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Arabie saoudite : le pétroyuan détrône le pétrodollar

dimanche 11 décembre 2022

Le pouvoir économique se délocalise lentement vers l’Asie et principalement vers la Chine. L’Arabie saoudite est un partenaire majeur et l’outil primordial du dollar depuis les accords du Quincy.
Le pacte scellé à bord du navire américain Quincy marque une rupture décisive dans l’histoire des relations internationales de l’après-guerre. Plus rien ne sera jamais comme avant. En évinçant l’influence britannique, ce pacte installe durablement les Etats-Unis comme partenaire dominant dans le jeu proche-oriental, au détriment des Etats européens. (Richard Labévière).

Le pacte scellé à bord du Quincy devait assurer entre le président Roosevelt et le roi Ibn Séoud, une sécurité d’approvisionnement en pétrole contre une protection politique du régime d’Arabie Saoudite.

Ce pacte n’existe plus, et il stigmatise à lui seul le revirement du nouvel ordre mondial.
La Pax Americana c’est fini, Washington ne pourra plus détruire les nations en dehors de celles qui appartiennent à l’Europe.

L’Arabie saoudite garde aussi en mémoire que les Etats Unis sous le mandat de Gerorge Bush fils, ont empêché la remise en cause du monopole des concessions pétrolières et le montant des royalties qu’elle perçoit.
En 2002, Laurent Murawiec , ancien conseiller de Lyndon LaRouche et de Jean-Pierre Chevènement, puis chercheur à la Rand Corporation s’est exprimé au Pentagone lors de la réunion trimestrielle du Comité consultatif de la politique de défense.
Il a développé sa stratégie qui consistait à attaquer l’Arabie saoudite pour renverser les Saoud. Son but était de confisquer des puits de pétrole, et d’organiser le transfert de la gestion des lieux saints à la Jordanie.
Ce néoconservateur français avait déclaré dans un article du Figaro, que le Prince Turki ben Fayçal Al Saoud était le chef d’Al Qaïda et le commanditaire des attentats du 11 septembre.
Même l’ancien secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, a décrit le wahhabisme comme une « école de la haine », qui serait responsable de la formation des pirates de l’air saoudiens qui auraient commis les attentats du 11septembre.

De Gaulle avait raison quand il disait que « La vérité, c’est que les Américains finiront par se faire détester par tout le monde. Même par leurs alliés les plus inconditionnels ».

La Chine utilisera la bourse de Shanghai pour conclure des accords énergétiques en yuan avec les pays du Golfe.

BEIJING, 9 décembre (Reuters) - Le président chinois Xi Jinping a déclaré vendredi à Riyad que la Chine et les pays du Golfe devraient utiliser pleinement la Bourse du pétrole et du gaz national de Shanghai comme plateforme pour effectuer le règlement en yuan des échanges de pétrole et de gaz.

La Chine et les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG) sont des partenaires naturels pour la coopération, a déclaré M. Xi dans un discours prononcé lors du sommet Chine-CCG.

« La Chine continuera d’importer de grandes quantités de pétrole brut des pays du CCG, d’accroître les importations de gaz naturel liquéfié, de renforcer la coopération dans le développement du pétrole et du gaz en amont, les services d’ingénierie, le stockage, le transport et le raffinage, et d’utiliser pleinement la Bourse du pétrole et du gaz national de Shanghai comme plateforme pour effectuer le règlement en yuan du commerce du pétrole et du gaz », a-t-il déclaré.

Dans son discours, Xi a proposé d’autres domaines de coopération pour les trois à cinq prochaines années, notamment la finance et l’investissement, l’innovation et les nouvelles technologies, ainsi que l’aérospatiale, la langue et les cultures.

« La Chine est prête à mener une coopération en matière de réglementation financière avec les pays du CCG, à faciliter l’entrée des entreprises du CCG sur le marché des capitaux chinois, à établir une association d’investissement conjointe avec le CCG, à soutenir les fonds souverains des deux parties pour qu’ils coopèrent sous diverses formes », a déclaré Xi.

La Chine établira également des mécanismes de travail bilatéraux en matière d’investissement et de coopération économique, mènera une coopération en matière d’échange de devises locales et approfondira la coopération en matière de devises numériques, a-t-il indiqué.

Dans son discours, Xi a également appelé la Chine et les nations du CCG à être des partenaires pour promouvoir l’unité, le développement et la sécurité.

La visite de M. Xi intervient à un moment où l’alliance de longue date entre Riyad et Washington a été mise à mal par des questions liées aux droits de l’homme, à la politique énergétique et à la Russie, ainsi que par les doutes du Golfe quant à l’engagement de l’Amérique, principal garant de la sécurité dans la région.

Reuters

Pourquoi le système du pétrodollar est en perte de vitesse ?

Comme mentionné ci-avant, le dollar américain est la monnaie de réserve mondiale depuis les années 1970. Cependant, de multiples facteurs géopolitiques et économiques pourraient remettre en cause cette suprématie.

La tendance à la dé-dollarisation n’est pas un phénomène nouveau. Dans les années 1990, en réponse aux sanctions américaines, le Venezuela avait tenté de sortir du statu quo en optant pour des paiements pétroliers en yuan plutôt qu’en dollar américain. La mondialisation rapide constitue également une menace pour le billet vert, car de nombreux pays en relations commerciales bilatérales aimeraient pouvoir utiliser leurs propres monnaies lors des échanges. Toutefois, la grande crise financière de 2008 a mis fin à toute velléité contre le billet vert, les investisseurs recherchant la sécurité offerte par l’actuelle devise de réserve.

Mais aujourd’hui, l’ascension de la Chine en tant que grande puissance mondiale, l’exclusion de la Russie du système SWIFT et le désaccord implicite entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite pourraient bel et bien accélérer la tendance à la dé-dollarisation.

Au fil des décennies, le Royaume a été l’un des principaux alliés des Etats-Unis au Moyen-Orient – en grande partie grâce à l’accord « Oil for dollars ». Sur le plan économique, l’Arabie a été le plus grand fournisseur de pétrole brut des Etats-Unis. Sur le plan géopolitique, le Royaume a été un mandataire des Etats-Unis au Moyen-Orient pour contrer son grand rival, l’Iran. Mais au fil des ans, cette relation a commencé à se péjorer.

Les Etats-Unis ont en effet réduit progressivement leur dépendance vis-à-vis des importations de pétrole en constituant leurs propres réserves stratégiques. Dans les années 1990, les Etats-Unis importaient environ 2 millions de barils par jour de brut saoudien. Ce chiffre est tombé à seulement 500’000 barils par jour en 2021. Sur le plan politique, l’Arabie n’est clairement pas satisfaite de la politique de M. Biden au Moyen-Orient. La décision de Biden de retirer unilatéralement son soutien à l’Arabie saoudite dans la guerre du Yémen a éloigné le Royaume de l’administration américaine. L’intention avouée par Biden de sauver l’accord nucléaire avec l’Iran a probablement scellé tout espoir d’amélioration des relations.

Depuis que la Russie a lancé son assaut contre l’Ukraine en février, l’Arabie saoudite a refusé de prêter attention aux appels de M. Biden visant à étendre les quotas d’approvisionnement en brut afin de limiter la hausse des prix du pétrole.

Mais cette indifférence aux appels occidentaux a une raison sous-jacente qui va au-delà du différend avec les Etats-Unis : il s’agit de la coopération croissante entre la Chine et l’Arabie saoudite, qui ne se limite pas au secteur de l’énergie. Sous le couvert de son initiative « Belt and Road Initiative », la Chine a étendu sa présence potentielle dans le Royaume par le biais d’une coopération bilatérale en matière d’infrastructures, de commerce et d’investissement.

Selon l’American Enterprise Institute, les investissements chinois cumulés en Arabie ont atteint 43 milliards de dollars en 2021. La Chine a importé une quantité estimée à 542 millions de tonnes de pétrole brut en 2020, soit 25% des exportations mondiales de pétrole du Royaume. Selon certaines sources, le fonds souverain du Royaume (PIF) pourrait bientôt commencer à investir dans des entreprises chinoises. Saudi Aramco serait sur le point de conclure un partenariat avec un consortium pétrochimique chinois. Tous ces facteurs semblent indiquer que l’Arabie se tourne de plus en plus vers la Chine. La dédollarisation des échanges et des investissements faciliterait bien évidemment leurs relations bilatérales.

A noter que les Emirats Arabes Unis sont sur la même longueur d’onde que l’Arabie. Leur coopération avec la Chine est également en forte progression. Et ils sont bien évidemment prêts à couper leur production si l’Opep+ le décide. Il est également intéressant de relever que l’Egypte, un autre allié de l’Arabie Saoudite, vient de lancer son premier emprunt libellé en yuan.

A l’instar des pays du Golfe, des économies comme la Russie et l’Iran se sont également rapprochées de l’Asie. La Russie, par exemple, se tourne vers le système CIPS - un système de transaction compensant les règlements internationaux et les échanges en Renminbi - afin de pouvoir exporter son pétrole en Asie dans le cadre des sanctions occidentales. La Chine et l’Inde représentent désormais 40% des exportations de pétrole russe. En Inde, le brut russe représente environ 17% des importations - contre moins de 1% avant l’invasion. Même l’Iran a commencé à exporter du brut vers la Chine sous les sanctions américaines sans utiliser le dollar américain pour les règlements.

Certains économistes pensent que cette tendance n’est pas pérenne, établissant un parallèle avec la tentative de dédollarisation avortée du Venezuela dans les années 1990. Mais le contexte est cette fois ci très différent. Tout d’abord, l’Asie est nettement moins dollarisée que l’Amérique latine. D’autre part, les économies asiatiques sont beaucoup plus importantes en termes de taille et d’impact sur la politique monétaire. Même un pas vers une « semi-dollarisation » pourrait diminuer l’influence des Etats-Unis et mettre à mal la belle mécanique du pétrodollar. Avec des conséquences au-delà des pays exportateurs d’énergie. Si le dollar perd de son importance dans les échanges, de nombreux gouverneurs de banques centrales seront peut-être incités à repenser la logique de l’accumulation de réserves, ainsi que du bien-fondé d’allouer une partie du bilan de leur banque centrale dans des obligations du Trésor américain.

Le gouvernement américain est bien évidemment au fait de ces risques et s’inquiète de la défiance de l’alliance Opep+. Une commission du Sénat américain a travaillé sur un projet de loi appelé « No Oil Producing or Exporting Cartels » (NOPEC) visant à modifier la loi antitrust américaine. Une telle loi donnerait au procureur général le pouvoir d’exposer les pays de l’Opep+ à des poursuites pour collusion éventuelle. Le projet a échoué jusqu’à lors. L’Arabie saoudite a déjà averti en 2019 qu’un tel projet de loi, s’il était adopté, l’inciterait à négocier son pétrole dans différentes devises. Les sanctions envers la Russie et l’influence croissante de la Chine en Eurasie ouvrent la voie à un abandon très progressif du pétrodollar, NOPEC ou pas.

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