Geopolintel

Syrie/Turquie : une semaine de crise

JM Vernochet

mercredi 5 juin 2013

Opposition/pandemonium

Alors que Damas a annoncé son intention de participer à une conférence internationale de paix dite « Genève 2 », l’opposition syrienne réunie depuis le jeudi 24 mai à Istanbul ne parvenait pas dimanche à surmonter ses divisions et à adopter une position claire sur ces négociations avec le régime du président Bachar al-Assad.

Revue de presse et Agences

AFP - Reuters - Ria Novosti

Les parties se reprochant réciproquement de vouloir s’approprier le pouvoir en modifiant les rapports de force dans la Coalition avec l’entrée de nouveaux membres ou au contraire de vouloir le garder en fermant la porte à l’élargissement. « Vous avez l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui s’acharnent à inclure jusqu’à 30 membres dans la Coalition nationale. Leur objectif est de réduire l’influence des Frères musulmans dans cette structure ».

Arabie saoudite et Émirats contre Qatar et Turquie constitue « la toile de fond » de cette bataille, les premiers soutenant l’entrée dans la Coalition d’un groupe réuni autour de l’opposant Michel Kilo, les autres tentant de préserver leur position de force dans l’organisation à travers leurs alliés les Frères musulmans.

Moscou 28 mai - Incapacité de l’opposition syrienne à désigner un représentant constitue le « principal obstacle » à l’organisation d’une conférence internationale, a déclaré mardi le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.

Conférences/Genève II

L’Iran n’avait pas participé à la première conférence de paix sur la Syrie à Genève en juin 2012, celle-ci ayant accouché d’un plan de transition mort-né, sans se prononcer non plus sur le sort de M. Assad, principal sujet de discorde.

L’initiative d’une nouvelle conférence internationale baptisée Genève-2 et rassemblant notamment les représentants du gouvernement syrien et de l’opposition a été lancée début mai par les responsables des diplomaties russe et américaine, Sergueï Lavrov et John Kerry.

Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem vient d’annoncer sa « décision de principe de participer à la conférence de Genève ».

Téhéran 29 mai - 40 pays parmi lesquels la Russie, le Nicaragua, le Vénézuela, l’Irak ou l’Algérie , en l’absence des parties en conflit ; se son réunis dans la capitale iranienne, sur un point d’accord, à savoir que : « l’Iran ne permettra pas une chute du régime syrien », a-t-il déclaré en marge d’un sommet international sur la Syrie organisé par Téhéran.

Livraison d’armes

Téhéran 9 mai - Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, alors qu’il était à Shanghai, reçut une forte admonestation de la part du président russe Vladimir Poutine, un avertissement que la Russie ne tolérerait plus des attaques israéliennes contre Damas et qu’elle réagirait. Poutine n’a pas expliqué comment, mais a annoncé qu’il avait ordonné l’accélération des livraisons d’armes très avancées à la Syrie. Des sources militaires du site internet israélien Debkafile, ont révélé que le président russe faisait allusion à des systèmes S-300 anti-aériens et à des missiles de surface à capacité nucléaire 9K720 Iskander (l’OTAN les nomme SS-26 Stone), pouvant atteindre une cible avec une précision de 5 à 7 mètres et au rayon d’action de 280 km.

Lors de son entretien téléphonique avec Netanyahu, le chef d’état russe a conseillé au Premier ministre de faire en sorte de s’en souvenir. Compte tenu que des personnels de défense aérienne syriens ont déjà été formés en Russie au maniement des systèmes intercepteurs S-300, ces derniers peuvent donc entrer en action dès leur débarquement lors des livraisons aériennes quotidiennes russes à la Syrie. Des responsables de la défense aérienne russes superviseront leur déploiement et prépareront leur mise en fonctionnement opérationnel. Moscou réagit non seulement aux opérations aériennes israéliennes contre la Syrie, mais aussi par anticipation à la décision imminente de l’administration Obama d’envoyer les premières livraisons d’armes étasuniennes aux rebelles.

10 Mai 2013 - Laurent Fabius : la Syrie et l’Iran constituent « la plus grande menace contre la paix » « Le chaudron syrien constitue, avec le nucléaire iranien – et d’ailleurs les deux sont liés –, la plus grande menace actuelle contre la paix… Il faut bouger et bouger vite ».

Moscou 28 mai, la Russie dénonce ce mardi la levée par l’UE de l’embargo sur les armes pour les rebelles syriens, estimant que celle-ci jetait de l’huile sur le feu au moment où l’on tentait d’organiser une conférence de paix sur le conflit.

La levée de l’embargo par l’Union européenne « porte un préjudice direct à la possibilité d’organiser une conférence internationale » selon le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov. « L’embargo est levé en dépit de toutes les déclarations de l’UE en faveur d’un règlement fondé sur la déclaration de Genève (de juin 2012), et en dépit de l’accord sur la nécessité d’organiser une conférence internationale sur la Syrie ».

Les 27 sont cependant convenus de ne pas livrer d’armes aux rebelles pour l’heure afin de ne pas nuire aux efforts de règlement politique !

Jérusalem 28 mai, Israël « saura quoi faire » si la Russie livre des systèmes de défense anti-aériens de type S-300 à la Syrie, a averti ce mardi le ministre israélien de la Défense Moshé Yaalon à l’issue d’une réunion de la commission de la Défense et des Affaires étrangères du Parlement. « Les livraisons n’ont pas eu lieu, et j’espère qu’elles n’auront pas lieu. Mais, si par malheur, ils (les S-300) arrivent en Syrie, nous saurons quoi faire ».

M. Yaalon faisait allusion à de nouveaux raids aériens que pourrait lancer Israël, comme il l’a déjà fait au début du mois près de Damas. Ces attaques visaient, selon des responsables israéliens, à empêcher des transferts d’armes au Hezbollah chiite libanais.

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, avait auparavant déclaré à Moscou que les livraisons prévues des S-300 russes en Syrie sont un facteur de « stabilisation » voué à dissuader tout scénario d’intervention extérieure dans le conflit.

« Nous considérons cette livraison comme un facteur de stabilisation et estimons que des mesures de cette sorte dissuadent en grande partie certains esprits échauffés d’envisager des scénarios dans lesquels le conflit prendrait un tour international avec la participation de forces étrangères ».

Selon M. Fabius, les livraisons européennes serviraient rétablir un « équilibre », oubliant que selon des sources américaines (Financial Times) le Qatar aurait abondé la rébellion à hauteur de 3 mds de $ ces deux dernières années. Un mds selon l’aveu propre des forces rebelles.

Paris 28 mai, quant à la décision européenne de lever l’embargo sur les armes « la décision de lever l’embargo n’est pas une décision belliqueuse, elle vient à l’appui de la solution politique. Notre objectif, c’est la tenue de cette conférence de Genève » a osé dire le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Philippe Lalliot.

« Lever l’embargo n’est pas nécessairement une décision de livrer des armes » à l’opposition syrienne, a-t-il précisé sans rire tout en soulignant que le délai convenu par les Européens jusqu’au 1er août pour d’éventuelles livraisons n’était pas juridiquement contraignant.

Autrement dit, qu’il s’agit d’une déclaration « politique » qui n’engageait pas juridiquement les États-membres.

La bataille de Kousseir

Sur le terrain, l’armée syrienne, épaulée par la milice chiite libanaise du Hezbollah, progresse dans son offensive contre la ville stratégique de Kousseir (centre), tenue par les rebelles. Les forces syriennes, appuyées par des combattants du Hezbollah, auraient pris le contrôle d’à peu près les deux tiers de la ville, mais elles pour cela ont payé un prix élevé (80 à 100 hommes).

Les combattants du Hezbollah comportent 17 groupes de 100 hommes et ont pris la ville en tenaille par l’est, le sud et l’ouest. Le contrôle de Kousseir est essentiel pour les rebelles car la ville (25 000 habitants) se trouve sur le principal point de passage des combattants et des armes en provenance et en direction du Liban. La ville est également stratégique pour le régime car elle est située sur la route reliant Damas au littoral, sa base arrière.

Le Hezbollah combat en Syrie pour « protéger » le Liban. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah à l’occasion de la fête de la « résistance et de la libération », en commémoration du retrait de l’armée israélienne du sud du Liban en 2000 après 22 ans d’occupation : « Si Assad tombe, la résistance sera affaiblie« et le Liban sera à la merci d’Israël, avertit Hassan Nasrallah »… »Nous appelons de nouveau à laisser le Liban en dehors de toute confrontation (...) Que ceux qui veulent combattre aillent en Syrie. Mais préservons la neutralité du Liban. Pourquoi se battre au Liban ?" (26mai2013)

Damas 29 mai. L’armée syrienne et des éléments du Hezbollah libanais se sont emparés de l’aéroport de Dabaa, prise annonçant une offensive tous azimuts contre les rebelles à Qousseir, notamment les quartiers nor où se trouvent retranchés les rebelles, cela au moment même où Washington exige « le retrait immédiat » du Hezbollah de Syrie.

L’Orient le jour 4 juin - Le Hezbollah devrait intervenir en un autre lieu stratégique du conflit syrien. Le coordinateur politique et médiatique de l’armée syrienne libre (ASL, opposition) Louay Moqdad, a révélé mardi que plus de 4.000 combattants du parti chiite se trouvent dans la périphérie d’Alep, dans le nord de la Syrie.

Ligne rouge/armes chimiques

La France fait analyser par un laboratoire (indépendant !!) de la DGA les échantillons de potentielles armes chimiques rapportés de Syrie par des journalistes du quotidien Le Monde, a annoncé mardi un haut responsable sous couvert de l’anonymat.

Les États-Unis et les Grande-Bretagne ont analysé leurs propres échantillons et conclu à des « indices mais pas de preuve formelle de l’utilisation de gaz de combats » en Syrie. Au-delà des témoignages et des vidéos, des analyses en laboratoire sont indispensables pour déterminer à coup sûr si des armes chimiques ont bien été utilisées en Syrie par le régime de Bachar al-Assad ou des groupes rebelles, estiment des médecins et des experts.

« Quand je regarde la vidéo du Monde, j’ai du mal à considérer que c’est un neurotoxique », indique Raphaël Pitti, un médecin français de retour de Syrie, à propos d’un reportage du quotidien français assurant que des armes toxiques ont été utilisées contre des insurgés dans des faubourgs de Damas.

Le Monde 28 mai - Publié lundi 27 mai, le récit des deux envoyés spéciaux du Monde à Damas, qui ont été témoins d’attaques au gaz de la part des forces gouvernementales, a eu un grand retentissement médiatique, tant en France qu’à l’étranger.

Les témoignages et les scènes rapportées par Jean-Philippe Rémy - un journaliste connu pour son rôle trouble en 1994 lors des grands massacres du Rwanda - et le photographe Laurent Van der Stockt ont conduit la diplomatie française à revenir sur la question de l’usage d’armes chimiques en Syrie. « Il y a des présomptions de plus en plus fortes, de plus en plus étayées, d’usage localisé d’armes chimiques » aux dires du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

Suivant Carla del Ponte, ancien procureur à la Cour pénale internationale et membre de la Commission d’enquête de l’ONU sur les violations des droits de l’homme en Syrie, ce sont les « rebelles » qui utilisent du gaz sarin.

Beyrouth 29 mai. Le chef de la diplomatie syrienne Walid ne s’est pas gêné ce jour pour qualifier sur la chaîne de télévision arabe al-Mayadin, la France de « menteuse » à propos des accusations portées sur l’utilisation par Damas d’armes chimiques.

« Je puis dire avec certitude que la France est une menteuse et je peux dire aussi que ceux qui font de la propagande à ce sujet ne sont que des menteurs. L’arme chimique n’a été utilisée qu’une seule fois à Khan al-Assal et par les rebelles ».

Bagdad 31 mai - Les autorités irakiennes ont annoncé samedi le démantèlement d’une cellule d’Al-Qaïda qui fabriquait des armes chimiques, dont du sarin et du gaz moutarde, destinées à des attentats en Irak, en Europe et en Amérique du Nord.

Brigades internationales, djihadistes et mercenaires

Genève 28 mai, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU va se pencher mercredi sur un projet de résolution condamnant « l’intervention de combattants étrangers » à Kousseir, ville de l’ouest de la Syrie théâtre d’intenses combats.

Le projet de résolution, déposé par les États-Unis, la Turquie et le Qatar – qui ne manquent pas d’air - vise le Hezbollah libanais, mais sans le nommer. Le texte doit encore être débattu mardi par les diplomates à Genève. Projet présenté mercredi 29 mai lors d’un débat en urgence devant le Conseil des droits de l’Homme… dont les résolutions n’ont toutefois pas de caractère contraignant.

Genève 29 mai, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a condamné l’intervention de « combattants étrangers » aux côtés des forces armées syriennes à Qousseir demandant une enquête des NU sur les « violences dans cette ville ». Grotesque !La résolution par les États-Unis, le Qatar et la Turquie, a été adoptée par 36 voix contre 1 (le Venezuela), huit pays s’étant abstenus.

Washington 29 mai. Les États-Unis « exigent » la “milice“ chiite libanaise du Hezbollah se retire « immédiatement » du conflit en Syrie, en particulier sur le front de la ville stratégique de Kousseir… « Nous condamnons avec la plus grande force les déclarations du cheikh Hassan Nasrallah qui a confirmé le rôle actif de ses militants dans les combats à Kousseir et ailleurs en Syrie. C’est une escalade inacceptable et extrêmement dangereuse », Jennifer Psaki, porte-parole du Département d’État.

Deux poids, deux mesures : pas un mot sur les “200 000“ venus de tous horizons combattant ou ayant combattu contre l’armée loyaliste sur le territoire de la République arabe syrienne.

Dubaï 30 mai. Incidemment YouTube relaie l’annonce d’un dignitaire sunnite bahreïni, cheikh Adel Al-Hamad, de la mort de son fils, Abderrahman, 19 ans en territoire syrien. Cheikh Hamad est connu pour ses prêches en faveur du jihad contre le régime syrien. Le ministre de l’Intérieur, cheikh Rached Ben Abdallah Al-Khalifa, a indiqué que le soutien au peuple syrien devrait se faire « dans le respect de la légalité internationale » et averti ses concitoyens contre le risque de "s’engager dans des groupes violents et extrémiste. Bahreïn, dirigé par une dynastie sunnite, est le théâtre de troubles de la part de la majorité chiite.

Damas 28 mai - Une Américaine de 33 ans convertie à l’islam est morte en Syrie en combattant aux côtés des rebelles cherchant à renverser Bachar el-Assad. Elle s’appelle Nicole Mansfield et était origine de Flint, dans le Michigan. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) avait précisé que trois Occidentaux, dont une Américaine et un Britannique musulmans, qui étaient vraisemblablement en train d’aider la rébellion, ont été tués par l’armée syrienne mercredi 28 mai.

Risques et enjeux

Reuters - Bruxelles 28 mai 2013. Londres et Paris présentent la levée de l’embargo sur les livraisons d’armes aux rebelles syriens comme un succès, mais pour les experts cette initiative relève du coup de poker et pourrait avoir un effet boomerang redoutable pour les deux pays comme pour les insurgés eux-mêmes.Pour arriver à leurs fins, la Grande-Bretagne et la France ont pris un premier risque : celui de provoquer le désaccord le plus profond au sein de l’Union européenne (UE) en matière de politique étrangère depuis la guerre en Irak il y a dix ans.

Diplomates et dirigeants européens ne pensaient pas que les deux pays se montreraient aussi intransigeants pendant les douze heures de négociations, lundi à Bruxelles, où ils n’ont à aucun moment entrouvert la porte à un compromis qui aurait permis de prolonger l’embargo.

Chez les autres pays de l’UE, la pilule a du mal à passer et certains parlaient mardi d’un « triste jour pour l’Europe » ou d’une « issue peu glorieuse », qui risque de compliquer encore un peu plus la quête d’une politique étrangère commune.

Mais à court terme, d’autres questions se posent de manière lancinante : quelle peut être l’influence de Londres et Paris sur le terrain syrien ? La levée de l’embargo va-t-elle favoriser la recherche d’une solution politique, comme l’espèrent les deux capitales, ou au contraire enclencher une nouvelle fuite en avant qui risque d’entraîner les Européens bien plus loin que là où ils voudraient aller.

Selon de nombreux experts du Proche-Orient, la décision de l’UE réduit davantage les maigres chances de succès de la conférence de paix que les États-Unis et la Russie espèrent organiser le mois prochain à Genève, et va probablement inciter la Russie et l’Iran à accroître leurs propres livraisons d’armes au régime de Bachar al Assad.

« C’est une grosse erreur de calcul », estime Daniel Levy, directeur pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord du Conseil européen des affaires étrangères (ECFR), un centre de réflexion basé à Londres.

« Le risque, c’est que l’escalade entraîne l’escalade », dit-il en rappelant que les armes russes ne sont pas soumises à des règles aussi strictes que celles de l’UE, dont la charte de déontologie interdit la livraison de matériel susceptible « de provoquer ou de prolonger des conflits armés ou d’aggraver les tensions existantes ». « Il y a de grandes chances que la situation se complique et il y a un risque que cela tourne en eau de boudin, d’autant que l’opposition syrienne dit très clairement qu’elle veut impliquer les Occidentaux dans le conflit ».

Conscientes de marcher sur un fil, la Grande-Bretagne et la France assurent qu’elles n’ont pas pris la décision de livrer des armes, mais veulent croire que cette seule menace suffira à convaincre Bachar al Assad de négocier. Les experts doutent de la justesse de ce calcul. Selon eux, le fait de prolonger l’embargo, puis de mettre la Russie devant ses responsabilités à la conférence de Genève en lui demandant d’interrompre ses propres livraisons d’armes, aurait eu plus de chances de mener à la désescalade espérée.

À l’inverse, note George A. Lopez, professeur de relations internationales à l’université américaine Notre-Dame, la levée de l’embargo par Bruxelles est, après l’annonce d’une possible livraison de missiles sol-air russes à Damas et l’implication ouverte du Hezbollah libanais en Syrie, « le troisième signal d’internationalisation du conflit en une semaine ».

Un autre casse-tête se profile déjà pour Londres et Paris : si les négociations de paix n’aboutissent pas - et beaucoup de diplomates prédisent déjà leur échec -, les deux alliés devront démontrer qu’ils n’ont pas promis du vent. Or, Londres et Paris seront non seulement contraints par les règles de l’UE, mais aussi par leur soucis d’éviter autant que possible que leurs armes terminent entre de mauvaises mains, en particulier celles des groupes liés à Al Qaïda. « Au final, la Grande-Bretagne et la France tentent un coup de bluff dans une partie de poker », résume Daniel Levy.

Corriere della Sera 29 mai. Bruxelles risque d’initier un conflit mondial…

En décidant de ne pas prolonger l’embargo sur les armes, Bruxelles porte une responsabilité dans l’internationalisation du conflit syrien : « En l’espace de quelques heures hier, on a pu voir la facilité avec laquelle la guerre civile syrienne pouvait déclencher une course à l’armement et se transformer en confrontation mondiale aux conséquences imprévisibles… L’UE, divisée depuis toujours sur la question de livrer ou non des armes aux rebelles, a fait le premier pas… La réponse du Kremlin a été immédiate. Outre de vives critiques, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a saisi cette occasion pour justifier les livraisons d’armes de Moscou à Assad, les présentant comme un moyen de dissuasion contre les ingérences militaires étrangères… Juste après les déclarations de Moscou, le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon, s’est manifesté, déclarant que le gouvernement israélien « saurait quoi faire » si la Russie livrait des missiles au dirigeant Bachar Al-Assad… Le conflit syrien peut désormais déboucher sur une crise mondiale. »

Géoénergie

30 mai - Des milliards de dollars aux rebelles pour sécuriser un gazoduc

Le richissime Qatar soutient les rebelles syriens opposés au président Assad. L’enjeu n’est ni politique, ni démocratique, mais plutôt un gazoduc à destination de l’Europe. Selon le quotidien britannique Financial Times du 17 mai dernier, le Qatar aurait, au cours de ces deux dernières années, apporté un soutien financier de trois milliards de dollars à « la révolte syrienne ». Le Qatar offre à chaque déserteur du régime Assad une prime de 50 000 dollars. Le Financial Times aurait également recueilli des dizaines de témoignages sur le rôle du Qatar auprès de chefs rebelles en Syrie et à l’étranger, mais aussi de fonctionnaires gouvernementaux dans la région et en Occident.

Les observateurs aiment à plaisanter sur le fait que le l’émir du Qatar, Hamad bin Khalifa al-Thani, « s’est payé une révolution en Syrie ». En soutenant les rebelles islamistes dans tout le monde arabe, l’émir espère devenir une sorte de « Nasser panislamique ». Toutefois, ce que le Financial Times oublie de dire, c’est que l’émir du Qatar vise à promouvoir ses intérêts économiques. Comme c’est souvent le cas au Moyen-Orient, il est question de matières premières et de pipelines.

Concrètement, il s’agit ici d’un projet de gazoduc qui devrait traverser l’Arabie saoudite et la Jordanie jusque dans le Sud de la Turquie. De là, le gaz qatari serait acheminé vers l’Europe occidentale via le gazoduc Nabucco. Le problème, c’est que le régime de Bachar al-Assad y est opposé. Ceci explique également pourquoi le gouvernement turc a soudainement appelé à renverser Assad.

Projets européens

La majorité du gaz exporté par le Qatar est du gaz naturel liquéfié (LNG, acronyme anglais). En Amérique du Nord, le marché est saturé, des dizaines de nouveaux réservoirs de LNG devraient bientôt inonder l’Asie de gaz américain, avec pour conséquence une chute des prix du gaz naturel sur le marché asiatique. La seule échappatoire pour le Qatar est la construction d’un gazoduc vers l’Europe, un projet qui existe depuis 2009 déjà et dans lequel la Syrie joue un rôle de premier ordre. Ce projet bénéficie par ailleurs du soutien des politiciens européens, puisqu’il permettrait à l’Europe de réduire sa dépendance par rapport au gaz russe.

Le gouvernement Assad a cependant refusé de participer au projet. En effet, les relations entre le Qatar et la Syrie sont tout sauf paisibles. En juillet 2011, la Syrie a conclu avec l’Iran et l’Irak un accord stratégique qui prévoit la construction d’un gazoduc qui acheminerait le gaz iranien vers la Syrie et, de là, vers l’Europe. Cet accord constitue donc une entrave sérieuse aux projets de l’Europe et du Qatar. Mais, par chance, c’est juste à ce moment-là qu’éclate la « révolution » syrienne que le Qatar n’hésite pas à « racheter »...

Escalade

Jérusalem 30 mai. Israël ne veut pas « provoquer d’escalade » militaire avec la Syrie mais ne permettra pas le transfert d’armes « stratégiques », notamment au Hezbollah libanais, a affirmé jeudi le ministre de l’Eau et de l’Énergie, Sylvan Shalom.

Quant à la fourniture par la Russie à la Syrie de S-300… « Depuis des années, la Syrie dispose d’armes stratégiques, le problème se poserait si ces armes étaient susceptibles de tomber dans d’autres mains et d’être utilisées contre nous. Dans ce cas nous devrions agir ».

Beyrouth 29 mai - Après avoir traiter la France de « menteuse » après des accusations d’utilisation d’armes chimiques, Walid Mouallem, ministre syrien des Affaires étrangères a rappelé que la Syrie « avait notifié tous les pays du monde que si Israël menait une nouvelle agression contre la Syrie, la riposte serait immédiate » ! À bon entendeur…

Moscou 30 mai - Le constructeur d’avions militaires russe MiG compte livrer à Damas plus de dix chasseurs MiG-29 M/M2, selon le PDG du groupe Sergueï Korotkov.

Le Monde/AFP/Reuters 30 mai. Bachar Al-Assad : la Syrie a reçu des missiles S-300… L’armée syrienne a reçu une première livraison de missiles russes S-300 selon le quotidien libanais Al-Akhbar citant un entretien i télévisée du président Bachar Al-Assad diffusé dans la journée par la chaîne de télévision Al-Manar. Yisraël empêchera qu’ils deviennent opérationnels et ne permettra pas le transfert d’armes « stratégiques » au Hezbollah chiite libanais affirme le ministre de l’Eau et de l’Énergie Sylvan Shalom.

Washington 3 juin - Les États-Unis vont déployer des missiles Patriot et des avions de combat F-16 en Jordanie, pays frontalier de la Syrie, pour des manœuvres militaires, après lesquelles certains de ces équipements pourraient rester sur place

Ekaterinbourg 4 juin - La Russie n’a pas livré « pour l’instant » de missiles sol-air S-300 à la Syrie, a déclaré mardi le président russe Vladimir Poutine, soulignant que Moscou ne voulait pas « rompre l’équilibre des forces » dans la région. « Le contrat a été signé il y a plusieurs années. Il n’a pas été mis en œuvre pour l’instant » déclaration de V. Poutine à l’issue d’un sommet Russie-UE. « C’est bien sûr un armement sérieux. Nous ne voulons pas rompre l’équilibre des forces dans la région »

Turquie

Istanbul 11 mai - Le ministre turc de l’Intérieur Muammer Güler a annoncé que les auteurs du double attentat à la voiture piégée ayant fait au moins 43 morts samedi à Reyhanli, ville turque à proximité de la Syrie, étaient liés à des organisations proches du régime syrien, a rapporté la chaîne de télévision publique TRT. « Les personnes et l’organisation qui ont mené (l’attaque) ont été identifiées. Il a été établi qu’elles étaient liées à des organisations soutenant le régime syrien et ses services de renseignement »

Ankara13 mai - Le groupuscule d’extrême gauche turc accusé par les autorités d’Ankara d’avoir perpétré l’attentat de Reyhanli, à la frontière syrienne, est un mouvement clandestin classé comme terroriste par la Turquie et jugé proche du régime de Damas. Quelques heures à peine après la double explosion qui a fait 46 morts et plus d’une centaine de blessés, le ministre de l’Intérieur Muammer Güler souligné la responsabilité de ce groupe baptisé « Acilciler », littéralement les « urgentistes » en turc. Neuf de ses membres, tous de nationalité turque, ont été arrêtés et placés en garde à vue dimanche.

IRIB 2 juin - Erdogan, pourquoi la disgrâce ? Les analystes politiques ne cessent pas de s’étonner de la révolte populaire qui gagne d’heure en heure en ampleur en Turquie et qui risque de balayer d’un revers de main Erdogan et son système. Après tout, le sultan donnait l’impression de bien maitriser la situation. Alors pourquoi une telle disgrâce ? Mohamad Ali Bahmani Qajar a son point de vue à ce sujet et il énumère plusieurs raisons :

1 - La Turquie connait une nette croissance économique mais la justice sociale n’est pas au rendez vous. L’inflation est d’ordre de 10% et une tranche non négligeable de la population se sent exclue de l’épanouissement économique.

2 - L’inégalité géographique fait qu’en Turquie, seules 14 provinces bénéficient des succès économiques contre 27 qui, elles, se heurtent toujours à une situation économiquement délicate.

3 - Les turcs ne suivent pas Erdogan dans ses rêves impérialistes. Les turcs ont peur de voir l’AKP vouloir s’ériger en modèle pour les salafistes d’Égypte, de la Tunisie, de la Syrie. Les Frères musulmans font peur au peuple.

4 - Les Turcs ont surtout peur de voir leur pays se pakistaniser, vu le nombre impressionnant des salafistes et des al-qaïdistes qui se trouvent en circuit libre à travers tout le territoire et qui participent à la guerre contre le voisin syrien. Les attentats de Reyhanli, la découverte du gaz sarin … effraient la population.

5 - Les turcs n’aiment pas la manière dont Erdogan, sans les consulter, a géré le dossier du PKK. les nationalistes se sentent humiliés de voir Erdogan les contourner de la sorte.

6 - Les laïcs supportent mal l’islamisation de la société.

7 - Le suivisme pro-américain d’Ankara et ses relations avec Israël ne sont pas du goût des turcs.

L’alévisme seconde religion en Turquie après le sunnisme. Officiellement ils sont entre 10 et 15 %, mais d’après les sources alévies ils représenteraient entre 20 à 25 % de la population nationale. La répression exercée sur la communauté sous l’Empire ottoman et la République a provoqué chez les alévis un sentiment de peur qui les a contraints à pratiquer leur culte en secret ou « takiye ». Aussi, tant que la liberté de conscience religieuse et politique ne sera pas totale en Turquie, aucune estimation ne pourra être tout à fait fiable. Les démographes et les universitaires avancent le chiffre de 15 à 20 millions

Comité Valmy 3 juin - Le printemps turc a-t-il commencé ? - Le prétexte est presque futile. Les Stambouliotes protestaient contre l’abattage d’arbres centenaires dans un des derniers parcs publics du centre ville. L’arrachage des arbres du dernier espace vert de la mégapole de 13 millions d’habitants par les Caterpillar a été le motif d’un embrasement sous-tendu par la précarité, le chômage, les difficultés d’une jeunesse éduquée à se projeter dans un avenir. Ce pourquoi d’aucuns évoquent mai 68… Exactement les mêmes ingrédients de tous les Occupy , Tahrir et Wall Street compris.

Même si la dette extérieure s’est multipliée par trois en dix ans quelques trois cents milliards actuellement, elle représente moins de 60% du PIB. La Turquie risque de se porter à la dixième place

mondiale pour son PIB en 2050. Voilà qui justifie ses ambitions d’expansion territoriale sur la Syrie. Si elle maîtrise l’eau de la région, le Tigre et l’Euphrate prennent leurs sources sur son territoire, elle manque de ressources en hydrocarbures. La Syrie en dispose. Le Liban et Gaza (la prison de quelques kilomètres dont le monde civilisé accepte que son million et demi d’incarcérés languissent derrière leurs barbelés et occasionnellement subissent l’expérimentation d’armes nouvelles) aussi.

L’installation de ‘Patriot’ par l’OTAN en Turquie n’apporte pas de protection « immunitaire » au gouvernement Erdogan contre une insurrection populaire. L’issue de cette confrontation est en train de donner toutes ses chances à une relative autonomisation du Kurdistan syrien. Ce qui se dessine avec la base d’appui kurde en Irak riche en pétrole, est la possibilité d’un État kurde avec lequel l’ancien Empire devra négocier dans des conditions qui ne lui seront pas favorables.

Les accords de Sykes-Picot (1916) suivis de la déclaration Balfour (novembre 1917 au lendemain donc d’octobre 1917) ont accouché au lendemain du démantèlement du vieil homme malade d’un équilibre instable. Avec la création d’États artificiels tels la Jordanie et Israël, a été irrespectueuse à la fois de la géographie et de l’histoire. La superposition sur ces anomalies majeures de la volonté d’un nouveau remodelage du Proche-Orient par les É-U selon leurs intérêts et ceux de leur allié israélien a fragilisé encore plus ce précaire équilibre.

Les prises de positions du président syrien Bachar al-Assad lors de l’interview qu’il a accordée à la télévision al-Manar constituent un cadre pour une nouvelle période stratégique, non seulement en Syrie mais dans l’ensemble de la région.

Le président Assad a constaté que le changement d’attitude de la population syrienne a retiré aux groupes terroristes l’environnement populaire favorable, ce qui a permis à l’armée arabe syrienne de passer à l’offensive pour reprendre le contrôle de nombreuses régions. Cette tendance a commencé il y a plusieurs mois et s’est raffermie après que les Syriens eurent découvert le vrai visage des groupes armés dominés par les courants takfiris ; ils commettent des crimes horribles ; ils sont organiquement liés aux Israéliens. La majorité des Syriens ont compris que leur patrie est la cible d’une invasion étrangère, destinée à la soumettre. Cette nouvelle attitude de la population a permis à l’armée de lancer une offensive générale.

Beyrouth 30 mai - Le président syrien Bachar al-Assad a affirmé jeudi qu’il n’hésiterait pas à se présenter à la présidentielle de 2014 si le peuple le voulait, dans une interview à la chaîne de télévision du mouvement chiite libanais Hezbollah, Al-Manar.

Bachar al-Assad, président de la République arabe syrienne « De nombreux syriens ont été trompés au début. Beaucoup de pays amis à l’étranger ne comprenaient pas la situation en Syrie. Ce qui se passe actuellement n’est pas un passage de la phase de la défense à celle de l’attaque. C’est un renversement de l’équilibre des forces à l’avantage des forces régulières. La première raison de ce renversement des équilibres de forces, est due en réalité à un renversement dans l’environnement qui avait accueilli les rebelles. Certaines régions avaient formé un environnement qui abrite les miliciens, non pas par manque de nationalisme, mais par manque de connaissance ».

Damas 3 juin - Le régime syrien savoure sa vengeance et les médias officiels prennent depuis trois jours un malin plaisir à utiliser le même vocabulaire que la Turquie a usé à l’égard de Bachar al-Assad en soutenant le soulèvement contre lui. Raillant les malheurs du gouvernement turc, qui fut un grand ami du régime syrien avant d’appuyer la rébellion, les ministres syriens ont accusé Ankara de « terroriser » sa population et ont décrit le mouvement de protestation comme le « vrai Printemps ».

Le Monde.fr 3 juin – Réponse du berger à la bergère… révolution verte inopinée. Le nombre de publications en provenance du pays ne laisse en revanche aucun doute sur le rôle particulièrement actif des Turcs mobilisés sur place. « En 24 heures [entre le 31 mai et le 1er juin], il y a eu près de 2 millions de tweets en lien avec les manifestations. [...] 90 %, environ, des tweets géolocalisés viennent de Turquie et 50 % d’Istanbul même. [...] Près de 88 % de ces tweets sont rédigés en turc, ce qui suggère que l’audience de ces tweets est constituée d’autres citoyens turcs et non de la communauté internationale », notent deux chercheurs de la New York University, estimant d’ores et déjà « phénoménal » le rôle joué par les réseaux dans cette crise

« Les médias turcs, qui sont directement contrôlés ou ont des liaisons politiques et économiques avec le gouvernement, refusent de traiter les incidents. Les agences de presse turques également bloquent la diffusion de l’information sur les événements. SVP, diffusez ce message pour que le monde prenne conscience de l’État policier turc créé par l’AKP de Recep Tayyip Erdogan, qui est souvent considéré comme un modèle exemplaire pour des pays du Moyen-Orient. La démocratie turque s’attend à votre soutien ».

Istanbul 4 juin - Le bras de fer qui oppose depuis cinq jours le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan aux dizaines de milliers de Turcs qui défient son autorité dans la rue se durcit mardi avec l’entrée en grève d’un syndicat, après la mort d’un deuxième manifestant.

Ankara 4 juin - Le gouvernement turc respecte les « différents modes de vie » de tous les citoyens, a déclaré mardi à Ankara le vice-Premier ministre Bulent Arinç, au cinquième jour du mouvement de contestation qui reproche au pouvoir de vouloir « islamiser » la société turque. Le vice-Premier ministre turc Bülent Arinç a présenté mardi ses excuses aux très nombreux manifestants : « Je présente mes excuses à tous ceux qui ont été victimes de violences parce qu’ils sont sensibles à la défense de l’environnement », porte-parole du gouvernement turc à l’issue d’un entretien avec le président Abdullah Gül.

Téhéran 4 juin - L’ex-chef de la diplomatie iranienne Ali Akbar Velayati a déclaré qu’il proposerait à la France de « travailler ensemble » pour résoudre le conflit en Syrie, s’il était élu président le 14 juin, dans un entretien à l’AFP. « Mon offre, si je suis victorieux, c’est que l’Iran et la France s’assoient et discutent, travaillent ensemble pour résoudre politiquement la question », a déclaré lundi à Téhéran M. Velayati, interrogé en marge d’une réunion électorale.

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