La promotion 2021 des Young Leaders de la French-American Foundation est marquée par la diversité des profils.
Pas facile pour la French-American Foundation de persévérer dans sa distinction des élites françaises et américaines, à l’heure où ces dernières sont si décriées. L’institution, qui avait sélectionné Edouard Philippe en 2011 et Emmanuel Macron en 2012, a donc soigné sa quarantième promotion tricolore de Young Leaders, annoncée le 23 juin. « L’idée n’est pas d’aller chercher les six premiers de l’ENA et les six premiers d’HEC, explique Agnès Touraine, qui préside le jury. On choisit des personnalités qui veulent sortir de leur couloir de nage. »
La sélection française compte effectivement des profils étonnants parmi ses douze lauréats, à égalité entre hommes et femmes. Ainsi, Aude Bray, 37 ans, a-t-elle fait un classique Sciences-Po Paris, mais pour basculer ensuite dans la Marine, avec un passage à l’Ecole de Guerre. Elle est aujourd’hui capitaine de corvette, avec une spécialité de canonnier. « Je m’occupe des canons et missiles, et plus largement de tout ce qui est lutte au-dessus de la surface de l’eau », explique-t-elle depuis le bâtiment de guerre dont elle est le second… lancée en pleines manœuvres !
La « prof » de Thomas Pesquet
Elle n’est d’ailleurs pas seule pour représenter la Marine dans la cuvée 2021, puisque cette dernière compte dans ses hauts-potentiels Bruno de Coutard. A 36 ans, il est en charge de la transformation digitale de la direction du personnel de la Marine, après avoir pourchassé les pirates dans l’Océan Indien, à bord de la frégate Courbet.
Laura André-Boyet, 39 ans, pointe, elle, à un job peu ordinaire : instructrice d’astronautes au sein de l’Agence spatiale européenne. C’est elle la « prof » de Thomas Pesquet –lui-même Young leader de la promo 2017. Elle l’a formé pour les expériences scientifiques et la vie à la vie à bord de l’ISS avec, pour cela, un solide bagage des études d’ingénieur, une médaille en biologie, un Executive MBA. Le tout obtenu à Grenoble, Washington, et Hyderhabad en Inde. « Je ne suis pas arrivée là parce que j’appartiens à une coterie ou que j’ai du sang bleu, mais à la force du poignet, en travaillant dur », assure celle qui est née dans le petit village de Primarette, en Isère.
Concurrents politiques
Il y a bien dans la sélection quelques jeunes talents au classique bagage de l’élite française, comme Louis Margueritte, 36 ans, qui s’est illustré au Comité interministériel de restructuration industriel (Ciri) en pleine crise, après l’ENA, l’X et de premiers pas au Trésor. Mais la politique est représentée cette année par Othman Nasrou. Né à Casablanca il y a 33 ans, le premier vice-président de la région Ile de France a appris sa sélection en pleine campagne pour son mentor, Valérie Pécresse. Signe de la volonté d’équilibre de la fondation : cette dernière avait sélectionné l’an passé le député macroniste des Yvelines Jean-Noël Barrot… qui figure sur la liste La République en marche en Ile-de-France, emmené par Laurent Saint-Martin.
Les secteurs de provenance sont ainsi très nombreux : politique, armée, entrepreneuriat (comme Antoine Hubert, cofondateur de la société Ynsect, qui produit des insectes pour la nourriture animale), ou hauts potentiels venus du privé (comme Véronique Cardi, 40 ans, PDG de l’éditeur JC Lattès). Les sujets de conversation communs pourraient donc s’avérer difficiles à trouver entre ces douze profils prometteurs mais très divers. Il faudra pourtant éviter les blancs, lorsqu’ils se réuniront avec leurs homologues américains à Paris le 20 octobre !
Boucles WhatsApp transatlantiques
« Les personnes que nous avons auditionnées et retenues ont un point commun, et qui constitue un critère de choix essentiel : un sens profond de l’engagement, rassure Emmanuel Chain, fondateur de la société de production Elephant & Cie. Et ils montrent tous une volonté d’échange, de compréhension du monde par des approches multiples. » Une attente que confirme Aude Bray : « nos différences vont permettre des échanges d’une grande richesse, nourrie par nos parcours », s’enthousiasme-t-elle. La capitaine de corvette attend également beaucoup du contact avec la promotion américaine –elle qui mène régulièrement des opérations conjointes en mer avec l’US Navy.
Les Young Leaders suivront en outre un programme de rencontres avec des personnalités politiques, économiques et de la haute administration, français et américains –autant d’occasions de débats. « Parmi ces générations, les échanges sont permanents, d’un côté à l’autre de l’Atlantique, grâce aux boucles WhatsApp », relève Agnès Touraine. Les nouvelles technologies démultiplient ainsi les échanges transatlantiques comme ne pouvait en rêver la French-American Foundation lors de sa création, en 1976, sous l’égide sous l’égide de Gerald Ford et Valéry Giscard d’Estaing, lorsqu’elle se fixait précisément pour but de « promouvoir le dialogue entre la France et les États-Unis et renforcer le lien historique qui les unit ».