McKinsey versera 573 M$ US pour le rôle qu’elle a joué dans la crise des opioïdes
Le consultant McKinsey a accepté de payer 573 millions de dollars américains à plus de 45 États américains pour le rôle qu’il a joué dans la crise des opioïdes, notamment en prodiguant des conseils marketing à Purdue Pharma et à Johnson & Johnson.
La nouvelle, d’abord rapportée par le New York Times, a par la suite été confirmée par plusieurs médias américains, dont Associated Press, Reuters et Bloomberg.
Selon Bloomberg, environ 80 % du règlement sera versé au cours de la prochaine année pour renforcer les programmes de traitement et soutenir les budgets des corps policiers qui ont été mis à rude épreuve en raison de l’usage croissant des opioïdes, ont indiqué des gens qui ont demandé à ne pas être identifiés parce qu’ils n’étaient pas autorisés à parler publiquement.
Le reste du règlement devra être payé sur quatre ans.
L’accord sera annoncé publiquement jeudi, a indiqué une autre source.
McKinsey a suggéré plusieurs stratégies afin d’amplifier les ventes de l’analgésique OxyContin, de Purdue Pharma, aujourd’hui en faillite, à un moment où le marché de ce médicament se contractait en raison d’une vague de publicités négatives, selon le procureur général du Massachusetts.
Le consultant, dont le siège social est à New York, ne reconnaîtra aucun acte répréhensible dans le cadre de l’accord intervenu, ont déclaré des sources au courant de l’affaire.
La société Purdue Pharma a plaidé coupable en novembre 2020 à des accusations criminelles aux États-Unis à propos de sa gestion de l’analgésique OxyContin, qui crée une forte dépendance.
Cette reconnaissance de culpabilité venait mettre un point final à une enquête fédérale sur le rôle de Purdue dans la crise des opioïdes.
Cet accord venait avec des pénalités de 5,5 milliards de dollars américains, dont la plupart resteront impayées, puisque la société s’est protégée de ses créanciers en septembre 2019.
Au cours de cette procédure, des courriels de McKinsey destinés à Purdue ont été présentés en preuve. Un courriel remontant à 2008, un an après que Purdue eut plaidé coupable à des crimes liés aux opioïdes, indiquait que des membres du conseil d’administration, y compris la famille Sackler, propriétaire de la pharmaceutique, ont donné carte blanche à McKinsey pour faire tout ce qu’elle jugeait nécessaire pour « sauver l’entreprise ».
Les opioïdes sur ordonnance et les opioïdes illégaux comme l’héroïne et le fentanyl ont été liés à la mort de plus de 470 000 Américains depuis l’an 2000. Une épidémie qui s’est aggravée dans le contexte de pandémie de la COVID-19.
De plus, Purdue Pharma a engrangé des ventes de plus de 30 milliards de dollars américains provenant de l’OxyContin au fil des ans.
L’exécutif fait appel au cabinet McKinsey pour la vaccination : l’appareil d’État à la mode anglo-saxonne
Depuis début décembre, l’État français recourt aux services de deux cabinets de conseil étrangers pour sa campagne de vaccination. Une partie de la classe politique parle déjà de « scandale d’État ». Mais cette pratique témoigne surtout de l’inefficacité de l’exécutif, selon l’essayiste Olivier Babeau.
Une pierre de plus dans le jardin de la campagne de vaccination du gouvernement. Déjà très décrié pour sa lenteur, l’exécutif essuie une nouvelle polémique avec les révélations du site américain Politico et du Canard enchaîné ce mardi 5 janvier. Depuis début décembre, la France fait ainsi appel au cabinet de conseil américain McKinsey afin de l’aider à déployer sa stratégie de vaccination sur le territoire. L’information a été confirmée par le ministère de la Santé auprès de l’AFP ce mercredi 6 janvier.
Selon cette source, le cabinet américain « est rattaché à la “task force” vaccination du ministère de la Santé et collabore sur la stratégie et la logistique ». Il s’agit pour McKinsey de « définir le cadre logistique », d’« établir des comparaisons » avec les autres pays et de « soutenir la coordination opérationnelle ». Europe 1 ajoute par ailleurs que le cabinet britannique PricewaterhouseCoopers serait lui aussi rétribué sur les deniers du contribuable pour son intervention dans le même dossier.
« Scandale d’Etat »
La classe politique, gauche et droite confondues, n’a pas manqué de s’indigner à l’annonce de la nouvelle. On a un « aveu d’impuissance » de l’exécutif pour Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, voire un « scandale d’Etat » pour l’eurodéputé (EELV) Yannick Jadot.
Le scandale d’Etat se poursuit sur la vaccination et les révélations du @canardenchaine complètent le diagnostic gravissime d’un pouvoir à la dérive dans la gestion de la pandémie ! https://t.co/vsLX2o1u5O
— Yannick Jadot (@yjadot) January 5, 2021
L’essayiste Olivier Babeau, professeur en sciences de gestion et président de l’institut Sapiens, tempère : « C’est assez banal pour l’État d’avoir recours à des cabinets de conseil. » En 2018, le gouvernement d’Édouard Philippe lançait déjà un appel d’offres, remporté par le cabinet d’avocats anglo-américain Dentons, afin de rédiger le projet de loi d’orientation des mobilités. « L’État n’a pas toujours les bonnes expertises à sa disposition », décrypte Olivier Babeau pour Sputnik. « Il a donc tout intérêt à “louer” ces expertises plutôt que de les acheter, car cela serait trop coûteux », poursuit notre interlocuteur.
Un « problème systémique »
Ce dernier pointe néanmoins les « problématiques » soulevées par cette sous-traitance à des entreprises privées. Le procédé trahit, de la part de l’État, une « incapacité à se moderniser et à être efficace ». Le risque serait ainsi que la puissance publique recule sur la prise en main des sujets complexes, qui nécessitent un haut niveau d’expertise, au profit du privé.
- « Cette crise révèle que le “bateau France” est plutôt fait pour une mer de temps calme, pour une époque révolue avec peu de ruptures technologiques. Nous n’avons plus un appareil d’État adapté à un monde où il faut être ultra-réactif, dans lequel il ne faut plus penser en termes de procédure, mais de résultats », déplore ainsi Olivier Babeau au micro de Sputnik.
De là à dire que le problème vient de la formation des élites françaises, dépassées par les événements ?
- « Il y a ce biais propre à nos hauts fonctionnaires qui est qu’on s’intéresse assez peu à la mise en œuvre, considérée comme un peu vile : la décision est censée ruisseler d’elle-même jusqu’à l’opérationnel », relève Olivier Babeau, auteur de L’horreur politique : l’État contre la société (Ed. Les Belles Lettres).
Les erreurs dans la gestion de la crise sanitaire découleraient donc davantage d’approximations d’ordre administratif et technique, si l’on en croit cet ancien conseiller ministériel auprès de François Fillon.
- « La France pèche par son manque de capacité à anticiper, mais ce sont moins les gens qu’il faut accuser que l’organisation en elle-même : le problème est en réalité systémique. »
Risque de conflit d’intérêts
Aux États-Unis et en Angleterre, cette pratique est d’ailleurs courante. À tel point que certains textes de loi sont parfois rédigés par des cabinets privés. Si la France n’en est pas encore là, l’influence se fait donc de plus en plus sentir.
Absolument sidérant ! Qu’est-ce que McKinsey vient faire là dedans ? On a un ministère de la santé, un ministère de l’Interieur et un ministère de La Défense armés en gestion de crise... pour peu qu’on sache les mobiliser. Après les ARS hors-sol, un cabinet de conseil US 🙃 https://t.co/6tCQ8UIyrX
— 🇫🇷 Olivier Marleix (@oliviermarleix) January 5, 2021
- « D’une certaine manière, on a le moins bon des deux modèles. On garde la très grande lourdeur de notre administration, mais on y ajoute les consultants. Il faudrait choisir entre une administration très efficace, qui n’a besoin de personne, et une administration minimaliste, qui fait intervenir des prestataires », résume Olivier Babeau.
Enfin, le risque est celui de la collusion et du conflit d’intérêts, toujours très présent lorsque public et privé se voient associés. Le représentant de McKinsey auprès du gouvernement n’est autre que l’ancien conseiller économique d’Alain Juppé, Maël de Calan, lequel se déclarait « Macron-compatible » dans L’Obs en 2017. Conseiller départemental dans le Finistère, il est aussi associate partner pour le cabinet américain. Le directeur associé du bureau parisien étant… Victor Fabius, l’un des fils de l’ancien ministre socialiste Laurent Fabius.
Le choix de McKinsey par l’exécutif n’est donc peut-être pas totalement dû au hasard. Lors de la campagne présidentielle de 2017, plusieurs cadres importants de McKinsey avaient contribué à l’élection d’Emmanuel Macron… Certains comme Mathieu Maucort, ancien chef de projet chez McKinsey, responsable argumentaire et riposte en 2017 chez En Marche, est ensuite devenu le directeur de cabinet de Mounir Mahjoubi au secrétariat d’État au numérique.
Pour aller plus loin lisez
Le « fonds de pension à la française » voulu par Emmanuel Macron