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Peut-on éviter une guerre ?

Pierre Dortiguier

dimanche 29 janvier 2012

La question est gênante, car si les Altermondialistes ou les amoureux d’un autre système alternatif, financier et économique, affirment, tel M. Ed. Miliband leader du Parti travailliste et ancien ministre des Affaires Etrangères, soutenant dans le Herald tribune de ce week-end, que « nous manquons de lois décourageant les conduites prédatrices », mais, que cependant tout est possible, et qu’il y a des ressources pour alimenter le monde ; le problème n’étant que dans la distribution des moyens, le phénomène de la guerre semble, néanmoins, échapper, par sa puissance, à la liberté humaine. Il relèverait d’une sorte de mauvaise volonté, comme du mauvais esprit dans la vue dualiste coutumière aux grands systèmes. La vision simpliste de l’Histoire enseignée remet ainsi en scène, par caricature, des figures diaboliques, dont on pourrait dire qu’elles sont « le fléau de Dieu », mais semblent par là-même surhumaines.

En politique, nous sommes invités médiatiquement à supposer de tels dangers capables de troubler la paix ordinaire des peuples ou les affaires commerciales, ce qui est identique ; et les deux phénomènes libyens et syriens ont, en effet, été expliqués par nos informateurs comme la conséquence d’une tyrannie ou d’une folie aveugle attachée à la personne d’un chef.

Même si l’opinion publique est tenue à l’écart du grondement de la Libye réelle contre ses CNTistes eux-mêmes divisée, s’ils ne sont pas tenus en main par la poigne franco-anglaise, et l’aide de la coalition euro-atlantiste et golfienne, elle ne peut ignorer qu’une volonté de guerre plane sur l’axe syro-iranien, pour le briser, et que la Turquie y sera immanquablement mêlée, comme arrière-front ou maillon nécessaire. Sa formidable puissance et son équipement militaire sophistiqué lui font une obligation de paraître, visible ou non, sur le champ de bataille. Tout y est disposé pour que les pays étrangers soient avertis de la possibilité d’un déchaînement des armes, et l’opinion, de la droite à la gauche des Assemblées parlementaires, ne verra aucune objection démocratique à quelque participation de nos corps d’élite, comme la réaction aux dernières piqûres mortelles de l’Afghanistan l’ont prouvé. Bien sûr, M. le Président Hamid Karzaï s’entend dire, ce vendredi à l’Elysée, que la République française ne se retirera que quand l’année 2013 aura rendu l’âme, mais d’ici là nous occuperons encore le pays avec tous les malheurs attachés à une présence militaire étrangère aux mœurs et aux intérêts d’une nation asiatique. Chacun appelle au retrait, à la condition sous-entendue que « notre » mission humanitaire et prétendument pacificatrice soit remplie, souligne le sophiste candidat M. François Hollande, ce qui est une injure au principe de contradiction qui veut qu’une chose ne soit pas vraie et fausse en même temps !

Une guerre s’impose quand ses bases sont affermies. Elle n’a pas que des raisons d’être, ou des motifs, mais il lui faut des moyens d’exister, de se poursuivre, d’être nourrie. La première grande guerre mondiale ne fut possible, sur le front occidental, que par la capacité états-unienne de fournir, dès 1914, l’acier et le charbon dont la France en particulier avait besoin, et sans cette assurance, l’entreprise d’affronter les Empires centraux, à l’aide d’une Russie affaiblie, n’aurait pas même été tentée. La formation de la FED aux U.S.A. à la veille de Noël 1913 venait au point, comme un cadeau dans la crèche du diable ou de l’Antéchrist, comme on voudra. Cet exemple suffit, et dans un autre temps, la terrible guerre de Corée, avec ses plus de trois millions de victimes, ne reposa que sur la formidable capacité industrielle du Japon mise au service des Nations Unies, et de son moteur américain.

Est-ce qu’une pareille disposition matérielle existe aujourd’hui ? Elle est indubitablement à l’œuvre, et même les plus naïfs classent le discours du Caire d’Obama à l’adresse du monde musulman dans la création du climat politique actuel dont la Syrie est le point critique. Naïveté qui aurait été partagée par la Russie : « Nous étions naïfs » a dit, par allusion à la guerre libyenne et à l’abstention des deux Grands de l’Est au Conseil de Sécurité, M. Yevgeny Y. Satanovsky, président de l’Institut des Etudes Moyen-orientales cité par le même International Herald Tribune (p.4) dans un article intitulé « La Russie tient ferme comme rempart (bulwark) d’Assad » et en sous titre « Moscou condamne les insurrections comme un projet occidental de remodeler le Moyen-Orient » : « Les Chinois l’ont été de même, dites-vous bien que cela a été la dernière erreur de ce genre », précise l’expert russe.

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