La médecine sous influence… des conflits d’intérêts
Ces dernières années de nombreuses affaires ont permis au grand public de comprendre que le circuit des décisions d’autorisations de médicaments étaient vérolés par la corruption, mais aussi que les scientifiques eux-mêmes, dûment apointés par les laboratoires, orientaient les résultats de leurs recherches pour obtenir des budgets ou, plus prosaiquement, pour s’acheter une nouvelle voiture. On découvre ainsi que la corruption est à tous les étages et à tous les prix. Elle touche les fonctionnaires, les responsables politiques, les chercheurs, et les médecins eux-mêmes qui, parfois, pour un simple déjeuner au restaurant, se laissent convaincre de fermer les yeux sur un effet secondaire constaté ou de remonter aux laboratoires des preuves de réussite thérapeutique qui n’existent pas.
Le séisme provoqué par le Vioxx
Bien qu’il ait été observé dès les premiers essais que la prise de rofécoxib (Vioxx) induise quatre fois plus de décès par infarctus du myocarde que le naproxène, l’anti-inflammatoire pris alors comme référence dans l’arthrose, l’autorisation de mise sur le marché (la ‘‘fameuse’’ AMM !) lui a toutefois été accordée. Et ce, dans un très grand nombre de pays ! Quelques années passent avant que la raison de ce dysfonctionnement soit révélée : la fréquence des accidents cardiovasculaires a été sérieusement minimisée dans les rapports d’expertise que le laboratoire Merck Sharp & Dohme - qui a conçu cette substance - a remis aux autorités !
Malgré cela, le Vioxx n’est pas interdit, l’hypothèse suivante ayant été rapidement avancée : le pouvoir fluidifiant du naproxène protège le système cardiovasculaire, propriété que ne possède pas le rofécoxib, ce qui peut expliquer l’importante différence de fréquences des effets indésirables entre les deux molécules.
La FDA rejette cette allégation pour manque de preuves tandis que l’AFSSAPS l’accepte et la reprend largement dans ses différents communiqués de presse par le biais de quelques grands meneurs d’opinion… et le Vioxx continue d’être commercialisé, avec quelques restrictions cependant Outre-Atlantique !
Le 28 septembre 2004, sous la pression obstinée d’une poignée de chercheurs indépendants, la firme américaine finit par décider de suspendre la fabrication et la commercialisation de son coxib à travers le monde, de façon immédiate et définitive.
Ainsi éclatait au grand jour la faillite des organismes de santé publique nationaux et internationaux dont la cause jusqu’ici murmurée ne pouvait plus être niée : certains des experts dont les avis déterminaient la nature même de leurs recommandations étaient corrompus.
Après les croquettes, Mars mise sur les cliniques vétérinaires en Europe
Le géant de la confiserie et de l’alimentation animale américain étoffe, à vive allure, le réseau européen de cliniques vétérinaires Anicura qu’il a acquis en 2018. L’an dernier, il a acheté 1 établissement par semaine et entend poursuivre sur cette voie. En France, le réseau a été doublé mais il reste encore très modeste. Une diversification très lucrative pour le groupe familial américain.
L’an passé, Mars a acheté une clinique par semaine en Europe jusqu’à en avoir plus de 300. Un millier de vétérinaires et infirmières ont rejoint le réseau en 2019. (AniCura)
De la croquette à la clinique vétérinaire il n’y a qu’un pas. Et l’américain Mars plus connu pour sa barre chocolatée que pour son poids colossal dans l’industrie du pet food ( Royal Canin , Pedigree, Whiskas…), l’a franchi. Chaussé de bottes de sept lieues. En Europe, après les Etats-Unis.
Après s’être offert VCA , le plus grand réseau américain de cliniques vétérinaires (800) il y a trois ans pour 9,1 milliards de dollars, alors qu’il détenait déjà Banfield Pet Hospital et BluePearl veterinary, le géant de l’agro-alimentaire a mis la main en 2018 sur Anicura , un réseau de cliniques vétérinaires d’origine suédoise. Une opération cette fois à 2 milliards d’euros pour 200 cliniques. Et en deux ans, son réseau européen s’est enrichi de plus de 100 nouveaux établissements. L’an passé, Mars a ainsi acheté une clinique par semaine sur le Vieux continent, jusqu’à en avoir plus de 300, qui soignent 3 millions d’animaux de compagnie chaque année. « AniCura connaît un développement rapide au niveau européen qui va s’accélérer dans les prochaines semaines », commente le groupe. Mi-juin, c’est la Belgique qui a fait son entrée dans le réseau avec 5 cliniques.
Un marché d’avenir
Au total, Mars en détient 2.600 dans le monde. Autant dire que le soin vétérinaire est devenu une priorité et un gisement important de croissance pour le confiseur. « C’est un axe de diversification, totalement séparé de la production de croquettes du groupe. D’ailleurs nos établissements n’en vendent pas tous », affirme le directeur général d’Anicura en France, Pierre Tardif. Dans l’Hexagone, le nombre d’établissements a doublé cette année mais il reste très modeste, avec 7 unités et 250 salariés. Cinq d’entre elles ont un service d’urgences ouvert en permanence. Deux sont des Centres Hospitaliers Universitaires.
Le potentiel hexagonal est énorme compte tenu des 14 millions de chats et 7 millions de chiens . Pourtant le groupe affirme ne pas tant viser un nombre de cliniques qu’une technologie. « Nous opérons à cœur ouvert. Nous avons un département d’oncologie et disposons de matériel très sophistiqué comme les scanners et les IRM », explique Pierre Tardif. L’objectif est d’offrir « des soins que d’autres ne prodiguent pas. Notre stratégie ne vise pas à être le plus grand mais le plus technique ». C’est d’ailleurs, outre sa croissance annuelle de 40 %, ce qui a séduit le géant américain dans Anicura lorsqu’il l’a acheté. Le groupe suédois avait investi 123 millions d’euros en recherche, équipements et formation entre 2011 et 2018 et réinvesti tous les profits dans l’entreprise.
Perspectives en France
Mars, lui, a prévu de dépenser un quart du chiffre d’affaires (20 millions d’euros) en France dans la modernisation et l’agrandissement de ses cliniques. La croissance organique ressort à 15 %. En Europe, l’industrie vétérinaire est en pleine transformation. De nouvelles technologies émergent, les vétérinaires se spécialisent et les infrastructures se complexifient. « La France est très loin des Etats-Unis et du Japon où les cliniques emploient couramment 300 praticiens », observe le dirigeant de la filiale française.
« La gestion d’établissements de cette taille s’avère complexe pour des praticiens qui ne sont pas spécialisés sur ces aspects. Anicura les décharge des tâches administratives et les accompagne dans leurs projets. Ils accélèrent leur développement, tout en conservant leur indépendance », affirme-t-on chez Mars.