Geopolintel

L’indispensable préférence communautaire

samedi 17 avril 2010

Texte extrait du « Manifeste pour une Europe des peuples » paru aux éditions du Rouvres, sous la direction de Jean-Michel Vernochet, politologue, écrivain et journaliste.

Maurice Allais, Prix Nobel d’Économie

L’euro est-il nécessaire au développement de l’Europe ?

J’ai toujours considéré qu’une monnaie unique devrait être et ne pouvait être que le parachèvement de la réalisation d’une Union Économique et que de ce point de vue la création de l’Euro a été prématurée. Mais maintenant que l’Euro a été créé entre douze États membres de l’Union Européenne [Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays Bas et Portugal] dans des conditions justifiées (*) je ne vois que des avantages à ce qu’il soit maintenu et la politique de la Banque Centrale Européenne qui entend réaliser une croissance annuelle moyenne des prix de 2 % me paraît entièrement fondée. Aujourd’hui un grand nombre de critiques rendent cette politique responsable des difficultés rencontrées et ils préconisent une politique de relance de l’économie par l’inflation. C’est là une profonde erreur. Les difficultés que nous rencontrons ne proviennent pas de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne mais de la politique de libre échangisme de l’Organisation de Bruxelles. La meilleure preuve en est qu’en 2004 le taux moyen de chômage dans les douze pays de la Zone Euro a été exactement le même soit 8,8 % que dans les treize autres pays de l’Union Européenne. Comme je n’ai cessé de le démontrer depuis cinquante ans l’inflation n’est pas une condition de la croissance. Elle ne peut en fait que la compromettre. Il est effectif que la stabilité de l’Euro tend à le renforcer vis à vis des autres monnaies et par suite à entraîner une diminution des exportations de la Zone Euro et une augmentation de ses importations. Mais cet effet n’existe qu’en l’absence de toute protection tarifaire ou contingentaire de la Zone Euro et il ne pourrait être supprimé qu’à la suite d’une profonde réforme du système monétaire international.

(*) Sauf pour l’Espagne, le Portugal et la Grèce le produit intérieur brut par habitant est effectivement du même ordre de grandeur pour tous les pays de la Zone Euro.

Quelle organisation politique faut-il à L’Europe ?

La non-ratification du Projet de Constitution par la France et les Pays Bas en mai 2005 pourrait-elle signifier un recul, voire un abandon quelconque de la Construction Européenne ? Certainement pas, tout au contraire. Nous devons indéfectiblement poursuivre la nécessaire édification de la Construction Européenne. La non-ratification du Projet de Constitution, loin de s’opposer à la Construction Européenne, doit lui permettre de s’engager dans des voies réalistes et pleines d’avenir. Le Projet de Constitution doit être radicalement repensé à tous points de vue. Le retard qui pourra en résulter n’est rien au regard de ce qui est effectivement en jeu, l’avenir de l’Europe pour les décennies à venir.
En fait, l’existence d’un « déficit démocratique » dont on se plaint tant ne résulte que de l’absence d’institutions démocratiques appropriées. Ce sont les peuples eux-mêmes qui doivent décider et rester maîtres de leur avenir.

Pour moi l’Organisation politique de l’ensemble des pays européens doit reposer sur une Confédération d’États souverains. Cette Confédération doit reposer sur une Charte Confédérale, précisant limitativement les droits transférés à l’Autorité Confédérale et les modalités générales d’exercice de ces droits, l’application de cette Charte devant être entendue dans son sens le plus restrictif.
Cette Charte doit être rédigée par une Assemblée Constituante et être approuvée par référendum le même jour dans tous les États membres de la Confédération européenne à une majorité qualifiée. La question la plus importante, la plus urgente aujourd’hui, c’est effectivement de définir le cadre institutionnel dans lequel les droits démocratiques fondamentaux des États membres seraient préservés, dans le même temps que l’action de la Confédération, pour poursuivre en commun les objectifs communs des États membres, serait rendue plus efficace.

La Construction Européenne ne pourra pas progresser tant qu’il ne sera pas remédié au profond déficit démocratique qui se constate aujourd’hui. Un principe général doit ici guider notre action : c’est ce que j’appellerai le Principe confédéral. D’après ce principe il ne faut déléguer à une Autorité politique confédérale que les seuls pouvoirs nécessaires pour l’exercice en commun des seuls objectifs communs des États membres de la Confédération européenne, et reconnus comme tels par tous ces États, sans aucune exception.

Pour éviter tout déficit démocratique, quel devrait être le cadre institutionnel de la Confédération européenne dans lequel les pouvoirs expressément et limitativement délégués à l’autorité politique commune pourraient s’exercer efficacement en symbiose avec les pouvoirs nationaux ?

Tout d’abord un Sénat Européen, dont les membres seraient élus par les Parlements nationaux, devrait rendre possible une préservation efficace des intérêts nationaux fondamentaux des nations européennes dans le cadre d’un plein respect de la Charte Confédérale. Ce Sénat devrait constituer avec la Chambre européenne de Strasbourg le Parlement confédéral.

En second lieu, la poursuite en commun des objectifs communs des pays membres de la Confédération européenne dans le plein respect des dispositions de la Charte confédérale devrait être confiée à une Autorité politique confédérale nommée par le Parlement confédéral et responsable devant lui. La Confédération européenne serait présidée par un Président élu pour cinq ans par le Parlement confédéral. Son mandat ne serait pas renouvelable. L’Autorité politique confédérale serait présidée par un premier ministre nommé par le Président de la Confédération au regard des résultats des élections.

L’action de cette Autorité confédérale devrait s’exercer en concertation avec un Conseil européen, représentant les gouvernements nationaux. Comme en Suisse, serait expressément prévu le principe d’un Référendum d’initiative populaire.
La rédaction de la Charte Européenne devrait être effectuée par une Assemblée Constituante élue à cette fin au suffrage universel.

Dans cette Confédération européenne un enseignement pluraliste de la littérature, de l’histoire, de l’économie, de la sociologie et de la science politique, contribuerait puissamment à faire disparaître les antagonismes artificiels, et trop souvent aveugles, entre les différents peuples, antagonismes qui s’opposent à leur compréhension réciproque. Sans aucun doute ce serait là une condition majeure de l’émergence d’un véritable esprit européen.

La dispersion géographique actuelle des Institutions Confédérales entre Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg et leur localisation sur des territoires nationaux sont totalement déraisonnables et elles ne sauraient réellement être maintenues. En fait, il convient de localiser les Institutions Confédérales sur un Territoire Confédéral qui soit propre à la Confédération européenne et qui soit indépendant de tout pays membre. Ce territoire devrait être constitué par des zones contiguës attribuées à la Confédération européenne par certains de ses membres, et la Confédération européenne y exercerait sa totale souveraineté.

Au regard de l’histoire passée de l’Europe, au regard du rôle majeur joué par la France dans la réalisation de la Confédération européenne, au regard de la réunification de l’Allemagne et de son rôle tout à fait essentiel dans la Construction européenne, ce Territoire Confédéral devrait de toute façon être établi sur une zone située actuellement à la fois en France et en Allemagne.
Compte tenu des données géographiques et démographiques, une implantation pourrait être raisonnablement envisagée. Elle impliquerait également le Luxembourg et se localiserait dans la région des trois frontières. Cette zone comprendrait environ 300 km2. En tout cas, il est absolument nécessaire de rassembler les Institutions Confédérales sur une même localisation, et cette localisation ne saurait être ni Bruxelles, ni Luxembourg, ni Strasbourg, toutes grandes villes indissociables de la Belgique, du Luxembourg et de la France, et dont aucune d’entre elles ne peut offrir des potentialités comparables à celles d’un Territoire Confédéral. Incontestablement la mise en place d’un Territoire Confédéral Européen, qui ne soulèverait aucune difficulté majeure, aurait une valeur de symbole matérialisant la volonté politique de réaliser la Confédération européenne.

La question des frontières de la Confédération européenne, c’est-à-dire des pays dont la participation doit actuellement être envisagée, est absolument capitale.
Il convient de souligner ici que tout ensemble trop étendu est condamné soit à l’inefficacité et à la paralysie, soit à l’apparition de puissantes forces de désagrégation. L’explosion de l’ex-Union soviétique est ici convaincante. Une trop forte intégration sous une même autorité politique de populations hétérogènes ne peut que mener inéluctablement à des situations instables et explosives. Si on considère cette donnée de l’expérience historique, on est amené à la conclusion qu’une Confédération européenne ne peut être stable et viable que sous deux conditions :

  • ne pas être trop vaste et appartenir à un même espace géographique ;
  • rassembler des pays (ou des peuples) constitués d’un tissu historique, sociologique et politique semblable. Il résulte de là que la Confédération européenne doit se limiter à l’Europe actuelle des vingt-cinq avec l’addition de la Bulgarie et de la Roumanie. L’inclusion de la Turquie doit être totalement et définitivement exclue. Cette exclusion doit être décidée au plus tôt par référendum dans l’ensemble de la Confédération européenne.

Jusqu’ici deux erreurs essentielles ont été commises dans la Construction européenne.

La première erreur a été de penser qu’il fallait commencer par l’Europe économique, alors que manifestement la réalisation d’une Europe économique réelle devait poser tôt ou tard et inévitablement des questions politiques majeures. Elle a été également ne négliger presque totalement la réalisation d’une Communauté Culturelle Européenne, sans laquelle la réalisation et le fonctionnement de toute Europe Politique se révèlerait finalement impossibles.

La seconde erreur, conséquence de la première, a été de donner à l’Organisation de Bruxelles des pouvoirs tout à fait excessifs, sans avoir clairement conscience des dangers évidents qui pouvaient résulter pour l’Europe de décisions bureaucratiques et technocratiques, pour une large part irréalistes et à vrai dire irresponsables. De là est résultée une dérive technocratique, dirigiste, centralisatrice, unitaire et jacobine de l’Union européenne. Non seulement cette dérive a entraîné partout des effets pervers, mais par ses excès mêmes elle a suscité de très fortes oppositions, à vrai dire justifiées, à la Construction européenne. En fait, la démonstration a été donnée à l’Est que toute centralisation excessive dans un ensemble hétérogène, loin de parvenir à unifier, développe des forces centrifuges déstabilisatrices. La démonstration a été donnée que le dirigisme centralisateur mène inévitablement à l’échec. En réalité, une Europe centralisée mènerait inévitablement à un puissant réveil des nationalismes.

Le fondement véritable de la démocratie n’est pas la règle de la majorité. C’est essentiellement le respect des individualités et des minorités. C’est également une décentralisation aussi grande que possible des pouvoirs politiques.
Dès lors, toute tentative pour organiser une structure européenne sur une base unitaire où la majorité ferait la loi sans aucune restriction, serait fondamentalement antidémocratique. En fait, toute organisation valable d’une société démocratique doit être aussi décentralisée qu’il est possible et toute centralisation doit se limiter au minimum indispensable. L’objectif essentiel de l’organisation confédérale européenne ne doit pas être de tout unifier, de tout centraliser, mais tout au contraire de préserver toutes les diversités, dans la mesure où leur exercice ne s’oppose pas à la réalisation efficace en commun des objectifs communs et reconnus comme tels des pays membres de la Confédération européenne.

Telles sont, à mon avis, les lignes directrices qui devraient guider notre action pour l’édification de la Construction européenne. Construire l’Europe tout en sauvegardant les Nations européennes dans ce qu’elles ont de spécifique, c’est là le principe fondamental à partir duquel doit s’élaborer la Construction européenne. Cette élaboration ne peut être que progressive, et elle doit se faire dans une pleine clarté. Elle ne peut être imposée dans la hâte car forcer la marche avec de mauvais textes ne peut mener qu’à des impasses.

En vérité, nous ne sommes nullement acculés à un choix entre tout ou rien. L’Europe ne peut se faire dans l’équivoque, sans une totale approbation des peuples concernés et sans leur participation active. L’Europe ne peut pas plus se fonder sur des bases technocratiques et centralisatrices que sur des incantations verbales. Elle ne peut se faire que sur des bases réalistes associant nos vieilles nations européennes dans un ensemble décentralisé, démocratique, libéral et humaniste. A vouloir aller trop loin et trop vite, dans le cadre d’institutions centralisées inappropriées et sans contre-pouvoirs efficaces, on ne peut que s’exposer inéluctablement à l’échec à terme, et compromettre gravement la Construction européenne, dont je suis et reste un ardent partisan depuis 1945.

Des possibilités sans précédent s’offrent à nous aujourd’hui qui peuvent représenter une très grande chance pour l’Europe et l’humanité tout entière. Serons-nous assez lucides pour voir clairement les problèmes auxquels nous sommes confrontés, assez clairvoyants pour en apercevoir les solutions réalistes, et assez courageux pour défendre ces solutions devant nos opinions publiques ? Si une Confédération européenne véritable pouvait se constituer économiquement, politiquement, et culturellement, elle connaîtrait une extraordinaire prospérité, et elle représenterait par son exemple une immense espérance pour la communauté des hommes.

En favorisant une mondialisation sans frein et sans limites, l’Europe ne concoure-t-elle pas à l’accroissement de ses propres
difficultés économiques ?

À partir de 1974 on constate pour la France une croissance massive du chômage, une réduction drastique des effectifs de l’industrie et une réduction très marquée de la croissance. De 1950 à 1974, pendant vingt-quatre ans le taux de chômage au sens du BIT est resté constamment inférieur à 3 %. De 1975 à 2005, pendant les trente années suivantes, il s’est progressivement élevé pour attendre 12,5 % en 1997 et 10 % en 2005. Alors que de 1955 à 1974 les effectifs dans l’industrie s’étaient accrus d’environ 50.000 par an, ils ont ensuite décru de 1974 à 2005 d’environ 50.000 par an. Les effectifs de l’industrie ont atteint leur maximum d’environ 6 millions en 1974. De 1950 à 1974 le taux de croissance moyen du PIB réel par habitant a été de 4 %. De 1974 à 2000 le taux moyen de croissance a été de 1,6 % avec une baisse de 2,5 % soit une diminution de 60%.

Une seule cause peut et doit être considérée comme le facteur majeur et déterminant des différences constatées entre les deux périodes 1950-1974 et 1974-2005 : la politique à partir de 1974 de libéralisation mondialiste des échanges extérieurs de l’Organisation de Bruxelles dont les effets ont été aggravés par la dislocation du système monétaire international et l’instauration généralisée du système des taux de change flottants. Incontestablement l’évolution très différente de l’économie française à partir de 1974 résulte de la disparition progressive de toute protection du Marché Communautaire Européen et de l’instauration continue d’un libre-échange mondialiste.

En tout cas, au regard de l’accroissement massif du chômage, de la très forte diminution des emplois dans l’industrie, et de la baisse considérable du taux d’accroissement du produit national brut réel par habitant à partir de 1974, il est tout à fait impossible de soutenir que la politique de libre-échange mondialiste mise en œuvre par l’Organisation de Bruxelles a favorisé la croissance et développé l’emploi. Ce que l’on a constaté, c’est que la politique de libre-échange mondialiste poursuivie par l’Organisation de Bruxelles a entraîné à partir de 1974 la destruction des emplois, la destruction de l’industrie, et la destruction de la croissance.

Si la politique libre échangiste de l’Organisation de Bruxelles n’avait pas été appliquée, le PIB réel par habitant en France serait aujourd’hui d’au moins 30 % plus élevé qu’il ne l’est actuellement. En tout cas il serait certainement au moins égal au PIB réel par habitant aux États-Unis. Qui ne voit que les difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui résultent pour l’essentiel de la diminution considérable du produit intérieur brut qu’a entraînée pour nous la politique libre échangiste de l’Organisation de Bruxelles.

Toute cette analyse montre que la libéralisation totale des échanges à l’échelle mondiale, objectif affirmé de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), doit être considérée à la fois comme irréalisable, comme nuisible, et comme non souhaitable. Elle n’est possible, elle n’est avantageuse, elle n’est souhaitable que dans le cadre d’ensembles régionaux économiquement et politiquement associés, groupant des pays de développement économique comparable, chaque association régionale se protégeant raisonnablement vis-à-vis des autres.

Une analyse correcte de la théorie du commerce international ne conduit en aucune façon à la conclusion que l’application à l’échelle mondiale d’une politique généralisée de libre-échange pourrait correspondre à l’intérêt réel de chaque pays, que ce soient les pays développés de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord ou le Japon, ou que ce soient les pays en voie de développement de l’Europe de l’Est, de l’ex-URSS, de l’Afrique, de l’Amérique Latine, ou de l’Asie. Je ne saurais trop l’affirmer : la théorie naïve et indûment simplificatrice du commerce international que nous brandissent les thuriféraires de la libéralisation mondiale des échanges est totalement erronée. Il n’y a là que postulats sans fondement.

En réalité, ceux qui, à Bruxelles et ailleurs, au nom des prétendues nécessités d’un soi-disant progrès, au nom d’un libéralisme mal compris et au nom de l’Europe, veulent ouvrir l’Union Européenne à tous les vents d’une économie mondialiste dépourvue de tout cadre institutionnel réellement approprié, dominée par la loi de la jungle et la laisser désarmée sans aucune protection raisonnable ; ceux qui, par là même, sont d’ores et déjà personnellement et directement responsables d’innombrables misères comme de la perte de leur emploi pour des millions de chômeurs, ne sont en réalité que les défenseurs d’une idéologie abusivement simplificatrice et destructrice, les hérauts d’une gigantesque mystification.

L’hostilité dominante d’aujourd’hui contre toute forme de protectionnisme se fonde depuis soixante ans sur une interprétation erronée des causes fondamentales de la Grande Dépression. En fait, la Grande Dépression de 1929-1934, qui à partir des États-Unis s’est étendue au monde entier, a eu une origine purement monétaire et elle a résulté de la structure et des excès du mécanisme du crédit. Le protectionnisme en chaîne des années trente n’a été qu’une conséquence et non une cause de la Grande Dépression. Il n’a constitué partout que des tentatives pour les économies nationales de se protéger contre les conséquences déstabilisatrices de la Grande Dépression d’origine monétaire. Les adversaires obstinés de tout protectionnisme, quel qu’il soit, commettent une seconde erreur : ne pas voir qu’une économie de marchés ne peut fonctionner correctement que dans un cadre institutionnel et politique qui en assure la stabilité et la régulation.

Comme l’économie mondiale est actuellement dépourvue de tout système réel de régulation et qu’elle se développe dans un cadre anarchique, l’ouverture mondialiste à tous vents des économies nationales ou des associations régionales est non seulement dépourvue de toute justification réelle mais elle ne peut que les conduire à des difficultés majeures. Le véritable fondement du protectionnisme, sa justification essentielle et sa nécessité sont la protection nécessaire contre les désordres et les difficultés de toutes sortes engendrées par l’absence de toute régulation réelle à l’échelle mondiale. Il est tout à fait inexact de soutenir qu’une régulation appropriée puisse être réalisée par le seul fonctionnement des marchés tel qu’il se constate actuellement. Si on considère, par exemple, le cas de l’agriculture communautaire européenne, l’alignement de ses prix sur des prix mondiaux qui peuvent rapidement varier de un à deux en raison d’une situation toujours instable, n’a aucune justification.

Depuis deux décennies une nouvelle doctrine s’est peu à peu imposée, la doctrine du libre-échange mondialiste impliquant la disparition de tout obstacle aux libres mouvements des marchandises, des services et des capitaux.
Cette doctrine a été littéralement imposée aux gouvernements américains successifs, puis au monde entier, par les multinationales américaines et à leur suite par les multinationales dans toutes les parties du monde, lesquelles détiennent partout (en raison de leur considérable pouvoir financier et par personnes interposées) une grande partie du pouvoir politique. La mondialisation, on ne saurait trop le souligner, ne profite qu’aux multinationales qui en tirent d’énormes profits.

Suivant cette doctrine la disparition de tous les obstacles aux changements est une condition à la fois nécessaire et suffisante pour une allocation optimale des ressources à l’échelle mondiale. Tous les pays et dans chaque pays, tous les groupes sociaux doivent voir leur situation améliorée. Les partisans de cette doctrine sont devenus aussi dogmatiques que les partisans du communisme avant son effondrement avec la chute du mur de Berlin en 1989. Pour eux la mise en œuvre d’un libre-échange mondial s’impose à tous les pays et si des difficultés se présentent dans sa mise en œuvre elles ne peuvent être que temporaires et transitoires. En réalité, les affirmations de la nouvelle doctrine n’ont cessé d’être infirmées aussi bien par l’analyse économique que par les données de l’observation. En fait, une mondialisation généralisée n’est ni inévitable, ni nécessaire, ni souhaitable.

De l’analyse des faits constatés résultent quatre conclusions fondamentales :

  • Une mondialisation généralisée des échanges entre des pays caractérisés par des niveaux de salaires très différents aux cours des changes ne peut qu’entraîner finalement partout dans les pays développés : chômage, réduction de la croissance, inégalités, misères de toutes sortes. Elle n’est ni inévitable, ni nécessaire, ni souhaitable.
  • Une libéralisation totale des échanges et des mouvements de capitaux n’est possible, elle n’est souhaitable que dans le cadre d’ensembles régionaux groupant des pays économiquement et politiquement associés et de développement économique et social comparable.
  • Il est nécessaire de réviser sans délai les Traités fondateurs de l’Union Européenne, tout particulièrement quant à l’instauration indispensable d’une préférence communautaire.
  • Il faut de toute nécessité remettre en cause et repenser les principes des politiques mondialistes mises en œuvre par les institutions internationales, tout particulièrement par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Au regard de l’ensemble de l’évolution constatée de 1974 à 2004, soit pendant trente ans, on peut affirmer aujourd’hui que cette évolution se poursuivra si la politique de libre-échange mondialiste de l’Organisation de Bruxelles est maintenue. Toutes les difficultés pratiquement insurmontables dans lesquelles nous nous débattons aujourd’hui résultent de la réduction d’au moins 30 % du Produit national brut réel par habitant de 1974 à aujourd’hui. La prospérité de quelques groupes très minoritaires ne doit pas nous masquer une évolution qui ne cesse de nous mener au désastre. L’aveuglement de nos dirigeants politiques, de droite et de gauche, depuis 1974 est entièrement responsable de la situation dramatique où nous nous trouvons aujourd’hui.

Comme le soulignait autrefois Jacques Rueff : « Ce qui doit arriver arrive ».
Toute l’évolution qui s’est constatée depuis 1974 résulte de l’application inconsidérée et aveugle de l’Article 110 du Traité de Rome du 25 mars 1957 constamment repris dans tous les traités ultérieurs : Article 110 « En établissant une union douanière entre eux, les États membres entendent contribuer conformément à l’intérêt commun au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et à la réduction des barrières douanières ».

En fait, pour être justifié l’Article 110 du Traité de Rome devrait être remplacé par l’article suivant : « Pour préserver le développement harmonieux du commerce mondial, une protection communautaire raisonnable doit être assurée à l’encontre des importations des pays tiers dont les niveaux des salaires au cours des changes s’établissent à des niveaux incompatibles avec une suppression de toute protection douanière ».

La Mondialisation est certainement inéluctable, alors que faire pour en contrer les effets négatifs ?

Devant le chômage massif d’aujourd’hui et en l’absence de tout diagnostic réellement fondé les pseudo remèdes ne cessent de proliférer. On nous dit par exemple que tout est très simple. Si l’on veut supprimer le chômage, il suffit d’abaisser les salaires, mais personne ne nous dit quelle devrait être l’ampleur de cette baisse, ni si elle serait effectivement réalisable sans mettre en cause la paix sociale. Que depuis tant d’années de grandes organisations internationales comme l’Ocde, l’OMC, le FMI, ou la Banque Mondiale puissent préconiser une telle solution est tout simplement atterrant !

On nous dit encore qu’il suffit de réduire le temps de travail pour combattre le chômage, mais outre que les hommes ne sont pas parfaitement substituables les uns aux autres, une telle solution néglige totalement le fait indiscutable que trop de besoins, souvent très pressants, restent insatisfaits. Ce n’est pas en travaillant moins qu’on pourra réellement y faire face. De plus, au regard de la pyramide des âges et de ses perspectives d’évolution, toute réduction du temps de travail, tout abaissement de l’âge de la retraite, ne peuvent que compromettre très gravement l’avenir.

Certains suggèrent encore que l’on pourrait combattre efficacement le chômage par l’inflation. Mais lutter contre les effets du libre-échangisme mondialiste, par une expansion monétaire et par l’inflation relève d’une pure illusion et d’une méconnaissance profonde des causes réelles de la situation actuelle. Cette situation, dans sa nature et pour l’essentiel, n’est en rien comparable à la Grande Dépression des années trente.

D’une manière qui n’est paradoxale qu’en apparence, la poursuite, les yeux fermés, d’une politique, prétendue libérale, de libre-échange mondialiste, et la mise en œuvre de pseudo remèdes entraînent irrésistiblement par leurs implications notre pays vers la multiplication, chaque jour d’avantage, de mesures dirigistes de type collectiviste pour tenter de colmater les désordres suscités par le libre-échangisme mondialiste.

Dans la situation d’aujourd’hui, la France s’autodétruit elle-même. Comment expliquer une telle situation ? Pour l’essentiel, la dégradation progressive et profonde de la situation française depuis 1974 s’explique par la domination et la répétition incessante de « vérités établies », de tabous indiscutés et de préjugés erronés admis sans discussion dont les effets pervers se sont multipliés et renforcés au fil des années. Cette domination se traduit par un incessant matraquage de l’opinion par certains médias financés par de puissants lobbies plus ou moins occultes. Il est pratiquement interdit de mettre en question la mondialisation des échanges comme cause du chômage. Personne ne veut ou ne peut reconnaître cette évidence : si toutes les politiques mises en œuvre depuis trente ans ont échoué c’est que l’on a constamment refusé de s’attaquer à la racine du mal : la libéralisation mondiale excessive des échanges.

Cette évolution s’est produite sous l’influence de plus en plus dominante des sociétés multinationales américaines, puis à leur suite des sociétés multinationales du monde entier. Ces sociétés multinationales ont chacune des centaines de filiales. Elles disposent d’énormes moyens financiers et elles échappent à tout contrôle. Elles exercent de fait un pouvoir politique exorbitant.
Cette évolution s’est accompagnée du développement d’un capitalisme sauvage et malsain. Au nom d’un pseudo libéralisme et par la multiplication des déréglementations, s’est installée peu à peu une espèce de chienlit mondialiste laissez-fairiste. Mais c’est là oublier que l’économie de marchés n’est qu’un instrument et qu’elle ne saurait être dissociée de son contexte institutionnel et politique. Il ne saurait y avoir d’économie de marchés efficace si elle ne prend pas place dans un cadre institutionnel et politique approprié. Une société libérale n’est pas et ne saurait être une société anarchique !

La mondialisation de l’économie est certainement très profitable à quelques groupes de privilégiés. Mais les intérêts de ces groupes ne sauraient s’identifier avec ceux de l’humanité tout entière. Une mondialisation précipitée et anarchique ne peut qu’engendrer partout instabilité, chômage, injustices, désordres et misères de toutes sortes. Elle ne peut que se révéler finalement désavantageuse pour tous les peuples. Une seule explication réelle de cette situation : l’ignorance. Une ignorance profonde des principes dont l’application pourrait permettre la réalisation d’une société de progrès, efficace et humaniste.

Incontestablement la politique de libre-échange mondialiste que met en œuvre l’Organisation de Bruxelles est aujourd’hui la cause majeure, de loin la plus importante, du sous-emploi massif et de la réduction de la croissance que l’on constate. Pour y remédier, la Construction européenne doit se fonder sur le rétablissement de la Préférence Communautaire, condition véritable de l’expansion, de l’emploi, et de la prospérité. Ce principe a d’ailleurs une validité universelle pour tous les pays ou groupes de pays.

Un objectif raisonnable serait que par des mesures appropriées et pour chaque produit ou groupe de produits, un pourcentage minimal de la consommation communautaire soit assuré par la production communautaire. La valeur moyenne de ce pourcentage pourrait être de l’ordre de 80 %. C’est là, au regard de la situation actuelle, une disposition fondamentalement libérale qui permettrait un fonctionnement efficace de l’économie communautaire à l’abri de tous les désordres extérieurs tout en assurant des liens étendus et avantageux avec tous les pays tiers. En fait, on ne saurait trop le répéter, la libéralisation totale des échanges n’est possible, elle n’est souhaitable que dans un cadre groupant des pays économiquement et politiquement associés, de développement économique et social comparable, tout en assurant un marché suffisamment large pour que la concurrence puisse s’y développer de façon efficace et bénéfique à tous.

Chaque organisation régionale doit pouvoir mettre en place une protection raisonnable vis-à-vis de l’extérieur pour éviter les distorsions indues de concurrence et les effets pervers des perturbations extérieures. Aussi pour rendre impossibles des spécialisations indésirables et inutilement génératrices de déséquilibres et de chômage tout à fait contraires à la réalisation d’une situation d’efficacité maximale à l’échelle mondiale associée à une répartition internationale des revenus communément acceptable.

Le rétablissement la Préférence Communautaire, qui constitue la condition majeure de toute politique efficace du rétablissement de la croissance et de l’emploi, suppose cependant une très forte volonté politique car celle-ci ne pourra être instituée qu’avec l’assentiment unanime des vingt-cinq pays membres de l’Union Européenne et en modifiant les objectifs fondamentaux de l’OMC. Si cette double condition ne pouvait être réalisée, l’ensemble des douze pays adhérents de la Zone Euro devrait rétablir la Préférence Communautaire pour eux-mêmes et quitter l’OMC. Si une telle solution se révélait finalement irréalisable, la France devrait quitter l’Union Européenne et il est très probable qu’elle serait suivie par la plupart des pays membres de la Zone Euro. En tout cas par tous les pays membres de l’Europe des Six, fondateurs de l’Union Européenne.

Le rétablissement immédiat de la Préférence Communautaire et ce qu’il implique, est la condition absolue de la survie de l’Union Européenne. Pourtant, on ne saurait se dissimuler les immenses difficultés que rencontrerait sur le plan juridique et institutionnel le rétablissement immédiat de la Préférence Communautaire, surtout si la sécession d’un groupe de pays membres de l’Union Européenne devenait nécessaire.

Je reste cependant convaincu que, si les masses populaires de la droite à la gauche s’unissaient pour un temps dans un combat commun pour le rétablissement immédiat de la Préférence Communautaire et ce qu’il implique, le Président de la République saurait répondre à un tel appel et que leur action commune l’emporterait de façon décisive et rapide pour surmonter tous les obstacles. En effet, les rivalités entre les hommes politiques et entre les partis politiques face aux échéances électorales de 2007 ne sont que dérisoires au regard du rétablissement de la croissance et du plein emploi que seul peut assurer le rétablissement immédiat de la Préférence Communautaire.

Une seule stratégie s’impose donc : « Victimes de la mondialisation en tout pays, unissez-vous ». L’Union fait la force et peut l’emporter décisivement sans délai face à tous les obstacles. La France quant à elle ne saurait accepter de continuer à participer pleinement à la politique de libre-échange mondialiste poursuivie actuellement par l’Organisation de Bruxelles. Politique qui ne pourrait que la mener finalement à une situation totalement insupportée et insupportable. Aujourd’hui la condition sine qua non fondamentale de notre participation à la Construction européenne, est par conséquent le rétablissement explicite et solennel de la préférence communautaire, c’est-à-dire d’une protection raisonnable et appropriée du Marché Communautaire vis-à-vis de l’extérieur, dans le cadre d’une Charte Confédérale.

Ce qui doit arriver arrive. La crise d’aujourd’hui, le chômage massif insupportable qui le caractérise et qui nous déshonore, la destruction jour après jour de la société française, ne sont que les conséquences des politiques dogmatiques sans cesse mises en œuvre depuis la Grande Cassure de 1974 et qui maintenant nous mènent au désastre. Il serait criminel de les poursuivre. La situation présente ne peut pas durer. Elle ne doit pas durer. Elle ne durera pas.
La question majeure d’aujourd’hui n’est pas seulement un sous-emploi massif, c’est également la destruction de notre industrie et la destruction de la croissance de notre économie.

Il est bien certain que la France ne peut avoir d’avenir que dans le cadre européen, mais ce cadre ne saurait se réduire ni à la domination illimitée et irresponsable des nouveaux apparatchiks de Bruxelles, ni à une vaste zone de libre-échange mondialiste ouverte à tous les vents, ni à une domination de fait des États-Unis, eux-mêmes dominés par le pouvoir plus ou moins occulte, mais surpuissant, des sociétés multinationales américaines. En aucun cas, la participation de la France à la Construction européenne ne doit la conduire à se dissoudre dans un ensemble où ses intérêts fondamentaux seraient méconnus, où elle ne pourrait que se détruire et où finalement elle perdrait son âme. La France n’a aucun intérêt à continuer à participer pleinement à une organisation qui ne pourrait que la mener finalement à une situation insupportée et insupportable.

La condition sine qua non, fondamentale, de notre participation à la Construction européenne, est ainsi le rétablissement explicite et solennel de la Préférence Communautaire, c’est-à-dire d’une protection raisonnable et appropriée de la Construction européenne vis-à-vis de l’extérieur. Bien que d’une nature tout à fait différente, les forces de désagrégation sociale sont sans doute aujourd’hui bien plus fortes que celles qui se constataient à la veille de la Révolution française et nul ne sait ce qui pourrait survenir demain si la rue venait à balayer l’ordre public. Comme alors, l’inconscience de certaines féodalités dominantes qui se croient à l’abri et qui profitent le plus souvent indûment de situations privilégiées, est ici totale.

Les perversions du socialisme ont entraîné l’effondrement des sociétés de l’Est. Mais les perversions laissez-fairistes du prétendu libéralisme de ces trente dernières années nous ont mené au bord de l’effondrement de la société française.

Le libéralisme ne saurait se réduire au laissez-faire économique. C’est avant tout une doctrine politique destinée à assurer les conditions nécessaires pour que vivent ensemble les ressortissants d’une collectivité donnée. Or, le libéralisme économique n’est qu’un moyen permettant à cette doctrine politique de s’appliquer efficacement dans le domaine économique. La confusion actuelle du libéralisme et du laissez-fairisme constitue un des plus grands dangers de notre temps. Une société libérale et humaniste ne saurait s’identifier à une société laxiste, laissez-fairiste, pervertie, manipulée ou aveugle. En réalité, l’économie mondialiste qu’on nous présente comme une panacée ne connaît qu’un seul critère, « l’argent ». Elle n’a qu’un seul culte, « l’argent ». Dépourvue de toute considération éthique, elle ne peut que se détruire elle-même.

L’ouverture de l’économie communautaire à tous les vents mondialistes dans un cadre planétaire fondamentalement instable, perverti par le système des taux de change flottants et où les échanges sont totalement faussés par des disparités considérables de salaires aux cours des changes, est la cause essentielle d’une crise profonde qui peu à peu nous conduit inexorablement à l’abîme.

Les faits sont éclatants. L’analyse économique les confirme et les explique. Les faits, tout comme la théorie, permettent d’affirmer que si la politique de libre-échange mondialiste de l’Organisation de Bruxelles est poursuivie, elle ne pourra qu’échouer. La crise d’aujourd’hui, c’est avant tout une crise de l’intelligence. Il est dérisoire de ne remédier qu’aux effets. C’est aux causes qu’il faut s’attaquer.
Et ce combat doit être poursuivi en fonction d’un seul principe qui doit transcender tous les autres : L’économie doit être au service de l’homme et non l’homme au service de l’économie.

Quelle France espérer ou vouloir au sein d’une nouvelle Europe ?

Pour l’essentiel, la relance de l’économie française est un faux problème dans la mesure où l’on peut suggérer que l’on pourrait remédier à la situation actuelle par l’inflation. La cause majeure en effet de nos difficultés c’est la politique mondialiste poursuivie par l’Organisation de Bruxelles depuis 1974. On ne peut remédier effectivement à la situation actuelle qu’en rétablissant la Préférence communautaire. Mais ce rétablissement une fois effectué, de profondes réformes seraient éminemment souhaitables tant sur le plan national que sur le plan international.

Parmi toutes les réformes que le gouvernement français devrait tout particulièrement examiner et soutenir en priorité quatre sont particulièrement significatives : la réparation d’une incroyable erreur du Traité de Nice ; l’absolue nécessité pour la population française de travailler plus ; l’absolue nécessité de favoriser efficacement la natalité de la population française ; l’absolue nécessité de réformer profondément la structure de l’enseignement supérieur.

Un très fort courant de l’opinion soutient qu’il serait nécessaire de combattre la crise actuelle de l’économie française par l’inflation. Comme je l’ai déjà indiqué cette thèse se fonde sur une double erreur : la cause majeure de la crise actuelle n’est pas d’ordre monétaire. C’est la politique libre échangiste poursuivie depuis 1974 par l’Organisation de Bruxelles et la suppression de toute préférence communautaire l’inflation n’est pas une condition de la croissance. Recourir à l’inflation pour remédier à la situation actuelle ne peut que l’aggraver. La réforme majeure à mettre en œuvre est le rétablissement de la préférence communautaire avec tout ce qu’il implique.

Mais le rétablissement dans des conditions appropriées de la Préférence communautaire par l’Union européenne ne saurait suffire. Sur le plan national de profondes réformes sont nécessaires. Les principales sont certainement la réforme de la fiscalité, la réduction des dépenses publiques, la réforme de la législation sur la durée du travail, la réforme de l’assistance aux chômeurs, la réforme de la législation sur le droit de grève, la lutte contre l’immigration clandestine. La fiscalité devrait exempter les revenus du travail et ne porter que sur les revenus indus générés par le fonctionnement de l’économie.

La réduction des dépenses publiques devrait être poursuivie ainsi qu’une réduction de la dette publique qui a atteint des niveaux tout à fait inacceptables. La législation sur la durée du travail devrait être profondément modifiée. La législation sur les trente-cinq heures devrait être abolie car c’est une erreur profonde que de la considérer comme un progrès social.
L’assistance aux chômeurs devrait être compensée par l’obligation pour les chômeurs de fournir un service civil dans tous les cas souhaitables.

Le droit de grève devrait être limité par une condition impérative : ne jamais mettre en péril le fonctionnement d’ensemble de l’économie française, si justifiées que puissent être dans certains cas les revendications des salariés concernés. La lutte contre l’immigration clandestine doit être renforcée et les aides sociales doivent être réservées en priorité aux seules personnes de nationalité française.

De profondes réformes de l’Union européenne sont bien entendu nécessaires. Les législations sociales doivent être harmonisées de manière à ne pas entraver le fonctionnement effectif du Marché commun. De même un minimum d’harmonisation des législations fiscales est nécessaire. Ainsi et par exemple la taxation de l’essence devrait être unifiée de manière à ne pas fausser la concurrence dans les transports par route à l’intérieur de l’Union européenne.

De profondes réformes monétaires et financières de l’économie internationale sont également nécessaires. Le système monétaire et financier actuel de l’économie mondiale repose sur de gigantesques pyramides de dettes dans un équilibre instable. Ce système doit être réformé. Tout particulièrement une monnaie internationale doit être créée. L’utilisation actuelle du dollar comme monnaie internationale a pour effet de financer les déficits américains par la Communauté internationale. Ce système aboutit à enrichir le pays le plus riche aux dépens de tous les pays plus pauvres. C’est là une situation scandaleuse et immorale à laquelle il doit être mis fin au plus tôt. De point de vue quatre réformes fondamentales doivent être impérativement et immédiatement engagées.

QUATRE RÉFORMES

I - La nécessaire réparation d’une incroyable erreur du Traité de Nice : le Traité de Rome du 25 mars 1957 établissant la Communauté économique européenne entre la Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays Bas a prévu dans son Article 8 que le marché commun devait être établi progressivement avec une suppression des barrières douanières internes au cours d’une période de transition de douze années. Cependant les conditions économiques entre les six pays différaient relativement peu. Ainsi le produit intérieur brut par habitant était d’environ 10 % et 15 % plus élevé pour la République fédérale d’Allemagne et les Pays Bas et d’environ - 20 % et - 5 % plus faible pour l’Italie et la Belgique relativement à la France. Par contre lors du passage de l’Europe des Quinze à l’Europe des Vingt-cinq le 16 avril 2003 le produit intérieur brut par habitant était en valeur réelle d’environ 40 %, 50 %, 60 % et 60 % plus faible pour la République Tchèque, la Hongrie, la Pologne et la République Slovaque que pour la France. Cependant au regard de ces écarts relativement considérables le Traité de Nice n’a prévu aucune période de transition, ce qui explique les nombreuses difficultés déjà rencontrées. Il s’agit là d’une inadmissible erreur et d’une incroyable sottise.

II - L’absolue nécessité pour la France de travailler plus : dans la France d’aujourd’hui d’immenses besoins restent insatisfaits. De toute évidence ce n’est pas en travaillant moins qu’on pourra les satisfaire. Dans l’esprit de ses promoteurs la législation sur la réduction à 35 heures de la durée du travail hebdomadaire devait réduire le chômage. C’était là une erreur que je n’ai cessé de dénoncer. En fait, la mise en application de la législation sur les 35 heures n’a pas réussi à réduire le chômage. Elle s’est soldée par un échec. Dans tous les pays au monde la France se distingue par un record incontestable : c’est le pays où l’on entre le plus tard dans la vie active et où l’on en sort le plus tôt. C’est le pays où la durée de travail hebdomadaire est la plus réduite. C’est le pays où l’on prend sa retraite à l’âge le plus faible. Sur la base de 100 pour les États-Unis le nombre d’heures travaillées était pour la France de 98 en 1980, de 91 en 1990, et de 84 en 2002. En 2002 le taux d’activité des hommes de 55 à 64 ans a été de 40 % contre 65 % aux États-Unis. Le taux d’activité ne cesse de diminuer par la politique des préretraites. La retraite obligatoire à 60 ans, la réduction à 35 heures du temps légal de travail hebdomadaire ne sont que des erreurs majeures. Le seul remède à cette politique suicidaire c’est de permettre à tous ceux qui le désirent de travailler plus et de rester en activité plus longtemps. Une manifestation éclatante de cette politique insensée, c’est la législation française actuelle sur la mise à la retraite obligatoire des savants à 60 ans, quelle que soit la valeur de leurs contributions à la science et quelle que soit leur capacité à les poursuivre efficacement.

III - L’absolue nécessité pour la France de favoriser efficacement la natalité : l’insuffisante natalité de la France a pour effet d’entraîner un dangereux vieillissement de la population et de faire porter une charge de plus en plus insupportable sur la population active pour permettre à la population âgée de survivre dans des conditions éthiquement acceptables. Il faut donc de toute nécessité favoriser et développer la natalité de la population de nationalité française. À cette fin deux mesures sont indispensables. Tout d’abord par la fiscalité et la politique d’allocations familiales il faut majorer massivement l’aide apportée aux ménages au regard de la charge de l’éducation de leurs enfants. En second lieu il faut institutionnellement considérer les enfants de nationalité française comme des citoyens à part entière, leur droit de vote étant délégué à leurs tuteurs légaux. La Constitution française doit être modifiée à cette fin.

IV - L’absolue nécessité pour la France de réformer profondément son enseignement supérieur : si l’on compare la France aux États-Unis un facteur essentiel de la supériorité scientifique américaine apparaît décisif. C’est la décentralisation des universités aux États-Unis au regard de l’organisation centralisée de type stalinien des universités françaises. Aux États-Unis les universités sont indépendantes et peuvent recevoir des dons et legs. Elles peuvent en retirer des ressources considérables. Il résulte de là pour les universités américaines une concurrence acharnée pour recruter les meilleurs professeurs et les meilleurs étudiants. Cette concurrence est éminemment favorable au progrès scientifique. La formation scientifique doit être décentralisée. Non seulement il faut maintenir la décentralisation des grandes écoles, mais il faut décentraliser les universités. Ce n’est pas en centralisant, mais en décentralisant ; ce n’est pas en uniformisant, mais en sauvegardant une diversité indispensable que l’on peut assurer une formation scientifique de qualité. Mais qui ne voit qu’une formation scientifique de haut niveau implique une double sélection, une sélection des élèves et une sélection de ceux qui enseignent. Vouloir dispenser une formation scientifique de masse en préservant la qualité est un objectif irréaliste et irréalisable. Un tel objectif ne peut que réduire à un niveau médiocre la qualité moyenne des étudiants et celle des professeurs. A vrai dire, en s’opposant à la promotion des élites de tous les milieux sociaux, le refus de la sélection est antidémocratique.

Alors, le rétablissement de la Préférence communautaire condition sine qua non de l’Europe ?

Je citerai simplement Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles s’avèrent difficiles . Incontestablement la situation économique, politique et démographique de la France, de l’Union Européenne, et du Monde est extraordinairement complexe et les solutions simplistes qui sont proposées de tous côtés en France pour mettre fin à un chômage intolérable et à la crise profonde de la société française ne peuvent qu’aggraver les maux qui nous accablent.

Les causes de nos difficultés sont très nombreuses et très complexes, mais l’une d’elles domine toutes les autres : la suppression progressive de la préférence communautaire à partir de 1974 par l’Organisation de Bruxelles à la suite de l’entrée de la Grande Bretagne dans l’Union Européenne en 1973.

Le rétablissement de la préférence communautaire est aujourd’hui la condition sine qua non du rétablissement de la croissance, de la prospérité de l’industrie et de l’agriculture, et de la suppression du chômage intolérable qui nous mènent au désastre. Ce rétablissement de la préférence communautaire est indispensable pour protéger l’Union Européenne des multiples désordres de l’économie internationale et de la concurrence perverse des pays à bas salaires et à faible protection sociale.

Ce rétablissement ne saurait suffire, mais il représente une condition impérative de la prospérité européenne et indispensable pour mettre fin à la crise profonde de la Société française. Sur le plan politique et institutionnel ce rétablissement de la Préférence communautaire comporte des difficultés majeures au regard des Traités qui ont fondé l’Union Européenne mais aussi des principes de l’Organisation mondiale du commerce auxquels a souscrit l’Union Européenne, enfin compte tenu de l’influence exorbitante des multinationales dans le monde entier. S’il s’avérait à terme que ces obstacles soient insurmontables, les pays de la Zone Euro devraient faire sécession. Et si cette Sécession s’avérait elle-même impossible, la France ne saurait accepter d’être détruite jour après jour et elle devrait elle-même faire sécession.

* L’intégralité de cette contribution est parue sous le titre « L’ Europe en crise – Que faire » éditions Clément Juglar.2005

Maurice Allais - Bibliographie

1974 « L’Inflation Française et la Croissance. Mythologies et Réalité ».
1976 « L’Impôt sur le Capital et la Réforme Monétaire ».
1990 « Pour la Réforme de la Fiscalité » ;et 1990, « Pour l’Indexation ».
1997 « La Formation Scientifique »
1999 « La Crise Mondiale d’Aujourd’hui. Pour de Profondes Réformes des Institutions Financières et Monétaires ».

 [1]

Notes

[1Rencontre avec Jean-Michel Vernochet
jeudi 19 mars 2009
http://www.geopolintel.fr/article12...

Journaliste indépendant je paye assez cher ma liberté de pensée et d’expression, mais cela en vaut la peine. La liberté est une flamme qu’il faut brandir haut pour repousser la nuit du mensonge qui nous enveloppe de plus en plus densément.

M. Vernochet, voulez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous parler de votre conception du journalisme ainsi que de vos objectifs.

Juriste et sociologue de formation, j’ai longtemps appartenu à l’Administration française notamment dans le domaine de la défense et de l’illustration de la « francophonie ». Je me suis comporté toutes ces années de service public en « fonctionnaire de conviction », puis les choses sont devenues intenables en raison du dépérissement de l’État français qui se vide peu à peu de sa substance – en particulier à cause d’ailleurs de l’américanisation galopante de nos mœurs, de la déréglementation imposée par l’idéologie libéraliste et subséquemment, de la liquidation progressive de l’état de droit dans nos sociétés… Écrivant depuis longtemps, j’ai divorcé de mes fonctions afin de commencer une nouvelle vie voici une quinzaine d’année en m’attachant à devenir un témoin actif, voire engagé, du monde et de ses dérives…

Vous avez publié un livre “Manifeste pour une Europe des peuples”. Que recouvre ce titre et comment jugez-vous les orientations présentes de l’unification européenne ?

Ce titre est aussi un programme : l’Europe doit replacer l’homme et les peuples au centre et comme finalité de sa construction politique. Aujourd’hui l’Europe n’est pas au service des hommes mais au service d’oligarchies financières apatrides, autrement dit sans patrie, sans foi et sans autre loi que celle de leurs intérêts égoïstes. L’actuelle construction européenne est totalement artificielle, elle se résume schématiquement à un vaste espace de libre-échange et à une idolâtrie impie : le « monothéisme du Marché » qui fait de l’homme une simple marchandise. En vérité, l’Europe de Bruxelles n’a, à mes yeux, aucun avenir, car la crise finira par la faire imploser sous la pression des ses propres contradictions. Des contradictions que vont exacerber les crises qui se succèdent très vite aujourd’hui : crise financière, crise économique et sociale, crise environnementale… J’explore d’ailleurs toutes ces perspectives dans un nouveau livre à paraître dans quelques semaines « Europe ! Chronique d’une mort annoncée » !

Quel bilan tirez-vous de la présidence française de l’Europe et quelle importance accordez-vous à la mésentente du couple franco-allemand ?

M. Sarkozy, malgré les effets d’annonce et une politique médiatique très éprouvée – le Président Sarkozy est un grand « communicateur » ! – n’a pas à son actif des résultats fracassants. La rupture de facto a été consommée avec l’Allemagne en raison de divergences croissantes sur différents dossiers tels que le projet d’Union pour la Méditerranée, la gestion de la crise géorgienne d’août 2008 ou encore la « gouvernance » européenne de la crise financière… Aujourd’hui M.Sarkozy et Mme Merkel semblent s’être rabibochés (raccommodés) en vue de la réunion du G20 à Londres aux premiers jours d’avril, mais ne vous y trompez pas ! Berlin joue son propre jeu et entend gérer la crise qui déferle sur l’Europe avec ses propres moyens et avec les atouts qui sont les siens – je fais référence à la vitalité de son économie ! En toute logique, nous devrions voir très vite au sein de l’Union européenne s’exacerber les « nationalismes », autrement dit le repli des nations sur elles-mêmes indépendamment des grands appels à la solidarité…

En politique intérieure, la France connaît actuellement des grèves, une agitation universitaire, et elle est entrée en récession. La position du président Sarkozy est-elle menacée ?

La présidence française est de fait à l’intérieur – mais aussi à l’extérieur, en Allemagne par exemple - de plus en plus et de plus en plus ouvertement contestée. L’impopularité de M. Sarkozy est désormais un fait unique dans les annales de la Ve République. Il est vrai que voulant tout piloter en direct et par lui-même, il s’est privé du « fusible » que constituait traditionnellement le Premier ministre. M. Sarkozy s’expose donc et il risque d’en payer, un jour ou l’autre, le prix fort. La France mais aussi beaucoup d’autres pays d’Europe ne sont en effet pas actuellement à l’abri d’« explosions sociales » aux conséquences profondément déstabilisatrices… on en a vu les prémices récemment en Espagne, en Lettonie et ailleurs où des mouvements populaires parfois violents se manifestent de façon très récurrente. Le retour de l’activisme indépendantistes avec des attentats meurtriers en Espagne, au Pays basque, ou en Irlande du Nord sont également des symptômes qui ne trompent pas de la montée d’une inquiétante fermentation sociale !

Selon vous quelles sont les lignes de force d’une nouvelle stratégie américaine ou occidentale commune, en particulier à travers le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN ?

La stratégie est simple : faire de l’Europe est une stricte dépendance des É-U. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan est à ce propos un signe qui ne trompe pas. Cette démarche était a priori inutile et totalement inopportune. Mais Paris entend être le bon élève de la classe Europe et à ce titre veut « donner l’exemple » d’un certain zèle atlantiste. Le plus inquiétant c’est qu’en cas de conflit, dans le cas toujours possible où des attentats du type 11 Septembre se répéterait sur le territoire américain où sur le sol de l’un des membres quelconque de l’Otan, les forces armées françaises au titre de l’article 5 du Trait de l’Organisation de l’Atlantique nord, seraient automatiquement incorporées aux dispositif des forces armées américaines et placées sous commandement américain exclusif… En clair, cela signifie que la France, par la décision de M. Sarkozy vient bel et bien de renoncer à son indépendance et à l’exercice souverain du choix de ses engagements militaires. À ce sujet je vous renvoie à mon intervention mise en ligne récemment :

http://www.dailymotion.com/search/M...

Quel regard rétrospectif ou prospectif portez-vous sur la crise financière mondiale, quelles sont ses causes et ses possibles conséquences ?

Dans la mesure où la crise financière se transforme maintenant en crise économique et partant, en crise sociale, crises qui elles-mêmes se combinent avec des crises de pénurie alimentaire – en grande partie dues aux spéculations sur les marchés des matières premières – des crises qui en outre se recombinent avec les crises climatiques et environnementales dont les effets commencent à se faire durement sentir, nous pouvons craindre le pire… L’actuelle conjoncture apparaît comme catastrophique.

Quant aux causes de ces crises ? Elles sont simples : les sociétés modernes se sont détournées de Dieu et vouent un culte à ces dévorantes idoles que sont l’argent, le plaisir immédiat… Tout dans nos sociétés dites évoluées est devenu objet de transaction, de commerce… Comment voulez-vous qu’un monde fondé presque exclusivement sur l’appât du gain puisse tenir debout ? L’écroulement était prévisible depuis longtemps, la crise n’est pas tombée du ciel et tous les yeux avertis la voyaient monter sur l’horizon depuis longtemps. Depuis toutes ces dernières années où les crises liées à l’éclatement successif de diverses bulles financières constituaient autant de signes précurseurs et d’avertissements dont aucun des dirigeants mondiaux – et pas seulement occidentaux – n’a voulu tenir compte !

Comment voyez-vous l’évolution de la politique occidentale envers l’Iran et la question palestinienne ?

Pour bien comprendre une politique il faut en appréhender la logique sur le long terme. Une politique n’est, la plupart du temps, conjoncturelle ou circonstancielle qu’en surface. Dans le cas de l’Iran comme dans tous les cas depuis deux siècles, lorsque les É-U sont en conflit larvé ou ouvert, ils visent une « reddition sans condition ». Aujourd’hui les É-U ne parlent plus à propos de l’Iran – au moins dans l’immédiat – en termes militaires mais en termes diplomatiques. Or que veulent-ils sur le fond ? L’alignement de l’Iran sur leur politique, sa démocratisation et peut-être, à plus long terme, son démantèlement comme ils se préparent à le faire avec le Soudan, et comme ils ont achevé de le faire en février 2008 avec la Fédération yougoslave et l’indépendance unilatérale du Kossovo… Habitués des révolutions de velours, oranges ou arc-en-ciel, les É-U misent actuellement sur un changement de direction à la tête de l’Iran, tout comme ils s’efforcent de le faire à Khartoum. Qui n’a vu que la procédure judiciaire lancée par la Cour pénale internationale à l’encontre du Président soudanais Al-Bachir constitue un signal fort, un véritable feu vert, pour les oppositions soudanaises incitées de cette façon à renverser le régime ? Là où la force n’est pas à l’ordre du jour, la ruse prévaut…

Je crois avoir ainsi répondu à votre question : les É-U ne lâchent pas leur proie sauf contraints et forcés, et l’arrivée d’une nouvelle Administration à Washington ne change en rien les données fondamentales qui dirigent et orientent la politique américaine depuis 1991 et l’effondrement de l’empire soviétique… Les É-U n’ont pas encore renoncé à exercer une hégémonie mondiale (sous couvert de ce que l’on nomme pudiquement « l’unilatéralisme »). Leur maîtrise des mers, de l’air et de l’espace est intacte et à ce titre leur pouvoir d’intervention tous azimuts. À l’exception notable de l’aire eurasiatique couverte par l’Organisation de coopération de Shanghaï, laquelle prend de plus en plus figure d’Otan russo-chinoise. Au final, leurs capacités de nuisance universelle restent entières…

Que dire de l’attitude de l’Eglise catholique et des églises chrétiennes en Europe à l’égard de la question palestinienne ?

L’Église catholique, c’est-à-dire la Curie romaine, n’a jamais changé de position. Elle a toujours pris fait et cause pour les opprimés et les victimes des guerres odieuses conduites sans rime ni raison. Ce fut le cas en Irak, c’est le cas pour la Palestine, c’est le cas pour tous les conflits où la force s’exerce du fort au faible sans considération pour le droit des personnes et particulièrement celui des populations civiles.

Seule la désinformation par la stricte observance du « silence médiatique » est parvenue à occulter cette constance de l’Église dans la dénonciation de l’injustice. Soulignons vigoureusement que les déclarations pontificales ne sont pour ainsi dire jamais reprises par la presse et quand elles le sont, c’est le plus souvent, tronquées ou déformées. L’Église de Rome n’a donc pas failli à sa mission, mission qui, hélas, n’est plus – où très partiellement et sauf exception – relayée par un clergé catholique déliquescent.

L’Iran a célébré le 30e anniversaire de sa Révolution, ce pays reste au cœur des tensions internationales, à cette aune comment appréciez-vous les relations franco-iraniennes ?

Les liens entre les peuples dépendent hélas des politiques des gouvernements. Les élites iraniennes parlaient autrefois le français, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La France et l’Europe subissent chaque jour le matraquage de la propagande de guerre médiatique. L’Iran y est présenté comme un pays affreux où les droits de l’homme sont bafoués quotidiennement à tour de bras… le fossé se creuse et c’est ce que veulent ceux qui veulent dresser des barrières d’incompréhension et au-delà, des barrières de haine entre les peuples. Quand vous voulez soumettre une Nation, il faut au préalable la diaboliser pour faire que les opinions acceptent toutes les manœuvres, voire toutes aventures militaires, dirigés contre l’État paria. Certes je ne montre pas un optimisme débordant, mais la réalité est telle, et aujourd’hui, dans des temps difficiles, nous ne devons, moins que jamais, nous bercer d’illusions…

Paris, le 16 mars 2009

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