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David Petraeus, ex-CIA : « Une force dirigée par les Etats-Unis pourrait intervenir en Ukraine »

dimanche 23 octobre 2022

Pour l’ancien commandant de la Force internationale d’assistance et de sécurité en Afghanistan, les efforts récents de la Russie pour punir l’Ukraine ont renforcé la détermination de celle-ci.

Sa parole est rare, mais toujours très scrutée. En exclusivité pour L’Express, David Petraeus, ancien général de l’armée américaine, commandant de la Force internationale d’assistance et de sécurité en Afghanistan entre 2010 et 2011 et directeur de la CIA de 2011 à 2012, a répondu à nos questions sur la guerre en Ukraine et ses évolutions possibles.

Comment évaluez-vous la dynamique actuelle sur le champ de bataille en Ukraine ?

David Petraeus La Russie se trouve dans une situation extrêmement difficile car l’Ukraine dispose désormais sur son sol d’une armée plus importante et plus performante que celle de la Russie - et il ne semble pas que Vladimir Poutine ait la possibilité de renverser cette situation. L’Ukraine a fait un bien meilleur travail que la Russie en matière de recrutement, de formation, d’équipement (grâce à l’aide considérable de plus de 18 milliards de dollars d’armes, de munitions et de matériel américains), d’organisation et d’emploi de soldats et d’unités supplémentaires, et je ne vois aucune option réaliste que Vladimir Poutine pourrait mettre en œuvre pour changer cette situation.

La mobilisation partielle de la Russie a été désorganisée et source de divisions. Elle ne produira pas de soldats de remplacement russes bien entraînés et bien équipés. La véritable question est de savoir si les unités russes ne risquent pas de commencer à s’effriter, voire de s’effondrer dans certaines régions, alors que le vent continue de tourner contre elles. Au-delà, les efforts de la Russie pour « punir » l’Ukraine à la suite de l’explosion du pont de Crimée par des attaques de missiles, de roquettes, de bombes et d’essaims de drones ont renforcé la détermination ukrainienne au lieu de l’affaiblir.

Comment l’imposition de la loi martiale dans les territoires occupés d’Ukraine peut-elle aider Poutine dans sa guerre ?

Franchement, je ne vois pas comment l’imposition de la loi martiale dans les territoires occupés par la Russie en Ukraine fera une différence substantielle. Je soupçonne que la loi martiale ne sera pas plus significative que l’annexion par la Russie des quatre provinces ukrainiennes largement occupées par les forces russes, dont certaines parties ont déjà été libérées par les forces ukrainiennes et d’autres subissent une pression énorme de la part des unités ukrainiennes.

Dans une interview récente, vous avez expliqué que si Poutine utilisait des armes nucléaires en Ukraine, « nous répondrions en dirigeant un effort de l’Otan - un effort collectif - qui éliminerait chaque force conventionnelle russe que nous pourrions identifier sur le champ de bataille en Ukraine et en Crimée, ainsi que chaque navire dans la mer Noire ». Vous n’avez pas mentionné les équipements ou les troupes basés en Biélorussie ou en Russie. Cela signifie-t-il que ces deux pays sont intouchables ?

Tout d’abord, je tiens à préciser que ce que je décris ici n’est qu’une option - une option qui, je le présume, fait partie de celles qui seraient envisagées si Poutine prenait l’extrêmement mauvaise décision d’utiliser une arme nucléaire tactique en Ukraine. Une telle action aurait pour conséquence, pour Poutine et la Russie, de se retrouver dans un trou plus profond encore qu’auparavant.

Il existe sans aucun doute de nombreuses options - diplomatiques, financières, économiques, juridiques et militaires - identifiées comme des réponses possibles. Ce que j’ai mentionné n’est qu’une d’entre elles. Mais étant donné que Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, a déclaré publiquement - et a dit à ses homologues russes - que la réponse à l’utilisation d’armes nucléaires serait « catastrophique », on peut s’attendre à ce qu’elle comprenne davantage que des actions diplomatiques, financières, économiques et juridiques.

Quelle est la ligne rouge au-delà de laquelle l’Otan doit s’impliquer davantage dans le conflit ?

Je pense que la ligne rouge pour l’Otan est directement liée à l’engagement d’autodéfense collective de l’article 5, c’est-à-dire à une attaque contre un pays membre de l’Otan. Cela dit, je pense qu’il est possible que la Russie entreprenne une action en Ukraine qui serait si choquante et si horrible que les Etats-Unis et d’autres pays pourraient réagir d’une manière ou d’une autre, mais comme force multinationale dirigée par les Etats-Unis et non comme force de l’Otan.


Craignez-vous que le conflit ne se transforme en une troisième guerre mondiale ?

Non, je ne pense pas qu’il soit du tout dans l’intérêt de Vladimir Poutine d’étendre la guerre. Ses forces sont déjà inférieures à celles de l’Ukraine et la dernière chose dont il a besoin est un conflit plus large.

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