À quand la démocratisation des camions électriques ?
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Où en est le marché des poids lourds électriques ?
Si le marché des voitures électriques est en plein boom, celui des poids lourds est encore à l’arrêt. En raison de très nombreuses contraintes (bornes de recharge, autonomie, prix, etc.), les camions électriques peinent encore à s’imposer, aussi bien en France qu’en Europe. Pourtant, leur nombre devrait rapidement augmenter afin de répondre aux nouvelles réglementations et de réduire les émissions de polluants du secteur du transport de marchandises.
L’électrification indispensable du transport de marchandises
Alors que le transport représente 31 % des émissions françaises de gaz à effet de serre (GES), le secteur a l’obligation de se transformer pour respecter les futures réglementations, comme le prouve d’ailleurs l’essor du marché des voitures électriques. Pourtant, un axe de travail est rarement mis sur le devant de la scène : l’électrification du transport de marchandises. Bien que l’on en dénombre uniquement 680 000 en France (incluant les bus et les cars) et qu’ils ne représentent que 6 % de la circulation et 2 % du parc routier, les poids lourds sont responsables de 22 % des émissions du secteur du transport en 2019 (1).
La situation est d’autant plus alarmante que les émissions de GES n’ont de cesse d’augmenter depuis des dizaines d’années. Alors que les émissions du secteur du transport ont progressé de 9 % entre 1990 et 2019, elles ont diminué de 28 % pour l’ensemble des autres secteurs, preuve des changements qu’il est possible d’opérer. Quant aux seuls poids lourds, leurs émissions ont bondi de 11 % sur la même période, tandis qu’elles ont même augmenté de 35 % pour les utilitaires (1). Dans ces conditions, le développement des camions électriques semble indispensable, tout comme celui d’autres formes d’énergie plus « propres » (hydrogène et gaz naturel). C’est d’autant plus vrai que les transporteurs ont à présent l’obligation de communiquer sur les émissions de CO2 engendrées par leur activité (2).
Des camions électriques qui peinent à se démocratiser
Si 9 Français sur 10 souhaitent rouler plus propre, le virage électrique est encore difficile à entreprendre pour les transporteurs. Parmi les 305 320 camions réalisant du transport de marchandises dénombrés au 1er janvier 2020 en France, 99 % disposaient encore d’une motorisation diesel. A contrario, les poids lourds électriques représentaient moins de 0,1 % du parc, soit un peu plus de 3 000 véhicules seulement (3). Une goutte d’eau dans l’océan en somme.
Pour l’heure, l’électrification des camions semble d’ailleurs éprouver des difficultés à s’accélérer. La preuve en est que seulement 187 poids lourds neufs 100 % électriques ont été immatriculés en France en 2019, soit moins de 0,01 % des ventes globales. Un chiffre d’autant plus inquiétant que ce nombre inclut les bus électriques, représentant la grande majorité de ces mêmes immatriculations (4).
Les obstacles à l’essor des poids lourds électriques
Bien que l’électrification des poids lourds permettrait de diminuer les émissions de GES de l’ordre de 84 % (3), la mutation du transport de marchandises fait face à de nombreuses contraintes.
Un prix trop conséquent : selon les transporteurs, un camion électrique serait 5 fois plus cher qu’un véhicule diesel équivalent. Les constructeurs, pour leur part, estiment que le surcoût est de l’ordre de 20 à 30 %, après déductions des aides publiques (3).
Une offre encore restreinte : bien que les constructeurs se soient emparés du sujet, le nombre de modèles disponibles est encore extrêmement limité. Dans son dernier rapport, le Sénat prenait d’ailleurs l’exemple de Renault Trucks, l’un des principaux acteurs européens sur le marché des camions électriques. Alors qu’elle a vendu plus de 41 000 poids lourds en 2020, la marque n’a produit que 45 modèles électriques cette même année (3).
Une autonomie insuffisante : en raison du poids des camions, l’autonomie d’un modèle 100 % électrique est encore relativement limitée (de l’ordre de 210 kilomètres pour un modèle de 16 tonnes en règle générale par exemple). Or, cela est loin d’être suffisant, tout particulièrement pour le fret longue distance. C’est d’autant plus problématique que le volume important des batteries diminue la capacité du poids lourds, tandis que la recharge est bien plus longue qu’un plein de carburant (3).
L’absence de bornes de recharge : à l’heure actuelle, on ne compte que 10 bornes publiques de recharge dédiées aux camions électriques dans toute l’Europe. Pour garantir l’électrification du transport de marchandises, l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles) estime que 50 000 points de recharge rapide et 40 000 de recharge lente seront nécessaires d’ici 2030 à l’échelle du continent (5).
Les constructeurs contraints de passer aux camions électriques
En dépit de ces chiffres alarmants, la Fondation Européenne pour le Climat estime que les poids lourds électriques pourraient, en 2050, représenter 80 % du marché sur le Vieux Continent (4). En cause ? L’obligation pour les constructeurs de réduire la moyenne des émissions de CO2 de leurs nouveaux véhicules dédiés au transport de marchandises, et ce, suite aux dernières normes adoptées par le Conseil de l’Union européenne. En effet, le niveau moyen d’émissions des poids lourds neufs doit être réduit de 15 % d’ici 2025, puis de 30 % dès 2030. Dans le cas contraire, les contrevenants s’exposeraient à de lourdes pénalités financières (6).
Pour respecter ce futur cadre réglementaire, l’ACEA estime que le parc européen devra compter 200 000 camions électriques en 2030 (7). La filière n’a donc d’autre choix que de réagir rapidement. Chez Renault Trucks tout d’abord, on table sur 10 % de véhicules électriques produits à partir de 2025, puis un tiers à l’horizon 2030 (3). Il s’agit néanmoins de l’un des rares acteurs du marché à communiquer sur des chiffres aussi ambitieux. À titre d’exemple, la start-up Nikola, sur laquelle de nombreux misaient, connaît des déboires suite à l’inculpation de son fondateur et devrait diviser par 2 ses livraisons envisagées de camions électriques. La situation n’est pas beaucoup plus reluisante du côté de Tesla : son fameux Semi aux 800 kilomètres d’autonomie ne devrait pas être commercialisé avant la fin de l’année, alors que sa date de sortie était initialement prévue pour 2017. Tout laisse donc à croire que la route des poids lourds électriques reste encore longue.
Sources : (1) Les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports - L’environnement en France - 2021 (2) Chiffres clés du transport - Ademe – 2018 (3) Transport de marchandises face aux impératifs environnementaux : Surmonter les divergences et incertitudes relatives à la décarbonation du transport routier de marchandises - Sénat – 2021 (4) Camions et bus électriques : où en est-on ? - Observatoire de l’Industrie Électrique – 2019 (5) La France aura besoin de 6 000 points de recharge pour les camions électriques d’ici 2030 - Avere France - 2021 (6) Réduction des émissions : le Conseil adopte des normes d’émissions de CO2 pour les poids lourds - Conseil de l’Union européenne – 2019 (7) Les constructeurs européens demandent 90 000 points de recharge pour camions électriques d’ici 2030 - Avere France – 2020
Transport routier. Pourquoi les négociations salariales sont dans l’impasse
Les négociations annuelles obligatoires (NAO) portant sur une hausse des salaires dans le secteur du transport routier de marchandise se sont soldées par un échec, d’après les syndicats de salariés. Côté patronat, la porte n’est pas fermée aux négociations, dit-on.
Les transporteurs routiers ont un fort pouvoir de blocage du pays. Ces négociations qui avaient lieu dans le cadre des négociations annuelles obligatoires mardi 4 janvier sont donc à surveiller de près. Pour l’heure, elles n’ont pas abouti.
Que demandent les salariés ?
« Nous demandons une revalorisation significative de nos salaires », avance Patrick Clos, secrétaire général de la fédération FO des Transports et de la Logistique. En clair, les syndicats veulent une augmentation a minima de 10 %, voire un treizième mois pour certains.
Que propose le patronat ?
Les organisations patronales (FNTR, TLF, OTRE) ont proposé une augmentation de salaire de l’ordre de 5 % et un socle santé prévoyance amélioré avec plus de garantie sur la protection sociale « car le panier n’a pas été négocié depuis dix ans », précise Jean-Marc Rivera, secrétaire général de l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE). Les chefs d’entreprise s’engagent aussi à réfléchir « à un dispositif pour allonger les conditions de prise en charge au-delà de 180 jours en cas de maladie longue. » Le patronat met aussi dans la balance : un accord de branche sur l’épargne salariale, une réflexion autour du permis de conduire professionnel et sur l’accueil des conducteurs chez les clients (salle de pause à disposition, accès aux toilettes…).
Pourquoi ça bloque ?
Aucun des cinq syndicats autour de la table de négociation n’a jugé la proposition de hausse des salaires de 5 % acceptable. Les salariés du transport « ont besoin d’un signal fort de leurs employeurs et cela passe forcément par une revalorisation qui ne soit pas les miettes qu’ils veulent bien nous jeter », ont affirmé les trois organisations syndicales à l’issue du troisième et dernier round de négociation.
Échec des négociations ou pas ?
Oui, pour les salariés. Non, pour les patrons. « On ne parle pas d’échec. Les négociations ne sont pas terminées. De nouvelles propositions sur les grilles sont évoquées. Nous entendons que la proposition de 5 % de hausse n’est pas suffisante. Les organisations syndicales voient si c’est possible d’améliorer. À ce stade, je ne peux me prononcer », explique Jean-Marc Rivera de l’OTRE.
Quelle issue possible ?
Pas de mobilisation prévue pour l’heure. « Nous avons bon espoir que les patrons reviennent à la table des négociations », confie Patrick Clos de FO. Or du cadre des négociations annuelles obligatoires, une prochaine réunion intersyndicale est prévue le 31 janvier. « Nous pourrions reparler de ces sujets à ce moment-là », avance Patrick Clos.
Visiblement de part et d’autre, les négociations ne sont pas terminées. D’autant plus que le métier de chauffeur routier fait partie des secteurs en tension où les entreprises peinent à recruter en raison du manque d’attractivité et des bas salaires. Il manquerait 66 000 chauffeurs routiers actuellement France.