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Gabriel Attal confie le tri des déchets aux organismes privés

lundi 22 janvier 2024

France Stratégie a publié le 18 janvier un rapport sur les déchets, dont la production augmente au même rythme que le PIB, alors qu’ils pourraient être réduits. La conclusion écologique de Attal est la suivante, plus on a de croissance plus il y a de déchets, et la croissance c’est mauvais pour l’environnement. Le deuxième volet de l’analyse a conduit les experts à proposer de confier toute la gestion du tri aux industriels, ne laissant que la collecte aux collectivités.
Les emballages ménagers sont constitués de matières (plastiques, verre, acier, aluminium, etc ) dont le bon recyclage, ou mieux encore l’évitement, diminue ou diminuerait l’importation de ressources et les émissions de CO2.
C’est par les poubelles que l’on va contrôler si notre dépendance au pétrole est positive ou négative. Sortir du plastique c’est réduire les achats de pétrole et éviter de financer une partie de l’économie des BRICS.
Mais sous ces faux airs écolo-bobo, les investissements consentis par les collectivités pour la collecte des déchets, seront toujours remboursables mais sans activités. En 2008, ce secteur a généré environ 4,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Les déchetteries orientent les déchets en quatre directions : recyclage (26%), valorisation matière (16%), incinération (32%) ou stockage dans un centre d’enfouissement (26%). Elles sont gérées par des établissements publics, principalement des structures intercommunales, et sont considérées comme des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). On en dénombre 4613 en France au 1er janvier 2021, ainsi que 230 décharges et 129 incinérateurs.

Au final c’est toujours le consommateur qui paye.

À court terme, sous l’effet principalement de la sortie des centres de tri du périmètre géré par les collectivités, et secondairement d’un soutien financier de la collecte plus élevé, le coût de collecte et de traitement des recyclables secs des ordures ménagères (RSOM) supporté par les EPCI baisserait de plusieurs euros par habitant et par an.
Cette baisse aurait pour contrepartie une nouvelle augmentation des éco-contributions, qui se répercuterait in fine sur les prix payés par les consommateurs. Étant donné l’enjeu pour le pouvoir d’achat, la temporalité de cette hausse doit être traitée avec attention.

Les ferrailles représentent le plus gros gisement de déchets collectés. Papiers et cartons arrivent au 3e rang des produits collectés et revendus. Mais à la revente, les matériaux non ferreux font la différence. Ils représentent 49 % du chiffre d’affaires avec seulement 7 % des matériaux vendus. (Source : Federec, groupement professionnel des acteurs du recyclage.)
Avec 12,9 millions de tonnes, les ferrailles représentent le plus gros volume de déchets vendus en France en 2013. Ces ventes ont généré un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros.

France stratégie propose de confier le tri des emballages… aux industriels

France stratégie, organisme de réflexion et de prospective rattaché à Matignon, a publié hier une « note d’analyse » sur le cadre d’organisation du tri des emballages, avec une proposition pour le moins surprenante : retirer cette responsabilité aux collectivités pour la confier aux éco-organismes.

Les « notes d’analyse » de France stratégie « n’ont pas vocation à refléter les positions du gouvernement », est-il précisé en bas de page de ce document. Mais la piste évoquée dans ce texte, si elle retenait l’attention de l’exécutif, est inquiétante, puisqu’elle consiste à transférer le tri des emballages (bas jaune) aux éco-organismes, c’est-à-dire, in fine, au privé.

Transfert aux éco-organismes

Dès l’introduction de la note, les deux auteurs se montrent clairs : « La production des emballages ménagers et leur tri puis recyclage une fois devenus déchets (ou leur reprise, s’ils sont consignés) forment deux faces d’un même système industriel dont les nombreux acteurs portent souvent de lourds investissements. (…) Cela pose la question de faire organiser directement le tri industriel des « bacs jaunes » par la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) d’emballages ménagers au lieu de lui faire seulement financer les collectivités pour cette mission. »

La note rappelle qu’actuellement, ce sont bien les EPCI qui ont la responsabilité de la collecte et du tri des emballages, le tri étant ou exploité directement par la collectivté, ou confié à des centres de tri privés. La revente des matières, après tri, couvre environ « 20 % du service », poursuivent les auteurs, ce qui est donc « très loin de le rentabiliser, car le gisement de matières est trop diffus et d’insuffisante valeur moyenne ». Quant aux contributions des éco-organismes, elles financent « environ 45 % des coûts de la collecte et du tri industriel ».

Par ailleurs, les deux auteurs pointent les « incertitudes » qui règnent sur l’avenir des centres de tri, notamment si le volume de déchets d’emballage tend à diminuer, comme l’exige la loi Agec… et plus encore si la consigne des bouteilles plastique était mise en œuvre, malgré la résistance des associations d’élus et du Cercle national du recyclage.

Il apparaîtrait donc « pertinent » aux auteurs de la note de « transférer la responsabilité du tri industriel des bacs jaunes aux éco-organismes », comme l’avait du reste déjà suggéré la Cour des comptes en 2016.

Dans le système proposé, les EPCI resteraient responsables de la collecte, mais les déchets collectés « deviendraient propriété des éco-organismes lors du déchargement des camions de collecte dans les centres de tri ». En échange, ces derniers prendraient en charge financièrement 100 % du coût de la collecte.
Proposition « ridicule » pour l’AMF

Cette proposition fait bondir Jean-François Vigier, co-président de la commission transition écologique de l’AMF. Interrogé ce matin par Maire info, le maire de Bures-sur-Yvette voit dans cette proposition « la suite d’une opération de démantèlement du service public du tri : la ‘’fausse consigne’’ sur les bouteilles plastiques était la saison 1, on a ici la saison 2 ». Pour Jean-François Vigier, « il ne faut pas se voiler la face, cette idée reviendrait tout simplement à un transfert du tri des emballages au privé, parce que ce ne sont pas les éco-organismes qui vont se charger eux-mêmes du tri. On est ici dans le même refrain que l’on entend sur tant de sujets : ‘’Il y a des objectifs à atteindre, les collectivités locales sont incapables de les atteindre, seul le privé pourrait le faire.’’ Pourtant, le service public du tri existe depuis de nombreuses années et il a fait ses preuves ! ».

Le maire de Bures-sur-Yvette pointe également « le coût pour les usagers » d’une telle réforme. « Nous, nous appuyons sur une fiscalité, calculée au plus près. Imaginez ce qui se passera si ces opérations passaient au privé ! Depuis des années, nous investissons, nous organisons des centres de tri de plus en plus performants. Et maintenant, on propose de nous le retirer pour le transférer au privé ? Tout cela n’est pas sérieux et parfaitement ridicule. »

Jean-François Vigier en appelle plutôt au gouvernement pour « travailler ensemble, avec les associations d’élus, à faire évoluer le cahier des charges de la filière », en s’appuyant sur les « 14 propositions ambitieuses » faites par les associations d’élus en avril dernier. Et souhaite notamment que le gouvernement lance « des vraies communications nationales sur le geste de tri », comme il en existe sur la consommation d’alcool ou les violences intra-familiales.

Répétons-le, les réflexions de France stratégie n’engagent pas le gouvernement, et rien ne permet d’affirmer que cette idée sera reprise d’une façon ou d’une autre par l’exécutif. Mais le calendrier interroge, dans la mesure où cette note est publiée à quelques jours de l’ouverture, lundi prochain, des discussions sur les modifications du cahier des charges de la filière emballage. Il sera intéressant de voir, à cette occasion, si le ministère de la Transition écologique réagit à ce ballon d’essai lancé par France stratégie, et comment.

Franck Lemarc

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