvelles normes permettront-elles d’éviter une nouvelle crise« Ou risquent-elles au contraire de plomber la croissance » Les réponses de L’Expansion.com

Qu’a décidé le Comité de Bâle ?

L’accord trouvé dimanche se concentre principalement sur la solvabilité des banques. Il s’agit de renforcer aussi bien le niveau que la qualité des fonds propres pour permettre aux établissements financiers d’être plus à même d’absorber les pertes sur des prêts ou des investissements en cas de crise. L’idée étant d’éviter qu’ils ne recourent une nouvelle fois aux fonds publics. Ainsi, le Comité de Bâle a décidé de relever le ratio de solvabilité Core Tier 1 de 2% à à 4,5% avec en plus un matelas de protection de 2,5%, d’ici 2019. Autrement dit, les fonds propres « durs » , c’est à dire composés uniquement d’actions et de bénéfices mis en réserve, devront représenter 7% des activités de marché ou de crédit des banques. L’augmentation de ce ratio devra contribuer à limiter l’incitation à la prise de risque.

L’augmentation des fonds propres sera-t-elle suffisante pour éviter une nouvelle crise ?

Les avis divergent. Si tout le monde s’accorde pour dire que ces mesures vont dans le bon sens, certains économistes estiment qu’elles sont inadéquates. D’une part, le relèvement du ratio de fonds propres « reste inférieur à ce qu’attendaient certains (entre 8% voire jusqu’à 10%) », note Valérie Plagnol, directrice de la stratégie chez CM-CIC Securities. Selon l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran, il est même « inférieur à ce qu’exigent déjà les marchés ». D’ailleurs, dans la pratique, la plupart des banques européennes visent déjà les 7%. C’est pourquoi pour Simon Johnson, l’ancien directeur des études du FMI, le ratio aurait dû être de 15%, voire même de 20% en temps de forte croissance. De plus, la sanction est relativement légère : les banques sous-capitalisées n’auront pas le droit de distribuer de dividendes, mais elles ne seraient pas obligées de lever les fonds manquants.

Autre faille : « la crise a montré que même avec un bon ratio de solvabilité, le levier d’actif pouvait être excessif et que cela n’empêchait pas une crise de liquidité », poursuit Jézabel Couppey-Soubeyran. Or les lobbies bancaires ont réussi à retarder aussi bien la mise en place d’un ratio de levier, qui ne sera détaillé qu’en 2015, que le ratio de liquidité à long terme, qui ne sera pas appliqué avant 2018. Ainsi, le calendrier a été tellement assoupli pour tous les ratios, que « cela laisse le temps de voir une autre crise ». Enfin, « la réforme ne porte pour l’instant que sur les règles et pas sur les autorités de contrôle elles-mêmes, ce qui fait qu’un décalage persiste entre l’activité internationale des banques et leur supervision, qui elle, reste nationale. »

Le crédit sera-t-il menacé ?

C’est l’argument favori des banques : si elles doivent « geler » plus de fonds propres, il y aura moins de ressources pour le crédit. La régulation « pèsera inévitablement sur le financement de l’économie et notamment le volume et le coût du crédit », a ainsi prévenu la Fédération bancaire française. Une conséquence d’autant plus dommageable pour l’économie européenne que 80% de son financement est assuré par les banques, quand les grandes entreprises américaines misent essentiellement sur le marché.

C’est ce qui inquiète d’ailleurs Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). « Ces mesures vont obliger les banques à thésauriser davantage, et je crains que cela va limiter l’accès au crédit des PME, alors que l’on commence à sortir de la crise ».

En réalité, ces normes sont finalement peu contraignantes pour les banques, puisqu’elles ont jusqu’en 2019 pour s’y conformer. « Ce qui est coûteux pour une banque, c’est de lever des fonds sur les marchés, explique Augustin Landier, professeur à la Toulouse School of Economics. Or là, elles ont assez de temps pour augmenter leurs fonds propres par rétention de profits ». Ainsi, « les plus grands groupes européens, américains et asiatiques pourront satisfaire à ces nouveaux critères sans trop de difficultés », affirme à ce propos Valérie Plagnol. La preuve que les banques ne devraient pas trop souffrir : les valeurs bancaires étaient en forte hausse lundi à la Bourse de Paris. De fait, si les établissements financiers sont aussi hostiles à l’augmentation des fonds propres, c’est avant tout parce que cela diminue mécaniquement leur rendement, et donc leurs profits. Mais il n’y a rien d’« inévitable » dans la répercussion de l’augmentation des fonds propres sur le coût du crédit.

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