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Arnaque de la dette publique

mercredi 28 novembre 2018

Avant, la montée de la dette publique menaçait d’étouffer l’économie. Aujourd’hui, la banque centrale est prête à agir quoi qu’il en coûte. C’est un nouveau monde que nous ne connaissons pas.

Ne plus s’inquiéter de la dette publique ?

Fabien Clairefond Les Echos
Une année de production... C’est le poids de la dette publique française . Un poids qui a augmenté de moitié en à peine une décennie, qui n’avait jamais été aussi élevé depuis la seconde guerre mondiale. Dans l’ancien monde, il aurait fallu sonner le tocsin. Le fardeau de cette dette menace d’étouffer le pays. Même si le seuil de 100 % ne figure pas dans le dispositif d’alerte des autorités européennes, la crédibilité de la France risque d’en souffrir, d’autant plus que la dette publique diminue dans la zone euro (-10 points de PIB en sept ans). Et le pays est de plus en plus vulnérable à une hausse des taux d’intérêt, qui se profile justement à l’horizon. La nervosité pourrait gagner les investisseurs, aux nerfs déjà mis à l’épreuve par les louvoiements budgétaires de Rome.

Domination budgétaire

Dans l’ancien monde, cette montée de la dette aurait été d’autant plus inquiétante qu’elle ne se limite pas au secteur public. Dans les grands pays européens, les entreprises françaises sont devenues les championnes de l’emprunt, avec un endettement qui se rapproche de 75 % du PIB alors qu’il recule partout ailleurs ou presque. Les ménages français sont, eux aussi, très allants sur le crédit pour acheter des logements toujours plus chers, ce qui a amené le Haut conseil de stabilité financière à tirer la sonnette d’alarme .

Mais le monde a changé depuis la grande crise financière de 2007-2008. Les banques centrales ont acheté massivement de la dette publique, alors qu’elles avaient été rendues indépendantes depuis les années 1980 précisément pour éviter que les Etats puissent financer leurs déficits par la création monétaire. Elles sont en situation de « fiscal dominance », comme disent les économistes. Dans cette « domination budgétaire », la politique monétaire est surdéterminée par la politique budgétaire. La banque centrale fait « ce qu’il faut » ou agit « quoi qu’il en coûte », pour reprendre deux traductions possibles de la fameuse expression « whatever it takes » employée par le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, en 2012, pour sauver l’euro et calmer les inquiétudes des investisseurs... sur les dettes publiques italienne et espagnole.

Territoire inconnu

Dans le nouveau monde, il semble que la banque centrale interviendra toujours pour éviter une catastrophe sur la dette. Au Japon, elle détient déjà près de la moitié des obligations publiques du pays. Il y a bien sûr des garde-fous pour limiter la tentation. Aux Etats-Unis, c’est le Congrès qui joue ce rôle. En Europe, la modération des ardeurs passe par les débats entre pays aux intérêts divergents. Au moment où les banques centrales semblent normaliser leur politique monétaire, nous nous enfonçons en réalité toujours plus loin en territoire inconnu.

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