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De quel côté la France va-t-elle retomber ?

Léon Camus

lundi 10 décembre 2018

Dans l’attente d’un troisième samedi noir sur fond de brouillard lacrymogène, de véhicules incendiés, de boutiques dévastées et pillées, la réunion de crise qui a rassemblé ce dimanche 2 décembre à l’Élysée, le président de la République (à sa descente d’avion de retour d’Argentine) et les principaux responsables de la sécurité intérieure, la question d’une éventuelle ré-instauration de l’état d’urgence n’a pas été évoquée… et ce, en dépit des comportements indéniablement insurrectionnels de certains groupes de manifestants et devant l’impuissance manifeste des forces de l’ordre à les contenir. Incapacité qui suscite nombre d’interrogations, au demeurant totalement absentes des commentaires de presse.

Monsieur Mélenchon est un âne. Pas n’importe lequel certes, un âne démagogue natif de Tanger de l’autre côté des Colonnes d’Hercule. Il n’en demeure pas moins qu’il est un âne et qu’il braie souvent dans le vide comme le font souvent les ânes. Mais peut-être fait-il simplement l’âne pour avoir du son, autrement dit pour se rallier la harde des gogos insoumis… ou pire, il l’est véritablement et nous administre, au lendemain de la Journée de cristal du 2 décembre à Paris et alentours, une brillante leçon d’analphabétisme politique. M. Mélenchon est un cas d’espèce. Précisons.

Il paraîtrait en effet– aux dires de notre cacique gavé d’honneurs et de prébendes, archétype de la bourgeoisie de gauche, qui fut simultanément, depuis 1983 chantre de la laïcité militante au Grand Orient de France, ancien sénateur de 1986 à 2017, trotskyste lambertiste et ex ministre d’un autre membre de l’Organisation communiste internationaliste, Lionel Jospin, lequel n’a évidemment jamais renié sa vocation révolutionnaire mise au service de l’ultralibéralisme et de l’Otan ! - que face à la fronde des gilets jaunes le gouvernement jouerait le « pourrissement » ! Mais non, mais non, le gouvernement ne joue pas le pourrissement puisqu’il a lui-même organisé la casse afin de déconsidérer dans l’opinion le mouvement des Gilets jaunes, de le discréditer en semant la division et le doute en son sein même.

Exit la lutte des classes, bonjour la colère populaire

Il va de soi que des gens normaux qui se mobilisent pour ne pas être écrasés de taxes en tous genres, de n’être pas les vaches à lait des idéologues et marchands de la transition énergétique (une prodigieuse fumisterie et une arnaque colossale), qui refusent de se voir coller le fil à la patte des compteurs électriques dits intelligents (ou communicants) linky (en français dans le texte, comme si une machine pouvait posséder une once de capacité cérébrale), qui veulent pouvoir décider en toute responsabilité à quelle vitesse se déplacer sur le réseau routier, qui en ont radicalement marre de payer à outrance pour avoir le droit de dormir sous le toit qu’ils ont légalement acheté (droits de mutation, taxes foncières ou d’habitation), ne peuvent être les déprédateurs que l’on a vu à l’œuvre et encore moins les sagouins barbouillant et souillant l’Arc de Triomphe ce « symbole fort de la République ». Faut-il préciser que la porte d’accès à l’intérieur du monument avait été laissée ouverte… par hasard ou à dessein ?

Bref, il faut inscrire derechef la suppression la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) au cahier des revendications des GJ (Gilets jaunes), si ce Service de l’État ne possède pas des fichiers à jours des Black blocs, des Antifas ou des diverses racailles sévissant dans les banlieues chaudes, et s’il n’avait pas en outre la capacité de procéder à des arrestations préventives, des assignations à domiciles ou encore d’installer des points de contrôles filtrant traçant un large périmètre sécuritaire autour des zones névralgiques de la capitale. De qui se moque-t-on ? La provocation au délit, le piège tendu à la contestation, l’instrumentation des forces de l’ordre dans une manœuvre de basse politique, tout cela semble suffisamment établi [1]. Soulignons ici le machiavélisme d’une telle opération de provocation à large échelle, mais également à double tranchant parce qu’elle comportait a priori une réelle part de risque : à savoir que les débordements aillent trop loin (ce qui a été le cas), que la manœuvre ne finisse par échapper aux apprentis sorciers de la guérilla urbaine ou, au bout du compte, que les retombées n’éclaboussent au-delà du prévisible une classe politique en perte accélérée de vitesse.

Et c’est ce qui est arrivé. Car rien n’indique que le mouvement de révolte qui secoue la France puisse s’éteindre sans avoir engrangé de résultats substantiels : blocage des hausses sur les produits pétroliers et pourquoi pas dissolution de l’Assemblée nationale comme préalable à la démission du président fantoche, celui-là même qui confond le perron de l’Élysée avec un char de la Gay Pride. Parce que la France profonde ne semble plus ne se laisser prendre aux sinistres mises en scène des experts en coups tordus. Elle ne croit pas vraiment à cette ultra-droite fantomatique que personne n’a jamais vue en chair et en os. Le complot fasciste a fait long feu, d’ailleurs Mme Le Pen sera reçue à la présidence comme tous ses homologues des autres partis croupion de la Ve République. Reste M. Mélenchon, déguisé en charognard qui voudrait bien se repaître des dépouilles de la colère populaire, espérant se hisser sur le pavois à la suite d’élections législatives précipitées.

Récupération et dévoiement

La récupération et le dévoiement du mouvement des GJ est donc à l’ordre du jour. La proie est trop alléchante pour être dédaignée. Reste que les forces en présence sont multiples et les plus déterminantes ne sont certainement pas les plus identifiables : qui nous dit que certains n’opèrent pas afin de pousser Macron et sa clique vers la sortie ? Que celui-ci, apparemment affecté d’un complexe de supériorité (un amour de soi et un mépris d’autrui visant à compenser une forte immaturité affective ?) pourrait songer à une sorte de coup d’État institutionnel… en recourant par exemple à l’Article 16 de la Constitution ? Cela hors de toute considération pour l’intérêt bien compris du pays réel parce que tel n’est pas l’objectif poursuivi par les acteurs souterrains qui ont fait de la France l’arène de leurs rivalités… et du peuple français une masse de manœuvre dans les luttes de pouvoirs. Grosso modo l’on assiste à l’affrontement des archi mondialistes (hier internationalistes prolétariens) et du camp sioniste qui voudrait voir épouser au Vieux monde chrétien ses querelles ethniques ainsi que sa gouvernance par le chaos au Proche-Orient. Dichotomie qui n’a rien de fantasmagorique, qui a déjà été théorisée par Karl Marx et mise en pratique par Lénine et qui au final s’inscrit dans la réalité géopolitique en lettres de feu et de sang dans maints événements qui ébranlent l’Europe et déchirent les peuples à l’Est et au Sud de la Méditerranée. Après tout M. Attali n’annonçait-il pas il y a deux ans, et très sérieusement, « une révolution avant 2022 » [2] ?

Donnons un instant la parole en matière de « récupération » de GJ à une jeune personne dont la pertinence (et la concision) du propos a retenu notre attention, Guillemette Pâris :

« Un mouvement populaire spontané et anarchique ne peut pas le demeurer très longtemps et les gilets jaunes ne feront pas exception à la règle. La galaxie politique de l’extrême gauche place déjà ses pions pour détourner à son profit la révolte de la France périphérique. Le mouvement des gilets jaunes est né d’une révolte fiscale en réponse à l’avalanche permanente d’impôts, de taxes et d’amendes qui accable les Français au point de leur faire tutoyer la misère. Tous les gilets jaunes ne sont pas pauvres, mais la façon qu’a l’État de considérer l’argent gagné par les Français comme un réservoir où puiser des subventions rend la fiscalité insupportable. Ainsi, ceux qui ne devraient pas être pauvres parce qu’ils travaillent dur, le deviennent progressivement.

Le plus visible et le plus audible des « récupérateurs » reste le député de la France Insoumise François Ruffin, ancien orateur des rencontres bobo « Nuit Debout »… Par la magie du néo-communisme, il est en train de remplacer, dans les médias et à l’Assemblée, la révolte des gens qui veulent conserver le fruit de leur travail par une lutte des « pauvres » contre les « riches » qui ne paient pas assez… On assiste donc à une tentative d’inversion du mouvement, pour réclamer davantage de pression fiscale sur « les autres ». Encore un effort et les journalistes, heureux de se trouver enfin bien accueillis, tendront des micros complaisants à l’écolocratie parisienne, nouveau porte-parole d’un mouvement [les GJ] qu’elle méprise depuis le début.

Parmi ceux qui capitalisent sur le soulèvement pacifique de la France rurale, les pires restent [néanmoins] les antifas urbains qui monopolisent les caméras et décrédibilisent le mouvement. Ils sont les principaux auteurs des destructions, des feux de poubelles, des incendies de chantiers et maintenant de celui d’une succursale du Crédit Lyonnais avec l’immeuble habité qui l’entoure, ils ont tagué les Champs Elysées jusqu’à l’Arc de Triomphe inclus, s’attaquent brutalement aux forces de l’ordre… La « convergence des luttes » chère à l’extrême gauche fait que le gilet jaune habille [maintenant] des causes qui n’ont plus rien à voir avec la protestation d’origine. À l’appel de l’UNL, des lycéens manifestent contre la réforme du lycée. Des étudiants font grève contre la hausse des frais universitaires pour les étrangers. Le « collectif Rosa Parks » profite de l’intérêt médiatique pour manifester « contre le racisme ». Les cheminots ont repris la « lutte ouvrière » contre la réforme de la SNCF, mais en s’intitulant [abusivement] « gilets jaunes » ou « gilets oranges » [3].

M. Mélenchon se reprend à espérer

Et, reprochant sa surdité au gouvernement qui n’y comprendrait goutte (rien), M. Mélenchon a fait sienne la sentence de Cocteau dans « Les mariés de la Tour Eiffel » : « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur » ! En conséquence de quoi les GJ, dont les revendications reprendraient mot à mot le programme mélenchonien, sont en fait – à entendre le tribun du Vieux port - largement encadrés par le mouvement des Insoumis (qui n’est pas un Parti politique) présent sur la quasi totalité des barrages et des lieux de blocage.

Cela ne s’appelle-t-il pas une tentative éhontée d’appropriation ? En tout cas cela y ressemble fort. Prenant le train en marche le vieux cheval de retour pataugeant depuis des décennies dans les marigots de la politique bassement politicienne - entre impéritie et gabegie – prétend avoir été l’inspirateur d’une lame de fond d’indignation sociale. Cet homme ne manque pas d’air surtout considérant l’inconsistance – la vacuité – de ses analyses et de ses propositions… « Le Président doit “annuler” la surtaxe sur les carburants pour ensuite discuter avec les gilets jaunes… qui “aspirent” à mon programme » ! Tout ce que savent faire Mélenchon et consorts, est « discuter »… à perte de vue et généralement pour noyer le poisson.
Pourtant, quant à l’éventualité d’un retour à l’état d’urgence, Mélenchon (audacieux mais téméraire car franchir le Rubicon requiert des qualités dont il est dépourvu), invité sur BFM à l’heure où le président Macron réunissait ses ministricules, considère mollement que « ce n’est pas une bonne idée ». Et pourtant ! 412 personnes arrêtées à Paris dont 372 étaient toujours en garde à vue le dimanche 2 décembre au soir ; 263 personnes blessées, et selon le ministère de l’Intérieur quelque 136 000 personnes auraient participé sur l’ensemble du territoire métropolitain aux rassemblements des gilets jaunes ; 10 000 grenades auraient été tirées dans la seule ville de Paris. Une bagatelle. La précédente mobilisation, le 24 novembre aurait officiellement réuni 106.301 personnes (admirons la précision à l’unité près !) et sept fois plus (750.000) si l’on en croit le Syndicat d’opposition des policiers en colère dirigé par la malheureuse Maggy Biskupski qui s’est (opportunément) suicidée à trente-six ans avec son arme de service et à son domicile… pour ne pas être confrontée, dit-on, à des détournements de biens sociaux dont elle se serait rendue coupable. Affaire qui n’est pas sans rappeler beaucoup d’autres suicides de policiers ou de gendarmes dans des circonstances troublantes1.

Pour mémoire, l’état d’urgence a été décrété lors des émeutes de 2005 dans les « territoires perdus de la République », expression poétique dont nous sommes redevables à Gérard Collomb, ex ministre de l’Intérieur. Puis à l’occasion de la vague d’attentats islamistes du 14 novembre 2015 au 1er novembre 2017 . Toutefois sa réactivation n’était pas exclue au soir du 1er décembre pour éviter de nouvelles scènes de violences : « Il faut réfléchir aux mesures qu’on peut prendre » (on admirera l’élégance de la syntaxe), Benjamin Griveaux, porte parole du gouvernement. Et ajoutant pour faire écho à la voix de son maître : « On a dit que nous ne changerions pas de cap. Parce que le cap est le bon » [4]… Dont acte. En route maintenant pour le troisième acte ! Demain la révolution nationale ou le coup d’État de la démocrature globaliste En marche ? Pile ou face ?

À Macron… « La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus. C’est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien ». William Shakespeare « Macbeth » 1605.

2 décembre 2018

Notes

[1« Notre vice-ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, nous a aussi expliqué qu’il y avait 4.000 CRS et gendarmes déployés à Paris pour 5.000 manifestants, et 60.000 policiers déployés en province pour 70.000 manifestants. Si, dans ces conditions, le pouvoir a été dépassé, il n’y a que trois explications possibles : soit ceux qui dirigent nos forces de l’ordre sont nullissimes, soit le pouvoir politique a grossièrement menti sur les chiffres, soit ce pouvoir a volontairement organisé le chaos » (François Falcon BdV3déc18).

[2Cpolitique17avril2016

[3BdVoltaire2déc18

[4Europe1/2déc18

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