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L’Islam révolutionnaire

Partie IV

lundi 23 septembre 2013

En juin 2003 dans le contexte de la guerre anglo-américaine contre l’Irak baasiste, le terroriste vénézuélien marxiste et musulman Ilich Ramirez Sanchez publiait un témoignage portant un regard particulièrement original sur les grandes transformations qui bouleversaient alors le paysage géopolitique mondiale. Depuis les prisons où il se trouve incarcéré ab libitum, l’aventurier et soldat politique comme il aime lui-même à se présenter, a voulu ainsi témoigner de son engagement au service ou contre les grandes forces architectoniques qui travaillent puissamment, à l’heure actuelle et singulièrement ces deux dernières décennies, le monde humain, les sociétés, les nations et les peuples.

Notre combat est un choix qui nous est imposé et dans lequel il n’y a pas de place pour les états d’âme. Le terrorisme en soi n’est ni plus terrible, ni moins terrible que les bombes de mille kilos larguées par l’aviation israélienne sur des immeubles civils de la bande de Gaza, le plus grand camp de concentration de l’histoire ! Le terrorisme est un mot que l’on brandit pour faire peur parce qu’en atteignant l’ennemi il révèle ses propres crimes. Le terrorisme est seulement mal nommé car il n’est pas passé dans les mœurs de vos démocraties frileuses installées dans l’ersatz de confort de vos supermarchés, car ils ne le pratiquent qu’à l’extérieur de leur sphère domestique. Ce mot infamant, ce mot qui fait peur, est l’arbuste qui cache la forêt de vos mensonges, de vos silences, de tous vos trucages de l’histoire. Il faudra bien finir par comprendre que le terrorisme n’est que la réponse du berger à la bergère, un prêté pour un rendu, Le terrorisme a le seul tort d’être artisanal et d’avoir la réputation de frapper aveuglément des cibles non militaires. C’est aussi cette mauvaise réputation qui lui confère son impact spectaculaire, qui en fait une arme de choix pour rétablir un semblant d’équilibre dans la disproportion des moyens d’information, dont le monopole absolu est aux mains de l’ennemi.

Quelques morts peuvent cependant avoir un impact psychologique si considérable qu’ils contraignent un État à la négociation. Le prix à payer peut paraître moralement dur à ceux qui ont perdu l’habitude de souffrir, mais le gain politique et matériel est sans commune mesure avec les dégâts collatéraux occasionnés, comme disent les « démocrates ». Disant cela je ne suis ni cynique, ni indifférent en tout cas je le suis certainement beaucoup moins que tous vos libéraux, acteurs actifs ou passifs de la grande entreprise d’asservissement des peuples, de l’implacable dictature du marché et de la démocratie universelle. Vos chômeurs qui se comptent maintenant par millions malgré le trucage statistique devraient commencer à le comprendre avant qu’il ne soit trop tard et qu’ils ne soient éliminés dans le prochain embrasement comme l’on détruit les excédents de productions. Ne me demandez donc pas plus de compassion que vos maîtres n’en éprouvent eux-mêmes ainsi que tous les gentils qui se font le bras armé de la civilisation totalitaire.

Comprenez que quelques vies humaines sacrifiées peuvent épargner des souffrances incommensurables. C’est le b-a-ba de toute action militaire. Mais d’un côté vous avez des institutions militaires d’État, de l’autre des groupes et des réseaux de soldats sans frontières, soldats sans uniformes définis, franc-tireurs diriez-vous, qui n’ont pas de véritable soutien étatique avoué. Or le monde n’est pas figé, la volonté humaine, la foi peuvent remettre en cause ce qui peut sembler de prime abord irréversible. Si la violence est nécessaire pour briser le monopole de la violence que tente de s’arroger l’impérialisme, alors les choix sont clairs. Le terrorisme, cela va vous surprendre, est une sorte d’hymne à l’humain parce qu’il replace l’homme de chair et de sang au centre de la bataille. Il n’est pas question de robot, de bombardier furtif, de drones de combat, le shahid qui se sacrifie pour déclencher sa ceinture est un homme, seul, confronté à la peur dans un environnement hostile, son choix est essentiellement humain, ce n’est ni celui d’un fou, ni d’un fanatique, mais celui de l’homme confronté à la toute puissance de la machine.

Ce sont les pierres jetées contre les chars d’assaut, ce sont les moudjahidin afghans sous le déluge de feu déversé par l’aviation yankee qui résistent dans les caves du Kalat El Jambi d’où sortira ce héros qu’est John Walker, le taleb américain. Le terrorisme n’est pas la chose odieuse que vous imaginez avec votre conscience débilitée d’occidental gavé de sornettes, mais le geste même de l’homme contre les robots et le règne infernal de la machine. À ce titre le terrorisme est profondément humain, il restitue le combat dans sa vraie dimension qui est celle de l’affrontement du courage et de la peur. Vous connaissez comme moi la « dialectique du maître et de l’esclave » du grand penseur allemand Hegel. « Est destiné à l’esclavage celui qui préfère la vie à la mort ». Les Américains asservis au Moloch à la machine délirante du libre-échange sont des esclaves qui iront se battre au nom de la liberté et de la justice. Toute la démence de l’affrontement réside là.

Le terrorisme épargne des vies. Ses résultats sont incomparables avec les dommages causés, au contraire de la guerre dite classique qui est dévastatrice. Regardez ce que les champs de ruines que la grande Amérique sème derrière elle, de Berlin à Jénine. Les quelque cinquante sept morts du Drakkar ont certainement épargné après coup un nombre bien supérieur de soldat français en contraignant votre gouvernement à retirer des forces utilisées contre le camp de la justice. Je pourrais en dire autant des trois cent cinquante GI’S tombés au Liban ou des douze commandos tués en 1992 à Mogadiscio. Les Yankees qui avaient perdu une poignée hommes se sont dans les deux cas retirés sans tambour ni trompette. Politiquement, avec une réelle économie de vies humaines, le terrorisme a été payant ! Le coup avait été rude en particulier pour les Français, mais il avait permis d’emporter la décision impensable autrement dans une conjoncture précise. Même si le gain était purement tactique et à court terme.

Revoyez le spectacle des cadavres des marines traînés dans les rues de Mogadiscio. L’événement ultra-médiatisé a déterminé le retrait américain quasi immédiat de Somalie. Bien gérée l’image de la destruction et de la mort peut influencer de manière déterminante les opinions publiques et par contrecoup peser sur les choix des gouvernements, à court ou à long terme. C’est là l’une des faiblesse des démocraties libérales, et nous aurions vraiment tort de ne pas exploiter toutes les failles du système.

Vos démocraties sont ouvertes à un flux d’informations généralement sous contrôle. Lorsque ceux-ci échappent à leurs mentors - heureusement aucune machine n’est totalement parfaite – la panique s’installe et c’est pourquoi vos États ont mis en place tout un arsenal répressif destiné à brider la libre parole, à censurer et à réprimer les déviations de la pensée. L’on voit bien que votre Charte universelle des droits de l’homme n’est qu’un chiffon de papier puisque sans frémir vos législateurs ont multiplié les textes destinés à pénaliser la libre expression. Apparemment l’institution d’un délit d’opinion caractérisé ne gêne personne, grand bien vous fasse ! Vous devriez savoir que la liberté est un bien précieux qui se défend à chaque instant, la liberté est une conquête et une reconquête permanent, mais la liberté, la vraie, celle qui rassemble le faisceau des libertés concrètes, est d’essence révolutionnaire, tout comme la vérité. Or vous ignorez l’une comme l’autre, ce sont à l’évidence pour vous des mots creux, des moyens de manipuler, rien d’autre.

Ici, en France, bien sûr, la censure n’existe pas, mais elle est omniprésente. Vos ligues de vertu idéologiques sont d’ailleurs d’une vigilance sans défaut… Là, il faut quand même rendre un hommage appuyé au savoir faire yankee en matière de conditionnement des foules. La magistrale récupération des victimes du WTC au profit de sa politique expansionniste, entre autre par la mise en scène de la douleur collective, est une manière de grand’œuvre. Tout l’impact symbolique, toute la force cinétique de l’attaque contre des emblèmes majeurs de l’arrogance américaine, convertie en potentiel énergétique pour enclencher la procédure de mise au pas des nations du monde !

Nous avons assisté à un extraordinaire déferlement de pathos, sans retenue, ni pudeur qui a culminé avec la création grandiloquente d’un nouveau culte terroriste de la mémoire un an après, le jour anniversaire de l’Événement. Personnellement, je ne me souviens pas que le cœur de l’Occident se soit arrêté de battre quand la ville de Bhopal fut décimée – plusieurs dizaines de milliers de morts – par les émanations toxiques de l’Union Carbide ! Par contre, à l’heure H, Le 11 septembre 2002, la planète entière, elle, s’est arrêtée de respirer. L’univers entier avait l’obligation expresse de communier dans la douleur et le recueillement au chevet d’une Amérique blessée - dans son orgueil - assassinée sous les coups d’une barbarie sournoise ! Imaginez un seul instant qu’un tel événement soit advenu en Europe, ici en France, croyez-vous que l’Amérique eut en ce cas déclaré un seul instant de deuil ? Quelle rigolade…

Ce que je trouve indécent dans l’exhibition ad libitum de la douleur c’est que l’on en retire la pénible impression que les promoteurs du show essaient d’accréditer l’idée d’une douleur exclusive, inouïe ? D’une souffrance sans pareille, spéciale pour tout dire. Comme si l’Amérique était la seule à souffrir, comme si elle en avait là aussi le monopole ? Les victimes arabes, palestiniennes, irakiennes, les Afghans, toutes les victimes, jaunes, blanches ou noires de l’impérialisme yankee, qu’il soit militaire ou simplement économique, toutes ces victimes dont la vie vaut bien celle de n’importe quel citoyen de la Nouvelle Babylone, sont-elles autre chose que des humains, avec ou sans la citoyenneté « américaine » ?

Que justice soit enfin rendue à toutes les victimes anonymes d’Uncle Sam ! Victimes muettes, victimes cachées, morts inconnus, sans intérêt pour les média, sur lesquels personne en Occident ne se penche pour pleurer, mais victimes bien réelles, dont le poids charnel et spirituel n’est pas moindre que celui, en dollars, des servants d’un capitalisme sans tripes et sans âme. Nous avons mieux à faire que de pleurer sur le bûcher ardent et sur la foire aux vanités des soldats de la tyrannie libérale, soldats sans uniformes certes mais soldats quand même qui étaient à leur poste de combat dans les tours du WTC d’où partent les grands offensives de la guerre économique, celles qui réduisent à néant l’agriculture ou l’industrie de régions entières sur un simple déplacement de capitaux, qui font s’effondrer les cours des matières premières et ruinent des décennies de labeur et d’espoir pour la multitudes sans nombre des victimes tombés au champ d’honneur du libéralisme.

Le 11 Septembre est un choc en retour, mais la capacité du pouvoir américain de récupérer l’événement à son profit, de le retourner, d’en utiliser l’impact émotionnel sur l’opinion internationale, est véritablement très impressionnant. Il y a là des leçons à tirer. L’on comprend mieux que des théories conspirationnistes aient pu se développer immédiatement après l’événement. Selon elles, les attentats auraient été directement préparés ou facilités à l’instigation de certaines factions au sein du pouvoir. Les moudjahidin et Al Al-Qaïda auraient pu ainsi être manipulés à leur insu par des services spéciaux, américains ou israéliens comme le Mossad, ce qui dans l’absolu, n’aurait rien de tout à fait impossible. Je ne crois pas à ce type d’hypothèse farfelue même si l’on peut penser que certains initiés aient pu laisser faire. Dans le prolongement d’une telle éventualité, pourquoi ne pas imaginer alors qu’une faction extrémiste, sioniste et ultra-religieuse, d’inspiration judéo-chrétienne, n’ait lancé une OPA sur le contrôle de l’appareil d’État en profitant de la sidération des institutions consécutive au 11 Septembre ? Si l’on écarte l’hypothèse, pour ma part, sans fondement sérieux, de la conspiration « active », on ne peut pas, malgré tout, complètement écarter l’idée d’une conspiration « passive » mise à profit pour installer au commande les durs, les dogmatiques du rôle messianique de l’Amérique, décidés à instaurer un Nouvel Ordre Mondial, euphémisme désignant l’hégémonie planétaire...

Le 11 Septembre, il doit y avoir quelques centaines de milliers de personnes qui à travers le monde se sont écriées en voyant l’Amérique frappée dans les symboles de son orgueil sans limite : « C’est Pearl Harbor ! ». Nous nous sommes effectivement retrouvés dans le même cas de figure qu’après Pearl Harbor. Or en 1942, les Américains savaient, et ils avaient sciemment laissé faire. C’est en tout cas ce que démontrent nombre de travaux historiques incontestables. Bien évidemment la vérité officielle, celle des manuels d’histoire, est toute autre. Nous sommes au Siècle où la révision permanente des faits historiques à des fins politiques a pris des proportions hallucinantes. Le mythe démocratique se réécrit et s’affine tous les jours, je vous renvoie à Orwell si vous n’avez pas encore compris !

Non seulement le gouvernement américain « savait », mais il avait tout fait pour mettre le Japon le dos au mur, pour le pousser à la guerre. L’histoire officielle cache honteusement la hantise qui habitait alors les dirigeants et les populations américaines de retomber dans la grande crise de 1931-1933. À partir de 1937, le spectre de la récession se dresse à nouveau et seule la déclaration de guerre de l’Angleterre puis de la France, à l’Allemagne - n’oubliez pas que c’est vous qui avez pris l’initiative de la conflagration planétaire pour voler au secours d’une Pologne dont le sort ne vous préoccupera pas beaucoup au cours des cinquante années suivantes - va permettre à l’Amérique de relancer de ses industries d’armements et de s’arracher du gouffre de la récession où elle allait replonger. Cela c’est l’histoire vraie, pas celle de vos télés, mais c’est une histoire honteuse donc une histoire condamnée à mourir de la mort du silence et de l’oubli.

Sortez-vous enfin de la tête tous ces clichés débiles qui fabriquent la légende dorée du rêve américain : les États-Unis moins que tout autre État n’agissent par pur idéalisme, par principe ou pour des raisons morales. Ceci c’est de la foutaise. L’Amérique n’avait aucune raison morale d’intervenir au cours de la Seconde Guerre Mondiale en Europe et dans le Pacifique. Les droits de l’homme ne sont qu’un habillage, habile sans doute, mais un habillage et rien d’autre, un argument de propagande noire à l’usage de foules affolées par la rhétorique de la peur. Après Pearl Harbor la psychose d’un débarquement japonais sur les côtes californiennes a été soigneusement entretenue, il fallait chauffer à blanc l’opinion américaine pour lui faire accepter la guerre et ses sacrifices. Cela ne vous rappelle rien ? L’épisode de l’anthrax après le 11 Septembre, la peur rampante de l’attentat soigneusement cultivée, la menace cachée des réseaux islamistes, Al Al-Qaïda ourdissant ses coups dans l’ombre des minarets … Cela aussi c’est du terrorisme. Du terrorisme à usage interne destiné à faire souffler le vent de panique et de haine sans lequel il ne saurait y avoir de choc des civilisations… Une véritable culture de la peur s’est installée chez vous depuis une année et la « menace irakienne » est aujourd’hui à ce point martelée, répétée jusqu’à la nausée qu’elle semble incontestable, qu’elle est devenue une vérité première, une évidence. La litanie des mots suffit à créer ex nihilo une réalité motrice ! Mais où est-elle cette menace introuvable ? Officiellement, depuis 1998, le « nucléaire » irakien devait, selon les instances internationales, passer sous « contrôle continu »... ?

Ce n’est pas moi qui le dit mais les rapports officiels de « vos » experts. Je ne l’ai pas inventé et cela « vos » dirigeants, ceux qui vous mentent à longueur de temps, qui ont menti sur leurs intentions en faisant de l’esbroufe au Conseil de Sécurité, vos gens de pouvoir qui sont acquis à la guerre depuis toujours - partez du principe, sinon vous ne saisirez jamais rien, qu’ils sont aux ordres – ces gens-là savent depuis des années à quoi s’en tenir quant à la réalité de la menace irakienne. Parce qu’enfin pourquoi ces « crétins » d’inspecteurs des Nations Unies ne parviennent-ils pas à trouver le moindre petit tube de VX ? La moindre petite centrale de retraitement d’uranium ? Pourquoi ces « incapables » se sentent-ils obligés de courir dans tous les sens comme des agités du bocal, s’ils ne trouvent rien ? Trouvez-vous même la réponse.

Pour conclure sur la question de la guerre du Pacifique, la provocation avait été bien montée afin que l’impérialisme yankee puisse affronter l’expansionnisme nippon, sous couvert de défense de Liberté et de Justice. Il s’agissait en réalité de fuir sous le vent de la crise et de la peur de l’éclatement du consensus américain qui risquait de s’ensuivre, peur de la récession qui poussait l’Amérique à une fuite en avant dans la guerre et à l’extension de son empire en Asie. Ce qui fut fait. Dois-je parler du partage du monde et de l’Europe conclu à Yalta entre Roosevelt et Staline ? De la même façon, il s’agit à présent de sauver le système américain menacé d’effondrement, miné par la récession. Celle-ci est devenue de nos jours une composante « structurelle » du cauchemar américain… j’ai bien dit « structurelle, » parce que la puissance financière des États-Unis s’est bâtie sur les marécages entre autres des junks bonds et cet édifice ne tient que par les vertu d’un mirage. Aux États Unis, les seuls noyaux durs sont ceux du fameux complexe militaro-industriel. Rien d’autre !

La théorie des cycles économiques, celle de Kondratieff par exemple, a été trop oubliée. Karl Marx avait bien vu l’inéluctabilité des crises d’un système capitaliste prisonnier de ses contradictions structurelles. L’impérialisme est, on le sait, l’une des voies obligées, si ce n’est la seule, pour tenter d’échapper à cette fatalité génétique qui impose des cycles de destruction, de guerre et de reconstruction. Tant que l’on ne sera pas sorti de ce cercle infernal une « part maudite » des ressources humaines et matérielles sera périodiquement vouée à la destruction massive. Vous devriez ouvrir les yeux : vous, occidentaux, bénéficiaires de ce système, vous êtes les agresseurs et non pas les « autres ».

Finalement les scandales financiers qui secouent les places américaines ne sont que l’un des symptômes de la maladie incurable qui ronge le capitalisme. Mais ces symptômes, vos médecins de l’économie ne les reconnaissent pas et comme le Monsieur Purgon de votre divin Molière, qui avait su si bien épingler les vices de la bourgeoisie montante, ils vont psalmodiant « le poumon, le poumon » autrement dit « le pétrole, le pétrole, Saddam , Saddam ». Et de pousser les Irakiens ou les Palestiniens à la faute pour qu’eux-mêmes offrent les prétextes utiles à de nouvelles guerres, à de nouvelles déportations, en clair à des politique d’ethnic cleansing et de balkanisation du monde arabe. Le prédateur américain ne saurait tolérer d’obstacle - et là on ne peut vraiment pas parler de concurrents - même à échelle régionale…

Demain, dans un mois ou dans un an, si pour contrer l’offensive anglo-saxonne, les Irakiens devaient recourir à des armes interdites par les Conventions de Genève, les Américains auraient alors beau jeu de dire « Vous voyez, ils en avaient, nous avions raison de vouloir mettre au pas et désarmer cet État terroriste ». Terrorisme créé de toutes pièces et qui aura permis de justifier a posteriori des tueries à grande échelle. Qui menace qui ? Ce sont les champions de la liberté et de l’ordre qui menacent à présent ? Qui détient des réserves fabuleuses d’ADM, nucléaires, bactériologiques et chimiques sans que la Communauté internationale ait un mot à dire ? L’Amérique et Israël ont annoncé leur intention de recourir à l’arme atomique si Saddam Hussein avait l’outrecuidance de se défendre. Mais l’usage qu’ils peuvent faire feu nucléaire ne peut être qu’un « bon usage » puisque c’est pour une « juste cause » !

Depuis douze ans et sur tous les tons on nous a seriné dans les média et à longueur de discours vengeurs que les Irakiens sont les méchants - chacun sait que les méchants, ne méritent pas de vivre – que la destruction de ce régime dictatorial constitue par conséquent un impératif moral ; que l’élimination d’un chef d’État qui fait le malheur de son peuple est un devoir envers l’humanité souffrante - à ceci près que c’est surtout l’embargo « américain » qui a été jusqu’ici génocidaire et non le pouvoir. Il s’agirait de remettre les choses à l’endroit, de tuer les hommes de Saddam en direct, comme à longueur de jeux virtuels ou de super-productions hollywoodiennes, serait un bienfait pour la civilisation et la paix dans le monde ! Le GI de base est donc parfaitement habilité à tuer sans limite et sans remord dans l’accomplissement de son « devoir », bombarder, napalmiser dans un mépris souverain de la vie humaine et dans la bonne conscience la plus totale… Deo gratias !

Et vous, comment acceptez-vous, comment tolérez-vous cette morale à double standards ? Ce qui me répugne aujourd’hui dans l’ « Amérique » imprégnée de puritanisme, c’est son ignominie morale, son hypocrisie, sa mauvaise foi, son art consommé du mensonge au nom de la morale. Au moins les grands conquérants, les Alexandre, les Césars, les Genghis Khan, Timour le Boiteux, Napoléon ou Hitler, ne se cachaient pas derrière l’idée d’accomplir le « Bien » Ils avaient la grandeur de leurs appétits, leur voracité se déployait sans fard. D’une certaine façon elle en était « honnête », intellectuellement acceptable, presque honorable en comparaison de ce que j’appellerai la Tartuferie perverse de l’Amérique judéo-chrétienne. La soif inextinguible de domination, le monstrueux appétit de puissance de ces hommes de proie, ne se donnaient pas pour autre chose qu’un absolu esprit de conquête. Ils n’essayaient pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, de nous prendre pour des imbéciles en un mot de bafouer l’intelligence, vous diriez de pécher contre l’esprit. Remarquez, je me demande bien jusqu’où peut aller l’empire du mensonge.

Concernant l’Irak, quasiment plus personne ne croit depuis longtemps à sa capacité nucléaire, sauf les gens très ordinaires qui sont les esclaves des média et qui en restent peut-être convaincus. Le doute s’insinue cependant par le canal de l’inquiétude diffuse qui accompagne la montée en puissance des menaces. Je crois d’ailleurs –est-ce un signe particulier de mon optimisme ? – que dans certaine situation, sous l’effet galvanique des événements, le bon-sens reprend le dessus, chez l’humain le cerveau reptilien se réveille et il donne l’alerte. La peur rend lucide et inconsciemment le cheptel pressent l’abattoir. La IIIe Guerre Mondiale n’est pas loin, juste, à peine derrière la ligne d’horizon. Mais les masses occidentales ont beau renâcler leurs bons pasteurs les poussent fermement vers l’équarrissage, au nom de la liberté, de la démocratie, pour protéger les mères « américaines » (mais pas les autres, bien entendu), « garder » la liberté des femmes et « sauver » les enfants, prétendument arrachés à des couveuses, toutes virtuelles, par la soldatesque de Saddam. Ces pseudo événements auraient fait fondre en larmes Bush senior alors qu’il priait à genoux, parce qu’il aurait ignoré, en ce mois de janvier 1991, s’il devait attaquer l’Irak ou non !

Ces larmes hypocrites de crocodile font leur effet dans les chaumières. Peu importe que le mensonge et la supercherie soient découverts après coup, la vérité ne sera jamais connue que de groupes ultra restreints d’intellectuels, de publicistes, d’experts sans audience qui craignent tous plus ou moins pour leur gagne-pain, milieux étroits où les faits vrais resteront confinés jusqu’à leur effacement définitif. En attendant l’effet désiré aura été obtenu sur les masses, tétanisées qui accepteront sans broncher tous les conflits. Et si elles se cabrent, il est trop tard, la machine est lancé et plus rien ne peut l’arrêter. Le mensonge est opérationnel à un moment X, qu’il soit ensuite démasqué n’a aucune espèce d’importance, il aura joué son rôle dans la guerre de l’information, qui est celle de la conquête des esprits. C’est le préalable et l’accompagnement obligé de tout conflit de quelque ampleur, quelle qu’en soit la forme ou la nature.

La dimension d’un conflit psychologique, la maîtrise de ce champ de bataille qui n’a rien de virtuel est essentiel. L’Irak pour l’avoir compris trop tard à perdu du temps et du terrain, que les bons offices de la France, de la Russie et de la Chine ne lui jamais permis de combler. L’autarcie intellectuelle et mentale est mortelle. Il ne s’agit pas de se draper dans sa dignité, son orgueil ou son droit pour se défendre efficacement. Et dans cette guerre psychologique, qui va bien au-delà de la simple propagande fût-elle de guerre, l’initiative est payante même si elle demeure aléatoire, parce que « dialectique ». L’électrochoc du 11 Septembre a révélé au monde le potentiel de haine accumulé contre l’Amérique dans sa dimension impérialiste (personne ne hait les « Américains » en tant que tels ou individuellement). La souffrance de l’Islam est jetée à la face du monde par le sacrifice impétueux et grandiose de nos moudjahidin. En contrepartie, l’ « Amérique » saisit là un prétexte à la mesure de ses ambitions hégémoniques pour tétaniser la communauté internationale, par ses plaies morales, physiques et ses blessures symboliques et se lancer à l’assaut des territoires Sud de l’Eurasie.

C’est pourquoi j’insiste sur le caractère dialectique de l’arme terroriste, lame à double tranchant, dont les effets, chacun le sait sont essentiellement publicitaires et psychologiques. Ils font infiniment moins de morts que vos suicides, vos accidents domestiques, ceux de la route ou les erreurs de diagnostic à l’hôpital. Le terrorisme est une arme de pauvre, mais une arme non technologique, en ce sens que la techniques est secondaire par rapport à ses effets sur l’esprit : il s’agit de bombe mentale. Mais ce sont les esprits qui sont touché, l’imaginaire, les peurs archaïques. Comment voulez-vous que dans cette guerre des riches contre les pauvres , cette guerre des gueux, on n’utilise pas les seules armes qui soient à notre portée, celles qui font mal et qui déstabilisent l’adversaire. Ceux qui dénoncent la possession d’ADM sont ceux qui veulent en conserver le monopole, comme le chasseur traque le renard parce qu’il en veut l’exclusivité sans partage, absolue, le refus de tout partage sur le territoire qu’il s’est attribué.

Huxley avait imaginer la fabrication de zombies hédonistes grâce à l’hypnopédie. Il était loin de la vérité. La réalité est presque toujours au-delà de l’imagination et de la fiction, et la réalité est que l’homme actuel depuis son enfance se gave volontairement de conditionnement. Il se goinfre sans frein de ces excréments d’ « art » avec une délectation sans nom de tous les sous-produits de la sous-culture audiovisuelle. Le marché le lui présente sous jaquette d’apparat, gonflé à coups d’effets spéciaux et abruti des rythmes synthétiques de la techno… Le conditionnement commence par cette bouche d’égout que chacun plante au milieu de son foyer, ce cyclope qui vous aveugle de toutes les ignominies morales d’une Amérique qui s’arroge la prétention de combattre au nom du Bien et d’un Dieu qui serait son monopole…

S’attaquer à des symboles forts. La terreur est essentiellement psychologique : le cadavre d’un marine traîné à travers les rues de Mogadiscio fait plus d’effet que toutes les victimes d’un tremblement de terre. Le rendement politique est énorme. De toutes façons le terrorisme est une arme imposée. Le choix des armes n’est pas donné au faible, c’est le fort qui choisit. Sauf à se soumettre, il faut recourir à l’embuscade, c’est une forme de guerre qui a toujours existé. Nous n’avons pas à nous plier à des règles qui ne sont pas les nôtre. Il n’y a pas d’un côté une guerre propre, avec des frappes chirurgicales, qui fait chic dans les compte-rendus d’opérations et dont l’humanité ne tient que par le trucage des mots, et de l’autre, une guerre immonde, lâche, moralement condamnable. Il faudra d’ailleurs m’expliquer longtemps ce qu’il peut y avoir de lâche à se rendre volontairement et consciemment à un rendez-vous avec la camarde. Chez vous, quand ce sont les vôtres, vous on les appelez des héros, chez nous ce sont des chouhada, des martyrs, mais pour nos ennemis ce sont moins que des hommes, ce sont des « terroristes ». Comme sont « des terroristes » pour M. Rumsfeld, ceux qui aujourd’hui « ne respectent pas les lois de la guerre » en harcelant au prix de leur vie les colonnes blindées qui montent vers Bagdad. Selon les critères de l’ « Amérique » puritaine est par conséquent « terroriste » celui qui ose défendre son pays contre l’envahisseur… Telle est « votre » morale !

Les moyens doivent toujours être proportionnés à l’objectif. Tuer des innocents n’a rien d’agréable, mais cela devient très vite une faute, un péché et un crime sans justification par un but supérieur. Non seulement la guerre n’est pas « propre », sauf dans la propagande des « maîtres », mais elle n’est pas non plus « morale », même si elle est juste. Le recours à la violence reste toujours un pis-aller, la guerre ne survient que lorsque toutes les ressources de la négociation, du politique et de la diplomatie ont été épuisées. On fait la guerre la mort dans l’âme, car ce n’est pas un jeu mais un mal nécessaire...

Voir en ligne : Lire avant la troisième partie

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