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Les banques engagent la France à assouplir son code du travail pour profiter du Brexit

lundi 27 mars 2017

PARIS 05-01-2017 (Dow Jones)—C’est sans détour que le patron de J.P. Morgan Chase (JPM) a expliqué à François Hollande, lors d’une visite à l’Elysée à la fin octobre, qu’il avait peu de chances d’attirer à Paris les postes financiers actuellement basés à Londres sans assouplir le marché du travail.
Le président de la République, qui n’avait pas encore annoncé qu’il ne se représenterait pas, avait alors assuré à James Dimon que les réformes nécessaires seraient mises en œuvre... par le prochain gouvernement.

« Nous comprenons », avait affirmé François Hollande, selon des personnes proches du dossier. « C’est compliqué. »

C’est en terrain miné qu’avancent les gouvernements européens, alors qu’ils s’efforcent de tirer parti du vote en faveur du Brexit. Plusieurs grandes villes européennes se sont lancées dans une course contre la montre pour capter les emplois financiers de la City, centre financier de l’Europe. Or avec les élections prévues cette année en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, et avec la montée des partis populistes dans les sondages, les gouvernements hésitent à courtiser ouvertement les grandes banques.

Paris et d’autres capitales ont préféré s’engager dans de discrets échanges diplomatiques avec les acteurs du secteur financier pour leur assurer que, quel que soit le résultat des élections, ils pouvaient commencer à relocaliser leurs activités.

En France, le gouvernement a fait appel à Christian Noyer, ancien gouverneur de la Banque de France, pour assurer la transition avec le prochain gouvernement et poursuivre les négociations et la mise en œuvre de nouvelles mesures incitatives pour attirer les banques, ont expliqué des personnes proches du dossier.

De son côté, François Fillon, candidat républicain à l’élection présidentielle et partisan d’une réforme du marché du travail, a lui aussi rencontré les représentants des banques pour discuter de leurs propositions, selon des personnes au fait du dossier.

Contactés, des porte-parole du cabinet du président de la République et de François Fillon n’ont pas souhaité s’exprimer. Une porte-parole de J.P. Morgan n’a pas voulu apporter de commentaires.

Des plans détaillés en cas de perte du passeport européen

Les banques n’ont pas le loisir d’attendre. Les négociations entre Londres et Bruxelles en vue du Brexit doivent commencer en début d’année, et les dirigeants ont déjà commencé à réaliser des plans détaillés qui puissent rapidement être mis en œuvre s’il apparaît que le Royaume-Uni ne pourra pas conserver son accès aux marchés financiers de l’Union européenne.

Capter ne serait-ce que quelques milliers d’emplois aurait un énorme impact sur des villes comme Paris, Francfort ou Dublin, dont les centres financiers ne représentent qu’une fraction de celui de Londres. Elles pourraient tirer parti d’un durcissement de la réglementation européenne qui obligerait les grandes banques des pays tiers à créer des filiales et détenir des fonds propres supplémentaires pour réaliser leurs activités dans l’Union. Celles-ci pourraient donc chercher à transférer une grande partie de leur activité dans l’Union européenne, indépendamment de l’accord qu’obtiendra le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit.

Par ailleurs, les incertitudes qui planent sur la marge de manœuvre de Londres dans les négociations ont affaibli sa capacité à inciter les banques à rester, a récemment indiqué Andrew Bailey, un régulateur financier britannique, au Parlement.

Jusqu’à présent, celles-ci se sont globalement attachées à renforcer leurs activités dans les villes où elles sont déjà présentes. HSBC Holdings (HSBA.LN) a indiqué qu’elle se renforcerait à Paris, où elle possède déjà une activité de banque de détail. Les représentants de Goldman Sachs (GS) ont de leur côté fait savoir que la banque prospectait à Francfort, où elle dispose d’une licence bancaire, tandis que Citigroup (C) envisage de transférer plusieurs centaines de postes de Londres à Dublin si le Royaume-Uni devait perdre son accès au marché unique, selon des personnes proches du dossier.

Les négociations se poursuivent en coulisses

Le climat politique actuel en France fournit un parfait exemple des obstacles auxquels pourraient se trouver confrontées les banques comme la classe politique. Les banquiers londoniens redoutent une victoire de Marine Le Pen, et François Hollande est bien placé pour savoir qu’il sera difficile de réformer le marché du travail.

Dans le sillage du vote en faveur du Brexit, le ministre des Finances, Michel Sapin, avait rejeté toute discussion au sujet d’un assouplissement du marché du travail pour les banques, déclarant lors d’une conférence organisée le 27 octobre que le gouvernement se refusait à créer « un statut particulier pour la finance ».

En coulisses, les dirigeants politiques français planchent pourtant sur les avantages qui pourraient être concédés aux banques. Depuis la mi-septembre, les hauts responsables de banques américaines, asiatiques et du Golfe mènent des discussions confidentielles avec des membres du gouvernement français concernant la relocalisation d’une partie de leur activité après le Brexit, ont souligné des personnes proches du dossier.

Au cours de ces entretiens, les représentants des banques américaines ont exprimé leurs inquiétudes devant la rigidité du code du travail, qui compliquerait le recrutement et le licenciement de banquiers et traders de haut vol, ont indiqué les personnes interrogées.

L’une des options, a indiqué un responsable français, serait de permettre aux banques de licencier sans contrainte les salariés entrant dans certaines catégories de personnel répertoriées par l’Autorité bancaire européenne.

« C’est nécessaire si nous voulons être attractifs », a-t-il souligné.

Noémie Bisserbe et William Horobin à Paris, Max Colchester à Londres, The Wall Street Journal

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