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Au-delà de l’Iran

Un peu de prospective géopolitique

mercredi 18 décembre 2013

M. Hollande, sa suite et sa cour, viennent de nous faire savoir qu’ils n’honoreraient pas de leur présence, en Russie, au bord de la Mer Noire, la cérémonie inaugurale des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en février prochain. Grand bien leur fasse. D’ailleurs les groupes terroristes islamistes du Caucase sud – dont certains membres servent avec beaucoup de zèle la cause de la démocratie dans les ruines des villes syriennes - n’ont-ils pas d’ores et déjà annoncé leurs intentions de s’inviter ? Quelques attentats à la bombe, des vrais, des saignants, pas des bidonnés comme à Boston, seraient à cette occasion du meilleur effet. En attendant prenons un peu de hauteur de vue et survolons l’avenir de cette région épicentre de bien secousses à venir. On le voit assez en Ukraine, désormais écartelée entre Moscou et Bruxelles avec le choix entre une Union douanière économiquement fructueuse et de l’autre un conglomérat étatique en en quasi faillite mais zone phare dans la promotion du « mariage pour tous » ! Plus prosaïquement notre intérêt se centrera ici sur les grandes transformations qui ont touché, ou touchent aujourd’hui, le monde arabo-musulman… de l’Atlantique à la Mer d’Oman et plus spécifiquement sur le processus de démantèlement des États-Nations né à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Morcellement qui s’annonce et s’amorce sous nos yeux et dont les prémisses nous sont données à voir à travers les guerres et les crises récurrentes qui les accompagnent ou les précédent comme en Irak, au Soudan et en Syrie et bientôt au Caucase ou à ses abords immédiats, en Ukraine par exemple, pays menacé d’éclatement sous l’effet des tensions contradictoires dont il est aujourd’hui l’infortunée victime.

Si les empires coloniaux disparaissent au cours des deux décennies qui suivent la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les tutelles occidentales établies au XIXe siècle sur les terres de l’Empire ottoman en raison de son déclin, ou directement à partir de 1919 et de son démembrement, se transforment et prennent très vite dans la seconde moitié du XXe siècle le visages d’alliances. Chacun à en mémoire le Pacte du Quincy passé en février 1945 entre Ibn Séoud et Franklin Delano Roosevelt. Mais après avoir promu et soutenu autrefois les nationalismes arabes contre la Porte, l’heure est aujourd’hui venue de diviser à nouveau pour « régner », autrement dit de maintenir voire de consolider l’influence antérieurement acquise dès le XIXe siècle sur les états « vassaux » des grandes puissances occidentales, mais aujourd’hui par d’autres voies et moyens… une influence tutélaire, certes moins visible, moins directe, mais tout aussi prégnante, au sens contemporain. Au demeurant, avec le crépuscules des États-Nations, vient désormais le temps des agrégats fédératifs ethno-confessionnels d’où nul pôle de puissance ne devrait plus être susceptible d’émerger.

Car il n’y a point de destruction sans recréation, ce pourquoi ce bref tour d’horizon observe d’abord la recomposition des États candidats au démembrement programmé, cela en vue de la reconstruction de nouveaux sous-ensemble régionaux… au premier rang desquels un Grand Kurdistan, un Grand Azerbaïdjan absorbant le Haut-Karabagh et l’Arménie, ce dernier nouvel ensemble recomposé venant en contrepoint oriental de la Grande Albanie sur les marches de l’Europe et base de projection de puissance américaine vers le bassin de la Mer Caspienne et l’Asie centrale.

En ce qui concerne proprement dit le Caucase sud, celui-ci s’inscrit au final dans un vaste dispositif s’échelonnant depuis la mer Baltique jusqu’à l’Afghanistan via l’Europe orientale (Pologne, Tchéquie, Hongrie), destiné à établir sur le Rimland des positions verrouillant la masse continentale eurasiatique (Russie et Chine) tout en permettant d’encercler l’Iran avec lequel toute confrontation directe semble pour l’heure exclue… au moins de la part des États-Unis très occupé par la montée de tensions préoccupantes en Mer de Chine et en Mer Jaune.

La recomposition du Proche Orient et de l’Europe Orientale – lieu de projection de la puissance atlantiste vers le Caucase et l’Asie centrale avons nous dit, avec le Camp Bondsteel au Kosovo, la plus grande des bases militaires américaines à l’étranger – va donc s’axer autour de trois pôles d’accrétion : la Grande Albanie, le Grand Kurdistan et le Grand Azerbaïdjan. Une reconfiguration géographique qui, rappelons-le, s’inscrit dans une grande stratégie de contention [endiguement] du bloc continental eurasiatique sino-russe. La Grande Albanie est en bonne voie, reste cependant la question épineuse de la Macédoine et de l’Épire. Quant au Grand Kurdistan, si cette perspective apparaît comme plus lointaine, la partition de facto de l’Irak, la guerre de Syrie semblent maintenant fortement jouer en sa faveur et même lui conférer un début d’existence… ne seraient les divisions, tribales et politiques, internes aux peuples kurdes eux-mêmes qui constituent autant d’obstacles, et de taille.
 
Cependant la Turquie étant fort jalouse de son intégrité territoriale, elle ne devrait pas, même à long terme se laisser pas amputer des ses provinces de l’est sans contreparties substantielles… Contreparties qui pourrait être, entre autres, consister en l’attribution d’un rôle dominant (notamment en raison de son poids démographique et de son dynamisme économique), au sein d’un ensemble européen débordant largement sur l’Asie Mineure et le Bassin de la Mer noire… en Géorgie et en Ukraine bien entendu ! Une relative « partition » de la Turquie actuelle - en fait une redistribution territoriale - dans le cadre d’une Fédération sous-continentale, apparaît dès lors comme beaucoup moins utopique.

Mais nous sommes évidemment là dans le domaine de la pure prospective. Reste un Grand Azerbaïdjan qui absorberait le Haut-Karabagh et empiéterait largement sur la République islamique d’Iran appelée à se morceler selon les vœux des islamo-marxistes de l’Organisation des Moudjahidin du Peuple d’Iran basés à Auvers-sur-Oise… hier terroristes aujourd’hui grands amis du camp occidentaliste, de Washington à Bruxelles via Londres, Tel-Aviv et Paris.

On voit immédiatement l’intérêt géostratégique d’un Iran sans bras ni jambes, dont la province d’Azerbaïdjan orientale et le Kurdistan auraient été retranchés à l’Ouest, et amputé à l’Est du Baloutchistan et des zones Kurdes – déplacés au XIXe siècle - des marches orientales, enfin au sud privé des riches champs pétroliers du Khouzistan [Arabistân]… Un tel Iran éclaté ne présenterait plus la moindre menace pour quiconque et pour le millénaire à venir.
 

Léon Camus 17 décembre 2013

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