Ce week-end, nous célébrerons la Journée des droits de l’homme, l’anniversaire de l’une des grandes réalisations du siècle dernier. À partir de 1947, des délégués de six continents se consacrèrent à la rédaction d’une déclaration devant incarner les libertés et droits fondamentaux des peuples, en tous lieux. Dans le sillage de la Deuxième Guerre mondiale, beaucoup de pays plaidèrent pour l’adoption d’un texte de cette nature, soucieux qu’ils étaient tant de prévenir la perpétration de futures atrocités que de protéger l’humanité et la dignité inhérentes à tous les peuples.
Les délégués se mirent donc au travail. Ils passèrent des milliers d’heures à discuter, à rédiger, à relire, à réviser, à réécrire.
Ils incorporèrent les suggestions et les révisions émanant de gouvernements, d’organisations et de particuliers du monde entier.
Et à trois heures du matin le 10 décembre 1948, au bout de près de deux années passées à rédiger et d’une dernière longue nuit à discuter, le président de l’Assemblée générale de l’ONU soumit le texte final à un vote. Quarante-huit pays votèrent pour, huit s’abstinrent, aucun ne vota contre, et ainsi naquit la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle proclame une idée simple et puissante, à savoir que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
Cette Déclaration fait clairement ressortir que ce ne sont pas les gouvernements qui confèrent ces droits. Tout le monde les acquiert à la naissance. Peu importe le pays où l’on vive, l’identité de ceux qui nous dirigent ou même notre identité personnelle. Parce que nous sommes des êtres humains, nous avons des droits. Et parce que nous avons des droits, les gouvernements sont tenus de les protéger.
Au cours des 63 années qui se sont écoulées depuis l’adoption de la Déclaration, beaucoup de pays ont réalisé de gros progrès pour ce qui est de faire des droits de l’homme une réalité de l’humanité. Petit à petit, on a vu tomber les barrières qui empêchaient les individus de jouir de la pleine mesure de la liberté, de la pleine mesure de la dignité et de la pleine mesure des bienfaits qui appartiennent à l’humanité.
Dans bien des endroits, les lois racistes ont été abrogées. Les pratiques juridiques et sociales qui reléguaient les femmes au rang de citoyennes de seconde classe ont été abolies. Les minorités religieuses ont obtenu de pratiquer librement leur foi.
Dans la plupart des cas, ces acquis n’ont pas été faciles à obtenir. Des gens se sont battus, ils se sont organisés, ils ont fait campagne sur les places publiques et dans des espaces privés pour changer non seulement les lois, mais aussi les cœurs et les esprits. Et grâce à l’action de générations entières, des millions d’individus dont le quotidien était naguère limité par l’injustice sont aujourd’hui en mesure de vivre plus librement et de participer plus pleinement à la vie politique, économique et sociale de leur pays.
Comme vous le savez tous, il reste encore beaucoup à faire pour concrétiser cet engagement, cette réalité et ces progrès pour tout le monde. Aujourd’hui, je voudrais vous parler du travail qui nous reste à accomplir pour protéger une catégorie de personnes encore privées de leurs droits fondamentaux dans trop d’endroits à travers le monde d’aujourd’hui.
À bien des égards, elles forment une minorité invisible. Elles sont arrêtées, tabassées, terrorisées, exécutées même. Beaucoup sont traitées avec mépris et violence par leurs compatriotes, tandis que les autorités chargées de les protéger détournent leur regard ou, trop souvent, participent aux mauvais traitements qui leur sont infligés. Elles se voient privées des possibilités de travail et d’éducation, chassées de leur foyer et de leur pays et contraintes de dissimuler leur nature, voire de la nier, pour se protéger.
Je parle des homosexuels, des lesbiennes, des bisexuels et des transsexuels - des êtres humains nés libres et qui se sont vu donner, conférer l’égalité et la dignité, et qui ont le droit de les revendiquer. C’est bien l’un des derniers défis de notre époque en matière de droits de l’homme.
J’aborde ce sujet sachant pleinement que le bilan de mon propre pays sur ce thème est loin d’être parfait. Jusqu’en 2003, c’était encore un crime dans certains endroits. Beaucoup d’Américains LGBT ont été en butte à des violences et au harcèlement. Pour certains d’entre eux, y compris beaucoup de jeunes, le harcèlement psychologique et l’exclusion font partie de leur quotidien. Les États-Unis, comme tous les pays, ont encore du pain sur la planche pour protéger les droits de l’homme sur leur territoire.
Je sais bien que cette question est délicate pour beaucoup de gens et que les obstacles à la protection des droits de l’homme de la communauté LGBT sont ancrés dans des convictions personnelles, politiques, culturelles et religieuses profondes. Je m’adresse donc à vous avec respect, compréhension et humilité. Même s’il n’est pas facile de progresser dans cette voie, nous ne pouvons pas pour autant tarder à agir.
Dans cet esprit, donc, je veux soulever les questions difficiles et importantes auxquelles nous devons nous attaquer ensemble pour parvenir à un consensus mondial qui tienne compte des droits fondamentaux de tous les membres de la communauté LGBT, en tous lieux.
La première question touche le cœur du sujet. D’aucuns avancent que les droits des homosexuels et les droits de l’homme sont deux affaires séparées et distinctes. En fait, ils ne font qu’un.
Évidemment, il y a 60 ans, les gouvernements qui rédigèrent et adoptèrent la Déclaration universelle des droits de l’homme n’avaient pas réfléchi à la manière dont elle s’appliquait à la communauté LGBT.
Ils n’avaient pas pensé non plus à la manière dont elle s’appliquait aux populations autochtones ou aux enfants ou aux handicapés ou aux autres groupes marginalisés.
Or au cours des 60 dernières années, nous avons fini par comprendre que les membres de ces groupes avaient droit à la pleine mesure de la dignité et des droits parce que, au même titre que tout le monde, ils partagent une humanité commune.
Cette prise de conscience ne s’est pas produite du jour au lendemain. Elle a évolué au fil du temps et, ce faisant, nous avons compris que nous honorions des droits qui avaient toujours existé, au lieu d’en créer de nouveaux ou spécialement pour ces personnes. Tout comme le fait d’être une femme ou d’appartenir à une minorité raciale, religieuse, tribale ou ethnique, le fait d’être LGBT ne vous rend pas moins humain. Voilà pourquoi les droits des homosexuels sont des droits de l’homme, et les droits de l’homme ceux des homosexuels.
Les droits de l’homme sont bafoués quand des gens sont battus ou tués en raison de leur orientation sexuelle, ou parce qu’ils ne se conforment pas aux normes culturelles imposant ce à quoi les hommes et les femmes doivent ressembler ou comment ils doivent se comporter. Les droits de l’homme sont bafoués quand des gouvernements déclarent l’homosexualité illégale ou laissent impunis ceux qui font du mal aux homosexuels. Les droits de l’homme sont bafoués quand des lesbiennes ou des transsexuelles sont soumises à des viols dits de correction ou qu’elles se font infliger des traitements hormonaux, quand des homosexuels se font assassiner après des appels publics à la violence contre eux ou quand ils sont contraints de fuir leur pays et de demander l’asile ailleurs pour avoir la vie sauve.
Et les droits de l’homme sont bafoués quand des soins d’importance vitale sont refusés à des personnes parce qu’elles sont homosexuelles, ou quand l’accès égal à la justice leur est refusé parce qu’elles sont homosexuelles ou quand la place publique leur est interdite parce qu’elles sont homosexuelles. Peu importe notre aspect, nos origines ou notre identité : nos droits fondamentaux et la dignité humaine nous appartiennent à tous.
La seconde question est celle de savoir si l’homosexualité est le fait d’une région particulière du monde. Certaines personnes semblent penser qu’il s’agit d’un phénomène occidental et que, partant, ceux qui vivent en dehors de l’Occident ont un motif pour le rejeter. En réalité, les homosexuels naissent et ont leur place dans toutes les sociétés du monde. Ce sont des gens de tous âges, de toutes races et de toutes religions. Ils sont médecins et enseignants, agriculteurs et banquiers, soldats et athlètes. Que nous le sachions ou non ou que nous le reconnaissions ou non, ce sont des membres de notre famille, nos amis et nos voisins. Être gay n’est pas une invention occidentale. C’est une réalité de l’humanité.
Et protéger les droits de l’homme de tous les gens, gays et hétérosexuels, n’est pas le seul fait des gouvernements occidentaux. La constitution de l’Afrique du Sud, rédigée après le démantèlement de l’apartheid, protège l’égalité de tous les citoyens, y compris des homosexuels. En Colombie et en Argentine, les droits des gays bénéficient également de la protection de la loi. Au Népal, la Cour suprême a décrété que l’égalité des droits s’appliquait aux citoyens LGBT. Le gouvernement de la Mongolie s’est engagé à faire adopter de nouvelles lois contre la discrimination envers les homosexuels.
D’aucuns s’inquiètent que la protection des droits de l’homme de la communauté LGBT ne soit un luxe que seules les nations riches peuvent se permettre. Mais en fait, quel que soit le pays, il y a un prix à payer quand on ne protège pas ces droits, quand la maladie et la violence coûtent la vie à des individus tant gays qu’hétérosexuels, quand des voix et des opinions sont réduites au silence alors qu’elles pourraient enrichir les communautés, et quand des projets d’entreprise ne se concrétisent jamais parce que le hasard veut que leurs auteurs soient gays.
Des coûts sont assumés chaque fois qu’un groupe est traité en inférieur, qu’il s’agisse de femmes, de minorités raciales ou religieuses, ou de gays, de lesbiennes, de bisexuels ou de transgenres. L’ancien président Mogae du Botswana a récemment noté qu’aussi longtemps que les individus LGBT seraient relégués dans l’ombre, il ne saurait y avoir de programme de santé publique efficace contre le VIH et le sida. Et cela est tout aussi vrai par rapport aux autres défis.
Le troisième problème, et peut-être celui qui est le plus difficile, est celui des valeurs religieuses ou culturelles dans lesquelles certains se drapent pour bafouer ou pour ne pas protéger les droits des LGBT. Cela n’est guère différent de la justification invoquée pour les pratiques violentes exercées à l’égard des femmes telles que les crimes d’honneur, l’immolation des veuves ou la mutilation génitale féminine. Certains défendent encore ces pratiques dans le cadre des traditions culturelles, mais la violence contre les femmes n’est pas culturelle : elle est criminelle - de même, l’esclavage qui autrefois était justifié au nom de Dieu est maintenant honni comme il se doit en tant que violation immorale des droits de l’homme.
Dans chacun de ces cas, nous avons appris qu’aucune pratique ou tradition ne peut éclipser les droits de l’homme qui nous appartiennent à tous.
Et cela s’applique aussi aux LGBT, qu’il s’agisse de la violence qui leur est infligée, de la criminalisation de leur statut ou comportement, de leur expulsion de leur famille et de leur communauté, ou de l’acceptation tacite ou explicite de leur exécution.
Il est bon de noter évidemment qu’il est rare qu’une tradition culturelle ou un enseignement religieux s’avère incompatible avec la protection des droits de l’homme. En effet, notre religion et notre culture sont sources de compassion et d’inspiration à l’égard de nos concitoyens de toute la planète. Ceux qui ont invoqué la religion pour justifier l’esclavage n’étaient pas les seuls à l’invoquer : ceux qui ont voulu abolir l’esclavage l’ont invoquée aussi.
Et gardons à l’esprit le fait que notre engagement à protéger la liberté de religion et à défendre la dignité de la communauté LGBT émane d’une même source. Pour la plupart d’entre nous, la foi et la pratique religieuses nous donnent un sens et une identité, et sont fondamentales à notre personne. De même, pour la plupart d’entre nous, les liens d’affection et de famille que nous forgeons nous donnent également un sens et une identité, et notre attachement à d’autres reflète notre pleine nature humaine. Car cette expérience humaine est universelle et les droits de l’homme sont universels et identiques dans toutes les religions et toutes les cultures.
Le quatrième aspect est la leçon que l’histoire nous a apprise eu égard à la réalisation de progrès pour garantir les droits de tous. Le progrès commence par un débat honnête. D’aucuns diraient, et pensent, que tous les gays sont des pédophiles, que l’homosexualité est une maladie que l’on peut attraper ou qui peut être guérie, ou encore que les gays peuvent recruter d’autres personnes pour devenir gays à leur tour.
Eh bien, ces notions sont tout simplement erronées. Mais elles ne disparaîtront pas si on feint d’ignorer ceux qui les avancent ou les acceptent sans les inviter à parler de leurs craintes et de leurs inquiétudes. Personne n’a jamais cessé d’être convaincu d’une chose parce qu’on l’y contraignait. Les droits de l’homme universels comprennent la liberté d’expression et la liberté de conviction, même si par nos paroles et nos croyances nous dénigrons l’humanité des autres. Cependant, bien que nous soyons tous libres de croire en tout ce que nous voulons, nous ne pouvons pas faire tout ce que nous voulons - pas dans un monde où nous protégeons les droits de l’homme de tout un chacun.
Il faudra plus qu’un discours pour parvenir à une entente sur toutes ces questions. Il faudra une conversation. En fait, il faudra toute une suite de conservations, qui se tiendront dans des forums grands et petits, et il faudra faire preuve de bonne volonté pour lancer un dialogue sur la base des différences profondes entre les croyances, au lieu de d’éviter de l’entamer. Mais le progrès provient aussi des changements dans les lois. Dans de nombreux endroits, y compris dans mon pays, les protections juridiques ont précédé, et non suivi, le respect généralisé des droits. Les lois nous enseignent certaines choses. Les lois qui sont discriminatoires valident d’autres discriminations ; les lois qui exigent des protections égales renforcent l’impératif moral de l’égalité. Et souvent, dans la pratique, il faut que les lois changent avant que la crainte du changement ne se dissipe.
Un grand nombre de mes concitoyens ont cru que le président Truman avait eu tort d’ordonner la déségrégation raciale de nos forces armées. Ils soutenaient qu’elle minerait la cohésion de nos unités militaires.
Et ce n’est qu’après qu’il l’eut mise en œuvre que nous avons vu comment cette déségrégation a renforcé le tissu de notre société de nombre de façons que même les partisans de cette initiative n’avaient pas envisagées.
De la même manière, certains dans mon pays s’inquiétaient de l’abrogation de la politique de l’armée de « ne rien demander, ne rien dévoiler » [« Don’t ask, don’t tell »], craignant un effet négatif sur nos forces armées. Aujourd’hui, le commandant du Corps des marines, qui était l’un des adversaires les plus farouches de cette abrogation, a reconnu que ses craintes étaient sans fondement et les marines ont adopté le changement.
Enfin, le progrès découle de notre volonté de nous mettre à la place de quelqu’un d’autre. Nous devons nous demander : Que ressentirais-je si c’était un délit d’aimer la personne que j’aime ? Que ressentirais-je si je faisais l’objet de discrimination pour un aspect de ma personne que je ne peux pas changer ? Le défi de répondre à ces questions s’impose à nous tous alors que nous nous penchons sur nos croyances les plus profondes, alors que nous cherchons à faire preuve de tolérance et de respect pour la dignité de toutes les personnes et que nous tendons la main avec humilité à ceux avec lesquels nous sommes en désaccord dans l’espoir d’arriver à une meilleure entente.
Et la cinquième et dernière question est de savoir comment nous pouvons faire notre part pour encourager le monde à respecter les droits de l’homme de toutes les personnes, y compris les LGBT. Il est vrai que les individus LGBT doivent prendre la tête de ces efforts, comme un grand nombre d’entre vous l’ont déjà fait. Leur savoir et leurs expériences sont inestimables, et leur courage, une inspiration. Nous connaissons les noms de ces militants et militantes gays, lesbiennes, bisexuels et transgenres courageux qui ont littéralement sacrifié leur vie à cette cause, et il y a beaucoup d’autres dont les noms ne seront jamais connus.
Mais souvent, ceux qui sont privés de leurs droits sont les moins capables de réaliser les changements qu’ils souhaitent. En agissant seules, les minorités ne peuvent jamais devenir la majorité qui peut apporter le changement politique.
Donc, quand n’importe quelle catégorie humaine est mise en marge de la société, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Chaque fois qu’un obstacle au progrès a été éliminé, il l’a été grâce à la coopération de gens situés des deux côtés de la barrière. Dans la lutte pour les droits des femmes, le soutien des hommes demeure crucial. La lutte pour l’égalité raciale a compté sur les contributions des peuples de toutes les races. Combattre l’islamophobie ou l’antisémitisme est une tâche qui incombe aux adeptes de toutes les confessions. Et cela est vrai aussi, s’agissant de cette lutte pour l’égalité.
En revanche, lorsque nous voyons les droits de l’homme refusés ou bafoués et que nous n’agissons pas, nous transmettons le message à ceux qui les refusent ou les bafouent qu’ils n’ont pas à subir les conséquences de leurs actes, et ils persévèrent.
Mais lorsque nous passons à l’action, nous transmettons un message moral puissant. Ici, à Genève, la communauté internationale a agi cette année pour renforcer le consensus sur les droits de l’homme des gays, lesbiennes, bisexuels et transgenres. Au Conseil des droits de l’homme, en mars, 85 pays de toutes les régions du monde ont appuyé une déclaration appelant à mettre fin à la criminalisation (des LGBT) et à la violence contre les personnes en raison de leur orientation et leur identité sexuelles. Aux sessions suivantes du conseil en juin, l’Afrique du Sud a parrainé un projet de résolution sur la violence à l’égard des LGBT. Sa délégation s’est exprimée éloquemment sur l’expérience de la lutte pour l’égalité et l’indivisibilité humaines en Afrique du Sud. Lorsque la mesure fut adoptée, elle devint la toute première résolution des Nations unies à reconnaître les droits de l’homme des gays dans le monde entier.
À l’Organisation des États américains cette année, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a créé une unité sur les droits des personnes LGBT - une étape qui conduira, du moins nous l’espérons, à la création d’un rapporteur spécial. Maintenant, nous devons aller plus loin et travailler ici et dans chaque région du monde en vue de mobiliser davantage de soutien en faveur des droits de la communauté LGBT.
Aux dirigeants des pays où des gens se font emprisonner, battre, voire exécuter parce qu’ils sont gays, je vous demande de considérer ceci : le leadership, par définition, signifie que l’on doit guider son peuple lorsque les circonstances le veulent. Cela signifie que l’on doit monter au créneau pour défendre la dignité de tous les citoyens et pour persuader son peuple de faire de même. Cela signifie que l’on doit faire en sorte que tous les citoyens soient traités comme des égaux devant la loi, parce que - soyons clairs - je ne dis pas que les homosexuels ne peuvent pas commettre ou ne commettent pas de crimes, ils le peuvent et ils le font, tout comme les hétérosexuels. Et quand ils le font, ils doivent en répondre devant la justice. Mais cela ne devrait jamais être un crime d’être gay.
Aux peuples de toutes les nations, je dis que la défense des droits de l’homme est l’une des responsabilités qui vous incombent à vous également. La vie des gays est façonnée non seulement par des lois, mais aussi par la manière dont les traitent, chaque jour, leur famille et leurs voisins.
Eleanor Roosevelt, qui a tant fait pour promouvoir les droits de l’homme dans le monde entier, a déclaré que ces droits commencent dans des lieux familiers, près de chez soi : dans les rues où les gens vivent ; dans les écoles qu’ils fréquentent, dans les usines, dans les fermes et dans les bureaux où ils travaillent. Ces lieux constituent votre domaine. Par la façon dont vous y agirez, par les idéaux que vous y défendrez, vous pourrez déterminer si les droits de l’homme y régneront.
Enfin, aux hommes et aux femmes LGBT de par le monde, je voudrais dire ceci : partout où vous vivez et quelles que soient les circonstances de votre vie, que vous soyez connectés à un réseau ou à un groupe de soutien ou que vous vous sentiez isolés et vulnérables, sachez que vous n’êtes pas seuls. Dans le monde entier, il y a des gens résolus à vous soutenir et à mettre un terme aux injustices et aux dangers que vous rencontrez.
C’est certainement vrai pour mon pays. Vous avez un allié dans les États-Unis d’Amérique, et il y a des millions d’Américains que vous pouvez compter parmi vos amis.
Le gouvernement Obama défend les droits des personnes LGBT dans le cadre de sa politique globale des droits de l’homme : c’est une priorité de notre politique étrangère. Dans nos ambassades, nos diplomates expriment leur préoccupation au sujet de lois et de cas particuliers et s’emploient avec divers partenaires à renforcer la protection des droits universels de toute l’humanité.
À Washington, nous avons créé un groupe de travail au département d’État pour soutenir et coordonner ce travail et, dans les mois à venir, nous allons fournir à chaque ambassade une panoplie d’outils qui l’aideront à renforcer son action. En outre, nous avons créé un programme qui offre un soutien d’urgence aux défenseurs des droits des personnes LGBT.
Ce matin, à Washington, le président Obama a mis en place la première stratégie conçue par un gouvernement des États-Unis pour lutter contre les atteintes aux droits des personnes LGBT à l’étranger. S’appuyant sur les efforts en cours au département d’État et dans l’ensemble du gouvernement, le président a demandé à tous les organismes fédéraux engagés à l’étranger de lutter contre la criminalisation du statut et du comportement LGBT, de redoubler d’efforts afin de protéger les réfugiés et demandeurs d’asile LGBT vulnérables, de s’assurer que notre aide étrangère favorise la protection des droits des LGBT, d’enrôler des organisations internationales dans la lutte contre les discriminations et de réagir rapidement aux abus commis contre les personnes LGBT.
Je suis également heureuse d’annoncer que nous lançons un nouveau fonds mondial pour l’égalité, qui appuiera l’œuvre des organisations de la société civile qui travaillent sur ces questions à travers le monde. Ce fonds les aidera à recueillir des informations qui leur permettront de mieux cibler leurs activités de sensibilisation, à apprendre à se servir des lois existantes, à gérer leur budget, à former leur personnel et à créer des partenariats avec des associations féminines et d’autres groupes de défense des droits de la personne. Nous avons versé plus de 3 millions de dollars dans le démarrage de ce fonds, et nous avons bon espoir que d’autres se joindront à nous pour le soutenir.
Les hommes et les femmes - dont certains sont ici aujourd’hui avec nous - qui défendent les droits de la communauté LGBT dans des endroits hostiles, sont des êtres courageux et dévoués, qui méritent toute l’aide que nous pouvons leur donner. Nous savons que le chemin à parcourir ne sera pas facile. Une grande partie du travail reste à faire.
Mais beaucoup d’entre nous ont vu de première main comment le changement peut survenir rapidement. Dans notre vie, les attitudes envers les homosexuels dans de nombreux endroits ont été transformées. Beaucoup de gens, et j’en suis, ont approfondi leurs propres convictions sur ce sujet, au cours des années où nous y avons réfléchi davantage, engagé des dialogues et des débats, et établi des relations personnelles et professionnelles avec des personnes qui sont homosexuelles.
Cette évolution est manifeste dans de nombreux endroits. Pour en citer un exemple, la Haute Cour de Delhi a dépénalisé l’homosexualité en Inde il y a deux ans, déclarant, et je cite : « S’il existe un principe dont on peut dire qu’il apparaît en filigrane dans la Constitution indienne, c’est celui de l’inclusion. »
Je suis persuadée que l’appui aux droits des LGBT ne cessera de croître car, pour de nombreux jeunes, l’affaire est simple : toute personne mérite qu’on la traite avec dignité et que ses droits de l’homme soient respectés, peu importe qui elle est et qui elle aime.
Il y a une expression qu’on emploie aux États-Unis pour exhorter les autres à soutenir les droits de l’homme : soyez du bon côté de l’histoire. L’histoire des États-Unis est celle d’une nation qui a maintes fois dû faire face à l’intolérance et à l’inégalité. Nous avons eu une guerre civile brutale au sujet de l’esclavage. D’un bout du pays à l’autre, des citoyens ont organisé des campagnes visant à faire reconnaître les droits des femmes, des peuples autochtones, des minorités raciales, des enfants, des handicapés, des immigrés, des travailleurs, et de bien d’autres encore. Et la marche vers l’égalité et la justice s’est poursuivie. Ceux qui préconisent d’élargir le cercle des droits de l’homme ont toujours été du bon côté de l’histoire, et l’histoire leur rend hommage. Ceux qui ont essayé de restreindre les droits de l’homme ont eu tort, et l’histoire reflète cela également.
Je sais que les idées que j’ai partagées aujourd’hui se rapportent à des questions sur lesquelles les opinions sont encore en évolution. Comme il est arrivé tant de fois auparavant, l’opinion va converger, une fois de plus, avec la vérité, la vérité immuable selon laquelle tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
Nous sommes appelés, une fois de plus, à concrétiser les préceptes de la Déclaration universelle. Répondons à cet appel. Soyons du bon côté de l’histoire - pour notre peuple, pour notre nation et pour les générations futures dont l’existence sera façonnée par le travail que nous faisons aujourd’hui.
Je m’adresse à vous pleine d’espoir et de confiance qu’aussi longue que soit la route, nous allons la parcourir ensemble, et aboutir.
Je vous remercie.