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L’Empire du mal contre-attaque

L’iran... attentat bidon à Washington

mardi 25 octobre 2011

Washington n’a pas digéré son échec relatif à la Syrie devant le Conseil de Sécurité. Les mauvaises langues susurrent que la Résolution retoquée par le véto conjoint de la Chine et de la Russie, devait ouvrir la porte au démarrage d’hostilités ouvertes contre la Syrie vers la mi novembre… Syrie au sujet de laquelle la grande presse est subitement devenue muette se reportant dorénavant sur les cadavres yéménites qui s’entassent dans les rue de Sanaa.

Un agenda bousculé donc, conséquence logique de l’affaire libyenne qui a été caricaturale de bout en bout : censée protéger les populations civiles, la Résolution 1973 aura en fait donné les moyens « légaux » au couple franco-anglais pour détruire la Libye… L’affaire de Syrte est à ce titre emblématique, un mois de bombardements de l’Otan, au sol des exécutions sommaires de prisonniers et de blessés… les Serbes n’en ont jamais fait autant en Bosnie, en Croatie et au Kossovo et pourtant leurs chefs se sont retrouvés devant le Tribunal pénal pour des procès sans fin mais à seule fin de conforter l’ignominie de cette fiction nommée « Légalité internationale ». Le droit exclusif et tribal des vainqueurs s’exerçant sur le vaincu qui n’en peut mais !

Alors pour se revenger, ne pouvant atteindre directement Damas, l’Administration américaine remet la pression sur Téhéran, la vraie cible… En deux mots, il s’agit de faire un nettoyage régional ! Pour forcer les Palestiniens à négocier - c’est-à-dire à accepter ce que l’on daignera leur concéder pour sauver les apparences - il faut les couper de toutes les sources de résistances et d’appui : à l’intérieur, le Hamas à Gaza ; à l’extérieur, le Hezbollah libanais. Pour ce faire il s’agit de casser les reins au régime syrien baasiste, national-arabe, laïc et protecteur des Chrétiens (et peu importe ce qu’il adviendra d’eux lorsque les Frères musulmans seront au pouvoir – l’on voit comment les Coptes sont actuellement traités en Egypte !). Un régime étroitement lié à l’Iran par un Traité d’alliance stratégique. Ne pouvant donc couper le fil entre Damas et Téhéran, il ne restait plus au Département d’État que de sauter une étape et de relancer la guerre médiatique (qui est une guerre authentique) contre l’Iran pour tenter d’accroître son isolement sur la scène internationale.

Mais la ficelle est un peu grosse : en l’espace de quelques jours Téhéran s’est vu accusé d’avoir organisé une tentative d’assassinat de l’ambassadeur saoudien à Washington, puis d’enrichir subrepticement à 90% de l’uranium à des fins militaires. Le gouvernement américain et la presse faisant dans les deux cas un barouf de tous les diables !

Chacun sait que les attentats sont toujours très rentables en matière de politique internationale et font passer dans le public un frisson d’horreur grâce ou en dépit le plus souvent de l’invraisemblance de la thèse officielle. Les médias s’en emparent avec gourmandise et sans barguigner parce que cela fait vendre et attire les annonceurs. Mais depuis le 11 Septembre, les organisateurs trop convaincus de la jobardise ou de l’inépuisable naïveté de l’opinion, se font négligents et laissent beaucoup trop d’indices dans leurs mises en scène. Ici, dans ce dernier épisode de la guerre des mots et des images, certains ont immédiatement repéré la répétition d’un scénario déjà utilisé - par le Mossad dit-on ? - pour convaincre les Américains que Kadhafi avait jadis voulu faire assassiner le président Reagan. Habile montage qui conduisit au bombardement du QG du Raïs libyen le 14 avril 1986 avec pour dégât collatéral la mort de la fille d’icelui ! Le Mossad aurait en fait placé un émetteur radio sur le toit d’un immeuble tripolitain, lui faisant diffuser une information relative à l’envoi d’une équipe de tueurs ayant pour objectif l’élimination physique de Reagan. Grossier mais efficace !

Ici la CIA parle d’un « petit groupe isolé dépendant des Gardiens de la Révolution » [1]. Ce qui évidemment ne tient guère debout pour qui connaît un peu les arcanes de cette structure mystico-étatique. Mais qu’à cela ne tienne. Dès lors qu’il n’y a pas de fumée sans feu, l’info aussi controuvée soit-elle, suffit à lancer une alerte qui va trouver aussitôt son point d’ancrage dans l’inconscient des masses bassinées à longueur de temps – conditionnées psychologiquement – depuis des lustres.

« L’Iran prépare une bombe nucléaire » titrait Le Figaro à sa Une le 14 octobre. Écrivant sans sourciller que « l’Agence internationale de l’énergie atomique dispose de preuves… selon spécialiste proche du dossier ». Sans conditionnel et sans nous dire qui serait ce prétendu spécialiste proche du dossier. Des assertions graves et mensongères lorsque le quotidien affirme que «  l’AIEA s’apprête à publier l’un des plus importants [rapports] sur le sujet ». En réalité, le service de communication de l’AIEA qualifiera de « stupide » le titre du Figaro refusant tout commentaire à propos d’un document qui n’existe pas encore formellement et qui, au mieux, ne sera présenté au conseil de l’AIEA que le 17 novembre prochain [2]. Et que dira-t-il de plus que les précédents rapports ? Rien car la situation n’a pas changé et s’est même dégradée... Car si l’Iran procède effectivement à de l’enrichissement d’uranium à 20 %, c’est sous le strict contrôle de l’Agence. Et même si la République le voulait, pourrait-elle enrichir davantage ses matériaux fissiles sachant que le « ver » informatique Stuxnet [3] ravage actuellement Les installations nucléaires iraniennes. Un « ver » qui aurait été testé sur le territoire de l’État hébreu !

Finalement toute cette agitation semble un peu dérisoire, pour ne pas dire vouée à l’échec, Russie et Chine ayant encore signifié qu’elles mettraient leur véto à toute nouvelle Résolution des Nations Unies contre l’Iran. Reste que piétiner la légalité internationale, passer outre aux décisions du Conseil de sécurité quand elle vont à l’encontre des « agendas », ne gênent guère le camp des occidentalistes bellicistes : on l’a vu en 1999 quand l’Otan et la France de M. Jospin lancèrent sans mandat des Nations Unies leur offensive aérienne contre la Fédération de Yougoslavie et idem en 2003 contre l’Irak… Parce que lorsque l’on veut noyer son chien, ou lâcher sur lui une bordée de missiles de croisière, ou des bombes GBU-28 anti bunkers, il devient urgent de le dire galeux…

Léon Camus

Notes

[1L’Administration américaine dit s’appuyer sur les déclarations d’un Iranien du Texas, naturalisé Américain, Mansour Arbabsiar, 56 ans, arrêté le 29 septembre et qui a accepté de coopérer. Celui-ci dit avoir été recruté par de hauts responsables du bras étranger du corps paramilitaire iranien des gardiens de la Révolution, les forces spéciales al-Qods. Un scénario abracadabrantesque et ultra rabâché.

[2Un rapport que Washington souhaite mieux orienté politiquement, autrement dit plus accusateur de l’Iran, alors qu’aucune preuves nouvelles de la duplicité iranienne n’a pu être apporté. D’ailleurs l’ancien directeur égyptien de l’AIEA, Mohamed El Baradei est sur la sellette accusé qu’il est d’avoir minimisé la portée du programme nucléaire iranien, voire d’en avoir dissimulé certains éléments ! Jeudi 13, le président Obama montait à son tour au créneau au créneau affirmant que les responsables iraniens devraient « rendre des comptes », mais évidemment sans apporte aucun élément à l’appui de ses vociférations.

[3L’annonce en septembre 2010 de l’existence du ver informatique Stuxnet a révélé une nouvelle face du piratage informatique à une nouvelle étape. Il ne s’agissait plus seulement de pénétrer des systèmes et de voler des informations sensibles mais de saboter à distance des installations industrielles en s’en prenant à leurs systèmes de contrôle SCADA (Supervisory, Control and Data Acquisition). Les experts sont arrivés rapidement à la conclusion que Stuxnet a été créé tout spécialement en vu de détruire les infrastructures informatiques du programme nucléaire iranien, même si d’autres pays ont affectés tels l’Inde, l’Indonésie, la Chine et le Pakistan. Évidemment Stuxnet suppose des moyens que seul un Etat peut s’octroyer pour la construction d’une telle arme de cyberguerre. Il y a une décennie déjà le Shin Bet était parvenu à prendre le contrôle informatique total du dépôt de gaz de Pi Glilot au nord de Tel-Aviv, prétendument afin d’en améliorer la sécurité. Tsahal dispose par ailleurs d’une unité – la 8200 – entièrement dévolues aux opérations dans le cyberespace.

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