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La bombe dans l’ombre : prolifération, corruption et manière dont fonctionne le monde

lundi 10 mai 2010

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Mardi 8 janvier 2008

Cette semaine, le Sunday Times a levé un coin du voile qui occultait l’un des scandales les plus importants de ce dernier quart de siècle : comment des fonctionnaires américains ont pu vendre de la technologie d’armes nucléaires à des hors-la-loi de plus en plus nombreux – y compris à des alliés idéologiques d’Al-Qaïda – pour recevoir en échange des pots de vin et autres récompenses. Cette corruption étendue a été protégée de la divulgation par les plus hauts niveaux du gouvernement étasunien, qui a été jusqu’à commettre de graves exactions pour empêcher la révélation de la vérité. Toute la planète a été gravement mise en danger par l’avidité – et l’art du jeu géopolitique – qui se trouve derrière cette entreprise criminelle, qui est en réalité encore plus étendue, et remonte plus loin dans le temps que les remarquables révélations de ce journal.

L’histoire du Sunday Times est fondée sur la preuve fournie par l’ex-traductrice du FBI, Sibel Edmonds, qui a été soumise, par l’administration Bush, à une campagne de dénigrement sans précédent de la part de l’état pour la museler, depuis qu’elle essaya la première de parler ouvertement des liens de corruption entre des fonctionnaires américains et des agents étrangers, qu’elle découvrit en examinant des transcriptions associées à l’enquête sur le 11 septembre. Comme l’admettent maintenant même les leaders de la commission de dissimulation du 11/9, cette enquête fut délibérément sabotée par l’Administration Bush – en partie pour dissimuler le réseau de prolifération nucléaire qui a directement ou indirectement enrichi tant de membres de l’élite étasunienne au cours des dernières décennies – y compris le président actuel des Etats-Unis, George W. Bush.

I.

Les révélations de Mrs Edmonds devraient être regardées dans leur contexte historique plus large, comme une excroissance des activités de la BCCI, la « Bank of Credit and Commercial International, » un soi-disant groupe financier, qu’une enquête du Sénat étasunien appela « une des plus grandes entreprises criminelles de l’histoire ». La BCCI était un vecteur majeur pour la prolifération nucléaire clandestine, parmi beaucoup d’autres activités illégales, et fut aussi utilisée par la CIA et la Maison Blanche pour diverses opérations secrètes, incluant un soutien militaire et financier à Saddam Hussein. Elle paya aussi de nombreux membres éminents des partis démocrate et républicain pour donner une façade à ses opérations – entre autre, George W. Bush reçut 25 millions de dollars pour se sortir d’un des nombreux revers qu’il a connu en affaires.

Bien que la BCCI en tant que « banque » fit finalement faillite de façon spectaculaire, coûtant à ses clients confiants et crédules plus de 10 milliards de dollars, presque personne ne fut puni pour ses myriades de crimes, et toute l’étendue des activités de l’organisation continue à être protégée par de nombreux gouvernements nationaux qui furent mêlés à ses opérations, incluant les Etats-Unis et la Grande Bretagne, où le gouvernement travailliste fit des interventions extraordinaires au cours de procès pour protéger les secrets de la BCCI, invoquant les lois de secrets d’État les plus draconiennes pour annuler un procès contre la Banque d’Angleterre, pour le regard volontairement indulgent que le contrôleur jeta sur la fraude mortelle de la BCCI -bien qu’il en ait parfaitement conscience.

Avant d’explorer davantage ces liens profonds, passons en revue le sommet de l’iceberg que Mrs Edmonds a courageusement exposé, malgré les réelles menaces de représailles du gouvernement étasunien. Du Times :

« Mrs Edmonds a décrit la manière dont les agents de renseignement étrangers se sont assurés le soutien des fonctionnaires étasuniens pour recruter un réseau de taupes dans des institutions militaires et nucléaires sensibles. Parmi les heures d’enregistrements secrets, elle dit qu’elle a entendu qu’un fonctionnaire de haut niveau au Département d’Etat étasunien était payé par des agents turcs à Washington qui vendaient l’information à des acheteurs au marché noir, y compris le Pakistan.

« Le nom du fonctionnaire – qui a eu une série de postes gouvernementaux de haut niveau – est connu du Sunday Times. Il nie catégoriquement ces affirmations. Cependant, Mrs Edmonds dit : « Il aidait des agents étrangers contre les intérêts étasuniens en leur livrant des informations hautement classifiées, non seulement du Département d’État mais aussi du Pentagone, en échange d’argent, postes et objectifs politiques ».

Elle prétend que le FBI rassemblait des preuves contre des fonctionnaires de haut niveau du Pentagone – incluant des noms connus – qui aidaient des agents étrangers. « Si vous rendez publiques toutes les informations que le FBI détient sur cette affaire, vous verrez des gens haut placés soumis à des procès criminels. »

Mrs Edmonds continue à fournir des détails de l’opération qui « semblait obtenir des informations de presque toutes les agences nucléaires des Etats-Unis », sous la protection des fonctionnaires du Pentagone et du Département d’État. Les intermédiaires turcs et israéliens étaient utilisés pour obtenir des informations nucléaires pour le bénéficiaire ultime, l’agence de renseignement pakistanaise, l’Inter-Services Intelligence (ISI), et Abdul Qadeer Khan, le « père » de la bombe nucléaire pakistanaise. Comme le note le Times :

« L’opération pakistanaise était dirigée par le général Mahmoud Ahmad, alors chef de l’ISI… Les analystes du renseignement disent que les membres de l’ISI étaient proches d’Al-Qaïda avant et après le 11 septembre. En effet, Ahmad fut accusé d\’avoir ratifié un paiement télégraphique de 100 000 dollars au bénéfice de Mohammed Atta, un des pirates de l’air du 11 septembre, immédiatement avant les attentats.

« Les résultats de l’espionnage furent certainement transmis à Abdul Qadeer Khan, le scientifique nucléaire pakistanais. Khan était proche d’Ahmad et de l’ISI. Tout en dirigeant le programme nucléaire pakistanais, il devint millionnaire en vendant des secrets atomiques à la Libye, l’Iran et la Corée du Nord. Il utilisa aussi un réseau de sociétés en Amérique et en Grande Bretagne pour obtenir des composants pour un programme nucléaire. Khan provoqua une alerte parmi les agences de renseignement occidentales quand ses assistants rencontrèrent Oussama Ben Laden. »

Le Times refusa de nommer le fonctionnaire haut gradé du Département d’Etat cité par Mrs Edmonds, bien qu’elle ait dit partout ailleurs qu’ il s’agissait de Marc Grossman, « ex-numéro 3 du Département d’Etat, ex-ambassadeur en Turquie, et actuel vice-président du Cohne Group, la société de lobbying dirigée par l’ex-secrétaire à la défense William Cohen », nota le blogueur Lukery, qui a rendu depuis longtemps un service de qualité en publiant les déboires de Mrs Edmonds et ses révélations qui, comme il le note, ne se limitent pas à la prolifération nucléaire dévoilée dans le Sunday Times.

Lukery continue à noter que les autres « noms connus » mentionnés par Mrs Edmonds incluent « Richard Perle et Douglas Feith et peut-être Paul Wolfowitz. Des noms moins familiers comprennent Eric Edelman, le remplaçant de Feith au Pentagone, et l’ex-membre du Congrès Stephen Solarz. »

Lukery insiste aussi sur cette révélation impressionnante :

« L’article du Times note ensuite quelque chose que j’ai rapporté il y a 18 mois. Immédiatement après le 11 septembre, le FBI a arrêté un grand nombre de gens suspectés d’être impliqués dans les attentats – incluant quatre associés de cibles clés des opérations de contre-renseignement du FBI. Sibel a entendu les cibles parler de Marc Grossman : « Nous avons besoin de les faire sortir des Etats-Unis parce que nous ne pouvons pas nous permettre qu’ils vendent la mèche. » Grossman facilita dûment leur libération de prison et les suspects quittèrent immédiatement le pays sans autre enquête ou interrogatoire.

« Laissez-moi répéter cela pour le souligner : Le numéro 3 du Département d’Etat facilita la libération immédiate des suspects du 11 septembre à la demande des cibles de l’enquête du FBI. »

(Grossman a nié toutes les allégations d’Edmonds, en disant au Sunday Times : « Si vous m’appelez pour dire que quelqu’un aurait révélé que j’ai reçu de l’argent, c’est scandaleux… Je n’ai rien à dire concernant des propos ridicules et stupides comme ceux-là. »)

Le cercle « prolifération nucléaire-pour-le-profit » n’est qu’une des opérations criminelles qu’une véritable enquête sur les attentats du 11 septembre amènerait en pleine lumière. Parce que, dès que vous commencez à explorer les liens occultes où tant d’affaires mondiales se passent réellement – les zones obscures où les opérations secrètes, les réseaux criminels, le terrorisme, la haute finance et la politique d’État se mélangent et combattent, dans des ténèbres profitables – toutes sortes de divergences d’intérêt apparaissent forcément. Et donc, beaucoup d’enquêtes, comme l’investigation sur l’assassinat de John Kennedy furent court-circuitées en partie pour empêcher l’exposition d’un large éventail de « black ops » impliquant le gouvernement étasunien, la pègre et d’autres acteurs louches, les attentats du 11 septembre ne feront jamais l’objet d’une enquête complète, sans entrave, mais resteront pour toujours – et délibérément – un sujet de dispute, multipliant les loufoqueries finies d’une part et les vérités dérangeantes d’autre part, en quantités égales, avec celles-ci toujours enveloppées et obscurcies par celles-là.

II.

Il est également vrai, à certains égards, de l’enquête sénatoriale de 1992 dans ce qui était connu comme « l’affaire BCCI », qui laissa plusieurs éléments capitaux non élucidés dans l’ombre et beaucoup de questions sans réponse. Il y a cependant deux différences principales. Primo, l’enquête sénatoriale – bien qu’elle ait opéré dans des limites assez circonscrites, reçut beaucoup de critiques, et préféra ignorer timidement certaines preuves qui menaient clairement aux plus hauts échelons du gouvernement – fut bien plus exhaustive que les enquêtes officielles sur l’assassinat de Kennedy et du 11 septembre. Et secundo, à la différence de ces deux enquêtes, qui continuent à générer un fort intérêt année après année, l’affaire BCCI a été presque complètement effacée de la mémoire du public. Pourtant une compréhension des opérations de la BCCI – dont beaucoup ont continué simplement sous d’autres déguisements quand la « banque » disparut elle-même - est essentielle pour comprendre ce qui se passe dans le monde politique aujourd’hui, y compris la révélation d’Edmonds.

(L’amnésie entourant la BCCI est encore plus remarquable quand vous considérez que l’homme qui mena l’enquête de 1992 – qui découvrit tant de vilenies impliquant la première administration Bush – n’était autre que le sénateur John Kerry). Pourtant Kerry – qui savait où trouver les « squelettes dans le placard » concernant Bush, et qui avait une fois montré un courage moral authentique à dénoncer la guerre du Viêt-Nam après son service là-bas – n’utilisa aucune de ses connaissances, et ne montra rien de son courage, en cherchant à éjecter la seconde administration Bush, qui gardait beaucoup de membres douteux du premier règne, et était dirigée par un homme qui avait pris des millions de dollars de la BCCI. Au lieu de cela, Kerry passa sa campagne – comme il avait passé la plupart de sa carrière de sénateur – en essayant de prouver à l’élite corporatiste et militariste qu’il était une « paire de mains sûre » ; quelqu’un qui ne ferait pas de remous ou tuerait la poule aux œufs d’or. S’étant ainsi désarmé lui-même, il échoua à générer le glissement de terrain dont il aurait eu besoin pour surmonter la machination de la faction de Bush destinée à biaiser les élections– bien qu’il soit très probable que Kerry aurait remporté l’élection de toute façon si les votes de l’Ohio avaient été comptés honnêtement. Mais ici aussi il refusa de combattre, en choisissant, comme Al Gore avant lui, de ne pas risquer son statut d’initié par un défi sérieux et authentique au système.

Tous les détails des origines et des activités de la BCCI – et sa corruption bipartite de la politique étasunienne – peuvent être trouvés dans le rapport du Sénat sur son investigation, qui est disponible en intégralité sur le site Internet de la Fédération des Scientifiques Américains. C’est un long rapport, mais qui vaut la peine d’être lu. L’étendue de la criminalité et la corruption morale qu’il documente est époustouflant. Voici un bref résumé des découvertes du Sénat.

La BCCI fut fondée par le magnat pakistanais Agha Hasan Abedi, qui utilisa ce que le Sénat a appelé son « extraordinaire charisme personnel » pour faire son chemin grâce aux amitiés entretenues avec l’élite mondiale, incluant le président Jimmy Carter et, plus crucialement pour le développement de l’opération, Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahayan, le dirigeant illettré d’Abu Dhabi, qui avait été installé comme leader de l’État riche en pétrole en 1966, après que les Britanniques aient mis sur pied un coup d’état contre son frère. Abedi devint en effet le gérant personnel de l’argent de Sheikh Zayed – et de la vaste richesse d’Abu Dhabi – qui est utilisée pour financer la création de la BCCI.

Comme décrite par le Sénat, la mise sur pied de l’organisation de la BCCI ressemble étrangement à celle établie par le trésorier de la famille Bush, Ken Lay, avec son entreprise Enron.

« La BCCI était depuis ses premiers jours constituée d\’une superposition d’entités, reliées les unes aux autres par une série impénétrable de holdings, affiliés, filiales, banques dans des banques, transactions d’initiés et relations de candidats. En fracturant la structure de la société, la conservation des archives, les revues contrôlées et les audits, la famille complexe d’entités de la BCCI créées par Abedi était capable de faire fi des restrictions légales ordinaires sur le mouvement des capitaux et des biens, et cela constituait une pratique et une routine journalière. En créant la BCCI comme un véhicule fondamentalement libre du contrôle du gouvernement, Abedi développa avec la BCCI un mécanisme idéal pour faciliter des activités illégales effectuées par d’autres, incluant les fonctionnaires de nombreux gouvernements dont les lois étaient brisées par la BCCI. »

Et quelles étaient les activités illicites que la BCCI facilitait pour ses mafias et agents gouvernementaux ? Selon le rapport sénatorial :

« Les crimes de la BCCI incluaient la fraude par la BCCI et ses clients impliquant des millions de dollars, blanchiment d’argent en Europe, Afrique, Asie, et les Amériques, corruption par la BCCI des fonctionnaires dans la plupart des endroits ; le soutien au terrorisme, le trafic d’armes, et la vente de technologies nucléaires , la gestion de la prostitution en sus de tout ce qui se jouait au niveau de la commission et la facilité de l’évasion fiscale, la contrebande, et l’immigration illégale, des achats illicites de banques et de biens immobiliers ; ainsi qu’ une panoplie de crimes financiers limités seulement par « l’imagination de ses officiers et clients. »

Les enquêteurs du Sénat ont constaté que la CIA mentait sur ses contacts étendus, à long terme, avec la BCCI, bien que le panel de Kerry exprimât souvent sa fausseté flagrante en tons plus convenables, du style « par inadvertance, la CIA a échoué » en parlant aux fonctionnaires fédéraux adéquats des activités criminelles de la BCCI. Pourtant, beaucoup de découvertes sont claires sur ce point : « Après que la CIA ait appris que la BCCI était, en tant qu’institution, une entreprise criminelle corrompue, elle continua à utiliser à la fois la BCCI et la First American, la filiale de la BCCI secrètement détenue par les Etats-Unis, pour les opérations de la CIA. »

Les criminels de la BCCI étaient intimement impliqués dans l’exécution de la politique étrangère des administrations Reagan-Bush, incluant le scandale Iran-Contra, dans lequel les fonctionnaires de Reagan envoyaient des armes aux preneurs d’otages américains en Iran en échange de cash clandestin pour l’armée terroriste qu’elle utilisait afin de mener une guerre par procuration contre le Nicaragua. Quand George Bush Senior devint président, la BCCI fut utilisée comme un instrument majeur pour envoyer une aide secrète à Saddam Hussein. L’organisation reçut également une protection extraordinaire de la Maison Blanche quand les procureurs fédéraux de première instance commencèrent à inculper des associés de la BCCI pour blanchiment d’argent du cartel de la drogue et fournisseurs d’armes et d’argent à l’Irak.

Comme je l’ai noté par ailleurs, la banque italienne BNL était l’un des tentacules principaux de la BCCI. L’agence de la BNL à Atlanta était le principal moyen utilisé pour envoyer des millions de dollars secrets à Saddam pour des achats d’armes, incluant des produits chimiques mortels et autres matériels d’ADM fournis par le marchand d’armes chilien Cardoen et divers opérateurs politiquement liés aux Etats-Unis comme le marchand d’armes Matrix Churchill.

Quand trois fonctionnaires de la BNL furent inculpés en 1991 pour une escroquerie utilisée pour masquer certains paiements à Saddam, Bush Ier a agit pour étouffer l’enquête. Il nomma des avocats à la fois de Cardoen et de Matrix à des postes élevés au Département de la Justice – où ils supervisaient les fonctionnaires enquêtant sur leurs anciennes sociétés. L’enquête globale était dirigée par l’enquêteur du Département de la Justice Robert Mueller. Entre temps, les assistants de la Maison Blanche ont mit une forte pression sur d’autres procureurs pour restreindre la portée de l’enquête – particulièrement le fait que les fonctionnaires du cabinet de Bush, Brent Scowcroft et Lawrence Eagleburger, aient servi de consultants pour BNL au cours de leur période antérieure à la Maison Blanche comme partenaires de la compagnie de lobbying de Henry Kissinger, Kissinger Associates.

[Les enquêteurs du Sénat ont trouvé qu’en plus de ces connexions au réseau criminel, un autre des partenaires de Kissinger, le diplomate brésilien retraité Sergio da Costa, servait « d’homme de paille » pour la prise en main par la BCCI d’une banque brésilienne. D’une manière impressionnante, le chapitre du rapport du Sénat sur les contacts de Kissinger Associates avec la BCCI fut effacé de la version finale publiée – soi-disant après une pression de la part de Kissinger lui-même – bien qu’il puisse être trouvé dans la version FAS notée ci-dessus. Kissinger, bien sûr, refuserait un rendez-vous avec Bush IIe pour diriger l’enquête officielle vers les attentats du 11 septembre – dans le but d’éviter l’examen de ses affaires par le public.]

Le rapport Kerry trouva que l‘enquête sur BNL de 1991 avait été inexplicablement « gâchée » - des témoins devinrent manquants, des enregistrements de la CIA se trouvèrent « égarés », et toutes sortes de malchance. La plupart des gros acteurs de la BCCI s’en sortirent indemnes ou avec de légères amendes et sanctions.

Un des assistants de la Maison Blanche qui intervint illégalement dans l’accusation de la BNL était un certain factotum nommé Jay S. ByBee. En 1994, ByBee fut nommé par George W. Bush à un poste à la cour d’appel fédérale – une sinécure à vie d’avantages et de pouvoir. Mueller, entre temps nommé à la tête du FBI, nommé au poste par George W. en juillet 2001, dirigea la réponse du FBI – ou le manque de réponse – au torrent d’alertes terroristes au cours de cet été fatidique.

III.

Bush IIe avait une bonne raison de récompenser ceux qui aidèrent son père à fournir une couverture à la BCCI. En plus des relations « obscures » qui continuaient entre le renseignement étasunien et les acteurs clés dans les opérations de la BCCI (spécialement les connexions avec l’ISI qui avaient utilisé la BCCI pour financer le programme secret d’armes nucléaire du Pakistan), George Walker Bush avait bénéficié matériellement de son propre rapport avec la BCCI. Comme Kevin Phillips le fait remarquer sans son livre dévastateur – et malheureusement ignoré – sur les Bush, American Dynasty, la première entreprise d’affaires à grande échelle, la société pétrolière Arbusto, était certainement financée en partie par des investissements d’hommes de paille américains pour des pontes saoudiens en relation avec la BCCI, Salem ben Laden, frère aîné d\’Oussama Ben Laden et ensuite chef de la famille, et Khalid ben Mahfouz, un actionnaire majeur de la BCCI.

L’Arbusto en faillite fut rachetée plus tard par Harken Energy au cours d\’un marché privilégié qui permit d’amortir la faillite de Bush au comité de Harken et un grand nombre d’actions à jouer sur les marchés. Bush appliqua bientôt sa touche magique sur Harken : la compagnie commençait à sombrer. Elle fut sauvée par une perfusion inhabituelle de 25 millions de dollars de l’Union Bank de Suisse, une des associées de la BCCI. Le marché fut conclu par le donateur de la famille Bush, Jackson Stephens - qui, assez curieusement, fut aussi un trésorier majeur pour l’ascension politique de Bill Clinton. En fait, en 1992, Stephens fut le plus grand donateur individuel à la fois de Bush Ier et de Clinton dans leur compétition présidentielle.

Phillips cite une histoire du Wall Street Journal de 1991 sur la myriade de liens du jeune Bush avec l’organisation criminelle : « La mosaïque des connexions de la BCCI entourant Harken Energy ne peut rien prouver de plus que le degré d’omniprésence des liens de la banque malhonnête », dit l’article. « Mais le nombre de gens liés à la BCCI qui effectuaient des transactions avec Harken – tous depuis que George W. Bush arriva au pouvoir – soulève de la même manière la question de savoir s’ils ne masquaient pas un effort afin de se rendre agréables à un fils de Président. »

Étant donné la copieuse documentation du Sénat et des enquêtes des médias sur l’usage étendu de la BCCI par Bush Ier pour financer sa transaction et celles de Reagan avec Saddam, l’Iran, les cartels de la drogue et les Contras, et les efforts acharnés de Bush pour bloquer les enquêtes sur la BCCI, les pots-de-vin énormes versés par cette dernière à Bush IIe ressemblent plus à des paiements pour services rendus par la famille Bush, plutôt qu’à des tentatives pour obtenir les faveurs présidentielles.

IV.

Beaucoup de ces mêmes intérêts qui employaient la BCCI pour diverses « black ops » apparaissent à nouveau dans les révélations de Sibel Edmonds : l’ISI et Abdul Qadeer Khan et les agents criminels/secrets turcs et israéliens. En effet, ces derniers jouèrent un rôle clé dans un des parties les plus épouvantables du rapport du Sénat : « Entraînement des escadrons de la mort du cartel. » Extrait du rapport :

« En avril 1989, un réseau de trafiquants d’armes israéliens, opérant à côté de Miami, expédièrent 500 mitrailleuses de fabrication israélienne via l’île d\’Antigua dans les Caraïbes pour qu’elles soient utilisées dans l’assassinat du candidat aux élections présidentielles colombiennes Luis Carlos Galan, et plusieurs autres armes furent trouvées en possession du dirigeant du cartel José Gonzalo Rodriguez Gacha après sa mort dans une fusillade avec des agents des narcotiques colombiens. »

« Les parrains du trafic d’armes comprenaient Yair Klein, qui avait été identifié auparavant dans des documents colombiens de lutte contre la drogue comme étant impliqué dans des entraînements d’escadrons paramilitaires pour le cartel de la drogue de Medellín ; Pinchas Shahar, un agent de renseignement israélien et Maurice Sarfati, un agent « d’affaires » israélien opérant à Miami et à Paris. »

« Le scandale éclata après une émission de NBC News le 21 août 1989 sur les activités de Klein, et un juge colombien accusa Klein de s’être engagé dans une conspiration criminelle pour entraîner les armées privées du cartel. Dans les mois qui suivirent, le scandale s’étendit à Antigua également, une île sans force militaire substantielle et n’ayant nul besoin des 500 mitrailleuses que son ministre des affaires étrangères avait commandées à des industries d’armement israéliennes. »

Assez étrangement, l’armement et l’entraînement des escadrons de la mort à Antigua s’accrurent lors d’une autre corruption de la politique Reagan-Bush par la BCCI : un prêt gouvernemental étasunien de 2 millions de dollars à Sarfati, soi-disant pour une ferme de melons qu’il devait établir à Antigua. L’argent fut canalisé par l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC), un canal principal de copains – et couverture d’opérations secrètes – pendant des décennies. Le prêt fut obtenu après que des fonctionnaires de la BCCI garantissent la validité de Sarfati pour l’OPIC. Le rapport du Sénat dit :

« Finalement, l’OPIC perdit tout son investissement dans la ferme de melons et conclut que c’était une fraude de Sarfati. Après avoir engagé des poursuites contre lui, l’OPIC vendit ses intérêts restants dans la ferme de melons, avec une perte de 50 cents par dollar, à un homme d’affaires israélien, Bruce Rappaport, et à une société lui appartenant appelée la Swiss American Bank. Rappaport, un confident de l’ex-directeur de la CIA, William Casey, était aussi à cette période en fréquent contact avec le contact d’origine étasunienne Bert Lance [qui avait été forcé de quitter son poste de chef du budget de Jimmy Carter lorsqu\’un scandale de corruption éclata. Lance était aussi un partenaire majeur avec Jackson Stephens et d’autres dans les marchés liés à la BCCI.]. Coïncidence, un des membres principaux du conseil de la BCCI, Alfred Hartmann, qui était aussi président de la BCP, filiale suisse secrète de la BCCI, faisait également partie du conseil d’une autre des banques de Rappaport. »

C’est ainsi que le monde fonctionne. Derrière le clinquant et les potins des campagnes présidentielles, derrière tous les « débats politiques » les plus sérieux au Capitole, derrière tous les « articles de position » et les « déclarations d’opinion » des cercles de réflexion et des partis politiques, derrière toute la grande panoplie de l’État et de nos augustes institutions de l’establishment, des voleurs et des assassins ont leur place, en coopération avec les grands et les bons.

Quiconque accède au pouvoir national doit faire un marché avec le diable : soit directement plonger ses mains dans la corruption et le sang, soit s’envelopper dans une « capacité à nier plausible », en regardant de loin les sales détails mais en sachant bien que ses subordonnés, agents et partisans font « le nécessaire » pour maintenir en bon état de fonctionnement la machinerie du pouvoir et de l’argent.

Cela ne signifie pas que les leaders ne peuvent pas aussi essayer de faire de bonnes choses également, et occasionnellement les accomplir. Après tout, Al Capone était célèbre pour ses actes de bienfaisance. En effet, certains leaders poursuivent des politiques idéalistes ou d’amélioration dans le but de « justifier » les crimes et les mensonges qui soutiennent le système qui les a élevés au sommet. Mais le diable aura son dû, et le prix du pouvoir doit toujours être payé – et ce sont les gens ordinaires, surtout les plus innocents et les plus vulnérables parmi nous, qui finissent toujours par le payer.

Source :

Empire Burlesque Chrisfloyd.com

Traduction française : Henri R.

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