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La vitamine D combat la maladie inflammatoire chronique intestinale.

mercredi 21 avril 2021

Il faut supplémenter en vitamine D les malades avec MICI

Plusieurs études ont été réalisées pour démontrer l’existence d’un lien entre la carence en vitamine D et la sévérité de la maladie inflammatoire chronique intestinale.
Même s’il n’y a pas de preuve médicale et scientifique de lien de causalité entre la carence en vitamine D et la survenue d’une MICI, tout indique qu’il n’y a que des bénéfices d’une supplémentation en vitamine D chez les patients carencés avec MICI.

Résumé d’article rédigé par les Pr. Jacques Cosnes, Pr. Denis Constantini, Pr. Antoine Cortot

La vitamine D est depuis quelques années à la mode dans les MICI. Une méta-analyse de 2015 (Del Pinto et al. Inflamm Bowel Dis 2015 ; 21 : 2708-17) décomptait déjà 816 articles sur le sujet !
Ces études démontrent la fréquence de la carence en vitamine D au cours des MICI, particulièrement la RCH, et suggèrent un effet délétère sur l’activité de la maladie. Mais on manque de données prospectives évaluant la relation entre le statut vitaminique D et l’évolution de la MICI sur une durée suffisante. Cette étude longitudinale a inclus 965 patients MICI (597 MC, 368 RCH, âge moyen 44 ans) qui ont eu un dosage de 25-OH vitamine D entre 2009 et 2013 puis ont été suivis pendant 2 à 5 ans. Les sujets ayant un taux anormalement bas de 25-OH vitamine D étaient en théorie supplémentés jusqu’à obtention d’un taux normalisé. A l’inclusion, 42% des sujets (plus souvent les jeunes, plus souvent les hommes) avaient un taux anormalement bas de 25OH-vitamine D (<30 ng/mL). Le taux actuariel de recours à la chirurgie intestinale à 5 ans était chez eux de 35%, vs. 20% chez ceux ayant un taux normal (p=0.001).
Au cours du suivi, les patients carencés en vitamine D avaient une MICI cliniquement plus active, nécessitant plus souvent les corticoïdes, les immunomodulateurs, les biologiques, les antalgiques majeurs et la chirurgie. L’analyse du sous-groupe des patients carencés supplémentés ayant une maladie stabilisée montrait une diminution linéaire au cours du temps de leur recours aux soins (jugé sur un score regroupant consultations, hospitalisations, imageries et chirurgie) ; la même évolution était observée chez ceux non supplémentés, mais pour un score de recours aux soins plus élevé. Les auteurs concluent que la carence en vitamine D est fréquente au cours des MICI et est associée à une maladie plus sévère et plus consommatrice de soins, justifiant à leurs yeux l’importance de la dépister et de la traiter.

Les vitamines D2 (origine végétale) et D3 (origine animale et exposition solaire) sont hydroxylées au niveau du foie en 25OH-vitamine D puis au niveau du rein et d’autres tissus (dont les macrophages intestinaux) en 1,25OH-vitamine D qui est la forme terminale active. La 1,25OH se fixe sur le récepteur de la vitamine D dans de nombreux tissus, dont les cellules immunitaires, et module l’expression de leurs gènes.
Il existe de nombreuses données chez l’animal démontrant l’effet bénéfique de la vitamine D sur le microbiote et l’inflammation intestinale, et l’effet aggravant de la carence sur la colite expérimentale. Chez l’homme, la carence est associée à un risque augmenté de MC. Dans la RCH, le taux sérique de 25OH est inversement corrélé au degré d’inflammation muqueuse, à l’activité de la maladie et chez les malades en rémission, au risque de rechute dans l’année. Attention toutefois à bien noter que le dosage dans le sérum porte non pas sur la forme active de la vitamine D, mais sur un précurseur et que le taux sérique de 25OH dépend de la protéine porteuse, dont le taux génétiquement déterminé varie d’un individu à l’autre. En conséquence, définir la carence en vitamine D sur le seul taux sérique de 25OH est une approximation contestable.

L’article de Kabbani et al. est un papier de plus reliant déficit en vitamine D et sévérité de la MICI. Il est intéressant en raison de l’importance de la cohorte (près d’un millier de patients), le suivi longitudinal prolongé jusqu’à 5 ans, la surveillance rapprochée des taux sériques de vitamine D (en moyenne tous les 8 mois), l’attention portée à la saisonnalité des prélèvements, l’homogénéité de la cohorte recrutée à Pittsburgh (on y apprend que c’est la ville la plus nuageuse des USA, juste après Seattle). Cette étude démontre clairement que les malades de Crohn carencés en vitamine D vont moins bien que les autres, et qu’au cours du suivi l’évolution clinique et le recours aux soins sont associés aux résultats des dosages de 25OH. Mais elle est loin d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre carence en vitamine D et évolution de la MICI.
Certes les malades ayant reçu une supplémentation se sont améliorés, mais cette amélioration peut être le résultat de l’effet du traitement spécifique de la MICI, voire tout simplement du temps qui passe, comme c’était le cas dans le groupe non supplémenté. Le déficit en vitamine D peut aussi bien être un marqueur de l’activité qu’un facteur causal des poussées. En fait, seule une étude randomisée testant l’effet de la supplémentation vs. placebo chez des patients MICI carencés permettrait de répondre à cette question. Il y a eu en 2010 une telle étude pilote ayant inclus des patients MC en rémission. Le taux de rechute tendait à être plus faible chez les patients supplémentés, mais la différence n’était pas significative (p=0.06).
Références

Association of Vitamin D Level With Clinical Status in Inflammatory Bowel Disease : A 5-Year Longitudinal Study.
Kabbani TA, Koutroubakis IE, Schoen RE, Ramos-Rivers C, Shah N, Swoger J, Regueiro M, Barrie A, Schwartz M, Hashash JG, Baidoo L, Dunn MA, Binion DG.
Am J Gastroenterol. 2016 ; 111 : 712-9.

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