La transparence de la vie publique s’améliore lentement
La Haute autorité pour la transparence de la vie publique vient de présenter son rapport sur l’année 2022. Son président, Didier Migaud, estime que la sensibilité des acteurs publics et privés aux questions de probité, de conflits d’intérêts et de déontologie augmente. Même s’il y a encore de bonnes marges de progrès.
L’année 2022 fut une grande année pour la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avec tour à tour l’élection présidentielle, les législatives et deux remaniements ministériels.
Ces échéances électorales ont accru son activité de contrôle et d’accompagnement des 18 000 responsables publics concernés par l’obligation de déclarer patrimoine et intérêts. 5 245 élus, agents publics, membres de cabinets ministériels ont déposé au moins deux déclarations (patrimoine et intérêts).
Sur les 10 659 déclarations déposées (initiales et modificatives), 4 170 ont été contrôlées par la HATVP. Dans près de 7 déclarations d’intérêts sur 10, la Haute autorité a demandé des mesures de prévention de situations de conflits d’intérêts.
Taux de dépôts des déclarations inégaux
« Les taux de dépôts restent inégaux » , a souligné le président de la HATVP, Didier Migaud. Pour le patrimoine, ce taux atteint 74 % en début de mandat et chute à 49 % en fin de mandat, obligeant la HATVP à effectuer des relances, voire à émettre des injonctions.
La Haute autorité a même transmis 41 dossiers, principalement d’élus locaux, à la justice… « 41 dossiers, ce n’est rien au regard du nombre d’élus. Mais il faut être extrêmement sévère avec ces cas, car ils rejaillissent sur tous les autres. Et lorsqu’il n’y a pas de dépôt de déclarations, il n’y a pas de contrôle. Je demande un pouvoir de sanction propre » , a-t-il fait savoir, c’est-à-dire permettant à la HATVP de mettre directement à l’amende ces contrevenants.
Le « faux problème » des référents déontologues
À noter que la question des référents déontologues, que les collectivités devaient nommer avant ce 1er juin, a été qualifiée de « faux sujet et de faux problème » par le président de la HATVP. « Les associations départementales de maires et les centres de gestion peuvent proposer des [contacts] de déontologues, a-t-il tonné. Une commune peut avoir le même référent que l’EPCI. Une collectivité qui veut trouver un référent finit par trouver, même une petite commune. »
Cette vision semble tout de même un peu éloignée de la réalité du terrain puisqu’il reste complexe pour un maire d’une petite commune de moins de 500 habitants, par exemple, de désigner un référent déontologue. De plus, rappelons que la loi reste particulièrement imprécise sur la mise en œuvre de ces référents déontologues. Moyens mis à disposition, durée de l’exercice, rémunération... Les décisions reviennent aux collectivités qui ne sont pas accompagnées sur cette mise en œuvre.
Les oublis sanctionnés
En matière de contrôle des mobilités professionnelles entre le public et le privé (15 000 agents et responsables publics concernés), la HATVP a rendu 581 avis. Dans le cas des départs vers le secteur privé, elle a émis des avis de compatibilité avec réserve dans 80 % des cas (autrement dit, la HATVP accepte la mobilité tout en y mettant des conditions) et des avis d’incompatibilité dans 6,3 % des dossiers (c’est-à-dire lorsqu’aucune mesure de prévention en matière de conflits d’intérêts n’a été prise).
À noter que la HATVP a une cellule de veille sur les mobilités. En cas de non respect de la saisine obligatoire par les personnes concernées et/ou de situation potentielle de conflits d’intérêts, l’intervention de l’HATVP peut conduire à l’annulation, sans indemnité, du contrat signé dans le privé par la personne venant du public. En 2022, 4 dossiers ont été transmis à la justice.
Un encadrement des lobbys à améliorer
L’encadrement de représentants d’intérêts, surtout au niveau local qui n’existe que depuis le 1er juillet 2022 reste plus problématique. 2 584 entités sont inscrites dans le répertoire (+ 8 % par rapport à 2021).
Mais l’année 2022 a été marquée par « une forte augmentation du nombre de mises en demeure », relève la HATVP dans son rapport. S’agissant du répertoire concernant les collectivités locales (de 100 000 habitants et plus, soit 42 communes et 130 EPCI à fiscalité propre concernés), « il est encore trop tôt pour en faire le bilan et il est important que les autorités locales s’approprient [ce nouveau répertoire], estime Didier Migaud. La HATVP va publier de nouvelles lignes directrices. »
La Haute autorité fait 11 propositions d’amélioration de la transparence de la vie publique. Elle demande en particulier une modification du dispositif d’encadrement des lobbys qui s’avère encore trop flou actuellement. Didier Migaud espère que l’année 2023, qui marque les dix ans d’existence de la HATVP, permettra de mettre sur les rails un nouveau texte législatif.
Un colloque organisé en octobre à l’Assemblée nationale pour fêter cet anniversaire pourrait en être le point de départ.