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Voyage à l’intérieur du Global Dominance Group

Peter Phillips — CounterPunch

lundi 17 mars 2025

Aux Etats-Unis, la classe dirigeante a été dominée par un groupe néoconservateur de quelques 200 personnes qui partageaient l’objectif d’affirmer la puissance militaire des Etats-Unis dans le monde entier. Ce « Groupe de Domination Mondiale », en coopération avec les principaux fournisseurs de l’armée, est devenu une force puissante au cœur de l’unilatéralisme militaire et des processus politiques américains.

GLOBAL DOMINANCE GROUP ORGANIZATIONS

PNAC Project For New American Century
HO Hoover Institute
AEI American Enterprise Institute
HU Hudson Institute
NSC National Security Council
HF Heritage Foundation
DPB Defense Policy Board
CPD Committee on Present Danger
JINSA Jewish Institute of National Security Affairs
MI Manhattan Institute
CLI Committee for the Liberation of Iraq
CSP Center for Security Policy : Institute for Strategic Studies
CSIS Center for Strategic and Int’l Studies
NIPP National Institute for Public Policy
AIPAC American Israel Public Affairs Committee
Team B Presidents Foreign Advisory Board

Agences et autres organisations importantes
CIA Central Intelligence Agency
DoD Department of Defense
DoS Department of State
CFR Council on Foreign Relations
DoJ Department of Justice
DoC Department of Commerce
WHOMB White House Office of Management and Budget
DoE Department of Energy
DPB Defense Policy Board
DoT Department of Transportation
NSA National Security Agency

L’existence d’une classe dirigeante dominante aux Etats-Unis est largement documentée par toute une lignée de recherches sociologiques. Elle établit la politique et détermine les priorités politiques nationales. Dans son livre publié en 1956 sur l’élite du pouvoir, C. Wright Mills a expliqué, documents à l’appui, comment la Deuxième Guerre Mondiale a permis à une trinité de puissances - les élites des grandes entreprises, de l’armée et du gouvernement - de se solidifier en une structure de pouvoir centralisée, travaillant à l’unisson, à travers des « cercles plus élevés » de contact et d’accords.

Les néoconservateurs, qui plaident pour le contrôle militaire des Etats-Unis sur le reste du monde, se trouvent à présent à des postes politiques de premier plan au sein des plus hauts cercles de pouvoir des Etats-Unis. Le magazine Adbusters a résumé le néoconservatisme ainsi : « C’est une croyance selon laquelle la démocratie, aussi défectueuse soit-elle, est mieux défendue par un public ignorant, reposant sur le nationalisme et la religion. Seul un état nationaliste et militant peut faire reculer les agressions humaines. Un tel nationalisme a besoin d’une menace extérieure, et si l’on ne peut pas en trouver une, alors il faut la fabriquer ».

En 1992, sous l’administration de Bush Premier, Dick Cheney a soutenu Lewis Libby et Paul Wolfowitz pour qu’ils produisent leur rapport « Defense Planning Guidance » [Conseils pour planifier la défense], qui plaidait pour la domination militaire des Etats-Unis sur toute la planète dans le cadre d’un « nouvel ordre ». Ce rapport appelait les Etats-Unis à accroître leur supériorité militaire et à empêcher de nouveaux rivaux d’émerger pour défier les Etats-Unis sur la scène mondiale.

À la fin de l’administration Clinton, les défenseurs de la domination mondiale fondèrent le Project for a New American Century (PNAC). Parmi les fondateurs du PNAC, huit étaient affiliés au fournisseur numéro un du ministère de la défense, Lockheed-Martin, et sept autres, associés au fournisseur militaire numéro trois, Northrup-Grumman. Sur les vingt-cinq fondateurs, douze furent nommés ultérieurement à des postes de haut niveau dans l’administration de George W. Bush.

En septembre 2000, le PNAC a produit un rapport de 76 pages intitulé « Reconstruire les Défenses de l’Amérique : Stratégie, Forces et Ressources pour un Nouveau Siècle ». Ce rapport, similaire au rapport Defense Policy Guidance de 1992, appelait à protéger la patrie américaine, à être capable de livrer des guerres sur plusieurs théâtres simultanés, à accomplir des tâches de maintien de l’ordre et à contrôler l’espace et le cyberespace. Selon ce rapport, les années 90 avaient été une décennie de négligence en matière de défense et les Etats-Unis devaient accroître les dépenses militaires pour préserver leur leadership géopolitique en tant qu’unique superpuissance mondiale. Ce rapport reconnaissait aussi que : « Le processus de transformation sera certainement long, a moins d’un événement catastrophique et catalyseur, tel un nouveau Pearl Harbor ». Les événements du 11 septembre 2001 ont représenté exactement la catastrophe qui, selon la théorie des auteurs de Rebuilding America’s Defenses, était nécessaire pour accélérer leur agenda de domination mondiale. La guerre permanente contre la terreur qui en a résulté a conduit à une dépense militaire massive du gouvernement américain, aux invasions de deux pays - et à la menace sur trois autres -, ainsi qu’à l’accélération rapide des plans des néoconservateurs pour assurer le contrôle militaire du monde.

Les Etats-Unis dépensent désormais pour la défense autant que l’ensemble des autres pays de la planète réunis. Le budget du Pentagone destiné à l’acquisition de nouvelles armes est passé de $61Mds en 2001 à plus de $80Mds aujourd’hui. Les ventes de Lockheed-Martin se sont accrue de 30% sur la même période, avec des dizaines de milliards de dollars de provision pour les achats futurs. De 2000 à 2004, l’action de Lockheed-Martin a été multipliée par 3. Northrup-Grunman a connu une croissance similaire grâce à ses contrats avec le DoD, qui sont passés de 3,2 milliards de dollars en 2001 à 11,1 milliards de dollars en 2004. Les contrats qu’Halliburton, dont Dick Cheney est l’ex-PDG, avait avec l’armée en 2001 se sont élevés à $427m. Dès 2003, ses contrats avec la défense étaient passés à $4,3 Mds, dont près d’un tiers provenait d’accords sans appel d’offre.

En ce début 2006, le programme du Global Dominance Group est bien installé au sein des conseils politiques des plus hauts cercles et il est habilement mis en opération à l’intérieur du gouvernement des Etats-Unis. Ce « Groupe de Domination du Monde » travaille main dans la main avec les fournisseurs de l’armée, assurant la promotion des forces américaines dans plus de 700 bases dans le monde entier.

Il y a une différence importante entre se défendre contre des menaces extérieures et penser que l’on peut contrôler militairement le monde. Lorsqu’on interroge les travailleurs américains, une majorité d’entre eux émet de sérieux doutes quant à l’acceptabilité morale et pratique de financer la domination du monde.

Peter Phillips est Professeur de Sociologie à l’Université d’Etat de Sonoma et directeur de Project Censored, une association spécialisée dans la recherche sur les médias.

Source

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-François Goulon

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