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Russie/Syrie/Iran même combat

Léon Camus

lundi 5 mars 2012

Russie/Syrie/Iran… Un même combat pour la paix et la stabilité régionale et au-delà. Car qui ne craint à cet instant présent d’éventuelles guerres ouvertes contre Damas et Téhéran, et leur extension à la Région et au-delà, au reste du monde ? L’Occident en crise danse au bord du volcan. Il n’empêche, les Français se gaussent de la cigale grecque et pensent davantage à leurs prochaines vacances qu’à leur avenir et à celui de leurs enfants… alors même que l’embrasement paraît imminent, l’Europe dolente se laisse bercer par le chant soporifique des sirènes médiatiques et se passionne (apparemment) pour la « Ligue des Champions » . Advienne que pourra !

En 2003 les choses étaient plus claires, moins attristantes. Des manifestations massives partout dans le monde… la clameur des réprobations populaires montait dans les grandes métropoles, dénonçant la politique d’agression du cartel des Bush, Rumsfeld, Cheney, AIPAC, Blair and so and… Aujourd’hui, alors que Tel-Aviv trépigne d’impatience dans l’attente d’un nouvel holocauste d’Haman et de ses fils [1], espérant par ses annonces tonitruantes forcer Washington à prendre les devants, les peuples du monde semblent tétanisés, muets, recroquevillés devant l’éventualité d’un conflit hélas par trop probable… mais auquel il serait inutile de croire tant on aura déjà crié au loup toutes ces dernières années ! Et pourtant, il suffit de regarder du côté de Moscou, d’écouter celui qui est à nouveau, en toute logique, président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, lequel, selon le titre d’une dépêche de l’AFP [2], fustige l’invraisemblable « cynisme » de l’Occident vis-à-vis de la Syrie et l’Iran.

Poutine , dans les colonnes du quotidien « Moskovskie Novosti » ne mâche en effet pas ses mots demandant sans ambages aux atlantistes qu’en Syrie «  l’opposition armée fasse la même chose que les forces gouvernementales, autrement dit que les unités de combat se retirent des villes…[Car]Se refuser à cela témoigne d’un grand cynisme » de la part de la coalition É-U/U-E/Ligue arabe qui soutient partialement l’opposition tout en accablant le régime de Damas : « J’espère bien que les États-Unis et d’autres pays prendront en compte la triste expérience [de la Libye, où actuellement les milices s’affrontent jusqu’au cœur de la capitale Tripoli et où les tribus du Sud -Toubous contre Zouwayas - s’affrontent durement depuis le 12 février]et n’utiliseront pas le scénario du recours à la force en Syrie sans l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU ».

Une mise en garde à peine voilée, encore que tous savent que la Russie sera impuissante à contrecarrer les noirs desseins occidentalistes si ceux-ci finissent par passer à l’acte [3]. M. Poutine a également condamné préventivement toute offensive militaire visant l’Iran, s’alarmant de la menace croissante de frappes aériennes contre les sites nucléaires de ce pays « Si cela se produisait, les conséquences en seraient vraiment catastrophiques. Leur véritable ampleur est impossible à imaginer ». Assurément, si c’est le président de Russie qui s’exprime en ces termes, c’est que le danger n’est ni hypothétique, ni fantasmatique et qu’il nous faut considérer que l’Épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes commence se balancer à dangereusement. Or pendant ce temps, la France tout occupée de son large nombril, semble ne s’intéresser qu’aux assauts de platitudes démagogiques auxquels se livrent les principaux candidats de la mascarade présidentielle… une version spectaculaire autant que pathétique de ce débat stérile relatif au sexe des anges qui aurait agité les clercs orthodoxes à la veille de la chute de Byzance !

Un seul mot d’ordre : « prouver qu’a priori l’élection présidentielle est truquée »

M. Poutine réélu sans second tour [4], à la tête de la Fédération (dont il a déjà été président de l’an 2000 à 2008), l’on peut prévoir que le scrutin ne se passera pas sans heurts, sans pleurs ni grincements de dents. Tout comme pour la réélection du président iranien en juin 2009, les opposants à « Russie Unie » (dont Poutine assure la direction depuis 2008), feront du bruit et leurs récriminations seront complaisamment relayées par les caisses de résonance de la presse occidentale.

Ce dimanche 26 février, des milliers de Moscovites (11000 selon le ministère de l’intérieur, 40000 pour les organisateurs) ont formé une chaîne humaine enserrant la ville sur les seize km du boulevard B, entendant ainsi protester contre le retour annoncé de l’actuel Premier ministre au Kremlin ... Les pieds dans la neige, les manifestants se tenaient par la main portant foulards et rubans blancs caractéristiques des rassemblements qui contestèrent – parfois véhémentement - la validité des élections législatives du 4 décembre dernier. D’ici à dire que les élections du 4 mars seront elles aussi « truquées », le pas est facile à franchir. Et ces manifestants l’ont effectivement déjà sauté. Inutile de dire que quand le successeur du contesté président yéménite Saleh s’est vu porté au pouvoir, démocratiquement élu avec 99,8% des voix, nul n’y a trouvé redire [[AFP 27fév].] et la discrétion médiatique a été sur ce point particulièrement exemplaire !

Beaucoup de commentateurs étrangers peu enclins à la bienveillance à l’égard de l’équipe dirigeante russe, veulent voir dans les manifestations de ces dernières semaines, les plus importantes depuis l’effondrement de l’Union soviétique en décembre 1991, et surtout, chacun voyant midi à sa porte, il souhaitent y voir l’expression d’une irrésistible « aspiration à la démocratie ». Bref un procès d’intention déjà bien engagé contre le souverainiste Poutine sous couvert de démocratisation de la vie publique russe. Une agitation qui ressemble fichtrement à l’une de ces tentatives de « révolution colorée » qui ont abondamment fleuries au cours de cette dernière décennie… D’ailleurs comme l’a si bien souligné le blogueur et opposant Alexeï Navalni à Saint-Pétersbourg, ville natale de Vladimir Poutine, où s’étaient réunies 3500 « contestataires » (!) « l’heure d’une nouvelle révolution a-t-elle sonné ? Nous voulons une révolution pacifique… Or ces bandits ont peur de notre révolution pacifique ! ».

Ce faisant Poutine joue-t-il avec le feu ?

Toujours est-il que pour nos « vrais » démocrates, la démocratie doit s’exprimer dans la rue et non dans les urnes lorsque le peuple n’a pas la bonne idée de voter dans le sens voulu par ses Mentor. Maintenant cette révolution espérée et à ce point « pacifique » qu’elle ferait bien son beurre de l’élimination physique du président Poutine, histoire de rebattre les cartes le plus vite possible… Une éventualité qui n’a rien d’extravagant sachant que les Services spéciaux russes et ukrainiens annoncent avoir déjoué une tentative d’assassinat contre le futur président. Celle-ci aurait dû intervenir en principe juste après la consultation du 4 mars… La chaîne de télévision « Pervyi Kanal » a ainsi révélé, que deux individus auraient été arrêtés à Odessa (port de la Mer Noire situé en Ukraine) à la suite d’une explosion dans un appartement ! Doku Oumarov, Émir, c’est-à-dire Commandeur, du Caucase (et avant l’adoption de ce titre religieux, président de la Ve République tchétchène), en serait l’instigateur ! Pourquoi pas ? Lorsque l’on sait que des rapports entre rebelle tchétchènes et Agences de renseignement américaines sont établis (même s’ils ont été peu documentés). Cela sur le modèle des liens ombilicaux ayant existé entre Langley et le djihad islamiste (notamment la Légion arabe de Ben Laden) en Afghanistan, en Bosnie, au Kossovo, plus récemment en Libye et maintenant en Syrie au grand dam des autorités israéliennes !

Bien entendu les sceptiques se tapoteront le menton en ne voyant dans cette tentative avortée qu’un « coup de pub » destiné à donner un coup de pouce au candidat Poutine pour lui permettre de passer la barre haut la main et ce, dès le premier tour. C’est en effet tout à fait possible, mais dans le contexte actuel, il est difficile de ne pas voir que Poutine fait barrage à la politique d’expansion des É-U au Proche-Orient et de cette façon bloque l’intégration (laquelle passe par la désintégration des États-nations) de la Région sous la conduite éclairé d’un « islamisme modéré » débiteur de Washington pour son installation et son maintien au pouvoir.

En un mot la Russie et son droit de véto au Conseil de sécurité ainsi que sa complète surdité aux chants envoûtants de la Démocratie porte-flambeau façon Soros, Goldmann Sachs, Ben Bernanke, Stiglitz, Schultz & Cie, barre le chemin de Téhéran… aussi conviendrait-il de dynamiter l’obstacle, cela d’une manière ou d’une autre, et Poutine avec si nécessaire. À ce stade, conspiration pour conjuration, le cancer du Vénézuélien Hugo Chavez est-il purement accidentel ? Lui n’en est pas totalement persuadé, mais chacun sait que Chavez est un personnage odieux et non aligné, un peu comme Poutine en quelque sorte !

Notes

[1Quelque fois, les contes et légendes d’autrefois n’en finissent pas de faire porter leur ombre funeste sur le monde contemporain… Après la destruction du premier Temple de Jérusalem, les juifs immigrèrent à Babylone antique dont le Roi perse Assuérus (Xerxès Ier) avait pour préfet du palais un dénommé Haman. Celui-ci se montrait peu avenant à l’égard des nouveaux sujets du royaume, ceux-ci se montrant rétifs à se soumettre aux lois et bravaient insolemment l’autorité du vizir.
Mardochée cousin d’Esther, était le chef de cette communauté indocile. Le Roi cherchant une nouvelle épouse, Esther fut évidemment choisie entre toutes autres femmes et s’affaira à influencer le roi en faveur des siens au détriment du ministre. Lequel persécutait semble-t-il la dite communauté jusqu’à en vouloir l’éradication pure et simple. Ce qui détermina Esther à en finir avec l’affreux Haman et ses partisans. Ayant ourdi un complot, Esther obtint finalement d’Assuérus qu’un Mardochée équestre parada dans ses plus beaux atours princiers devant les fourches patibulaires dressées à Suse, capitale du royaume et auxquelles fut pendu l’infortuné Haman. Au même moment ses fils comme ses loyaux serviteurs étaient exterminés. Alors une ère de prospérité et de franches repues commença pour les juifs de Babylone. Massacres et prise libérale du pouvoir que commémore chaque année la fête de Pourim. Le livre d’Esther est lu dans les synagogues tandis que les enfants secouent leurs sistres, et les maîtresses de maison régalent leur parentèle et invités d’ « oreilles d’Haman », une gourmandise de circonstance… Manducation symbolique des appendices auriculaires du monstre qui eut l’outrecuidance de vouloir ramener le Peuple élu dans le giron du Droit commun !
Pourim étant la « fête du renversement », beaucoup de fervents « conspirationnistes » imaginent que le 8 mars 2012 la commémoration de l’extermination de l’ennemi perse, pourrait sonner le coup d’envoi des premières frappes contre l’Haman moderne que représente le président iranien Ahmadinejad, ses projets nucléaires (civils jusqu’à plus ample informé) et ses velléités supposées de « rayer Israël de la carte » ! Beaucoup à l’appui de leur thèse millénariste soulignent que c’est le « septième jour de Soukkot 5707 », 16 Octobre 1946, que furent pendus dix dignitaires allemands en appication du jugement des vainqueurs de Nuremberg. Au moment de son exécution Julius Streicher se serait écrié face à l’échafaud « Pourim 1946 » ! Enfin pour nombre d’historiens avertis, Pourim 1953 fut marqué par l’assassinat de Staline devenu antisémite sur le tard.

[227 fév. 2012

[3Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov déclarait le 18 janvier [AFP] « Si quelqu’un veut à tout prix recourir à la force, il est peu probable que nous puissions nous y opposer. Mais que cela reste à leur propre initiative et relève de leur conscience. Ils n’auront aucun mandat du Conseil de sécurité de l’ONU »

[4Reuters. D’après une enquête conduite par l’Institut indépendant russe Levada, Poutine devrait obtenir le 4 mars 63 à 66% des suffrages. En 2000, celui-ci avait obtenu 54% des suffrages et 71% en 2004. Dimitri Medvedev lui avait succédé en 2008 avec 70% des voix.

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