La propagande vise de façon plus particulière l’opinion publique en général, sans le soutien de laquelle l’action politique et/ou militaire n’est pas envisageable (sans un degré suffisant d’adhésion de l’opinion, que faire ?). L’intoxication vise, elle, plus précisément les centres nerveux d’une nation, les décisionnaires et leurs conseillers, les états-majors et leurs cellules d’analyse et de prévision.
La désinformation sera un mixte des deux en ce qu’elle vise tout à la fois les cercles dirigeants et les populations civiles afin de démobiliser ou de décourager ces dernières face à un défi ou à un péril avec pour but ultime de découpler l’opinion de son gouvernement. Ce que les néocons (cryptotrotskystes néoconservateurs) et l’État profond américains s’efforcent sans succès d’accomplir depuis presque une année avec Donald Trump, cette insupportable épine dans le pied. Les campagnes lancées en Amérique contre le candidat puis contre le président Trump sont un cas d’école exemplaire pour illustrer leurs méthodes. Il s’agit de susciter le plus souvent dans les masses, soit une peur diffuse et paralysante (le président est un psychopathe qui nous conduira à la catastrophe), soit l’abattement ou le renoncement (l’à quoi bonnisme auquel correspond ces jours-ci le « il faut lui laisser sa chance » à propos du foutriquet venant d’être propulsé à la tête de l’État français), soit un violent ressentiment à l’égard des têtes de file de la nation avec toutes les navrantes conséquences imaginables. On vient de découvrir (lors des échéances électorales de ce printemps 2017) quels abîmes de désaveu ont pu atteindre les responsables des trois grandes formations politiques hexagonales (Républicains, Socialistes, Frontistes) qui, il est vrai, ont montré une piteuse incapacité à faire face aux tempêtes médiatiques lancées à leurs trousses. Le comble revient à François Fillon appelant, sans périr de honte, à voter en faveur du Petit Chose macronique !
Dans ce cas de figure, agents d’influence (leaders d’opinion, de B-H Lévy à Mélenchon via l’hirsute du bulbe, Attali) et idiots utiles (idéalistes bornés et naïfs convaincus d’agir pour la bonne cause) occupent une place importante en ce qu’il préparent le terrain des idées, souvent de longue date. Ces gens - plumitifs, intellos et journaleux - développent savamment et péremptoirement des théoriesLes think tanks américains et les grandes universités sont les pourvoyeurs de théories expliquant la marche désordonnée du monde et légitimant, par exemple, les confrontations militaires sous couvert de la doctrine augustinienne de la guerre juste. Pensons à « La fin de l’histoire » de Francis Fukuyama (1992), au « Choc des civilisations » de Samuel Huntington (1996), à la théorie du Chaos constructif développée par Michael Ledeen au sein de l’American Enterprise Institute for Public Policy Research, au « Grand échiquier » (1997) de Zbigniew Brezinski qui théorise la vassalisation de l’Europe par le biais de sa totale balkanisation.]] et des argumentaires destinés à saper les fondements intellectuels et moraux de l’ordre social, lancent des slogans de type publicitaire qui font mouche, tournent en dérision les institutions, les mœurs et les personnes, inquiètent et agitent l’opinion en semant le doute et la suspicion… Ils font accepter les guerres imminentes comme inéluctables (hier contre l’Irak puis la Libye, aujourd’hui aux É-U contre la Russie ou l’Iran), attisent la haine et la défiance entre communautés et entre les nations. La détestation des Français pour le président Russe est de ce point de vue toujours un sujet d’émerveillement.
Un discrédit qui surpasse celui du président Syrien, el-Assad pourtant réputé avoir traité ses opposants, femmes, vieillards et enfants, au gaz de combat. Mais dans l’imaginaire le Levant est autre part, il appartient à un autre monde, à l’Orient complexe, les tragédies qui s’y déroulent ne nous concernant qu’indirectement. Sauf, transitoirement quand la guerre sordide s’invite au Bataclan ou que deux journalistes meurent pour avoir sauté sur une mine lors de l’assaut donné sur la vieille ville de Mossoul [2] ! L’opinion est gavée et de plus se sait désinformée sur ces guerres incompréhensibles où ceux qui combattent le terrorisme (Damas, le Hezbollah, les Russes et l’Iran) sont les méchants, plus odieux encore que les égorgeurs de l’État islamique qui dans la tourmente finissent presque par faire figure d’amateurs.
Forgeries tous azimuts
En même temps la désinformation s’emploie auprès des décideurs politiques, économiques et militaires, à répandre, faire gober ou accréditer des informations falsifiées par toutes sortes de moyens. Parmi ceux-ci, les taupes et agents doubles infiltrés, les documents truqués (forgeries) ayant toutes les apparences de la véridicité, dans le but d’inciter les élites du pays cible à faire les mauvais choix, à adopter les solutions contre-productives, à choisir les options désastreuses, ceci devant fatalement aboutir à l’écroulement des institutions et à la soumission du pays à de triviaux intérêts étrangers. On se référera à l’appel de Cochin (6 décembre 1978) du sieur Chirac qui dans un éclair de lucidité post-traumatique mettait en garde ses concitoyens contre, justement, « le Parti de l’Étranger ».
Décrédibilisé sans retour, tel pouvoir devra nécessairement faire place à un changement de régime. Surtout si la rue s’en mêle et donne le coup de pouce (ou le coup de tranchet) décisif. C’est ce qui s’est passé à Kiev sans presque coup férir (avec quelques dizaines de victimes de tireurs embusqués, mais avec dix ans de préparation, le premier Maïdan étant intervenu en 2004). Par contre six ans n’ont pas suffi à chasser el-Assad de sa présidence damascène. Quant au chaviste Nicolas Maduro, en dépit des émeutes qui à Caracas s’enchaînent les unes aux autres, il s’accroche au pouvoir comme une teigne. Au demeurant la déstabilisation en profondeur d’un pays (via le reconditionnement de l’opinion) reste le préalable obligé à toute OPA inamicale sur un État et ses postes de commandement. En effet, point n’est question de faire main basse sur une nation sans l’accord au moins tacite, la passivité ou la participation active d’une frange de la population.
Cela peut prendre la forme du ralliement du peuple au vainqueur dans un pays en état de choc ou désemparé après une déroute militaire et en attente de recomposition politique… parfois une défaite essentiellement politique voire quasi virtuelle comme en Yougoslavie dont les forces étaient intactes en 1999 après la sale guerre de l’Otan en principe pour libérer le Kosovo (mais avec le concours de cadres d’Al-Qaïda, tel le propre frère d’Ayman al-Zawahiri, numéro deux de l’organisation). Pensons aussi aux Événements d’Algérie, guerre gagnée sur le terrain et politiquement perdue dans l’opinion travaillée par un puissant bloc communiste et l’immense marécage de toutes les lâchetés intellectuelles et morales. Au final, des ralliements qui apparaissent comme salvateur (la seule issue désirable possible) à des populations ayant été soumises à un blocus meurtrier, telles celle de la Fédération yougoslave [3] ou de l’Irak de 1991 à 2003.
D’appétissantes carottes devant faire oublier le bâton… en l’espèce les politiques de sanctions renforcées visant à induire (comme en Iran jusqu’à l’accord de 2015 relatif au programme nucléaire civil de la République islamique), des troubles sociaux, une contestation de l’État dans la violence et une déstabilisation grandissante par l’exacerbation des frustrations et des dissensions internes. Nous l’avons vu précisément après la réélection à la présidence le 2 juin 2009 de Mahmoud Ahmadinejad. Malgré les 62,6 % de suffrages en sa faveur, les manifestations et les émeutes se succèdent ensuite pour contester les résultats du suffrage universel. Idem pour la contestation anti Poutine des élections législatives russes du 4 décembre 2011, il s’agissait de l’amorce d’une révolution colorée… blanche en l’occurrence.
Les cibles de la guerre des mots
On l’aura compris, la guerre des mots (qui est celle du plus fort ou du plus cynique mensonge), de la tromperie vicieuse ajustée pour tuer les pouvoirs souverains ou nationalitaires (non exempts de défauts, parfois sévères, il va sans dire), vise à l’arrivée la servitude des peuples (en douceur de préférence c’est-à-dire sous anesthésie), en les faisant renoncer d’eux-mêmes à leur indépendance… Mais aussi à abandonner leurs traditions perçues dès lors comme rétrogrades, tristement anticonsuméristes et imprégnées d’un ordre moral asphyxiant. Ceci dans le but de promouvoir une segmentation à l’infini du marché après émiettage et désagrégation du corps social subséquemment à la diffusion générale des comportements égotistes, individualistes et transgressifs caractéristiques des sociétés ouvertes et désormais En marche forcée.
C’est ce processus de conquête et de domination par les mots, par la falsification des concepts et la diffusion de pathologies mentales collectives (qui conduisent à ne plus distinguer le haut du bas, le vrai du faux, le beau du laid, le bien du mal) si bien analysé et documenté par le regretté Vladimir Volkoff [4], qui occupe à présent le premier rang des techniques de combat dans les guerres livrées aux peuples et aux cultures enracinées. Ce que d’aucuns nomment les guerres hybrides dont la forme première est celle de la pensée et de l’action psychologique dirigée contre les masses et non plus seulement contre leurs seuls dirigeants. Décisionnaires dont la plupart sont déjà acquis système, ayant été choisis de longue date par les oligarchies banquières pour leur capacité à entrer dans la peau de ces Young leaders dont l’Amérique-monde et la Cité ont tant besoin et sont si friandes pour assurer leur hégémonie et maintenir leurs piteux satellites en orbite.
Nous y reviendrons, mais souvenons-nous que la désinformation telle décrite ici était au départ essentiellement dirigée contre un ennemi extérieur et principalement ses centres nerveux. Désormais elle vise presque en priorité sa propre population pour la conditionner à accepter, à soutenir, à participer - à l’insu de son plein gré - à des politiques le plus souvent diamétralement opposées aux intérêts immédiats des dites populations. On l’a vu et on le voit de façon aveuglante depuis mai 1981 et la prise du pouvoir par la génération des soixante-huitards libéraux-libertaires autant que freudo-marxistes.
Masses et élites
En ciblant les masses, la désinformation collective s’efforce d’opérer un transfert de pouvoir au profit de la rue et des agitateurs professionnels au détriment de la charpente institutionnelle. C’est le programme politique qu’annonce le sieur Mélenchon, lequel s’est depuis trente ans enkysté dans la politique politicienne sous les ors des chauds palais de la République. Individu dont les résultats au premier tour des présidentielles l’encouragent à se pousser en avant et à briguer des prérogatives renforcées. Pour lui, il s’agit de jouer la foule (réputée rebelle) contre les pouvoirs en place [5]. L’on a vu un essai manqué avec la Nuit debout. Ainsi lors de la Révolution orange d’Ukraine, à l’automne 2004, quelque 500.000 manifestants campèrent nuits et jours dans les rues de Kiev durant deux semaines pour protester contre les résultats des élections présidentielles, résultats considérés comme frauduleux… Nous n’en sommes pas encore là et M. Valls a pu, en toute impunité, se glisser dans le paquet des nouveaux entrants au Palais Bourbon en laissant sur le carreau la candidate exaspérée de la France insoumise. En Ukraine, le processus trouvera son aboutissement avec l’Euromaïdan et la fuite, le 22 février 2014, du président Viktor Ianoukovytch [6].
Idem lors de la Révolution des cèdres au Liban qui suivit l’assassinat de l’ancien Premier ministre et affairiste Rafik Hariri, le 14 février 2005 ; le 14 mars suivant plus d’un million de personnes se rassemblaient à Beyrouth pour exiger la fin de présence syrienne au Liban. Damas fut à cette date violemment diabolisée étant accusée de l’attentat qui avait coûté la vie de l’ancien Premier ministre, et en butte à des pressions diplomatiques considérables (en réalité en raison de son soutien au Hezbollah chiite libanais, bête noire de Tel-Aviv). Or s’il a fallu dix ans en Ukraine pour que les manœuvres subversives finissent par l’emporter, au Levant le reflux de la Syrie au Liban (où elle avait été appelée par les accords de Taëf du 22 octobre 1989 passés sous les auspices des grandes puissances), n’aura nécessité que sept maigres années avant que la Syrie ne sombre dans un conflit international d’une ampleur inédite.
Notons au passage que si la guerre civile espagnole fut le vestibule de la Seconde guerre mondiale, le conflit du Levant commence à lui ressembler singulièrement. De cela (sauf pour les aficionados de l’information), il y a bien peu de chance que vous en en entendiez parler. Notre presse est trop nombriliste et trop attachée à obéir aux ordres (en bref, à suivre les lignes éditoriales que ses commanditaires lui donnent) pour que vous ayez la moindre chance de savoir ce qui se passe à côté de chez vous. Au levant par exemple. Car la désinformation (le mensonge) c’est avant tout 90% de silence, d’omission. Imaginez si les Français savaient exactement ce qui se passe à leur porte. Peut-être prendraient-ils le mors aux dents ?
Actualité de la guerre hybride
Ainsi, tandis que le 18 juin 2017 la France s’abstenait massivement de voter au second tour des élections législatives (57% d’abstentions) et envoyait à l’Assemblée une assez confortable majorité de néophytes (représentant moins de 14% de l’électorat ; imaginons un quelconque conseil d’administration outrageusement dominé par une minorité de cet acabit [7]), pour la première fois depuis la guerre irako-iranienne (1980/1988), Téhéran faisait procéder à des tirs de missiles hors de son territoire national. Des vecteurs Zolfaghar de fabrication iranienne et d’une portée d’environ 750 km. L’objectif visé étant des postes de commandements et des dépôts d’armes de l’État islamique dans la zone pétrolifère de Deir Ezzor. Le même jour l’aviation américaine abattait au sud de la capitale de la capitale de l’État islamique Raqqa, un chasseur bombardier Soukhoï Su-22 de l’Armée arabe syrienne [8]… dans le même temps, les marines chinoise et iranienne manœuvraient de concert dans le détroit hyper stratégique d’Ormuz. Cinq jours plus tard, le 23 juin, ce sont deux bâtiments de guerre et un submersible russes croisant en Méditerranée orientale, qui lançaient une frappe contre Daech. Les frégates Amiral Essen et Amiral Grigorovitch, ainsi que le sous-marin d’attaque Krasnodar, tiraient six missiles de croisière de type Kalibr sur des sites occupés en Syrie par takfiristes. Et ce, après en avoir informé la Turquie et Israël… mais non pas le Pentagone. Un fait aussi hautement significatif que particulièrement préoccupant quant à la dégradation sur le terrain des relations entre belligérants des deux Blocs.
Enfin ce tableau serait incomplet sans évoquer le catalogue de 13 mesures exorbitantes du sens commun qui a été présenté au Qatar (allié de circonstances de la Turquie et de l’Iran) pour lui rogner bec et ongles et qui, si il était accepté, ferait disparaître le Qatar en tant qu’État souverain. L’une des exigences met la principauté en demeure de faire taire définitivement sa chaîne de télévision (diffusée en anglais aux É-U) al-Jazira. Doha, accusée de soutien aux Frères Musulmans concurrents de Daech par Washington, Ryad (et en sous-main par le premier violon, Tel-Aviv car elle hébergeait Khaled Mechaal [9], naguère réfugié à Damas, membre de la Confrérie islamiste et président du bureau politique du Hamas jusqu’au 6 mai 2017), a vu sa prestigieuse chaîne bloquée en Égypte, en Arabie et aux Émirats arabes unis. L’on voit ici la guerre moderne en pleine action, qui, en vue d’obtenir la soumission d’un État souverain (qui a su faire de la France un paradis fiscal, ses investissements y étant exonérés d’impôts) commence aujourd’hui à tenter de le priver de toute audience internationale et de tous moyens de rayonnement et d’influence.
Révolutions colorées
Jouer la rue contre le pouvoir est une forme de guerre très en vogue aujourd’hui quand la subversion par les urnes ne suffit pas. Surtout si l’on recourt à différentes Fondations militant comme par hasard pour « la société ouverte et la démocratie] » telles l’Open society Institute du financier américain George Soros d’origine hongroise ou encore la Freedom House, l’USAID et le National Endowment for Democracy, toutes organisations plus ou moins liées ou reliées aux grandes agences de renseignement (et de déstabilisation) de l’État américain. Celles-ci interviennent le plus simplement du monde en apportant un soutien logistique en matériels (d’abord informatique parce que la guerre des idées se développe a priori dans le cyberespace via les réseaux sociaux) ; en fonds sonnants et trébuchants ; en formation (formation théorique et programmatique sur la démocratie elle-même, et technique quant aux maniements et à la manipulation des outils et moyens de diffusion électronique de masse)… des pratiques subversives sous des dehors anodins de nos jours devenues monnaie courante.
Ces révolutions « colorées » ont fleuri un peu partout ces dernières décennies et sans doute faudrait-il y ajouter les Printemps arabes. Cela commence avec le « Printemps de Prague » en 1968 et plus tard la « Révolution de velours » de 1989 avec entre ces deux épisodes tchécoslovaques, la « Révolution des œillets » au Portugal en 1974, qui sont autant de laboratoires ou de précurseurs aux futures révolutions de velours. On considère avons-nous dit, les mouvements de rue du 5 octobre 2000 en Serbie qui, à l’issue des bombardements massifs de l’Otan sur la Fédération yougoslave, détermine la démission du résident Milosevic, comme une première réussite à l’ère des changements de régime programmés… Certainement mieux vaudrait dire planifiés parce que ces transformations ne sont pas du tout improvisées, leur exécution s’étalent sur plusieurs décennies. L’instauration d’une Gouvernance mondiale est une œuvre de longue haleine.
Suivront en 2003 la « Révolution des Roses » en Géorgie, puis en 2004, déjà citée, la « Révolution orange » en Ukraine. En 2005, la « Révolution des tulipes » en Kirghizie n’obtint pas les résultats escomptés, pas plus qu’en 2009, la tentative de renversement en Moldavie de la tendance favorable à la Russie… En 2005, l’assassinat d’Hariri fut également une révolution colorée baptisée du joli nom de « Révolution des Cèdres ». La subversion est indéniablement poétique et imaginative quoiqu’un tantinet répétitive. On peut en outre admettre que dans le même ordre d’idée, divers mouvements d’opposition aujourd’hui actifs au Tibet, en Birmanie [10] ou au Xinjiang bénéficient des mêmes parrainages extérieurs et des mêmes soutiens organisationnels et logistiques… que M. Macron. Mais n’est-il pas exagérément conspirationniste de dire que partout à présent, dans toutes les zones sensibles, les mêmes forces (obscures) sont à l’œuvre ?
L’anarcho-capitalisme suborneur
Et puis l’anarcho-capitalisme tentateur et suborneur promet toujours plus de « liberté », plus de richesses, plus d’ouverture sur le monde, plus de facilités aux individus comme aux pays secoués ou aspirés par les printemps éphémères et leurs promesses de renouveau capitalistique résolument En marche… Mais dont les espoirs sont hélas généralement vite déçus (l’ornière du marasme économique est profonde parce qu’elle est structurelle : une dimension sine qua non de l’unification du marché à l’échelle planétaire).
Pensons aux États nés de l’éclatement de l’Union soviétique dont les ressortissants convergent vers l’Ouest dans l’espoir d’y trouver un emploi. Constatons que dans la manipulation des peuples et des rêves de prospérité, la ploutocratie mondialiste n’a finalement fait que reprendre mot pour mot les méthodes que Lénine utilisa naguère pour entraîner l’énorme masse de la paysannerie russe (un empire de 160 millions d’âmes en 1917 essentiellement rurales) dans la tourmente révolutionnaire : ne promettait-il pas « la terre et la paix » ? On sait ce qu’il en advint. Ce ne fut ni l’un, ni l’autre, mais de terribles saignées, la guerre faite au prolétariat insoumis comme aux paysans rebelles, les déportations, les massacres pour dépouiller ces derniers de leurs lopins de terres (en attendant l’histoire a été si bien réécrite et falsifiée que Lénine passe encore pour le héros de la cause du peuple, avec cet autre monstre que fut Mao Tsé Toung). Tâche titanesque et monstrueuse que reprit plus tard Staline avec la dékoulakisation, autrement dit l’éradication de la propriété foncière et la collectivisation forcée de la terre, les grandes famines d’Ukraine, les morts par millions…
Certes le passage à l’Ouest de l’Europe orientale (ex soviétique) n’a pas eu de conséquences aussi dramatiques. Encore que ? Les conflits, actifs et potentiels, du Donbass et de la Crimée, n’ont pas dit leur dernier mot. D’autant que, contre toutes les évidences, la Russie est sempiternellement présentée comme l’agresseur. Et même, parce que les médias et les chiens de garde du mondialisme n’en sont pas à une absurdité près (mais plus c’est énorme !), ceux-ci n’hésitent pas à marteler inlassablement que Moscou s’apprête à envahir les Pays baltes, voire la Pologne (mais pourquoi faire ?). De même Damas serait le véritable géniteur du Golem Daech pour se maintenir au pouvoir [11]. Difficile de faire plus délirant, mais cela marche !
Observons que les conséquences humaines et matérielles de la normalisation démocratique de l’Irak, puis la lutte contre la tumeur invasive de l’État islamique, n’ont finalement rien à envier aux exactions des soviets. Le mois du ramadan pour le seul Pakistan en proie aux affrontements entre sunnites radicaux et chiites se solde par deux cents morts et quelque sept cents blessés. Mais ces morts sont lointains. Là encore des millions de morts sont au rendez-vous pendant que la guerre du Levant s’éternise et s’internationalise jusqu’à être déjà – ouvrons les yeux – une guerre mondiale en réduction… en tout cas une tumeur extrêmement maligne où s’affrontent l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, les ultimes souverainetés contre le rouleau compresseur mondialiste. Ce qui dans l’Hexagone se traduit par la confrontation entre les nomades cosmopolites que représente la Gauche et la Droite compradores avec ses habits neufs macroniens, et les enracinés, toutes classes et catégories sociales confondues. Reste que le génie du système consiste à rendre inintelligible un schéma pourtant d’une simplicité enfantine.
L’Otan bras armé du globalisme
On comprendra que les armées de conquête avancent masquées par un brouillard de mots faussement explicites et toujours facteur de confusion, d’information contradictoires et protégées par une chape de silence. Ce qui n’est ni su, ni vu, ni entendu n’existe pas. Nous voyons à l’œuvre en Europe orientale à la fois le dessein d’absorber dans la sphère occidentaliste des jeunes États nés après 1991. Ceux-ci, nés du démantèlement du Bloc de l’Est, intègrent l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord les uns après les autres, le dernier en date étant le Monténégro devenu le 5 juin le 29e membre de l’Alliance. Mais leur naissance n’est que le prétexte et l’occasion à l’érection d’un mur d’isolation de la puissance russe. Puissance en vérité économiquement dérisoire (un PIB inférieur à celui de l’Italie [12]) mais dont les ressources militaires, conventionnelles et stratégiques, sont suffisantes pour inquiéter l’Administration américaine et faire obstacle (ou contrecarrer) les ambitions hégémoniques de la Grande Amérique dans l’espace eurasiatique. Il s’agirait notamment pour Washington de reprendre la main – si tant est que ce soit envisageable - dans le développement de ces Nouvelles Routes de la soie que la Chine populaire et la Russie sont en train de rétablir. D’où l’importance du Caucase et du bassin de la Mer Caspienne. Des dispositifs d’accords bi-mutilatéraux qui arriment les uns aux autres les États d’Asie centrale au sein de structures commerciales transcontinentales.
L’Otan, en principe à vocation défensive n’en finit donc pas de déployer sur le pourtour de la Russie de nouvelles forces (notamment balistiques avec le bouclier anti-missiles censé contrer une hypothétique attaque iranienne), de la mer Baltique au Caucase… Pensons au conflit (limité dans le temps) de Géorgie en août 2008 et dont l’affaire du Donbass en Ukraine n’est que la continuation sur un autre théâtre d’opérations et un autre front. Pour exemple de l’activisme de l’Alliance signalons les grandes manœuvres de l’Otan qui se déroulent en ce moment même en Lituanie, du 12 au 24 juin, lesquelles s’intitulent très sereinement « Loup d’acier » et préparent très sérieusement d’éventuels affrontements ayant pour cadre les Pays baltes. Mais contrairement à ce que vous pourriez imaginer, ce ne sont pas les forces coalisées de l’Otan qui menacent et provoquent la Russie en se déployant à ses frontières, mais précisément l’inverse : ce sont les troupes Russes qui constituent un danger pressant qu’il s’agit de prévenir ! Ne l’aviez-vous pas compris ?
La menace russe a ceci de remarquable qu’elle aura permis (via l’Otan et accessoirement via l’Union européenne) la digestion et l’intégration dans le dispositif militaire transatlantique des anciens membres du pacte de Varsovie, celui-ci ayant eu la stupidité de se dissoudre unilatéralement (sans barguigner) à la mort de l’Empire soviétique le 1er juillet 1991. C’est donc l’Otan qui soude littéralement en un bloc l’ensemble disparate européen de l’Irlande au Caucase. Bloc qui pourrait être estimable s’il n’était constitué sur de fort mauvaises bases (celle, entre autres, d’une agressivité non déguisée à l’égard de la Fédération de Russie) et n’avait pour conséquences de satelliser étroitement Bruxelles et le reste de l’Europe à Washington.
Il est à regretter que, croyant œuvrer au progrès, à la modernisation de leur société (ce qui n’est en effet pas une ambition totalement absurde), les jeunes démocraties d’Europe orientale relaient les visées intégrationnistes et annexionnistes des promoteurs du Nouvel Ordre International. Pourtant, à bien y regarder, chacun peut apercevoir que la démocratie modèle, la démocratie des démocraties, l’Amérique, si elle est généreuse aux audacieux sans scrupules excessifs, est dure aux faibles et aux perdants. Beaucoup à l’Est, notamment dans les nouveaux Länder allemands (l’ex RDA) regrettent aujourd’hui, et à juste titre, l’aurea mediocritas qu’offrait le système communiste. Comprenez la stabilité de l’emploi à vie, les soins gratuits, le logement et une prise en charge par l’État quasiment du berceau au cercueil. Paradoxalement, une majorité (courte mais significative) d’Allemands de l’ex République démocratique regrette sincèrement « le Mur » qui les protégeait contre les excès du libre renard dans le libre poulailler capitaliste [13]. Au final qui en parle ?
La guerre est d’abord celle de l’esprit
Falsifier l’information, polluer la perception des choses, des événements et l’évaluation des situations, inverser les responsabilités au point que l’agresseur devienne irréfragablement l’agressé (les Palestiniens ou l’Iran menaces récurrentes) et que la vraie victime soit le tueur impénitent et sans état d’âme. Ceci constitue le b-a-ba de la manipulation à visées politiques ou géopolitiques. Et ce, de tous temps, à ce détail près que les techniques ont permis un essor prodigieux aux capacités de contrôle mental collectif. L’inversion des situations, la projection des intentions malveillantes sur le vis-à-vis, ou le rival, la corruption des données, sont devenues un état de fait permanente servant de toile de fond à la vie des grandes démocraties [14]… Celles-ci se sont en effet bâties sur quelques piliers mythiques profondément enfoncés dans l’inconscient collectif. Des balises qui dessinent ou configurent la représentation du monde (weltanschauung) des communautés humaines occidentales. Ces fables hyperstructurantes exercent à coup sûr une tyrannie certaine sur l’histoire et l’esprit de nos contemporains : tel le mythe de la libération de l’Europe par les États-Unis. Nul n’ignore qu’il s’est agi, du propre aveu des libérateurs, d’une Invasion (et d’une occupation : pensez à l’Amgot [15]) dans le cadre d’un partage du monde conclu avec l’empire soviétique à Postdam en juillet 1945 après les sommets tripartites de Téhéran en décembre 1943 et de Yalta en février 1945.
Ou encore, dans le contexte de la Guerre froide et d’une course forcenée aux armements, les mythes grandioses de la conquête spatiale qu’un proche avenir devrait nous dévoiler pour ce qu’ils sont : une apothéose hollywoodienne [16]. Ou bien les mythes relatifs au 11 septembre et aux trois gratte-ciel qu’auraient mis à bas deux avions de ligne à carcasse d’aluminium. Insistons sur le fait que la propagation sous couvert de divertissement de mythes de tous ordres (extra-terrestres, monstres de la nuit, loups garous, vampires, revenants, etc.) entretient une forte perméabilité de l’imaginaire universel (jusqu’au tréfonds de la planète, dans recoins les plus reculés des déserts) aux super bobards dont nous sommes quotidiennement abreuvés. Ce triturage permanent de l’esprit humain n’est au bout du compte qu’une préparation du terrain psychologique (affaiblissement de la résistance morale et de la rationalité critique) en vue de faire accepter aux populations toutes sortes de dispositions délétères : état d’urgence permanent (inscrit dans la Constitution, ce que prépare Macron), vaccination des nouveaux nés et puçage généralisé, culte de l’inversion sexuelle, guerres permanentes… Mais des guerres a priori périphériques ! Ce qui nous permet de croire béatement que nous trouvons en état de paix perpétuelles grâce au bannissement de l’idéologie nationaliste… n’est-ce pas ?
L’action psychologique est à ce titre devenue plus qu’un préambule à la conquête du terrain géographique ou social. Elle est en réalité l’alpha et l’oméga de l’action guerrière elle-même, en elle-même. Il ne s’agit plus seulement d’une simple dimension, de l’un des aspects parmi d’autres de l’activité guerrière en général, il s’agit de la guerre en soi dont le but n’est plus de soumettre les corps et d’occuper un territoire physique, mais d’asservir d’abord les âmes et les esprits. Le puissant intérêt dans cette forme de guerre est qu’à l’occasion elle peut passer totalement inaperçue de l’opinion intérieure du pays, là où elle est à l’œuvre, tout comme aux yeux des opinions publiques extérieures qui se fient à une presse traîtresse. Telle est la grosse malice !
Certes les champs de bataille du Proche-Orient sont encore un peu rustiques, mais le complet reconditionnement viendra après, avec la gay pride et la PMA comme expression ultime des droits de l’homme [17]. Ce pourquoi la guerre moderne est d’abord et essentiellement celle de l’information, c’est dire que son enjeu premier n’est plus prioritairement l’occupation (militaire) du sol « ennemi » (il conviendrait mieux ici de parler en terme de « cible »), mais de la prise de contrôle des esprits, de la domination ou de la soumission psychique des populations…
De ce point de vue, les opérations militaires ne sont appelées à intervenir qu’en dernier recours, dans une occurrence de nécessité, pour achever « le travail » et déblayer le terrain, le nettoyer de ses dernières poches de résistance. Pour donner le coup de grâce en quelque sorte ; un cas de figure qui se présente en principe avec les dictatures résilientes, celles-ci étant par définition mieux armées et organisées pour résister à des assauts extérieurs, en particulier en raison de leurs dispositifs sécuritaires d’encadrement de leur population, de leurs milices et de leur parti unique… La Syrie baasiste en est un exemple !
Léon Camus 25 juin 2017