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Banque de France dans le rouge : un déficit record en 2024 lié aux taux élevés de la BCE, le choc est brutal

mercredi 7 mai 2025

Avec une perte nette historique de 7,7 milliards €, la Banque de France accuse le coup des taux élevés imposés par la BCE

Dans son bilan 2023 publié jeudi 22 février, la Banque centrale européenne annonce avoir subi une perte de 1,3 milliard d’euros. En cause : sa politique de lutte contre l’inflation, qui a renchéri les intérêts qu’elle verse chaque année aux banques commerciales.

Que se passe-t-il en effet si la BCE annule d’un trait de plume les 2.320 milliards d’euros d’emprunts publics qu’elle porte à ce jour à son actif ? Si l’on veut éviter la « magie », cette suppression implique une autre écriture comptable : celle de réduire d’autant ses « fonds propres » du côté du passif. Ceux-ci s’élèvent fin 2019 à 566 milliards d’euros. Ils passeraient donc au négatif, pour un montant de 1.746 milliards d’euros. Ces « fonds propres » ont bien sûr une nature très différente de ceux d’une entreprise normale, d’où les guillemets : une banque centrale ne peut être mise en faillite puisque c’est elle qui détient par monopole la source inépuisable de la monnaie, avec laquelle elle peut toujours rembourser ses créanciers.
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Un trou historique de 7,7 milliards d’euros en 2024

La Banque de France affiche un résultat net négatif inédit : 7,7 milliards d’euros de perte pour l’exercice 2024. Ce chiffre constitue la première incursion dans le rouge depuis 2003, conséquence directe de la politique de taux d’intérêt élevés menée par la Banque centrale européenne (BCE). L’objectif de cette politique monétaire : ralentir l’inflation en freinant l’activité économique.

Cette stratégie, bien que cohérente avec le mandat de stabilité des prix, pèse lourdement sur les bilans des institutions centrales. Pour la Banque de France, il s’agit d’une perte opérationnelle de 17,9 milliards, atténuée partiellement grâce à 10,1 milliards d’euros prélevés sur ses réserves accumulées au fil des ans.

Une mécanique de taux défavorable aux banques centrales

Les conséquences de cette stratégie se lisent dans les marges compressées de l’institution. Au cours de la dernière décennie, la Banque de France a accumulé des obligations à faible rendement, autour de 0,7 %, pendant les années de taux bas. Simultanément, elle doit désormais rémunérer les dépôts des banques commerciales au taux directeur fixé par la BCE, qui a culminé à 4 % avant de redescendre.
Ce déséquilibre structurel entre revenus et charges d’intérêts conduit mécaniquement à un déficit. En 2023, une première alerte avait déjà été déclenchée avec une perte opérationnelle de 12,4 milliards, intégralement couverte cette fois.

Une contribution gelée au budget de l’État

La perte nette empêche tout versement d’impôt sur les sociétés ou de dividendes à l’État, ce qui prive le Trésor public de recettes habituelles. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a toutefois voulu rassurer : selon lui, la situation est temporaire, et l’institution « retrouvera un résultat positif dans un nombre limité d’années », sans donner de calendrier précis.

Aucun besoin de recapitalisation publique n’est envisagé à ce stade. L’État, en tant qu’actionnaire, devra néanmoins patienter avant de voir la banque centrale redevenir une source de revenus budgétaires.

Un contexte monétaire et géopolitique instable

La succession des chocs économiques — crise sanitaire, puis guerre en Ukraine — a conduit la BCE à alterner entre politiques accommodantes et resserrements. Dans une première phase, les taux ont été abaissés pour soutenir l’économie, ce qui a mené à des achats massifs d’actifs à faible rendement. Puis, l’envolée des prix en 2022-2023 a forcé la BCE à resserrer brutalement sa politique, créant un effet ciseau sur les bilans des banques centrales.
La Banque centrale allemande n’échappe pas au phénomène : elle a annoncé le 25 février une perte historique de 19,2 milliards d’euros, la première depuis 1979.

L’or restera dans les coffres

Interrogé sur la possibilité d’utiliser les réserves d’or pour combler les pertes, François Villeroy de Galhau a écarté cette option, confirmant que la Banque de France ne vendra pas son or. Assise sur un stock conséquent, l’institution préfère préserver ses actifs stratégiques et faire face au déficit en comptant sur un retournement futur de cycle.

Dans un environnement toujours marqué par une forte volatilité des taux et des incertitudes géopolitiques, la situation des banques centrales européennes met en lumière les fragilités du modèle actuel. L’heure est à la prudence, tant pour les finances publiques que pour les stratégies monétaires à venir.

BD OR

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