« La baisse de la consommation d’énergie doit s’inscrire dans le temps long.
Ce n’est pas un effet de mode, le temps d’un hiver. C’est une nouvelle manière de penser et d’agir. »
En clôture d’un après-midi de présentation qui a réuni pas moins de neuf ministres, Élisabeth Borne a prononcé un bref discours visant notamment à expliquer qu’au-delà des problèmes conjoncturels d’approvisionnement, liés à la guerre en Ukraine, la sobriété énergétique allait devenir « le pilier de notre planification écologique ». « Il en va de la transition écologique. Il en va de notre souveraineté. Il en va de notre pouvoir d’achat », a ajouté la Première ministre.
Les propositions des associations d’élus reprises
« Nous avons tous notre rôle à jouer, la sobriété est l’affaire de tous. » Comme pour illustrer ce propos d’Élisabeth Borne, neuf ministres se sont exprimés tour à tour pour décliner les propositions dans leur secteur respectif, allant de la fonction publique à la production industrielle, du sport au numérique, en passant par les collectivités territoriales. Avec une volonté affichée de travailler dans la « concertation » et de « co-construire » plutôt que d’imposer par en haut – ce qui ne pourra que réjouir les associations d’élus, qui ne demandent que cela.
Témoin : dans le dossier de presse d’une cinquantaine de pages diffusé hier par le gouvernement, le chapitre consacré aux collectivités territoriales reprend in extenso les « dix mesures applicables sans délai » identifiées par l’AMF, Amorce et Intercommunalités de France dans un guide publié la semaine dernière (lire Maire info du 27 septembre) : ciblage des bâtiments énergétiquement inefficaces, régulation du chauffage, extinction de l’éclairage public la nuit autant que possible, etc.
Le gouvernement met quant à lui l’accent sur le passage aux LED pour l’éclairage public, expliquant qu’une telle mise à niveau peut permettre de faire diminuer la facture, sur cet item, de « 40 à 80 % ». Il rappelle également que le programme Actee, porté par la FNCCR et soutenu par l’AMF, qui permet d’obtenir des aides de l’État pour accélérer la transition énergétique dans les collectivités, vient d’être prolongé, avec une enveloppe renforcée passant à 220 millions d’euros. Maire info reviendra prochainement sur ce sujet.
Engagement
La stratégie du gouvernement est fondée sur l’incitation et « l’engagement » des acteurs, et non sur une quelconque coercition. À part pour ce qui concerne l’État lui-même, sur lequel le gouvernement a la main, le plan ne contient que des mesures qu’il est proposé d’appliquer, sans obligation. Le gouvernement demande toutefois aux acteurs de « s’engager » à les mettre en œuvre.
Parmi ces actions : le fait de diminuer à 19 ° C la température maximale de chauffe dans les bureaux, à 16 ° C la nuit et à 8 ° C quand le bâtiment est inoccupé pendant plus de trois jours. C’est, de très loin, la mesure qui devrait avoir l’impact le plus important sur la consommation énergétique, puisqu’elle permettrait, selon les calculs du gouvernement, d’économiser 23 TWh par an.
Télétravail
L’exécutif entend également favoriser le télétravail, afin d’économiser notamment du carburant. Les agents de l’État bénéficieront d’une augmentation de l’indemnité forfaitaire de télétravail à hauteur de 15 % - et le gouvernement incite les autres employeurs à faire de même. Pour mesurer les impacts réels du télétravail sur les factures de chauffage, le gouvernement va se livrer à une expérience grandeur nature, en mettant en télétravail à 100 % les agents des quatre sites franciliens du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et en fermant totalement ces bâtiments pendant quatre jours, fin octobre. Il faut toutefois relativiser l’impact du télétravail sur la consommation en matière de chauffage. Contrairement aux économies de carburant, qui sont réelles, pour ce qui est du chauffage, il ne s’agit que d’un report : les bâtiments de bureaux ne sont plus chauffés, mais les domiciles des télétravailleurs le seront peut-être davantage.
Sport et culture
Pour ce qui concerne les installations sportives, le gouvernement propose de réduire de 1 ° C la température des piscines. Les piscines sont des équipements « énergivores », rappelle le gouvernement, qui peuvent représenter « jusqu’à 10 % de la consommation énergétique totale d’une commune ». Le gouvernement suggère également « d’accompagner » les collectivités, via le programme Astee et son sous-programme Ast’eau, d’aller vers la rénovation des piscines pour économiser de l’énergie.
Pour ce qui concerne les gymnases, il est proposé d’aller vers une diminution de 2 ° C, comme l’a proposé l’Andes (association nationale des élus du sport). « En cas de tension particulière sur le réseau », le gouvernement demande que les gymnases restent accessibles mais avec un chauffage « mis sur le mode hors-gel ».
Enfin, le gouvernement annonce que les fédérations de football et de rugby se sont mises d’accord « pour réduire de près de 50 % le temps d’éclairage avant et après les matchs pour les matchs en journée et de plus de 30 % pour les matchs en soirée ».
Pour ce qui concerne le secteur de la culture, la Fédération française des cinémas a annoncé « un vaste plan de sobriété », avec « diminution de l’éclairage, baisse du chauffage et extinction des machines qui ne servent pas ».
Covoiturage
Le covoiturage va également être encouragé avec « un bonus » octroyé à toute nouvelle personne qui s’inscrit sur un site de covoiturage – on ignore pour l’instant son montant. Un autre bonus, baptisé « bonus sobriété », devrait être proposé par les fournisseurs d’énergie pour récompenser les ménages « qui maîtrisent leur consommation ». Les Français eux-mêmes, au-delà du monde professionnel, sont invités à réduire la température à 19 ° C dans les pièces de vie et 17 ° C dans les chambres.
Parmi les autres mesures, il est conseillé désormais de supprimer l’eau chaude dans les sanitaires des bâtiments de bureau.
Rappelons que, au-delà d’un engagement à réduire les consommations énergétiques du pays de 10 % sur deux ans, les ambitions sont bien plus vastes : car au-delà de la pénurie actuelle de produits énergétiques, le gouvernement s’est fixé l’objectif d’une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici huit ans, et « d’atteindre la neutralité carbone en 2050 », a précisé hier la Première ministre.