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La 6G promet de fusionner les mondes humains et numérique

mardi 18 octobre 2022

Le réseau mobile 5G affiche déjà des débits 10 fois supérieurs à ceux de la 4G.
La 6G devrait offrir des débits 100 fois supérieurs à ceux de la 5G, avec des fréquences comprises entre 100 GHz et 30 THz.

Cependant, en télécommunications, une fréquence plus haute porte moins loin, mais avec un meilleur débit. Il faut donc amplifier la puissance de la 6G pour améliorer ses performances sur la distance.
Sa faible latence (de l’ordre de la microseconde) rendra possible une connectivité fiable pour des applications en temps réel, qui conduira à des innovations de rupture dans plusieurs domaines, notamment le véhicule autonome, l’industrie 4.0 et la télémédecine ou la santé.
Les facteurs géopolitiques pourraient signifier un avenir plus fragmenté, avec le désir de souveraineté numérique des différents gouvernements.

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Alors que le déploiement de la 5G n’en est qu’à ses débuts, les centres de recherche et les opérateurs s’activent déjà autour de la 6G. Cette technologie verrait le jour autour de 2030. Pour quelles applications et quels bénéfices ? Quels défis faudra-t-il relever ?

La technologie de réseau 5G, dite de très haut débit mobile, a été lancée en France en novembre 2020. Progressivement déployée sur le territoire, elle ne le sera pleinement que d’ici à 2030. Fin septembre 2021, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) répertoriait quelques 22 600 antennes installées par les quatre opérateurs que sont Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR. Ces sites émettent dans les trois bandes de fréquences de la 5G (700 – 800 MHz ; 1,8 – 2,1 GHz et 3,5 GHz). Les autoroutes et les routes principales devraient être respectivement couvertes en 2025 et en 2027.

Les principaux équipementiers de communications mobiles et les centres de recherche spécialisés n’ont pas attendu pour développer les technologies des prochaines générations. S’il faut une décennie pour déployer complètement une technologie, il en faut au moins autant pour la développer et la normaliser afin qu’elle soit prête à être commercialisée. Ce qui explique que les travaux de R&D sur la 6G ont démarré avant même que la 5G ne soit lancée.

Des fréquences térahertz

Dans ses trois bandes de fréquences, le réseau mobile 5G affiche déjà des débits 10 fois supérieurs à ceux de la 4G. La 6G joue la surenchère et devrait offrir des débits 100 fois supérieurs à ceux de la 5G, et ce grâce à l’utilisation d’ondes térahertz. En effet, les fréquences attribuées à la 6G sont comprises entre 100 GHz et 30 THz.

Ces très hautes fréquences posent toutefois quelques problèmes que les laboratoires de recherche tentent actuellement de résoudre. En télécommunications, plus la fréquence est basse, plus elle porte loin et moins le débit est élevé. Une fréquence plus haute porte moins loin, mais avec un meilleur débit. Il faut donc amplifier la puissance de la 6G pour améliorer ses performances sur la distance tout en maintenant un fort débit.

À l’été 2021, l’entreprise sud-coréenne LG et l’institut de recherche allemand Fraunhofer ont réalisé un test et réussi à transférer des données sur une distance de 100 mètres. Le précédent essai avait été réalisé quelques semaines plus tôt par un autre Coréen, Samsung, sur une distance d’une quinzaine de mètres.

Les très hautes fréquences posent une autre difficulté, celle de l’emplacement des antennes. Pour que la performance et les débits attendus de la 6G soient au rendez-vous, les antennes devraient être espacées d’une centaine de mètres. Si cela ne pose pas de problème de faisabilité technique en milieu urbain — outre l’acceptabilité par le public —, le maillage du réseau devient plus difficile à assurer en milieu rural. C’est pourquoi les opérateurs développent d’ores et déjà des solutions alternatives, notamment les HAPS (High Altitude Platform Station). En janvier 2022, Airbus a annoncé étudier en partenariat avec NTT, DoCoMo et Sky la faisabilité de plateformes satellites qui fourniraient des services de connectivité sans fil aux zones mal couvertes par les technologies mobiles telles que les océans, l’espace aérien et les zones isolées ou frappées par une catastrophe naturelle.

Fusionner les mondes humain, numérique et physique

Après la voix (2G), le texte et les SMS (3G), les données et les apps (4G), l’Internet des objets et l’automatisation industrielle (5G), la 6G entend ouvrir un champ d’applications nouvelles. En intégrant les mondes physiques et numériques et en associant l’imagerie, la localisation et l’intelligence artificielle, ces applications permettront une immersion complète dans l’espace numérique pour des expériences de communication, d’interaction et de collaboration en réalité virtuelle, mais aussi de la télé-chirurgie en temps réel, du streaming de vidéos en 16K, des véhicules autonomes et des jumeaux numériques.

Selon Nokia1, la 6G profitera des avancées de six technologies clés. Les progrès accomplis en intelligence artificielle et machine learning (IA/ML) amélioreront la communication entre deux terminaux. Grâce au spectre de fréquences térahertz qui lui sont allouées, la 6G offrira des débits jusqu’à 100 fois supérieurs à ceux de la 5 G. Le réseau sera « sensible » à l’environnement, aux objets et aux personnes, ce qui lui permettra de localiser, mais aussi de mesurer différents paramètres (vitesse, température). La faible latence de la 6G (de l’ordre de la microseconde vs la milliseconde pour la 5G) rendra possible une connectivité fiable pour des applications en temps réel comme les véhicules autonomes ou la visioconférence. Grâce à cette connectivité, de nouvelles architectures réseaux se substitueront aux réseaux filaires et faciliteront le déploiement de réseaux personnalisés et automatisés. Enfin, la 6G sera conçue en « security by design » et intégrera des fonctions de sécurité avancées dès sa conception.

6G et l’enjeu géopolitique

« Il peut sembler étrange de commencer à façonner la 6e génération de réseaux de communication mobile (6G) alors que la 5G commence tout juste à être déployée dans le monde entier. Mais nous pouvons déjà imaginer les futurs cas d’utilisation possibles, tels que la téléportation et le jumeau numérique, le transport intelligent et autonome, ou encore une expérience de commerce et de paiement entièrement numérique. Outre les technologies et les services, les modèles commerciaux des réseaux de communication mobile continueront à évoluer rapidement dans les années à venir. Dans le domaine des technologies mobiles, comme dans de nombreux autres domaines, les facteurs géopolitiques pourraient signifier un avenir plus fragmenté pour le monde. En effet, dans leur désir de souveraineté numérique, les différents gouvernements poussent les chercheurs universitaires et industriels nationaux à générer autant de droits de propriété intellectuelle que possible, façonnant ainsi le paysage de la 6G. »
Pr. Noel Crespi, Télécom SudParis.

Des enjeux technologiques, économiques et industriels

Les avancées technologiques permises par la 6G vont conduire à des innovations de rupture dans plusieurs domaines, notamment le véhicule autonome, l’industrie 4.0 et la télémédecine ou la santé. Cela va se traduire par des opportunités économiques tangibles. Dans une récente déclaration, la technopole de Lannion (Bretagne) estime que la montée en puissance de « la 5G pourrait représenter 20 000 nouveaux emplois et 15 milliards d’euros d’ici 2025 ». Ces chiffres laissent augurer d’un impact non négligeable de la 6G.

Toutefois, il reste plusieurs défis à relever. La question de la standardisation de la technologie 6G à l’échelle mondiale soulève des questions de souveraineté et de sécurité. De plus, il y a fort à parier que la question de l’acceptation par le public se posera à nouveau, à l’instar des débats sur les risques sanitaires et la réelle nécessité d’une telle technologie qui ont accompagné le lancement de la 5G.

1https://www.nokia.com/about-us/news...

Sophy Caulier, journaliste indépendante

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