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McKinsey et les opioïdes : une stratégie à 500 000 morts

vendredi 2 septembre 2022

Comment cette société a-t-elle pu convaincre le gouvernement de piloter la stratégie vaccinale Covid 19 ?
Pourquoi les liaisons entre McKinsey et la CIA n’ont-elles pas soulevé des questions auprès des députés et de la commission sénatoriale ?
Comment peut-on facturer des rapports, qui ne sont que des copiés-collés, plusieurs millions d’euros ?

Et enfin pourquoi McKinsey s’est-il vu attribuer par l’UGAP un contrat en juillet 2022.
L’Union des groupements d’achats publics (UGAP) est un établissement public industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle du ministre chargé de l’Action et des Comptes publics et du ministre chargé de l’Education nationale. Elle est la seule centrale d’achat public « généraliste » en France, qui se distingue par sa politique partenariale, son engagement en faveur des politiques publiques ( innovation, PME, Développement Durable) et son fonctionnement « achat pour revente ».
En effet, celui-ci permet au client d’accéder immédiatement, et sans avoir à conclure un quelconque marché, à plus d’ 1,4 million de références actives issues de plus de 3400 marchés actifs. La désignation d’un interlocuteur commercial unique, la possibilité de recourir à un site de commande en ligne, et le règlement, pour son compte, des éventuels litiges permettent aux acheteurs publics de dégager un temps précieux pour satisfaire aux obligations croissantes.

L’opacité de cette société est incroyable, peut être que la solution se trouve dans les rapports fournis à la justice américaine au sujet des morts par surdosage d’opioïdes. 114 921 documents internes sont examinés en ce moment pour comprendre la politique de McKinsey.

Enquête : ce que 114 000 documents internes disent du « McKinsey way »

McKinsey s’était engagé à publier tous les documents internes en lien avec ses missions de conseil réalisées durant quinze ans sur les médicaments antidouleurs (opioïdes) qui ont causé 500 000 morts par overdose en vingt ans aux États-Unis. 114 921 documents internes ont été mis en ligne le 30 juin 2022. Ils dévoilent l’envers du business du scandale sanitaire.

Aux États-Unis, les causes et l’ampleur des overdoses liées à la surconsommation des opioïdes, des antalgiques qui reproduisent les effets de l’opium ou de la morphine, sont connues. Devant la prévalence des douleurs chroniques chez pas moins de 100 millions d’Américains, le sujet devient un sujet de santé nationale et les prescriptions d’antidouleurs vont galopant (de 76 millions de prescriptions en 1991 à 219 millions en 2011). Et avec la multiplication des prescriptions, la puissance des molécules augmente : un patient sur six recevait une molécule plus forte que la morphine en 2002, une sur trois en 2012 (chiffres The Economist). Une surenchère qui voit les cas d’overdoses se multiplier jusqu’à atteindre le colossal chiffre de 500 000 décès en vingt ans.

Depuis quelques années, le total des règlements financiers d’acteurs de la santé impliqués dans le scandale des opioïdes atteint des sommets : quelque 30 milliards de dollars à ce jour. En février 2021, McKinsey avait pris sa part. La firme avait accepté de régler 573 millions de dollars dans le cadre d’un accord transactionnel trouvé avec la justice concernant des dizaines de missions de conseil effectuées pour le compte des fabricants d’opioïdes.

L’accord prévoyait également la publication de tous les documents internes à la firme en lien avec ces missions.

McKinsey obligé de dévoiler son arrière-boutique

Cette publication était prévue, elle n’en reste pas moins totalement inédite quant à son contenu. En effet, dix-huit mois après l’accord trouvé entre McKinsey et 47 procureurs généraux d’États fédéraux des États-Unis, c’est une somme unique de documents internes à un cabinet de conseil en stratégie qui a été mise en ligne le 30 juin.

Dans le détail, si le contenu des archives à publier était fixé par l’accord du 4 février, la mise en œuvre de cette publication a été conduite par un travail étroit de plusieurs mois entre le cabinet et le bureau du procureur du Massachusetts, chef de file dans ce dossier.

C’est dans ce cadre que l’Université de Californie à San Francisco (UCSF) a été retenue pour héberger et publier ces documents. La bibliothèque en ligne de l’UCSF (accessible ici) est devenue l’une des principales archives des documents mis sur la place publique par des industries ayant atteint à la santé publique aux États-Unis. Les procès à l’encontre de l’industrie du tabac ont ouvert l’archive en 2002. Elle s’est élargie en 2021 aux opioïdes – archive à laquelle les « McKinsey documents » viennent donc d’être ajoutés.

« L’université de Californie a été retenue pour héberger ces documents, car aucune archive de la même ampleur n’existe aux États-Unis. La structure informatique était déjà en place et permet d’ordonner et de rechercher des bases de plusieurs millions de documents », explique à Consultor Kate Tasker, archiviste à l’Université de Californie à San Francisco

En ce qui concerne McKinsey, l’archive regorge pêle-mêle de propositions, de factures, de présentations, d’excels de staffing, d’emails, sur la période 2004-2019. Une mine !

Leur lecture est instructive à plusieurs égards. Au premier chef en ce qui concerne la manière de McKinsey de nouer une relation avec un client, et de poursuivre cette relation dans la durée, et ce même dans un contexte sanitaire aussi scandaleux que celui des opioïdes aux États-Unis.

Des partners investis auprès du client au long cours

Premier enseignement : le poids de quelques partners sur un même compte pendant des années. Dans le cas de Purdue Pharma, Arnab Ghatak, souvent appelé « Arnie » dans les mails internes, et Rob Rosiello, sont omniprésents. Tous deux ont fait le plus gros de leur carrière chez McKinsey aux États-Unis, avec les diplômes escomptés pour des partners McKinsey (MBA à Harvard et Wharton), et une dominante médicale pour Arnab Ghatak, qui est a fortiori docteur en médecine.

Ce travail de long cours pour entretenir et développer un compte client apparaît très nettement dans une lettre de revue annuelle adressée par Arnab Ghatak à Georges Desvaux, un Français consultant chez McKinsey pendant trente ans (relire notre article). Georges Desvaux est désormais en poste à la stratégie d’Axa. En 2014, il participe à la revue et aux élections de partners et reçoit à ce titre une « lettre d’impact annuel » d’Arnab Ghatak.

Ce dernier y détaille par le menu à quel point il suit l’entreprise sur le long cours. « Je me suis mis au service de Purdue pour la première fois il y a dix ans », écrit-il le 28 mars 2014 à Georges Desvaux.

Benjamin Polle

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