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Syrie… l’impasse sanglante ! Le Mali en succédané !

Léon Camus

vendredi 28 septembre 2012

En Europe l’été s’achève. Après une torpeur caniculaire, les pluies et les premières gelées nocturnes sont arrivées. Contre toute attente l’€uro ne s’est pas effondré… mais à quel prix ? Les classes moyennes françaises devront donc cracher au bassinet pour que survivent la canaille d’en haut et la caillera d’en bas ! Pour l’heure, en Espagne, l’armée menace de se réinviter dans la vie politique si la Catalogne, en pleine crise souverainiste, sautait le pas et décidait de faire « sécession » comme elle en annonce l’intention… Un souverainisme apparemment très chatouilleux qui s’accommode cependant du financement par le Qatar du Barça - Futbol Club Barcelona - symbole catalan par excellence [1]… Tandis qu’après une rentrée en fanfare et quelques dizaines de milliers de personnes défilant à Madrid le 15 septembre pour réclamer un référendum - autrement dit le droit à la parole – sur la politique économique conduite par le gouvernement Rajoy, le pays, au bord de la faillite, suspend son souffle… dans l’attente d’une décision du premier ministre, celui-ci hésitant à demander, oui ou non, l’aide financière de l’Union européenne ! On sait d’ailleurs en Europe où passe l’argent public : en Grèce, trois anciens ministres, auraient blanchi 10,2 mds d’€uros provenant de subventions d’État via une société dont l’objet officiel était d’acheter et de revendre des biens immobiliers [2].

La France appelle au meurtre contre Damas pour mieux masquer son impotence

En Syrie, alors que la bataille fait rage dans le nord, à la frontière turque pour établir une tête de pont hostile dans la région d’Alep – rôle tenu par la ville de Benghazi lors de la guerre de l’Otan contre la Jamahiriya libyenne - à Damas le régime baasiste continue à tenir bon. Ce qu’il ne pourrait pas faire s’il n’avait le soutien, peu ou prou, d’une grande partie de la population syrienne, celle dont les médias ne parlent jamais, habitants de zones et de régions syriennes inintéressantes puisqu’aucun combat ne s’y déroule.

Il n’empêche, la France, mardi 25 septembre, par la voix autorisée de M. Hollande, a demandé à l’Assemblée générale des Nations Unies, la mise au ban des nations du président syrien : « M. Bachar el Assad n’a pas d’avenir parmi nous » ! On ne saurait être plus explicite. Le Minus Habens présidentiel – à l’égard duquel l’éditorialiste politique de BFM TV, Olivier Mazerolle, a eu la dent particulièrement dure, il est en effet tout à fait exceptionnel qu’un discours présidentiel soit assassiné en direct ! – ne faisait qu’enfoncer le clou, puisque le sponsor du PSG – « Paris St Germain » – et de nos banlieues [3], Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, ci-devant émir du Qatar, avait un peu avant, appelé à une intervention militaire des pays arabes en Syrie pour « faire cesser le bain de sang ».

Vieille antienne reprise du trio démoniaque Sarkozy-Lévy-Juppé, qui fut invoquée pour forcer la main du Conseil de Sécurité, lui faire voter la Résolution 1973 autorisant une « intervention à caractère humanitaire »… ce qui permit aux Anglo-Français, sous couvert de l’Otan et avec l’énorme soutien logistique des États-Unis, de matraquer jusqu’à plus soif les maigres troupes de la Jamahiriya libyenne. Un « bain de sang » évité qui coûta néanmoins la bagatelle de 140 000 cadavres bien froids, bien saignants. On ne fait pas d’omelette humanitaire sans casser des œufs n’est-ce pas ?

Notons qu’avec des trémolos d’ersatz d’indignation, M. Hollande y est allé de son petit couplet sur les 30 000 morts en 18 mois, comme si toutes ces victimes appartenaient toutes au camp des victimes supposées… et pas une seule à celui des tenants et des fidèles du régime. En France – à titre de comparaison, même si comparaison n’est pas raison ! - le suicide fait onze mille morts par an, les accidents domestiques plus de 18 000, mêmes chiffres pour les décès dus aux maladies nosocomiales, ces infections contractées en milieu hospitalier… Qu’attendent M. Hollande et son gouvernement pour déclarer la guerre à ces fléaux ? Quelle est cette manie d’aller s’ingérer dans les affaires d’autrui ? Que les matamores – littéralement tueurs de maures - de l’Élysée et du Quai d’Orsay commencent donc par balayer devant leur porte au lieu de participer proactivement au grand désordre international. Surtout en invoquant la « morale ». Comme si la « morale » ordinaire, celle du tout-venant héritée de deux millénaires de christianisme, avait quelque chose à voir avec la morale désincarnée des États. MM Fabius et Hollande prennent les indigènes céfrancs pour des imbéciles. Sans doute ont-ils partiellement raison, mais uniquement jusqu’à un certain point… au-delà duquel !

Libye/Syrie… Des conflits aux antipodes l’un de l’autre

En tout cas on ne nous fera pas croire – d’ailleurs nul n’y croit plus – que l’on pourrait, même si on le voulait, réitérer en Syrie, le méchant coup libyen… Car l’État syrien, monolithique, constitué d’une impressionnante superposition de services de sécurité – mis en place par les soviétiques – n’est en rien comparables au patchwork tribal installé sur les rivages du Golfe des Syrtes. Nous ne sommes plus ici dans le cas de figure du « fort au faible », il ne s’agit plus d’affronter une armée disparate, déstructurée, mais un corps de bataille aguerrie par dix mois de durs combats contre les mercenaires salafistes financés et armés par le Qatar, l’Arabie saoudite, la Jordanie, ou expédiés par les Agences fédérales américaines [4].
À ce propos, il serait temps de remettre les choses en place ! Les franco-anglo-américains ont affronté en Libye – sur une étroite bande littorale, un rail qui a permis le retour remarqué de l’usage de l’artillerie de marine – des forces déstructurées, peu combatives hormis les mercenaires touaregs et subsahariens qui ont été les derniers à combattre, évidemment, avec l’énergie du désespoir. Ceux que l’on retrouve maintenant au nord Mali… où ils sont arrivés grâce, ou par contrecoup prévisible, de l’intervention occidentaliste en Libye ! Situation à l’inverse donc de celle de la Syrie où les troupes se sont aguerries au cours de dix huit mois de combats incessants… et forment désormais l’un des corps de bataille opérationnel – organisé sur le modèle soviétique comme l’était l’armée de Saddam Hussein – parmi les plus solides de la région avec ceux de la Turquie et de l’Iran. Rappelons que lors de la Guerre d’Octobre en 1974 les Israéliens l’ont appris à leur dépends.

Le Mali petit lot de consolation

Le morceau est si gros et si militairement inaccessible [5] que les gens du Quai vont par conséquent devoir trouver autre chose à se mettre sous la dent et ainsi se venger sur le Mali. C’est ce qu’a encore annoncé le président français - en outre chaud plaideur du droit des minorités sexuelles, ça ne mange pas de pain ! – face aux rangs clairsemés de l’Assemblée générale des Nations Unies… mais sous l’œil attentif et vaguement goguenard de la délégation hébreu ! Parce qu’il est en effet plus facile de traquer, et moins coûteux, quelques poignées de bandits badigeonnés d’islamisme que d’affronter une armée aguerrie et placée le dos au mur. Dans cette occurrence, Paris apportera un appui aérien aux forces déployées au sol, celles de la Cédéao, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Les Français pourront compter à ce titre sur les repérages satellitaires du Pentagone… ou de Tsahal qui a mis en orbite un satellite espion [6] spécialement « dédiée » à l’Iran, mais que l’on peut certainement réorienter pour l’occasion.
M. Hollande, reprenant devant l’Assemblée générale sa « récitation de l’annuaire du téléphone » la situation dans le nord du Mali « est insupportable, inacceptable… il faut que le terrorisme soit écarté de cette zone du Sahel ». Ce qu’à Dieu plaise, mais parviendront-ils à y sauver nos malheureux otages ? Rien n’est moins sûr ! Nous aussi, M. Hollande, nous vous trouvons insupportable de plate suffisance, que ne dites-vous à vos concitoyens que votre « job » - celui pour lequel vous avez été élu - c’est la guerre ?

Pourquoi ne parlez-vous pas aux Hexagonaux [AFP 25 sept.] des manœuvres conjointes franco-saoudiennes qui se dérouleront du 1er au 18 octobre en Corse ? Pourquoi ces liens si étroits, presque incestueux avec les États les plus despotiques, financiers des Frères musulmans d’Égypte, de Libye, de Syrie, de Tunisie pour le Qatar et des salafistes et al-qaïdistes de tous poils pour l’Arabie saoudite. Quel modèle de « démocratie » la France promeut-elle au Proche-Orient à travers ces alliances contre nature avec des despotes d’autre monde… en dépit des fonds souverains qui abondent nos finances en tant que de besoin. Nous attendons la réponse ! Elle ne saurait tarder.

Notes

[1Le Point 10 déc. 2010

[2La Tribune 24 sept. 2012

[3C’est en principe le jeudi 27 sept. que le ministre du Redressement productif M. Montebourg doit signer avec Doha, un accord d’aide économique de 50 millions d’€uros au profit des banlieues friches industrielles et économiques. Les fonds souverains investissables qataris sont évalués à 100 mds de $ et les revenus annuels de l’Émirat estimés à 75 mds de $/an.

[4Des Français, anciens militaires ou ex agents de la Dgse, seraient actuellement à pied d’œuvre sur le théâtre d’opérations syrien. Recrutés par telle ou telle transnationale prestataire de services de « sécurité ». Avec un domaine de compétence étendu – du combat aux actions psyops de guerre psychologique et de manipulation médiatique – les modes opératoires de ces mercenaires ne sont bien entendu entravés par aucune contrainte légale. Une société militaire privée française dont le siège est en République helvétique, Mat2s-Consulting – ex Eagle Black Group – interviendrait aujourd’hui depuis la ville turque de Kilis à proximité immédiate d’Alep, métropole du Nord syrien et enjeu de l’actuelle bataille.

[5Pour désagréger le système de défense syrien, installer une « zone d’interdiction aérienne » il faudrait un volume de sorties aériennes comparables à celui de la Serbie en 1999 (guerre de l’Otan pour « libérer » le Kosovo). Soit environ 700 missions/jour contre 150 en Libye au plus fort de la bataille. Par ailleurs les Syriens, forts de leur déconvenue de 1967 (les frappes préemptives de Tsahal ayant détruit au sol l’intégralité de leur flotte aérienne de combat), les Syriens ont développé un redoutable système de défenses antiaériennes à trois étages, à longue, moyenne et courte portée : environ 200 batteries de défense anti-aérienne soviétiques assorties de radars d’acquisition chinois. Dispositifs inexistants en Libye. Enfin aucune intervention n’est envisageable sans un soutien logistique massif de la part des É-U, destiné à combler les « lacunes capacitaires » des Européens : avions ravitailleurs, drones d’observation et de combat, missiles de croisières, et cætera !

[6Le 11 Déc. 2011 un lanceur russe Proton-M parti de Baïkonour a mis en orbite un satellite militaire Amos. Le premier satellite de ce type avait été lancé par Ariane 4 en mai 1996. Les suivants ont été placés en orbite par Soyouz-FG en 2003 et Zenit-2SB. Dernier lancement qui aurait eu pour contrepartie l’arrêt des livraisons d’armes israéliennes à la Géorgie. On se demande cependant quel jeu trouble, ou biunivoque, joue le président Poutine avec Israël où il a prononcé le 25 juin,2012 à l’occasion d’un monument érigé à la mémoire des 30 millions (!) de russes morts dans la “Grande guerre patriotique“. Un discours sans ambiguïté quant à son adhésion pleine et entière aux grands mythes fondateurs du monde postindustriel. Lui répondant, le président israélien Shimon Peres a lui aussi rendu hommage aux soldats soviétiques :  l’Armée Rouge a empêché le monde d’être mis à genoux  » exprimant sa certitude que la Russie saura aujourd’hui et de la même façon « combattre les régimes mal y compris l’Iran et la Syrie  ». Or, s’agissant de Poutine, qui ne dit mot consent… au moins pour l’Iran.

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