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Le 9 mai 2045 : Le français a prêté hier serment Sur la constitution de la nouvelle fédération Européenne qui entre ainsi en vigueur Dans dix anciens états. Il s’agit de l’épilogue d’une longue marche de trente années.
« Face aux eurosceptiques, Macron a réalisé l’union de tous les partis pro-européens dans un Mouvement pour l’Europe. »
« Le rêve de Victor Hugo est enfin devenu une réalité ! » C’est par ces mots prononcés d’une voix émue qu’Emmanuel Macron, le premier président de la Fédération Européenne (FE) s’est présenté devant le parlement à Bruxelles, ce 8 mai 2045. Le moment était, il est vrai, solennel. En prêtant serment, le Français a donné officiellement naissance à un nouvel Etat, regroupant dix anciens Etats-Nations de la vieille Europe. « Cent années après que les armes se sont tues en Europe, les Européens ont définitivement fait le choix de la paix, de la coopération et de la stabilité », a proclamé le nouveau chef de l’Exécutif européen qui a appelé de ses voeux les autres Etats de l’Union européenne à « faire les efforts nécessaires pour rejoindre cet espace fédéral. »
Pour Emmanuel Macron, ce moment est le couronnement d’un combat de trois décennies. « Voici trente ans, personne n’aurait parié sur l’existence d’une Europe fédérale. Mais à force de détermination, de compromis et de sacrifices, nous avons relevé ce défi », a affirmé Emmanuel Macron. Il a rappelé comment, jeune ministre de l’Economie français en 2015, il avait travaillé pour obtenir la création en 2020 du poste de ministre des Finances de la zone euro dont il fut le premier occupant.
Le défi d’une vie
Nommé pour cinq ans, Emmanuel Macron va devenir l’homme fort de l’Europe. Intraitable sur les questions budgétaires, il n’hésite pas à sanctionner sévèrement les écarts, comme en 2021, lorsqu’il condamne la France à payer une amende de 2 % de son PIB. En 2023, il expulse sans ménagement de la zone euro la Grèce, qui ne peut rembourser une échéance due à ses créanciers européens. Durant l’été 2023, Emmanuel Macron en profite pour proposer, à Kirchheimbolanden, une petite ville de Rhénanie, un pacte à Angela Merkel, réélue en 2021 pour la 5e fois : la mise en place d’une union des transferts contre l’interdiction de tout déficit budgétaire, des réformes structurelles de grande envergure et un nombre limité d’Etats participants. Berlin accepte le principe, mais veut des actes. Or, en France, la situation économique se dégrade rapidement. En mai 2024, le président de la République, Bruno Lemaire, doit démissionner devant la montée de la grogne sociale. Emmanuel Macron décide alors de se présenter avec pour programme son « pacte de Kirchheimbolanden ».
Face aux eurosceptiques, il réalise l’union de tous les partis pro-européens dans un « Mouvement pour l’Europe » (MpE) et est élu à l’Elysée en novembre 2024. Il engage alors immédiatement une thérapie de choc : libéralisation du temps de travail laissé à l’appréciation des entreprises, fin des CDI, mise en place de la retraite à 69 ans par capitalisation, privatisation partielle de la sécurité sociale et réduction de 30 % des dépenses publiques en 5 ans. Un tiers des fonctionnaires sont placés en réserve pendant deux ans, puis licenciés. La garantie de l’emploi est ôtée aux autres. La fiscalité française sur les entreprises est alignée au 1er janvier 2026 sur celle de l’Allemagne, mais le taux principal de TVA est relevé à 26 %.
Eurobonds et ministre des finances européen
Face aux manifestations parfois violentes et aux grèves, Emmanuel Macron reste ferme et joue le pourrissement. En 2027, l’Allemagne, bluffée, accepte de signer un nouveau traité européen, à Offenburg, en pays de Bade. Ce traité prévoit la création d’une « Fédération Européenne » qui regroupe les pays de la zone euro les plus avancés. Cette fédération est dotée d’un Trésor dirigé par un ministre des Finances qui reçoit une partie des recettes fiscales, peut émettre des « Eurobonds » et détermine les orientations de la politique économique de la FE. Un « Conseil des Sages », constitué des présidents de la BCE et de la Cour de justice européenne et de représentants des économistes, des patrons et des syndicats, est chargé de déterminer les Etats membres de la FE et de nommer le ministre. « Grâce à cette autorité indépendante, les erreurs « politiques » comme l’entrée de la Grèce dans l’UE en 1981 ne seront pas possibles et la stabilité est assurée », explique Emmanuel Macron.
Ce dernier, profite en juin 2028 de la ratification du traité d’Offenburg pour mener une réforme constitutionnelle plus large. Les réformes économiques et fiscales sont intégrées dans la Constitution dans un nouveau Titre II : « De la stabilité économique et politique ». Une loi électorale inspirée du système britannique est également gravée dans le marbre et permet au MpE de compter sur de confortables majorités. En 2029, Emmanuel Macron peut laisser Gaspard Gantzer, son Premier ministre, prendre l’Elysée pour se faire nommer ministre des Finances de la FE. Il s’attache alors à comprimer les dépenses des Etats et à obtenir plus de transferts pour son Trésor. Le rôle économique des Etats s’efface peu à peu au profit de la FE. L’assurance chômage unique dégressive de six mois est créée et une politique industrielle volontariste est tentée, parfois avec succès. Les investissements fédéraux financent la relance de l’industrie de la chaussure en France qui devient en 2036 premier producteur mondial. La Belgique obtient la construction des bus connectés européens, qui se vendent dans le monde entier. Enfin, la FE fait de la Finlande le champion de la coutellerie électronique.
L’échec du référendum constitutionnel de 2039
Emmanuel Macron juge pourtant son œuvre inachevée. Il veut démocratiser la FE et lui donner un sens politique. En 2035, trente ans après l’échec de 2005, il propose une nouvelle Constitution européenne. Ce texte prévoit de faire de la FE un Etat à part entière, « fondé sur la compétitivité et la stabilité » et concentrant les politiques étrangères, environnementales, économiques et sociales. L’entrée dans cet ensemble est irréversible et les anciens Etats membres deviennent des régions fédérées. Cet Etat sera dirigé par un président élu pour 5 ans qui nommera un gouvernement. Au nom de la stabilité, le parlement peut rejeter les lois présentées par le gouvernement à la majorité des deux tiers, mais il ne peut renverser le gouvernement et n’a pas l’initiative des lois, réservée au seul président.
Alors que le pays traverse une grave crise économique, ce texte est rejeté par référendum par les Français en avril 2039 à 55 %, ouvrant une nouvelle crise politique. Emmanuel Macron revient alors en 2040 se faire réélire à l’Elysée sur un mot d’ordre : « Il n’y a pas et il n’y aura pas de plan B. » Le texte est représenté en juin 2041 et est à nouveau rejeté à 52 %. Mais Emmanuel Macron ne cède pas : « Il n’y a pas de destin français hors de l’Europe », affirme-t-il. En octobre 2042, tel un nouveau De Gaulle, il menace de démissionner en cas de nouveau « non » et prévient que ce serait alors la fin de la Fédération et de l’euro.
Cette fois, le « oui » l’emporte par 50,04 % des voix.
L’élection du président européen est prévue en 2044. Conformément à la Constitution, les candidats doivent être parrainés par sept membres du gouvernement de cinq Etats différents et leur candidature doit être validée par le Conseil des Sages pour ne pas mettre en danger la stabilité économique. En 2044, quatre candidats satisfont à ces critères : Matteo Renzi, Louis Sarkozy, Karl-Theodor von und zu Guttenberg et Emmanuel Macron. Ce dernier est élu dès le premier tour avec 55,45 % des voix.
A la tête de ce nouvel Etat, il doit désormais relever d’immenses défis. Après la cérémonie, le nouveau ministre des Finances de l’Europe Fédérale, le jeune Allemand Ahmed Ramzadi, fils de réfugiés syriens, a prévenu : « L’avenir de la croissance européenne ne peut passer que par l’adaptation à la nouvelle donne économique mondiale du marché du travail grâce à de profondes réformes. » Le gouvernement devrait proposer une série de mesures d’ici l’été et, selon nos informations, elles devraient être « douloureuses » avec pour objectif ambitieux de retrouver pour la FE une croissance potentielle de 1 % en 2060.