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L’Artemisia, l’autre remède du Covid 19 interdit

lundi 15 juin 2020

En août 2019, tous les clients ayant commandé de l’Artemisia Annua sur Amazon ont été remboursés de la totalité de leur achat effectué auprès d’un pharmacien allemand.
L’ANSM et Dominique Martin ont décidé en avril 2015 que :
« La mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la distribution, la fabrication, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, l’importation, l’exportation et la publicité du produit Artemisia de la société EXSENCE-OGNOPS sont suspendues jusqu’à leur mise en conformité à la réglementation du médicament qui lui est applicable. »

Palu : Agnès Buzyn interdira-t-elle une étrange « médication maison » promue par Cédric Villani ?

Bonjour

L’Académie nationale de médecine part en guerre. Tiré depuis la paisible rue Bonaparte, le premier missile a la forme discrète d’un communiqué – c’est aussi une « prise de position officielle » adoptée lors de la séance du mardi 19 février 2019 par 76 voix pour, 9 voix contre et 12 abstentions.

Cible désignée : la campagne médiatique et commerciale : « Éliminons le paludisme à l’aide de feuilles d’Artemisia » incitant à traiter les malades avec des tisanes ou des capsules de feuilles séchées d’Artemisia annua. Cette action est menée par une association française, « La maison de l’Artemisia », qui crée des succursales dans plusieurs pays d’Afrique, et le soutien d’une association luxembourgeoise, avec le message suivant : chaque village africain doit apprendre à planter des pieds d’Artemisia dans un jardin, récolter et sécher les feuilles pour disposer ainsi d’un « médicament maison » permettant de traiter chaque accès palustre sans qu’il soit nécessaire de consulter un agent de santé ou d’absorber une Combinaison Thérapeutique à base d’Artémisine (CTA), l’un et l’autre n’étant pas toujours disponibles.

L’Académie précise que ces associations ont réussi à entraîner dans leur sillage des « célébrités non médicales de tous horizons », à bénéficier d’une audition à l’Assemblée nationale [1] et d’échos médiatiques (Le Monde 24/04/2018, L’Obs 9/10/2018, Paris Match 06/11/2018, Le Figaro 23/11/2018, La Croix 17/12/2018) qui s’amplifient depuis le début du mois de novembre. Leur discours s’appuie sur des expérimentations d’une biologiste américaine, Pamela Weathers, qui teste la plante chez des rongeurs et tente d’identifier et de doser des composés autres que l’artémisinine présents dans les Artémisia

Cédric Villani et Juliette Binoche

Un essai contrôlé chez l’homme, a été mis en ligne le 5 décembre dernier, publié dans une revue spécialisée de phytothérapie [2]. Cette étude, réalisée en 2015 dans cinq bourgades de République Démocratique du Congo (RDC), sur 957 patients (enfants > 5 ans et adultes) ayant un paludisme à P. falciparum non compliqué, compare l’efficacité d’une tisane d’Artemisia consommée pendant sept jours au traitement par l’artésunate-amodiaquine (ASAQ), une Combinaison Thérapeutique à base d’Artémisine (CTA) recommandé en RDC, pendant trois jours, ce qui rend douteuse la qualité du double insu.

« Malgré un évident lien d’intérêts et de nombreuses insuffisances méthodologiques qui auraient dû entraîner un rejet de l’article par les relecteurs, les auteurs proclament la supériorité de la tisane d’Artemisia sur le CTA en utilisant trois critères : disparition de la fièvre, de la parasitémie et taux d’échecs entre J21 et J28 qui atteint le niveau invraisemblablement élevé de 65,6% dans le bras ASAQ, aucun test n’étant effectué pour différencier les rechutes (vrais échecs) des réinvasions, accuse l’Académie. La consommation d’Artemisia seule pendant 7 jours, par des litres de tisane de composition incertaine, expose les jeunes enfants impaludés à un risque élevé d’accès pernicieux. De plus, cette monothérapie favorise l’émergence de souches de P. falciparum résistantes, alors qu’aucune molécule n’est actuellement disponible pour remplacer l’artémisinine dans les CTA. »

Incompétence et bonnes intentions

L’OMS, en 2007, se prononçait pour le retrait de tout médicament à base d’artémisine seule ; en 2012, elle déconseillait formellement l’utilisation de feuilles séchées en raison de la concentration faible et variable d’artémisine dans la plante et de sa dégradation dans l’eau à forte température ; en 2015, elle publiait une 3e édition des « Recommandations pour le traitement du paludisme » précisant le traitement des accès simples à P. falciparum, les CTA recommandées et le protocole d’urgence artésunate IV + CTA pour les accès pernicieux.

En France l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments (ANSM) a suspendu en 2015 et 2017 la mise sur le marché de produits à base d’Artemisia proposés sur internet ou par l’intermédiaire d’associations pour la prévention et le traitement du paludisme, « susceptibles de présenter un danger pour la santé humaine ».

Conclusion, à l’adresse, notamment, d’Agnès Buzyn, ministre française des Solidarités et de la Santé :

« L’Académie Nationale de Médecine, inquiète des dangers immédiats de l’utilisation des feuilles séchées d’Artemisia pour le traitement et la prévention du paludisme et soucieuse de préserver l’avenir de l’efficacité thérapeutique de l’artémisinine, tient à mettre solennellement en garde les autorités de santé, les populations des zones de transmission du paludisme, les voyageurs séjournant dans ces pays, face aux recommandations scientifiquement incertaines et irresponsables pour l’utilisation de cette phytothérapie, dangereuse pour l’avenir de la lutte antipaludique. Elle demande que cesse une campagne de promotion organisée par des personnalités peut-être bien intentionnées mais incompétentes en paludologie. »

@jynau

* « Malaria Business », de Bernard Crutzen, diffusé en novembre sur France 24

Source

Notes

[1Extraits de Paris Match daté du 6 novembre 2018 : « Juliette Binoche et les députés Cédric Villani et Stéphane Demilly organisent le 13 novembre à l’Assemblée nationale, la projection d’un documentaire sur l’artemisia, une plante qui guérit le paludisme. Juliette Binoche et les députés Cédric Villani (LREM) et Stéphane Demilly (UDI) s’engagent dans la lutte contre le paludisme. Ils organisent la projection d’un documentaire* sur l’artemisia, une plante qui prévient et guérit du paludisme, le 13 novembre à l’Assemblée nationale. En Afrique, en Europe et aux Etats-Unis, des médecins, chercheurs et ONG valorisent l’utilisation naturelle de cette plante, déconseillée par l’OMS, pour lutter contre le fléau mondial.

« D’après la plus grande étude clinique conduite à ce jour (sur 1000 patients en République démocratique du Congo), les tisanes d’artemisia auraient une efficacité spectaculaire (99%) contre la maladie parasitaire, sans provoquer d’effets secondaires. Aux Etats-Unis, les travaux de la biologiste Pamela Weathers attestent de la sûreté et de l’efficacité de cette thérapie naturelle dont le faible coût et la disponibilité immédiate font d’elle un moyen de lutte particulièrement adapté aux pays en développement.

« Ces médecins, chercheurs et ONG souhaitent que l’artemisia entre dans l’arsenal thérapeutique pour lutter contre la maladie qui tue un enfant toutes les deux minutes dans le monde (90% des cas et des décès se concentrent en Afrique subsaharienne). Les propriétés antimalariennes mises en avant par les promoteurs de l’artemisia seraient capables d’éradiquer le fléau qui sévit avec force depuis des siècles. Engagée sur le sujet, Juliette Binoche a prêté sa voix à « Malaria Business ». L’actrice, qui sera présente lors de la projection du documentaire, souhaite insister sur l’urgence à agir contre le paludisme qui tue chaque année près d’un million de personnes dans le monde.

[2Artemisia annua and Artemisia afra tea infusions vs. artesunate-amodiaquine (ASAQ) in treating Plasmodium falciparum malaria in a large scale, double blind, randomized clinical trial. Munyangi J, Cornet-Vernet L, Idumbo M, Lu C, Lutgen P, Perronne C, Ngombe N, Bianga J, Mupenda B, Lalukala P, Mergeai G, Mumba D, Towler M, Weathers P. Phytomedicine. 2019 April ; 57:49-56. doi : 10.1016/j.phymed.2018.12.002

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