Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, Daech est un monstre ayant échappé à ses géniteurs. Mais qui sont les docteurs Frankenstein qui ont enfanté cette entité infernale ? La réponse est bien simple : les gouvernants que nous, Américains, Français, Anglais, Allemands avons démocratiquement élus... suivant les lois d’airain de la partitocratie et le règne absolu des minorités agissantes. Les Obama, les Sarkozy-Hollande, les Cameron, les Merkel qui, la bouche en cœur, nous exaltent à la vertu humanitarienne de l’accueil massif de jeunes hommes qui, lorsqu’il ne sont pas de simples envahisseurs économiques, n’ont pas seulement fui Daech, mais ont surtout déserté les rangs des forces régulières de la République arabe de Syrie. C’est dire qu’en vérité peu leur chaut de voir leur pays soumis à la tyrannie takfiriste pourvu qu’ils sauvent leur misérable carcasse pour venir se vautrer dans la vaste maison de tolérance qu’est devenue l’Europe post-chrétienne.
Quant à l’armée régulière dans laquelle ils refusent de combattre, elle ne meurt pas seulement pour sa propre peau, pour celle de Bachar, celle des chiites iraniens et libanais - la pire des engeances mécréantes parmi les koufr, les kafir - mais pour et avec ses minorités chrétienne, alaouite, druze, et finalement pour nous, Français et Européens confits en hédonisme. L’armée arabe syrienne, au-delà des arguments de pure propagande, connaît en effet son Bataclan quotidien pour protéger chez nous une Liberté dont nous ne faisons pas toujours le meilleur usage. À ce titre la jeunesse syrienne, toutes confessions confondues, mériterait notre reconnaissance. Au lieu de quoi M. Védrine, candidat à la succession du ministre failli Fabius, fait auprès de ses tuteurs néocons de la surenchère, exigeant le départ d’el-Assad comme préalable obligé à toute recherche d’un accord de sortie de crise négocié entre Washington et Moscou, Paris comptant pour du beurre [1]. Car comme à leur habitude les Judéo-protestants anglo-américains veulent une reddition sans condition, autrement dit la capitulation en rase campagne du Baas syrien et l’éviction d’el-Assad, clef de voûte de l’unité nationale. Ceci pour mieux se tailler la part du lion et dépecer l’adversaire qui aurait eu l’inconséquence de se remettre entre leurs mains. Parce que c’est bien de cela dont il s’agit, du démantèlement, sur des bases ethniques et confessionnelles, de la Syrie divisée entre Sunnites, Kurdes, Alaouites, Chiites, Druzes… les Chrétiens étant réduit à la portion congrue, en un mot à rien, nada. Les Chrétiens n’existent pas puisque l’objectif les concernant est leur évacuation complète du Machrek. Le processus est bien engagé depuis 1915 et le génocide des Arméniens perpétré par les Jeunes Turcs, faux laïcs mais vrais Dönmeh, puis par leur digne successeur, Mustapha Kémal dit Atatürk, politique prolongée jusqu’à très récemment au motif de lutte contre les irrédentistes Kurdes du PKK. De fait, les ultimes villages chrétiens de la frontière irako-turque avaient fini d’être éradiqués à la fin des années quatre-vingt. Depuis vingt-cinq ans maintenant, ce sont les Assyro-chaldéens, les Syriaques, les Grecs orthodoxes, les Nestoriens etc. qui ont été chassés d’Irak puis de Syrie. Soulignons que la promesse biblique du Grand Israël ne se conçoit que sur l’arasement des anciennes cultures, de Palmyre à Der ez-Zor via Mar Benham, bref l’effacement du Christianisme de la page du Temps…
Comprenons à ce titre que cette guerre est proprement civilisationnelle et que la Syrie en est l’épicentre [2]. Sur les terres de l’antique Pays Cham, Bilad el-Cham [le Levant ou Grande Syrie comprenant la Jordanie, le Liban, la Palestine], se trouvent à présent confrontés deux Blocs antagonistes, l’Eurasie (Russie/Chine) et la thalassocratie euratlantiste (É-U/RU/UE). D’un côté, la nouvelle Russie qui opère un retour marqué à la tradition orthodoxe face à l’idolâtrie conquérante du monothéisme du Marché et de son allié wahhabite acoquinée à une Union européenne déliquescente et apostate. Au milieu de cette rencontre entre Gog et Magog, la Syrie héritière - par son parti dirigeant le Baas - des fascismes des années Trente. Entendons par là une doctrine politique, sociale et nationale - et non l’insulte facile mise à toutes les sauces - associée au panarabisme des années cinquante. Quatre années de guerre internationale et faussement civile ont apparemment permis de purger en partie le Baas syrien de son clanisme, de ses scléroses et de sa corruption pour en faire l’élément moteur d’une union patriotique cimentée par le sang des martyrs, les soldats de toutes confessions tombés pour endiguer la barbarie des islamistes, qu’ils soient de l’État islamique, d’al-Nosra [3] ou de l’Armée syrienne libre qui tous rivalisent en barbarie. Ce que veut ignorer le Quai d’Orsay, les Services de renseignement, la grande presse, toutes institutions et Ve pouvoir qui bien entendu ne mentent jamais.
Parce qu’il faut cesser de penser que nos dirigeants soient de fieffés imbéciles qui ne verraient pas où se situe l’intérêt premier de la Nation, cela en donnant la primauté par exemple à des visées plus hautes, à commencer par la construction d’un Empire transatlantique… lequel se dessine de plus en plus précisément à travers le TAFTA, Traité transatlantique de libre-échange. Constitution de super blocs de puissances et satellisation de l’Europe autour du double soleil de part et d’autre de l’Atlantique Nord, l’un siégeant à la Cité de Londres, l’autre dans l’île de Manhattan. Des conglomérats comme prélude à une gouvernance mondiale et à l’avènement d’une République universelle, un Moloch à dimension planétaire. Concrètement force est de constater que là où passe le rouleau compresseur de la Démocratie en marche, il ne reste bientôt que ruines et dévastation selon les préceptes de la théorie du « chaos constructif » développée en 2002 au sein de l’American Enterprise Institute [4]. Stratégie de domination appliquée en Irak au printemps 2003 et préconisée officiellement et sans complexe à partir de 2005 par la Secrétaire d’État américaine Condolezza Rice dans le cadre d’une reconfiguration générale de l’aire islamique du Pakistan à la Maurétanie [Greater Middle East Initiative]. Un plan mit en œuvre au vu et au su de tous les initiés, connu et documenté au sommet des Nations Unies mêmes, projet qui constitue l’explication élémentaire de la situation de guerre en Irak, en Syrie, au Yémen et bientôt en Arabie. Dernier élément au Levant du jeu de dominos et dont la dénonciation de son soutien à Daech se fait ces jours-ci de plus en plus présente dans les médias… pourtant hier encore très muets à ce sujet.
Et puisque « La France est en guerre », dixit M. Hollande, la question se pose maintenant de savoir si les attentats de Paris ne serviront pas de prétexte au lancement d’une intervention terrestre de l’Otan en Syrie… ce que préconisent d’ailleurs quelques sénateurs américains suggérant que la France, attaquée sur son territoire, et à ce titre devrait invoquer l’article V du Pacte atlantique [5]. En principe pour annihiler l’État Islamique, mais plus sûrement dans le but de redonner l’avantage aux « terroristes modérés », supplétifs syrien de l’ASL et mercenaires d’Al-Nosra, alliés de la coalition occidentalo-arabe que les États-Unis viennent de doter des moyens de guerre anti-aériens de contrer l’action russe. En clair de faire pièce à l’avantage conventionnel de la Fédération de Russie en faisant peser sur elle la menace bien réelle d’une destruction dans les airs de sa flotte de combat [6]. L’on voit dans cette surenchère que le but effectif de la camarilla atlantiste n’est pas la destruction de la menace terroriste mais bien de parvenir à ses fins premières, à savoir la dislocation complète du Levant et de la Péninsule arabique, des sources de l’Euphrate à la Mer Rouge.
Léon Camus 22 novembre 2015