La loi comprend deux volets : le premier concerne les mesures de lutte antiterroriste, le second le renseignement.
Les mesures de lutte antiterroriste
Le texte pérennise quatre mesures de police administrative de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT, qui a pris le relais de l’état d’urgence instauré à la suite des attentats de Paris et de Saint-Denis de novembre 2015. Il s’agit des périmètres de protection, de la fermeture des lieux de culte, des mesures individuelles de contrôle et de surveillance (MICAS) et des visites domiciliaires. Ces mesures étaient soumises à une expérimentation qui a été récemment prolongée par une loi du 24 décembre 2020 jusqu’au 31 juillet 2021.
Elles sont complétées en particulier par :
- la possibilité de fermer des lieux dépendants d’un lieu de culte fermé ;
- l’extension jusqu’à deux ans cumulés - au lieu d’un an - des mesures administratives de surveillance (MICAS) pour les sortants de prison condamnés pour terrorisme à une peine de prison de cinq ans ou plus (trois ans en cas de récidive).
Cet allongement à deux ans a été censuré par le Conseil constitutionnel compte tenu de la rigueur des obligations et interdictions pouvant être prononcées à l’occasion d’une telle mesure ;
- la création, pour ces mêmes sortants de prison, d’une « mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion ». Elle concernera des individus particulièrement dangereux. Elle pourra être décidée en l’absence de mesure de suivi judiciaire. Sa durée sera d’un an maximum, renouvelable dans la limite de cinq ans.
Cette nouvelle mesure de sûreté sera prononcée en fin de peine par le tribunal de l’application des peines de Paris sur réquisition du parquet national antiterroriste. Elle doit remplacer les mesures de sûreté voulues par la loi du 10 août 2020, dite Braun-Pivet, que le Conseil constitutionnel a censurées. Elle impliquera notamment une obligation de prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique.
Toujours au titre de l’arsenal antiterroriste, les préfets et les services de renseignement seront destinataires des informations sur les soins psychiatriques sans consentement (fichier HOPSYWEB) des personnes radicalisées qu’ils suivent. Avant la loi, ces informations étaient limitées au préfet du lieu d’hospitalisation.
Un amendement des députés a maintenu et enrichi le rapport annuel remis au Parlement par le gouvernement sur l’application des mesures antiterroristes (gel des avoirs, interdiction de sortie du territoire, mesures judiciaires préventives...).
Les mesures sur le renseignement
La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement est révisée pour tenir compte de l’évolution des technologies et des modes de communication utilisés par les terroristes. Les services de renseignement disposeront de nouveaux moyens de contrôle, en particulier la possibilité à titre expérimental d’intercepter des communications satellitaires.
La technique dite de l’algorithme, expérimentée depuis 2015 et autorisée jusqu’au 31 décembre 2021, est pérennisée. Cette technique permet un traitement automatisé des données de connexion et de navigation sur Internet, grâce à la coopération des fournisseurs d’accès. Cette surveillance algorithmique est étendue aux adresses (URL) de connexion. Les députés ont imposé au gouvernement la remise au plus tard mi-2024 d’un premier bilan sur la surveillance des URL.
Le cadre de la conservation des données de connexion par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d’accès à internet et hébergeurs est réformé. La loi tire les conséquences de la décision « French Data Network » du Conseil d’État du 21 avril 2021.
Le contrôle préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) pour l’ensemble des techniques de renseignement sur le territoire national est renforcé. Un caractère contraignant est donné à ses avis. Une exception est prévue en cas d’urgence.
Le texte fluidifie, tout en les encadrant, les partages de renseignements et d’informations entre services de renseignement et par les autorités administratives. Les députés, par amendement, ont apporté des garanties supplémentaires au partage d’informations des autorités administratives aux services de renseignement à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet 2021 (n°2021-924 QPC)(nouvelle fenêtre).
Des amendements des députés ont renforcé les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement.
Le brouillage des drones est autorisé, pour prévenir les menaces lors de grands événements ou à l’occasion de certains convois ou en cas de survol d’une zone interdite.
Un article 25 (ex 19) réforme l’accès aux archives classées secret-défense. L’accès à ces archives au bout de 50 ans est généralisé à des fins d’études et de recherches mais le champ des exceptions au délai de 50 ans pour les documents les plus sensibles est élargi. Certains documents ne pourront être accessibles au public qu’après leur « perte de valeur opérationnelle ». Des amendements des parlementaires ont exclu de l’allongement des délais prévu par la réforme les documents déclassifiés qui sont aujourd’hui librement communicables (par exemple sur la guerre d’Algérie) et les documents ayant fait l’objet d’une ouverture anticipée de fonds d’archives publiques.
Le Conseil constitutionnel a énoncé deux réserves d’interprétation sur cet article. Il a jugé qu’il ne peut pas s’appliquer à des documents dont la communication n’a pas pour effet de révéler une information jusqu’alors inaccessible au public. L’autre réserve concerne l’accès aux archives intéressant des installations nucléaires ou militaires.