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Les étranges relations de Didier Reynders

jeudi 24 mars 2016

En raison des attentats en Belgique et du souhait de l’Europe de voter un embargo sur la livraison d’armes à l’Arabie Saoudite, nous sommes en droit de nous poser la question du lien entre les terroristes belges et leurs financiers et commanditaires.
Cela nous amène à regarder les étranges relations du ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders qui a été reçu récemment par le prince Nayef al Salam d’Arabie Saoudite condamné à 10 ans de prison en France en 2007 pour trafic de drogue et toujours en liberté.

Didier Reynders rencontre un prince saoudien condamné pour trafic de drogue

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Le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a conclu sa visite en Arabie saoudite par une rencontre avec le prince saoudien Nayef Al-Shaalan, une personnalité contestée. Il s’agissait d’une visite informelle qui n’était pas inscrite au programme. Le ministre n’était pas au courant du passé judiciaire de l’individu et a indiqué par après « regretter qu’apparemment une erreur se soit produite ».

« L’ambassadeur m’a proposé cette rencontre et le protocole l’a approuvée. Je n’étais pas du tout au courant des antécédents judiciaires de la personne (...) », a affirmé Didier Reynders après la rencontre. « Si nous avions été informés de la situation, nous ne l’aurions pas fait », a-t-il ajouté à La Libre.

Accompagné de son frère jumeau Saud, Nayef a réservé un accueil de prestige au ministre belge des Affaires étrangères et à quelques journalistes. L’entrevue s’est terminée par une photo de famille aux côtés du léopard domestique du prince.

Nayef a été condamné en 2007 par un tribunal en France à 10 ans de prison pour son implication dans un trafic de deux tonnes de cocaïne par avion diplomatique. L’homme n’est pas allé en prison car aucun accord d’extradition ne lie l’Arabie saoudite et la France. L’intéressé a toujours nié tout trafic. Le prince figure également sur la liste des personnes recherchées par Interpol, renseigne le site internet de l’organisation internationale policière.

Les deux frères ont discuté très ouvertement avec Didier Reynders. Ils ont ainsi déclaré être tous les jours en contact (par satellite) avec des membres de l’opposition syrienne. Didier Reynders a qualifié la discussion de nécessaire sur ce plan. « Elle permet de mettre en lumière la manière de fonctionner de certains groupes sur le terrain. Cela démontre certainement la complexité du dossier syrien », a déclaré le chef de la diplomatie belge à l’issue de l’entrevue. Leurs déclarations ne le rendent en outre pas plus optimiste sur la Syrie avec entre autres le risque d’affrontements directs entre les différents groupes armés.

Didier Reynders avait eu, plus tôt dans la journée, un entretien avec le prince héritier saoudien et ce dernier, selon le ministre, lui avait livré un autre discours sur la Syrie.

La compagnie Skyways entre trafic de drogue et terrorisme

Le 29.03.07

Le procureur du Tribunal correctionnel de Bobigny a requis dix ans de prison contre le prince saoudien Nayef Al-Shaalan, le propre gendre du ministre saoudien de la Défense. Le jugement a été mis en délibéré au 9 mai. Le procureur a estimé que le prince avait bien acheminé en connaissance de cause 2 tonnes de cocaïne sur l’aéroport du Bourget, le 16 mai 1999. Un trafic de drogue effectué grâce à une compagnie aérienne privée qui ne passe pas inaperçue en Arabie Saoudite : Skyways International. Un choc pour les élites saoudiennes…

La société dépend en effet de la Saudi National Commercial Bank. L’établissement, au moment des faits, de l’homme d’affaires Khaled bin Mahfouz, banquier historique de la famille royale. Et la cocaïne a bien été livrée en France dans les soutes d’un Boeing de Skyways, pilotée ce jour-là par un commandant de bord employé de la compagnie, Keith Monroe.

Mais surtout comme www.geopolitique.com est en mesure d’en apporter les preuves aujourd’hui, un autre pilote de Skyways International, Mohammed Tahsin, est lui impliqué dans le cadre des enquêtes sur les attentats du 11 septembre.

De quoi alimenter des soupçons sur les buts ultimes poursuivis par cette compagnie aérienne.

www.geopolitique.com vous propose de télécharger un courrier de l’attaché des douanes auprès de l’Ambassade des Etats-Unis à Paris, daté du 30 décembre 2002. Cette lettre désigne un ressortissant pakistanais, Mohammed Tahsin, comme étant « financièrement associé » à l’un des pirates du 11 septembre 2001, Ahmed al-Ghamdi. L’attaché des douanes demande aux autorités françaises des détails sur un séjour effectué par Mohammed Tahsin à Paris, fin 2001, dans l’établissement de luxe Résidence Maxim’s. Nous avons pu nous procurer des éléments comptables relatifs à cette escale. Comme vous le découvrirez avec ces documents mis en ligne, Mohammed Tahsin dispose de réservations passées par Skyways et paye avec la carte American Express de Skyways.

Dans notre fichier de documents confidentiels, vous prendrez également connaissance des faxs émanant de la Branche Aviation de la National Commercial Bank, confirmant que Skyways est gérée depuis le siège social de cette banque, à Djeddah, longtemps présidée par Khaled bin Mahfouz.

Concernant les 2 tonnes de cocaïne acheminées en France par le Boeing de Skyways (immatriculé VP-BNA, photographié ci-contre), sur la base d’une coopération judiciaire menée avec les services antidrogues américains de la DEA, les enquêteurs français ont tenté de reconstituer le schéma global de l’opération. Grâce à une ex-petite amie américaine, Doris Mangeri-Salazar, le prince Al-Shaalan a été mis en relation avec le cartel colombien de Carlos Zapata.

Lui-même et ses lieutenants ont été invités à Riyad par le prince, qui a proposé de mettre à leur disposition des avions saoudiens pour acheminer leur production de cocaïne vers l’Europe (la police américaine aurait retrouvé au domicile de Doris des photos prises à Riyad ; et elle-même a été reconnue coupable pour ce trafic de drogue et condamnée à 24 ans de prison le 28 août 2005 par la Cour de Miami).

Dans un rapport de synthèse de la DEA, les frères Zapata (arrêtés aux Etats-Unis et qui ont accepté de collaborer avec la justice) évoquent les mobiles religieux du prince ; ils rapportent que celui-ci, par cette opération, entendait ouvertement servir la cause islamique. Une hypothèse qui laisserait supposer une opération de financement occulte en faveur d’un mouvement islamiste.

Sur la base d’une autre coopération, menée par les services judiciaires suisses, les enquêteurs estiment que les recettes financières de ce trafic de drogue étaient destinées à être blanchies par la Kanz Bank, une petite banque privée de Genève fondée par Nayef Al-Shaalan lui-même, et qui a subitement fermé au lendemain des premières arrestations effectuées en France et aux Etats-Unis. Côté helvétique, on estime que cette banque devait blanchir l’argent de la drogue grâce à schéma organisé par un homme d’affaires espagnol spécialiste des marchés de l’art, Jose Maria Clemente. Divers procès-verbaux de l’instruction indiquent que Clemente et Al-Shaalan se sont rencontrés à plusieurs reprises au moment des préparatifs de l’opération. Et, dans le cadre de ce trafic de drogue, Clemente a été arrêté à Barcelone par les services antidrogues espagnols le 11 décembre 2002, qui l’ont inculpé pour blanchiment.

Source

On a manqué quelque chose...

Si ce 22 mars 2016 marquera un tournant effroyable dans l’histoire de la Belgique, il y a des raisons à cela. Si la Belgique fait désormais partie du terrain de guerre sanglant des djihadistes, c’est que nous avons manqué quelque chose. Voici des exemples.

On s’y attendait, on l’avait annoncé. Juste avant l’arrestation de Salah Abdeslam, Didier Reynders avait confirmé que la menace était bien présente, qu’on avait trouvé « beaucoup d’armes, des armes lourdes, lors des premières perquisitions (Ndlr : à Forest) et découvert un nouveau réseau d’individus autour de lui ». Les menaces de Daech contre les pays alliés de la coalition internationale qui frappe les positions de l’Etat islamique en Syrie et en Irak étaient sans équivoque. Nombre d’experts répétaient que la question n’était plus de savoir s’il y aurait un attentat un jour en Belgique, mais où et quand.

Nous étions prévenus. Et c’est arrivé. Sans que les 700 militaires déployés dans nos rues et les vigiles privés, embauchés à tour de bras depuis quatre mois, n’aient rien pu faire. Sans que les 18 nouvelles mesures antiterroristes adoptées et les 400 millions d’euros dégagés par le gouvernement fédéral n’aient réussi à protéger les citoyens morts ou blessés lors des attentats de Bruxelles et Zaventem. Sans que les milliers d’heures supplémentaires prestées par les services de police et de renseignement n’aient permis d’arrêter à temps la cellule des terroristes qui se sont fait exploser hier dans le métro et à l’aéroport de Bruxelles.

Nous savions, mais nous avons manqué quelque chose, c’est clair.

Nous avons sans doute manqué de vigilance en terme de sécurité, malgré toutes les mesures prises. Voilà plusieurs mois que des syndicats de police tirent la sonnette d’alarme pour dénoncer le niveau de surveillance à Brussels-Airport, surtout au regard du trafic actuel, et le manque d’au moins 40 hommes sur le terrain par rapport aux normes de Schengen (fixées au tout début des années 2000). C’est la même chose aujourd’hui aux abords du Thalys à Bruxelles, la capitale de l’Europe, alors que la sécurité est censée y avoir été renforcée depuis l’attentat miraculeusement déjoué sur la ligne Amsterdam-Paris le 21 août dernier. L’auteur de l’attaque était monté à Bruxelles-Midi. Jusqu’à hier, un autre aurait pu recommencer sans être inquiété ni contrôlé.

Dans le pays qui affiche le taux le plus élevé de citoyens partis faire le djihad proportionnellement à sa population, nous avons manqué de discernement.

Depuis 2013, les hésitations des autorités politiques par rapport aux dizaines de returnees, revenus de ce terrain de guerre où ils ont été entraînés, endoctrinés et souvent traumatisés, interpellent : prison, bracelet électronique, surveillance par le Sûreté ? Certes, l’arsenal législatif s’est petit à petit durci au fil des mois, après bien des doutes et des discussions. Mais, dans les communes qui abritent ces soldats revenus du front, rien n’a pu être entrepris pour tenter de convertir un maximum d’entre eux et éviter qu’ils sombrent dans un obscurantisme plus noir et violent encore. Et c’est encore vrai aujourd’hui. Il suffit d’écouter les travailleurs sociaux et certains échevins de communes comme Molenbeek pour en avoir le cœur net.

Nous avons aussi manqué de fermeté par rapport aux courants les plus radicaux de l’islam. Entre autres, le salafisme qu’on a laissé se diffuser pendant quarante ans en Belgique notamment grâce au soutien des Saoudiens (lire l’article Comment l’Arabie saoudite a imposé son islam rigoriste à la Belgique). Révélateur : en aout dernier, grâce à un câble Wikileaks, on apprenait qu’il y a quatre ans, la Belgique avait discrètement demandé aux autorités saoudiennes le départ de Khalid Alabri, le directeur du Centre islamique et culturel de Belgique. Depuis 1969, dans le parc du Cinquantenaire, le CCIB permet de faire rayonner l’islam wahhabite comme l’Arabie saoudite l’entend. Les propos d’Alabri étaient jugés beaucoup trop radicaux. Il a été remplacé en toute discrétion. C’était en 2012, au tout début du phénomène des départs en Syrie, pas encore médiatisé. En 2013, lorsque les premiers recensements sont tombés, la Belgique faisait déjà partie des principaux pays exportateurs de combattants européens.

Nous avons manqué bien d’autres choses, comme la lutte contre l’exclusion sociale - depuis plus de trente ans - dans nombres de quartiers de nos grandes villes, en particulier à Bruxelles (où le taux d’emploi des jeunes d’origine maghrébine est d’à peine 40 % !) et Anvers. Aujourd’hui, au lendemain des attentats du 22 mars, sonne l’heure des comptes. Inévitablement. Non pas pour accabler les responsables politiques de tous bords qui, ces dernières décennies, ont pris des décisions dans les matières évoquées. Mais pour éviter que les morts absurdes de Zaventem et Bruxelles ne servent à rien et qu’on se dise, dans quelques mois ou quelques années, que depuis le « mardi noir » les choses n’ont pas vraiment évolué. Pour que le courage et la lucidité politique prennent le pas sur l’électoralisme, les compromissions diplomatiques et l’aveuglement du politiquement correct.

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