La création du Projet « MOCKINGBIRD ».
A la fin de l’année 1948, Wisner crée le Projet Mockingbird (« oiseau-moqueur »), un programme visant à influencer les médias américains. Wisner recrute Philip Graham (du Washington Post) pour faire exécuter ce projet dans le secteur de l’industrie. Graham lui-même recruta d’autres personnes qui avaient travaillé pour le renseignement militaire pendant la guerre. il y avait entre autres James Truitt, Russell Wiggins, Phil Geyelin, John Hayes et Alan Barth. D’autres, comme Stewart Alsop, Joseph Alsop et James Reston, ont été recrutés au sein de l’Ensemble de Georgetown. En ce début des années 1950, Wisner avait de « l’influence » sur des membres respectés du New-York Times, de Newsweek, de CBS et d’autres moyens de communication.
En 1951, le Directeur de la CIA Allen Dulles persuada Cord Meyer de se joindre au projet. Toutefois, il existe des preuves qu’il avait en fait été recruté plusieurs années auparavant par les services secrets et avait espionné les organisations libérales lorsqu’il en avait été membre dans les années 1940. Meyer est ainsi devenu « l’élément principal » de Mockingbird.
Un noyautage systématique de la presse Américaine.
L’un des journalistes les plus importants sous le contrôle de Mockingbird était Joseph Alsop, dont les articles ont été publiés dans plus de 300 journaux différents. Parmi les journalistes désireux de promouvoir les vues de la CIA, il y avait Stewart Alsop (New York Herald Tribune), Ben Bradlee (Newsweek), James Reston (New York Times), CD Jackson (Time Magazine), Walter Pincus (Washington Post), William C. Baggs et Gold Herb (Miami news) et Charles Bartlett (Chattanooga Times). Ces journalistes ont parfois écrit des articles qui avaient été commandés par Frank Wisner. La CIA a également fourni des informations classifiées afin de les aider dans leur travail.
Après 1953, ce réseau d’influence se trouva supervisé par le directeur Allen Dulles lui-même. A partir de cette époque, le projet Mockingbird eu une influence majeure dans plus de 25 journaux et agences de presse. Ces opérations d’infiltrations furent exécutées par différents journalistes tels que William Paley (CBS), Henry Luce (Time Magazine et Life Magazine), Arthur Hays Sulzberger (New York Times), Alfred Friendly (rédacteur en chef du Washington Post), Jerry O’Leary (Washington Star), Hendrix Hal (Miami News), Bingham Barry Sr. (The Courier-Journal of Louisville), James Copley (Copley Agency News) et Harrison Joseph (Christian Science Monitor).
Mockingbird : une très grande infrastructure avec d’énorme moyens.
Durant cette période, quelques 3000 salariés sous contrat et employés de la CIA ont étaient engagés dans des efforts de propagande et ont participé au programme. Wisner a également été en mesure de limiter l’impact des articles des journaux au sujet de certains événements. Comme par exemple, les efforts de la CIA pour renverser les gouvernements en Iran et au Guatemala. (2)
Thomas Braden, chef de l’IOD (la « Division des organisations internationales »), a joué un rôle important dans le cadre de Mockingbird. Des années plus tard, il révélera son rôle dans ces événements : « Si le directeur de la CIA voulait offrir un »cadeau« , par exemple, à quelqu’un en Europe, un responsable, un »chef« syndicaliste, le directeur pouvait lui donner près de 50000 dollars, s’il était un bon élément et faisait du bon travail, il pouvait le lui donner et ne jamais avoir à rendre compte à personne... Il y avait tout simplement pas de limite à l’argent qu’il pouvait dépenser, pas de limite au personnel qu’il pouvait embaucher et pas de limite aux activités qu’il pouvait juger nécessaires à la conduite de la guerre, j’entend »la guerre secrète« ... C’était devenue une »multinationale« . Les journalistes en ont été la cible, les syndicats étaient une cible particulière, car c’était l’une des activités dans lesquelles les communistes mettaient le plus d’argent. »
En août 1952, le « Bureau de la coordination des politiques » et le « Bureau des opérations spéciales » (la division d’espionnage) ont fusionné pour former la « Direction des plans », (la DPP). Frank Wisner est devenu le chef de ce nouveau service et Richard Helms est devenu son chef des opérations. La DPP se retrouvait donc sous l’autorité de Mockingbird.
Le FBI tente de mettre la CIA dans l’embarras.
J. Edgar Hoover, Directeur du FBI, était devenu jaloux de la puissance croissante de la CIA. Et a commencé à mener des enquêtes sur le passé des membres de l’OPC. Il découvrit que certains d’entre eux avait été actif dans des mouvements politiques de gauche dans les années trente. Il transmit cette information, dans le cadre de la lutte « anti-communiste », et certains commencèrent à s’en prendre aux membres de l’OPC.
Joseph McCarthy a également commencé à accuser d’autres membres de la CIA comme étant des risques pour la sécurité nationale. McCarthy avait affirmé que la CIA n’était qu’un « nid de communistes » et qu’il avait l’intention d’en extirper une centaine d’entre eux. Un des premiers mit en cause fût Cord Meyer, qui travaillait encore pour Mockingbird. En août 1953, Richard Helms, le second de Meyer au CPVP, a dit que McCarthy avait accusé Meyer d’être un communiste. Le FBI en rajouta en annonçant qu’il « n’était pas disposé à donner à Meyer une habilitation de sécurité ». Toutefois, le FBI refusa d’expliquer quelles étaient les preuves qu’ils avaient contre lui. Allen Dulles dût prendre sa défense et refusa de permettre un interrogatoire de Meyer par le FBI.
Pour le lui faire payer, Wisner se mît a déclencher une opération Mockingbird contre McCarthy. Drew Pearson, Joe Alsop, Jack Anderson, Walter Lippmann et Ed Murrow firent tous leur maximum et McCarthy se retrouva très gêné, de façon régulière, par la couverture médiatique orchestrée par Wisner.
Les implications de Mockingbird dans le domaine cinématographique.
Frank Wisner voulait également influencer Hollywood. Deux éléments prédisposés les studios Hollywoodien qui dominé l’industrie du cinéma à l’époque, de prendre une part active dans la guerre froide, bien-sûr par œuvres culturelles interposées. L’un était une forte tendance à l’auto-censure, c’était le résultat de nombreuses années d’expérience dans ce domaine, pour éviter des conséquences néfastes, commercialement parlant, et de risquer d’offenser certains « lobby » très influents envers la population. L’autre était le fait que les dirigeants des studios étaient, en ce moment-là, très patriote et farouchement anticommuniste. Ils considéraient cela comme un devoir d’aider leur pays à contrer la menace soviétique.« Frank Wisner fût aidé dans sa tâche par le »Comité de la Chambre des activités anti-américaines (la HUAC, House Un-American Commitee), présidé par le juge Parnell Thomas. Le HUAC réalisa une enquête sur l’industrie cinématographique d’Hollywood. Le HUAC interrogea 41 personnes qui travaillaient à Hollywood. Ces personnes participèrent volontairement et furent reconnu comme étant des « témoins favorables ». Au cours de leurs entrevues ils nommèrent 19 personnes qu’ils accusèrent d’avoir des opinions de gauche (3).
La CIA et le FBI ont également fourni en information, la droite américaine, par le biais du producteur de télévision, Vincent Harnett, en lui transmettant des informations sur les sympathisants de gauche dans l’industrie du cinéma. En Juin 1950 Harnett publia une brochure intitulée « Chaines Rouges », en énumérant les noms de 151 écrivains, réalisateurs et acteurs, en disant qu’ils avaient été membres d’organisations « subversives » avant la Seconde Guerre Mondiale, et qui n’avait pas encore été mis à l’index.
Frank Wisner a recruté plusieurs figures importantes pour Mockingbird. Cela comprenait le cinéaste John Ford et les patrons des studios de Cecil B. DeMille (Paramount Pictures) et Darryl Zanuck (Twentieth Century-Fox).
Un autre personnage important était Howard Hughes, le patron de la RKO Pictures. La croisade de Hughes contre le communisme a été exacerbée par son désir de mettre la compagnie Hughes Aircraft à profit, pendant la guerre de Corée et pour les futures guerres anti-communistes. Par exemple, en Juin 1950, le général Ira Eaker signa un accord donnant à Hughes un monopole dans la fourniture d’intercepteurs pour la Force aérienne des États-Unis. C’était en violation des lois Sherman anti-monopoles. À la fin de 1950, la guerre fit que Hughes était encore plus riche qu’avant.
Il y avait aussi C.D. Jackson. Ce dernier avait rejoint l’Office of Strategic Services (OSS) en 1943 (4). L’année suivante, il fut nommé sous-chef à la Division de guerre psychologique au quartier général Allié de la Force expéditionnaire (SHAEF). Après la guerre, il est devenu directeur général de Time-Life International. Quand il est devenu clair que Eisenhower avait de bonnes chances de devenir président, la CIA s’est arrangé pour Jackson se joingne à sa campagne. Il s’agissait pour Jackson d’écrire des discours pour Eisenhower. Jackson a été récompensée en février 1953 par sa nomination au poste d’adjoint spécial au président. Cela comprenait un rôle de liaison entre Eisenhower, la CIA et le Pentagone.
Jackson a bien participé à Mockingbird (5). Jackson était en contact avec un agent de la CIA, qui travaillait aux studios de la Paramount. L’agent n’est pas nommé par Jackson, mais il pourrait s’agir de Carleton Alsop, un agent de la CIA employé par Frank Wisner. Il ne fait aucun doute que Alsop était l’un des agents de la CIA travaillant à Paramount. Cependant, d’autre enquêteurs mentionnent un dirigeant de la Paramount, Lugi G. Laraschi, qui était le personnage infiltré, le plus important de la CIA. Laraschi était à la tête de la censure nationale et étrangères aux studios, dont le travail consistait à « aplanir tous les problèmes politiques, moraux ou religieux ». D’autres studios, y compris la MGM et la RKO , avaient des agents similaires, et ont probablement effectué des stages à la CIA.
Bien que l’objectif principal de Mockingbird était d’influencer la production de films commerciaux, la CIA fût aussi parfois à l’origine de projets de films. Le meilleur exemple et une version animée de « La Ferme des animaux », une allégorie sur la critique du système politique et économique, basé sur le livre de Georges Orwell. Le livre fût très populaire, dès sa publication en 1945 et il était naturel que les studios soient intéressés à en faire un film. Le problème pour la CIA était que Orwell était un socialiste, et que le livre attaqué à la fois le communisme et le capitalisme. Par conséquent, ils se devaient de faire un film qui se limiterait à une condamnation du communisme et de l’URSS. En 1954, Wisner pris des dispositions pour assurer le financement de la production hollywoodienne de « La Ferme des animaux ».
En 1950, le CPVP et Wisner poussèrent Joe Bryan à recruter le documentariste anti-communiste Louis de Rochemont et à produire une version cinématographique du livre. Il a été décidé qu’il fallait obtenir que le film soit réalisé en Grande-Bretagne, pour cacher l’implication de la CIA dans le projet. Les employés Halas et Joy Batchelor, du studio d’animation Britanniques acceptèrent de faire le film. La plupart du financement provenait d’une « société-écran » de la CIA, Touchstone. La CIA supervisa le film du début à la fin. Une demande prioritaire a été de changer la fin du film de « La Ferme des Animaux ». La CIA n’avait pas aimé la scène où les porcs et les chiens faisaient face à un soulèvement de libération des autres animaux (6).
La CIA donne une fausse illustration de la réalité de la vie courante, dans la production cinématographique.
L’une des principales préoccupations de la CIA était la représentation des relations interraciales dans les films Américains. On a souvent fait valoir que la gauche a été très à l’écoute de cette question, et que cela porter atteinte à l’idée que l’Amérique était une démocratie fondée sur l’égalité des droits. Dans des lettres de C.D. Jackson envoyés aux producteurs de films, il appelé à veiller à faire des scènes montrant des Américains-blancs et des Américains-noirs en proportion égale. (Par exemple, l’une des demandes de jackson sera de faire ajouter des spectateurs noirs dans une foule de spectateurs blancs, en train de regarder une partie de golf entre Dean Martin et Jerry Lewis dans la comédie « The Caddy »).
Les implications de Mockingbird dans le domaine littéraire.
En 1955, Graham Greene publia son livre « Un Américain bien tranquille ». Le roman se déroule au Vietnam et porte sur la relation entre les personnages Thomas Fowler et Alden Pyle. Fowler est un ancien journaliste britannique dans la cinquantaine, qui a couvert la guerre d’Indochine pendant plus de deux ans. Pyle, « l’Américain » du titre, est officiellement un travailleur humanitaire, mais il est en réalité employé par la CIA. (On pense que le caractère Pyle est en partie basé d’après Edward Lansdale).
Greene avait travaillé pour les services secrets Britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. En plus de son activité de romancier à l’époque, Greene avait été employé par le Times et Le Figaro en tant que journaliste. Entre 1951 à 1954 il passa une longue période à Saigon. En 1953, Lansdale est devenu un conseiller de la CIA pour les opérations de contre-guérilla, pour les forces spéciales Françaises contre le Viet-Minh. (Et Lansdale a dût certainement pensé que le personnage de Pyle était basé sur lui).
Dans le livre Pyle est envoyé au Vietnam par son gouvernement, officiellement en tant que membre de la mission économique américaine, mais que sa mission n’était qu’une couverture pour son véritable rôle d’agent de la CIA. Pyle était l’incarnation de la bien séance politique à l’américaine, et il perdu par l’intrigue, la trahison, et la confusion de la politique vietnamienne. Comme Fowler le souligne dans le roman, Pyle tentait de « gagner l’Est pour la démocratie ». Toutefois, selon Fowler, ce que le peuple du Vietnam voulait, c’était « assez de riz » à manger. Qui plus est : « Ils ne veulent pas se faire tirer dessus. Ils veulent un jour être sensiblement le même que l’autre. Ils ne veulent pas de nos peaux blanches autour d’eux pour leur dire ce qu’ils veulent. »
Lorsque le livre a été publié aux États-Unis en 1956, il fut condamné comme anti-américains. Pyle (Lansdale) y est dépeint comme quelqu’un dont la croyance en la justice de la politique étrangère américaine lui permet d’ignorer les conséquences effroyables de ses actes. Il a été critiqué par The New Yorker pour avoir dépeint les Américains comme des assassins.
Le réalisateur, producteur et scénariste, Joseph L. Mankiewicz avait été choisi pour réaliser le film de « l’Américain bien tranquille ». Il avait visité Saigon en 1956 et fut présenté à Edward Lansdale, à l’International Rescue Committee bureau. La scène la plus controversée dans le livre est le bombardement d’un quartier de Saigon en 1952 par un associé vietnamien de Lansdale, le général Trinh Minh-Ville. Dans le roman, Greene suggère que Pyle/Lansdale, était derrière l’attentat. Lansdale a suggéré à Mankiewicz que le film devrait montrer que l’attentat avait été « effectivement avoir été une action communiste ».
Quand il rentra chez lui, Mankiewicz a écrivit à John O’Daniel , le président de la « American Friends of Vietnam » qu’il avait l’intention de changer complètement l’attitude anti-américaine du livre de Greene. Ce fut une manœuvre, pour détourner avec brio la complexité littéraire post-moderne : en aidant à réécrire une histoire, en mettant en vedette un personnage qui serait basé sur lui-même, Lansdale avait transformé une des voies anti-américaine, en une apologie de la politique cinématographique des Etats-Unis, et de ses propres actions, au Vietnam. Graham Greene était furieux contre Mankiewicz et le traitement qu’il réserva à son livre.
Il y eu la chasse organisée aux livres critiques envers les Etats-Unis, ou « anti-américains ». Il y a l’exemple d’un écrivain « sous contrat » avec la CIA, pour rédiger des critiques intentionnellement hostiles à l’égard de certains livres. (Comme la critique du livre de Edgar Snow livre dans le New York Times).
Eisenhower se méfie de la CIA et tente de limiter ses débordements.
En 1955, le président Dwight Eisenhower a créé le « Comité 5412 » afin de pouvoir garder un contrôle sur les activités clandestines de la CIA. Le comité (aussi appelé le Groupe spécial) a déclaré que : le directeur de la CIA, le conseiller de la sécurité nationale, et les secrétaires adjoints de l’État et de la Défense avait la responsabilité de décider si des actions clandestines étaient « bonnes » et dans l’intérêt national. Il a également été décidé d’y ajouter Richard B. Russell, le président de la Commission des forces armées du Sénat. Toutefois, comme Allen Dulles dût plus tard l’admettre, en vertu du « déni plausible » prévu par la Loi, plusieurs des opérations secrètes n’ont jamais été renvoyée devant la commission 5412.
En 1956, Eisenhower a commencé à s’inquiéter activités clandestines de la CIA et a nommé Bruce David en tant que membre du « Conseil d’administration des Conseillers du président sur les activités de renseignement étrangères » (PBCFIA). Eisenhower demanda à Bruce de rédiger un rapport sur les activités de la CIA. Il fût présenté le 20 Décembre 1956 à Eisenhower. Bruce a fait valoir que les actions secrètent de la CIA avaient « dans une large mesure des responsabilités pour attiser la crise et dans le fait d’élever des doutes à notre sujet qui existe dans de nombreux pays dans le monde d’aujourd’hui. » Bruce avait également été très critique au sujet du projet Mockingbird. Il a fait valoir : « Quel droit avons-nous de nous immisser dans d’autres pays, d’acheter les journaux et de donner de l’argent aux partis d’opposition ou de soutenir un candidat pour ou contre, un autre parti. »
Après que Richard Bissell ait perdu son poste de directeur du « Bureau des plans » en 1962, Tracy Barnes pris la direction de Mockingbird.
Un « livre-choc » et un magazine de gauche, dévoile les opérations secrètes de la CIA.
En 1963, John McCone, le directeur de la CIA à l’époque, avait découvert que la maison d’édition « Random House » avait l’intention de publier le livre intitulé « gouvernement invisible » de David Wise et Thomas Ross. McCone découvrit que le livre était destiné à présenter l’examen des liens entre le Congrès et le « complexe militaro industriel ». Les auteurs y disaient que la CIA avait eu une influence majeure sur la politique étrangère américaine. Cela comprenait le renversement de Mohammad Mossadegh en Iran (1953) et de Jacobo Arbenz au Guatemala (1954). Le livre porté également sur le rôle que la CIA avait joué dans l’opération de la « Baie des Cochons », les tentatives pour renverser le Président Sukarno en Indonésie et sur les opérations secrètes pour s’implanter dans le Laos et le Vietnam.
John McCone appela Wise et Ross pour leur faire une demande de suppression de passages dans leur livre. En faisant pression sur la base de renseignements que la CIA avait secrètement obtenus sur eux, à partir de Random House. Les auteurs ont refusé de faire ces changements et Random House a décidé de passer outre et de publier le livre. La CIA envisagea d’acheter la totalité des exemplaires à la sortie de l’impression de « Gouvernement invisible », mais cette idée a était rejetée lorsque Random House a souligné que si cela arrivait, ils feraient l’impression d’une deuxième édition. McCone forma un groupe spécial pour faire face à ce livre et essaya de s’arranger afin qu’il d’obtienne de mauvaises critiques. Le livre fût publié en 1964. Il rendit pleinement compte du renseignement américain et les appareils d’espionnage. Dans le livre Wise et Ross ont soutenu que le « gouvernement invisible » était composé de nombreux organismes et de personnes, y compris les succursales de renseignement de l’État et des Départements de la défense, de l’US Army, de l’US Navy et de l’US Air Force". Toutefois, ils ont indiqué que l’organisation la plus impliquée dans ce processus était la CIA.
John McCone a également tenté d’arrêter Edward Yates de faire un documentaire sur la CIA pour la NBC (National Broadcasting Company). Cette tentative de censure échoua et la NBC diffusa malgré tout le documentaire.
En Juin 1965, Desmond FitzGerald a été nommé à la tête de la « Direction de plans ». Il prit donc en charge Mockingbird. À la fin de 1966, FitzGerald découvrit que « Remparts », une publication de gauche, avait l’intention de publier que la CIA avait secrètement assuré le financement de la « National Student Association ». FitzGerald avait ordonné à Edgar Applewhite d’organiser une campagne contre le magazine. Applewhite dira plus tard : « J’ai utilisé toutes sortes de sales tours afin de nuire à leur diffusion et à leur financement. Les gens qui travaillaient chez »Remparts« étaient vulnérables au chantage. Nous avons eu des idées, des choses terribles à l’esprit, dont certaines que nous avons réalisé en OFF. » (dans le plus grand secret, Ndt).
Cette campagne n’a pas réussie à arrêter Remparts de publier cette histoire en mars 1967. L’article, écrit par Sol Stern, concerné la NSA et la CIA. Ainsi que les rapports de la CIA sur le financement de l’Association des étudiants nationaux, il y était exposé l’ensemble du système de mise en place des organisations anti-communistes en Europe, en Asie et en Amérique du Sud. Il nommé Cord Meyer comme étant un personnage clé dans cette campagne.
Quand Mockingbird se retrouve dévoilé au grand jour.
En mai 1967, Thomas Braden réagi en publiant un article intitulé, « je suis content que la CIA soit immoral, dans le »Evening Post« , où il a défendu les activités de la »Division des organisations internationales", une unité de la CIA. Braden a aussi avoué que les activités de la CIA avait dût être gardée secrète pour le Congrès.
Le rôle de Meyer à l’opération Mockingbird a également été exposée en 1972 quand il a été accusé d’interférer avec la publication d’un livre intitulé : « les Politiques de l’héroïne en Asie du Sud » de Alfred W. McCoy. Le livre a été très critique au sujet des rapports de la CIA avec le trafic de drogue en Asie du Sud. L’éditeur, qui a divulgué l’histoire, avait été un ancien collègue de Meyer, quand il était devenu un militant libéral après la guerre.
De plus amples détails de l’opération Mockingbird ont étaient révélé par la suite, grâce aux enquêtes de Franck Church (du Comité d’étude des opérations gouvernementales au sujet des activités de renseignement) en 1975. Selon le rapport du Congrès publié en 1976 : « La CIA entretient actuellement un réseau de plusieurs centaines de personnes étrangères à travers le monde qui fournissent des renseignements à la CIA et, parfois, tente d’influencer l’opinion par le biais de la propagande déguisée. Ces personnes assurent à la CIA un accès direct à un grand nombre de journaux et de périodiques, des dizaines de services de presse et agences de nouvelles, stations de radio et de télévision, les éditeurs commerciaux, et d’autres médias étrangers. » Le coût de la désinformation, au niveau mondiale, pour les contribuables américains fût estimé à un montant approximatif de 265 millions de dollars par an.
Frank Church a montré qu’elle était la politique de la CIA, à utiliser la manipulation clandestine des journalistes et des auteurs, pour obtenir des informations publiées initialement dans les médias étrangers afin d’obtenir la diffusion dans les Etats-Unis. Il existe un document écrit par le chef de la « Personnel Action Covert » sur la façon dont marche ce processus de travail. Par exemple, il écrivait : « Obtenir des livres publiés ou distribués à l’étranger sans avoir à révéler toute l’influence américaine qu’ils contiennent, en subventionnant secrètement des éditeurs étrangers ou des libraires. » Plus loin dans le document, il écrivait encore : « Ces livres sont publiés pour des raisons opérationnelles, indépendamment de la viabilité commerciale ». Plus de mille livres ont été produits, subventionnés ou commandités par la CIA avant la fin de 1967. Tous ces livres ont finalement trouvé leur place dans le marché du livre américain. Soit dans leur forme originale (en livre) ou reconditionné comme des articles pour les journaux et les magazines américains.
Dans un autre document publié en 1961, le chef de l’unité de la propagande de la CIA écrivait : "L’avantage de notre contact direct avec l’auteur est que nous pouvons lui faire connaître dans le détail nos intentions, que nous pouvons lui fournir toute documentation et que nous voulons qu’il lui faut comprendre que nous puissions vérifier le manuscrit à chaque étape... (l’Agence) doit s’assurer que le manuscrit réels correspondront à notre intention et notre objéctif de propagande opérationnelle.
En analysant les documents de la CIA, on a pu identifier plus de 50 journalistes Américains qui étaient employés directement par l’Agence. mais il y avait en fait beaucoup plus qui jouissait d’une très étroite relation avec la CIA, et qui « étaient payés régulièrement pour leurs services, sans parler de ceux qui ne reçoivent que des dons occasionnels et des remboursements de la CIA ». Il y en a sûrement beaucoup d’autre, parce que la CIA a refusé de donner les noms de ses agents des médias ou les noms des organisations de médias avec lesquels ils sont liés.
Officiellement, le Projet Mockingbird n’existe plus.
En février 1976, George Bush Sr, nouvellement nommé Directeur de la CIA, annoncé une nouvelle politique : « Ceci est applicable immédiatement, la CIA ne doit pas chercher à entrer en contact, ou avoir de partenariat avec un ou bien un ensemble de journalistes accrédités par les services officiels américains d’information, les journaux, les magazines, les stations de radios ou les chaines de télévision. »
Sur une période de 25 ans, ce sont plus de 400 journalistes américains qui effectuèrent secrètement des missions pour la CIA. Et certains de ces journalistes ont été lauréats du Prix Pulitzer.
(1) Plan d’aide humanitaire accordé a toute l’Europe après la guerre. Supervisé par le Général Américain « Marshall », d’où son nom.
(2) Mockingbird a été très actif durant le renversement de Jacobo Arbenz au Guatemala. Des gens comme Henry Luce ont été en mesure de censurer des articles paraissant trop sympathique envers Arbenz. Ils réussirent même à empêcher des journalistes de se rendre au Guatemala (dont Sydney Gruson du New York Times).
(3) L’une des personnes nommées, Bertolt Brecht, auteur dramatique, a quitté les Etats-Unis pour l’Allemagne. Dix autres : Herbert Biberman, Lester Cole, Albert Maltz, Adrian Scott, Samuel Ornitz, Dalton Trumbo, Edward Dmytryk, Ring Lardner Jr., John Howard Lawson et Alvah Bessie refusèrent de répondre aux questions, ils ont été envoyés en prison et ont été mis à l’index de l’industrie du cinema.
(4) L’OSS, « l’Office of Strategic Service » fût créée le 13 juin 1942. Ce service s’occupa pendant la guerre des opérations américaines de renseignement et de sabotage. Il fût dissout le 1er octobre 1945.
(5) Cela a été révélé après sa mort. Le 15 décembre 1971, Mme C.D. Jackson a déposé des exposés, des lettres et d’autres écrits de son mari à la Bibliothèque Dwight D.Eisenhower. On apprit beaucoup de chose sur Mockingbird en les consultants.
(6) La lettre de demande de modification comprenait le texte suivant : « Il est raisonnable de s’attendre à ce que, si Orwell avait écrit le livre aujourd’hui, il serait très différent et que les changements survenus auraient tendance à le rendre encore plus positivement anti-communiste et peut-être encore un peu plus favorable aux pouvoirs de l’Ouest. »
Sources :
« Mockingbird : la subversion de la presse libre par la CIA », par Alex Constantine ;
« Le Mighty Wurlitzer : Comment la CIA a joué en Amérique », par Hugue Wilford ;
« Qui a payé le Piper ? », par Frances Stonor Saunders ;
« Howard Hughes : The Secret Life », par Charles Higuam ;
« The very best men », par Evan Thomas ;
Magazine « Roling Stone » de octobre 1977, article de Carl Bernstein ;
Les « Rapports du Comité d’étude des opérations gouvernementales en matière d’activité de renseignement », de la commission du Sénat des Etats-Unis (1976).