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Angela Merkel admet l’échec du multiculturalisme allemand

jeudi 27 septembre 2018

Ce modèle a « totalement échoué », a dit la chancelière allemande. Alors que le sentiment de défiance vis-à-vis des musulmans croît dans le pays, les immigrants sont priés de mieux maîtriser l’allemand.

Non vous ne rêvez pas ce discours n’est pas de cette année, où la crise des migrants fait débat, mais de 2010.
La courbe des âges des réfugiés « boat people » dans les années 70 était similaire à celui du pays hôte, l’âge médian des immigrants dans l’UE en 2015 était de 27,5 ans alors que l’âge médian de la population de l’UE était de 42,6 ans. Au 1er janvier 2016, 20,7 millions de citoyens de pays tiers et 35,1 millions de personnes nées en dehors de l’Union vivaient dans l’UE. En chiffres absolus, le plus grand nombre de non-nationaux vivant dans les États membres de l’Union au 1er janvier 2016 se trouvaient en Allemagne (8,7 millions de personnes).
L’analyse de la structure d’âge de la population révèle que, partout dans l’UE, la population étrangère est plus jeune que la population nationale. (Eurostat)

Angela Merkel durcit un peu plus son discours pour faire entendre sa voix dans le débat sur l’immigration qui agite son pays. Ce week-end, la chancelière a simplement et radicalement enterré le modèle d’une Allemagne multiculturelle, où pourraient cohabiter harmonieusement différentes cultures. Cette approche « Multikulti » - « nous vivons côte à côte et nous nous en réjouissons » - a « échoué, totalement échoué », a-t-elle lancé devant le congrès des Jeunesses de sa formation conservatrice.

Pour Angela Merkel, les immigrants doivent s’intégrer et adopter la culture et les valeurs allemandes, comme elle l’avait déjà souhaité à plusieurs reprises ces dernières semaines. « Nous nous sentons liés aux valeurs chrétiennes. Celui qui n’accepte pas cela n’a pas sa place ici », a-t-elle dit. « Subventionner les immigrants » ne suffit pas, l’Allemagne est en droit « d’avoir des exigences » envers eux, a poursuivi la chancelière allemande, par exemple qu’ils maîtrisent l’allemand et qu’il n’y ait plus de mariages forcés.

Le débat sur la place des étrangers en Allemagne a pris une nouvelle tournure depuis la parution, fin août, du livre choc de Thilo Sarrazin. Dans cet essai, L’Allemagne se détruit, ce membre du Parti social-démocrate, qui siégeait au directoire de la banque centrale allemande, affirme que les musulmans minent la société allemande et abaissent l’intelligence moyenne de la population. Son livre a suscité un tollé, mais il figure toujours dans les meilleures ventes et les sondages montrent qu’une majorité d’Allemands approuvent son argumentation.

Un grand écart avant les élections

La position d’Angela Merkel reste cependant plus nuancée. Alors que certains conservateurs aimeraient refermer les vannes, la chancelière allemande juge que l’immigration est nécessaire étant donnée la pénurie de main d’œuvre qualifiée (400.000 personnes selon la chambre de commerce et d’industrie). Et elle estime aussi que « l’islam fait partie de l’Allemagne », reprenant une formule récente du président Christian Wulff (CDU), qui a indigné une partie de son camp chrétien-démocrate (CDU-CSU).

Afin d’encourager cette intégration, le gouvernement a dernièrement décidé de financer la formation complète des imams dans les universités allemandes. La plupart viennent aujourd’hui de Turquie, avec une maigre connaissance de l’allemand. Le président turc Abdullah Gül a lui-même exhorté ses compatriotes, qui forment la plus forte communauté étrangère d’Allemagne, à apprendre à « parler couramment et sans accent » la langue allemande.

Avec grand écart, Angela Merkel tente de réunir les franges divergentes de son parti et de remobiliser les électeurs, alors que la coalition conservatrice-libérale est en chute libre dans les sondages à l’approche de six scrutins régionaux en 2011. Horst Seehofer, chef de la CSU bavaroise qui courtise les voix très à droite, avait proclamé la mort du Multikulti dès vendredi. L’Allemagne n’a « plus besoin d’immigrants de pays aux cultures différentes comme les Turcs et les Arabes » pour qui il est « plus difficile » de s’intégrer, avait-il déjà assuré.

Figaro

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