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Racket américain et démission d’Etat : le dessous des cartes du rachat D’Alstom par General Electric
(voir document joint)
Leslie Varenne et Eric Denécé/Rapport de recherche n°13, décembre 2014
Le 19 décembre 2014, l’assemblée générale des actionnaires d’Alstom a autorisé la vente des activités de sa branche Energie à General Electric (GE).
Une nouvelle fois la France a capitulé devant son allié américain en lui cédant dans des conditions litigieuses et rocambolesques, les activités rentables et pour partie stratégiques d’un fleuron de son industrie.
Quelles sont les réelles raisons qui ont conduit à cette vente ?
En effet, Il est troublant que la France ait cédé sans état d’âme une entreprise dont les activités sont si importantes pour son indépendance.
Les risques liés aux procédures judiciaires pour corruption engagées contre Alstom dans de nombreux pays ont joué un rôle déterminant dans le rachat de la société française. La justice américaine a su habilement exploiter les craintes des dirigeants du groupe. En effet depuis plusieurs décennies, les règles juridiques édictées à Washington s’imposent au reste du monde, au détriment des droits et des intérêts des autres nations. Ce sont elles, et non une soi-disant complémentarité économique ou la recherche de la taille critique, qui sont à l’origine de la cession de la branche Energie du groupe français.
L’affaire Alstom met par ailleurs en lumière deux faits préoccupants :
- d’une part, l’attitude de nos « élites » qui, derrière un discours circonstancié sur la mondialisation - mais en réalité motivées par la satisfaction d’intérêts personnels ou la dissimulation d’erreurs stratégique - sont en train de vendre nos joyaux industriels à l’étranger, n’hésitant pas à sacrifier notre indépendance militaire et nucléaire ;
- d’autre part, l’incompétence et l’impuissance des politiques, qui n’ont toujours pas compris ce qu’était la guerre économique moderne et se révèlent incapables de défendre nos intérêts. Dans ce dossier, rien n’a été fait pour sauver Alstom, le gouvernement n’a pas été à la hauteur des enjeux.
Enfin, pour aboutir à cet accord et pendant toute la période des négociations, il y a eu une multiplication « d’affaires » dans l’affaire : suspicion de manipulation de cours et de délits d’initiés, conflits d’intérêts, projet de déménagement du siège d’Alstom à Singapour, etc. Autant d’éléments qui, ajoutés à la vente déshonorante d’activités stratégiques nationales, font de l’affaire Alstom un véritable scandale d’Etat.
Projet de loi de finances pour 2015 : participations financières de l’État Repères ?
20 novembre 2014 : Budget 2015 - Participations financières de l’État ( avis - première lecture )
Par M. Alain CHATILLON - Senat
PRIVILÉGIER LES ACQUISITIONS OFFENSIVES
Une des principales urgences économiques est de soutenir le changement d’échelle de nos ETI pour accompagner leur internationalisation. Dans un tel contexte, il conviendrait d’assouplir la « doctrine d’investissement » de l’État actionnaire selon laquelle les prises de participations minoritaires dans des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire relèvent de Bpifrance.
Concrètement, et dans l’immédiat, il faut se demander si l’acquisition de 20 % du capital d’Alstom correspond à une stratégie suffisamment offensive.
Rappelons qu’à l’heure actuelle, l’État n’a acheté aucune action Alstom. Il bénéficie simplement d’un prêt de titres par le groupe Bouygues en vertu d’un accord qui prévoit également la possibilité mais pas l’obligation pour l’État d’acheter un volume de titres pouvant représenter jusqu’à 20 % du capital d’Alstom. Au passage, on peut observer que ce mécanisme assez complexe présente des avantages pour chaque partie au contrat : d’une part, Bouygues, en continuant à détenir les titres a conservé son droit au dividende et, d’autre part, l’État s’est donné un temps de réflexion.
Dans ce contexte, une interrogation simple mérite d’être soulevée.
Le 5 novembre 2014, Emmanuel Macron, Ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, a accordé son autorisation à General Electric (GE) pour son projet d’investissement en France avec Alstom et la constitution d’une alliance industrielle dans le secteur de l’énergie. Cette décision apporte la preuve de l’effectivité du décret du 14 mai 20142(*), par lequel la France soumet l’acquisition d’entreprises nationales exerçant des activités stratégiques (défense nationale, transports, approvisionnement énergétique...) à l’engagement formel par l’acquéreur d’assurer la pérennité de ces activités, sous peine de sanctions.
Ce bouclier réglementaire ne peut-il pas permettre de dispenser l’État de procéder à tout ou partie d’un achat défensif de titres dont le montant avoisinerait 1,6 milliard au cours actuel ? On peut également signaler que certains observateurs ont jugé quasiment inutile l’entrée de l’État au capital d’Alstom compte tenu des joint-ventures dans lesquels General Electric a accepté d’entrer pour gérer le nucléaire, les turbines à gaz et les énergies renouvelables.
Compte tenu de la situation de nos finances publiques et de notre tissu industriel, il est opportun de réfléchir aux investissements alternatifs qui permettraient à des entreprises en pleine croissance de changer d’échelle et de s’internationaliser. Il est en effet nécessaire d’éviter que nos « fleurons » disparaissent ou fassent l’objet d’un rachat partiel mais le problème vital de notre pays est de favoriser l’émergence de nouveaux champions.Or il ne s’en crée pas suffisamment en France depuis des décennies.
Pour prendre un peu de recul, on peut rappeler que l’histoire d’Alcatel-Alstom est un révélateur de la relation État-industrie en France et de la difficulté de notre pays à faire émerger de nouveaux champions nationaux. D’une part, nous n’avons pas la culture des grands conglomérats technologiques au même degré que les Allemands, les Coréens ou les Japonais. La France a eu tendance à démanteler les siens dans les années 1990-2000, succombant à une mode, qui voulait que l’on privilégie les « pure players ». C’est d’ailleurs les conditions de ce démantèlement qui expliquent en partie les difficultés d’Alstom. Deuxièmement, il n’y a pas en France suffisamment d’actionnaires de long terme. Notre industrie est passée d’un modèle colbertiste de financement administré à un système de marchés financiers ouvert mais trop dépourvu de fonds de pension ou d’investisseurs institutionnels nationaux capables de gérer leurs portefeuilles dans la durée. Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que la logique des « hedge funds » tende à s’imposer.